Le succès du médiateur de l’AMF ne se dément pas

Publié le 17/05/2017

La médiatrice de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Marielle Cohen-Branche, a présenté son rapport annuel d’activité le 25 avril dernier. Le nombre de dossiers traités a grimpé de 18 %. Lorsque le médiateur rend un avis favorable, soit dans près de la moitié des dossiers relevant de sa compétence, il est suivi dans 95 % des cas !

La médiation ne remplacera jamais le juge, mais nombreuses sont actuellement les réflexions qui concluent à la nécessité de la promouvoir en tant que mode alternatif de résolution des litiges. Et à ce titre, certains exemples de médiation illustrent assez bien l’intérêt de la démarche. C’est le cas à l’AMF. Le médiateur est en réalité une médiatrice. Il s’agit de Marielle Cohen-Branche, ancienne juriste de banque et conseiller extraordinaire à la Cour de cassation. Elle est compétente pour traiter ce qui relève de l’AMF, c’est-à-dire des cas relatifs à la commercialisation des produits financiers, à la gestion de portefeuille, à la transmission des ordres de bourse et à l’épargne salariale. En revanche, sont exclus les dossiers de banque et d’assurance qui relèvent d’autres autorités. C’est toute la difficulté de l’imbrication des différentes activités que recouvre la finance et qui peut parfois dérouter le consommateur. Cela n’empêche pas le succès de cette médiation. Ainsi dans son rapport pour 20161, Marielle Cohen-Branche a traité 1 515 dossiers (+ 18 % par rapport à 2015), ou 1 418 si l’on met de côté les litiges de masse que sont par exemple les affaires de fonds à formule dans lesquelles plusieurs victimes souffrent d’un préjudice lié au même produit ou service. Sur les 1 515 dossiers traités, 896 relevaient du champ de compétence du médiateur, soit une augmentation de 20 %. Ils ont donné lieu à 534 avis, dont 250 partiellement ou totalement favorables aux demandeurs (47 %). Dans 95 % des cas, ces avis favorables ont été suivis par les deux parties. Quant aux 284 avis défavorables, ils n’ont été contestés que dans 4 % des cas. Les avis sont rendus dans un délai de 40 jours à partir du moment où le dossier est complet. Autant dire que la médiation à l’AMF marche bien.

Alerte au trading spéculatif

Parmi les sujets qui mobilisent l’attention du médiateur, figurent les propositions de trading spéculatif faites aux particuliers par l’entremise des fameuses publicités sur internet « Devenez Trader ». Celles-ci incitent le public à apprendre le trading, notamment sur le marché Forex (marché des devises convertibles), un marché totalement inadapté aux particuliers mais que la directive MIF leur a rendu accessible en dérégulant le secteur. Ces propositions émanent soit d’acteurs non agréés, souvent liés à des réseaux de criminalité internationale et qui relèvent de la compétence du juge pénal, soit d’acteurs financiers ayant reçu des agréments, plus ou moins de complaisance, à Chypre et qui, grâce au passeport européen, peuvent proposer leurs services en France. Le médiateur est en première ligne pour constater les dégâts de ce trading spéculatif sur des consommateurs non aguerris. Car non seulement ces investissements sont beaucoup trop risqués pour des néophytes, mais en plus les sociétés qui en font la promotion utilisent des techniques commerciales relevant, selon les termes mêmes du médiateur, d’un « système de manipulation psychologique ». Les commerciaux attirent les clients en dénonçant la faiblesse des rendements traditionnels, proposent au départ des mises modérées de quelques centaines d’euros, offrent des rapports mirifiques, puis poussent les clients à investir de plus en plus jusqu’à ce qu’ils estiment que le maximum a été soutiré et deviennent injoignables. Les pertes minimales sont de 5 000 €, la moyenne est de l’ordre de 11 000 €, mais cela peut dépasser 90 000 € dans certains cas ! Marielle Cohen-Branche a donc tiré la sonnette d’alarme et l’AMF a obtenu, dans la loi Sapin 2, que ces sociétés soient interdites de publicité. Conséquence, le médiateur constate en 2016, pour la première fois, une diminution du nombre de victimes du trading spéculatif qui le saisissent. Pour les sociétés non agréées, il passe de 89 en 2015 à 56 l’an dernier, tandis que le nombre de victimes de sociétés agréées diminue de 139 à 116. En 2016, le médiateur est parvenu à récupérer 823 733 € pour le compte des personnes qui l’ont saisi, ce qui représente 79 % des sommes perdues. Marielle Cohen-Branche attend avec impatience l’entrée en application, le 3 janvier 2018, du règlement européen MIFIR dont l’article 42 donnera à tous les régulateurs nationaux le droit d’interdire le Forex et les options binaires. Mais le médiateur met en garde sur le fait que les tentatives d’escroquerie, endiguées sur le Forex, semblent déjà se déplacer vers les biens divers (terres, diamants…), et sont proposées par des sociétés qui usent des mêmes tactiques que sur le Forex à une nuance près : ce sont des sociétés fantômes contre lesquelles le médiateur est impuissant.

Écrêtement, une autre façon de dire « frais »

Autre sujet qui mobilise Marielle Cohen-Branche : l’épargne salariale. « La législation est extrêmement pointilleuse et complexe », souligne celle-ci, mais comme il n’existe que deux teneurs de compte, nous avons réussi à mettre en place des relations suivies », se félicite-t-elle. L’une des difficultés récurrentes dans ce domaine concerne la question des frais de tenue compte. Quand un salarié quitte une entreprise, il ignore souvent qu’on va lui facturer des frais de garde pour son épargne salariale. Des épargnes de faibles montants peuvent ainsi être quasiment absorbées en quelques années par lesdits frais. L’AMF a obtenu que la loi Macron oblige les teneurs de comptes à en informer les épargnants. Mais ceux-ci continuent d’utiliser un vocabulaire inadapté. Ils parlent en effet d’écrêtement. « C’est juridiquement le terme exact, convient Marielle Cohen-Branche, le problème c’est que c’est incompréhensible pour les salariés, il faut parler tout simplement de frais » ! L’autre difficulté porte sur l’exercice par les salariés de leur choix d’affectation des sommes, souvent non réalisé ou tardivement. Ces dossiers sont en hausse : 186 en 2016 contre 160 l’année précédente. Marielle Cohen-Branche a également évoqué des cas de saisine plus spécifiques. Par exemple, concernant la banque en ligne, elle souligne que les informations légales ne doivent pas seulement être mises à disposition sur l’espace dédié du client mais donner lieu à une démarche proactive de la banque par mail ou sms. Autrement dit, ces informations sont portables et non quérables. Autre cas intéressant, celui du client de banque à qui son conseiller indique qu’il lui offre les frais pendant un an et qui reçoit quelques semaines plus tard un courrier précisant que le conseiller n’avait pas ce pouvoir et que les frais continueront donc d’être facturés. C’est la jurisprudence du mandat apparent que vient précisément d’entériner la réforme du droit des obligations. Il n’appartient pas au client d’une banque de vérifier l’étendue des pouvoirs de son conseiller. La remise lui est donc due car la banque est engagée par son salarié, même si celui-ci a dépassé ces pouvoirs. Tels sont quelques exemples des interventions réalisées par cette juriste aguerrie et férue de négociation pour trouver des solutions aux problèmes de ceux qui la saisissent. Les établissements acceptent, dans la plus grande partie des cas, de faire « un geste commercial ».

Pour le médiateur de l’AMF, c’est une période de transition. La directive européenne relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Dans ce cadre, le médiateur de l’AMF a été le premier médiateur public agréé le 13 janvier 2016. Ils ne sont, à l’heure actuelle, que deux en France avec celui de l’énergie. Le problème c’est que plusieurs systèmes coexistent. Outre le médiateur public, il y a des médiateurs sectoriels, par exemple en assurance, et des médiateurs internes aux établissements. Conscientes de l’excessive complexité pour le consommateur de trouver le bon médiateur quand il en existe plusieurs sur des domaines de compétence identiques, l’AMF et l’ACPR ont mis à jour leurs recommandations et instructions relatives à l’information que les établissements doivent donner à leurs clients sur le sujet. Elles prennent effet au 1er mai de cette année. L’inobservation de ces dispositions est sanctionnée d’une amende de 15 000 €. En attendant que les choses s’éclaircissent un peu, Marielle Cohen-Branche se fait un devoir de transmettre au plus vite le dossier à son collègue compétent en cas d’erreur d’aiguillage.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Le rapport annuel du médiateur est en ligne sur le site de l’AMF à la rubrique « Le médiateur », www.amf-france.org.
  • 2.