Les conditions de reprise d’un acte passé au nom ou pour le compte d’une société en formation : un important revirement jurisprudentiel
Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.
En présence d’un acte dans lequel il n’est pas expressément mentionné qu’il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas qu’il soit conclu au nom ou pour le compte de la société et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits.
Cass. com., 29 nov. 2023, no 22-12865
Cass. com., 29 nov. 2023, no 22-21623
Cass. com., 29 nov. 2023, no 22-18295
Bien que dépourvues de personnalité juridique, faute d’être immatriculées ou de ne pas l’être encore, les sociétés en participation, créées de fait ou en formation, ne sont pas exclusives d’engagements de la part de leurs membres à l’égard des tiers1. S’agissant de celles en cours de constitution, elles n’acquièrent la capacité de contracter et n’engagent donc leur responsabilité qu’au moment de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS)2.
Pour autant, avant d’accéder à la vie sociale, une société en formation, quelle qu’elle soit, est souvent amenée à contracter afin de démarrer son activité : acquisition de biens meubles ou d’un immeuble nécessaire à son exploitation, signature du bail d’un local dans lequel sera installé le siège social, ouverture d’un compte bancaire3… Ce constat qui relève de l’évidence est depuis fort longtemps mis en exergue par la doctrine4.
À ce propos, le législateur a instauré des procédures permettant à la société de reprendre, avec effet rétroactif5, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, les actes conclus par ses fondateurs pendant la période de formation, ceux-ci étant alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société6.
Les textes applicables en la matière, les articles 1842, alinéa 1er, du Code civil et L. 210-6, alinéa 1er, du Code de commerce, comportent deux aspects : d’un côté, le principe, à savoir l’engagement des personnes qui ont agi au nom d’une société non immatriculée ; de l’autre, l’exception, c’est-à-dire la reprise par la société immatriculée, des actes accomplis par celles-ci. Reste à déterminer à quelles conditions cette reprise peut intervenir pour connaître la valeur du principe et, par conséquent, apprécier la portée des dispositions se rapportant à l’émergence de la personnalité morale des sociétés.
En ce qui concerne le mécanisme de la reprise, il met en jeu trois types d’intérêts : celui de la société dont on veut faciliter l’accession à la vie juridique et le bon démarrage économique, sans toutefois grever son budget ; celui des associés, du mandataire ou du fondateur intervenant pour le compte de ces derniers qui souhaitent faire assumer par la société immatriculée l’engagement pris en son nom durant l’époque initiale dite de formation ; celui des tiers contractants7 qui se trouvent confrontés à une partie de substitution8. En cela, les actes accomplis durant la période constitutive d’une société en formation suscitent un contentieux abondant9.
La mise en œuvre des articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce est débattue dans trois arrêts de la Cour de cassation du 29 novembre 2023 qui apportent une contribution évidente à cette question, eu égard à leur importance sans conteste. Ils peuvent être analysées sous deux aspects : d’une part, les données et le contexte des litiges (I) ; d’autre part, la résolution et la portée des litiges (II).
I – Les données et le contexte des litiges
Les trois décisions de justice commentées puisent leur origine dans des litiges ayant trait à la validité d’actes (bail commercial ou promesse de cession de parts sociales), consentis par des sociétés en cours de constitution. La question posée aux juges à tous les stades de la procédure, en cassation auprès de la chambre commerciale et préalablement en appel10, est de savoir si, pour être susceptibles de reprise, les actes accomplis par une société en formation doivent expressément être accomplis « au nom » ou « pour le compte » de cette dernière.
1. Le premier arrêt (Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-12865, Sté Bypa) a pour protagoniste un couple qui, par acte notarié du 21 janvier 2019, a consenti un bail commercial à une société en formation (Bypa). Selon cet acte, la société était en cours d’identification au SIREN et l’opération était réalisée au nom et pour le compte de la société en formation dans le cadre des dispositions des articles L. 210-1 à L. 210-9 du Code de commerce et de celles du décret n° 67-236 du 23 mars 1967. En outre, il y était mentionné que « la société était représentée à l’acte par ses seuls futurs associés ». La société fut immatriculée le 18 juillet 2019, avec pour associés deux sociétés.
Les relations entre les gérants de celles-ci s’étant détériorées, l’un des associés et son représentant assignèrent la société Bypa et l’autre associé et son propre représentant en annulation du bail commercial. Celle-ci fut accueillie par la cour d’appel de Dijon par arrêt du 6 janvier 2022 (CA Dijon, 6 janv. 2022, n° 20/01499) au motif que le contrat avait été signé par les représentants de la société et pas au nom de cette société en formation, alors que celle-ci n’était pas encore constituée.
Saisie du litige, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel pour défaut de base légale au regard des articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce. Elle fait grief à la décision de seconde instance d’y avoir porté atteinte, en annulant le bail conclu en période de constitution de la société cadre du litige. La juridiction du second degré avait estimé à tort que les associés fondateurs de la société n’avaient jamais eu cette qualité.
2. Le deuxième arrêt (Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-21623, Sté Holding BSP) concerne un acte sous seing privé des 10 et 11 septembre 2018, prorogé par un avenant du 24 septembre 2018, et par lequel une personne a consenti à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) représentée par son gérant une promesse de cession de parts d’une société exploitant une résidence hôtelière implantée en Polynésie. Cette société, constituée le 24 août 2018 et immatriculée au RCS le 1er octobre 2018, avait pour gérant une personne physique détentrice de l’entièreté du capital de l’unique associé, une société par actions simplifiée (SAS).
Le 18 mars 2019, le conseil du promettant a adressé au notaire chargé de l’établissement de l’acte de cession une lettre exprimant le refus de son client de signer l’acte réitératif. L’acte n’ayant pas été signé, l’EURL, après avoir vainement mis en demeure le cédant de s’exécuter, avait saisi le tribunal en vue d’obtenir l’exécution forcée de la promesse de cession de parts.
En seconde instance, la cour d’appel de Papeete avait rejeté la demande de nullité du compromis de cession et ordonné l’exécution de la promesse. Elle avait relevé que l’acte des 10 et 11 septembre 2018 avait été signé par le gérant de l’EURL en cours d’immatriculation et qu’il résultait des correspondances produites, dont la teneur n’était pas contestée, que le cédant avait été clairement informé, avant la signature de cet acte et de son avenant, que le gérant avait agi pour le compte d’une société en formation.
Cette juridiction avait estimé que, en dépit de la rédaction impropre de ces actes quant à la désignation du cessionnaire, la commune intention des parties était que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que celle-ci puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits.
La Cour de cassation, s’appuyant également sur les textes sus-énoncés, à savoir les articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce, a rejeté le pourvoi formé par le promettant contre l’arrêt d’appel de la cour de Papeete à qui elle reprochait d’y avoir porté atteinte.
3. Le troisième arrêt (Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-18295, Sté C. N.) concerne un bail commercial conclu le 28 avril 2016 par madame X avec une SAS en cours de formation qui, immatriculée le 15 juin 2016, fut mise en liquidation judiciaire le 16 février 2021. Par une ordonnance du 23 avril 2021, le juge-commissaire autorisa la cession du fonds de commerce de la SAS. Prétendant que ce bail était entaché de nullité, madame X avait agi en annulation de celui-ci, laquelle avait été rejetée par la cour d’appel de Paris dans sa décision du 18 novembre 2021 (CA Paris, 18 nov. 2021, n° 21/08774). À l’appui de celle-ci, la juridiction de seconde instance avait énoncé que la SAS avait conclu ce contrat en spécifiant expressément qu’elle était en formation et que, par une décision expresse des associés, c’est-à-dire par la signature des statuts. Ceux-ci avaient entendu reprendre les actes passés par elle et en particulier le contrat litigieux, ajoutant que cette reprise des actes indiqués dans les statuts était automatique, à condition que les statuts soient signés et la société immatriculée, ce qui avait été le cas s’agissant de la SAS.
Statuant à son tour sur cette affaire, à la suite du pourvoi formé par la bailleresse invoquant la violation des articles 1842 et 1843 du Code civil et L. 2106 du Code de commerce, la chambre commerciale a cassé la décision de la cour d’appel de Paris, là encore au visa des articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce.
II – La résolution et la portée des litiges
1. À l’appui de ces différents dispositifs, la Cour de cassation argue du motif fondé sur les articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de Commerce dont il résulte que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au RCS. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits ; l’immatriculation à elle seule ne suffit donc pas à emporter reprise automatique, en dépit d’une clause du contrat signé pour le compte d’une société en formation stipulant pareille reprise, mais considéré comme inefficace, dès lors qu’aucune des procédures de reprise prévue par les textes n’a été suivie11. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.
En revanche, une personne qui est intervenue à un contrat simplement comme « représentante » d’une société en formation n’est pas considérée comme ayant signé le contrat au nom de celle-ci. Elle n’a donc pas à répondre de cet acte, à l’inverse d’un acte valable mais non repris impliquant la personne ayant agi « au nom » ou « pour le compte » de la société12.
La rigueur de la solution retenue jusqu’ici était vivement critiquée en raison de ses effets indésirables, plus précisément, pour avoir été parfois utilisée par les parties afin de se soustraire à leurs engagements, en omettant ou en ne prenant pas sciemment la précaution d’indiquer expressément avoir agi « au nom » ou « pour le compte » de la société. En outre, elle fragilisait les sociétés démarrant leur activité au lieu de les protéger, sans toutefois protéger suffisamment les tiers cocontractants qui, confrontés à l’annulation de l’acte, ne pouvaient s’en prendre à un quelconque débiteur.
S’agissant précisément de la reprise, jusqu’à l’intervention des arrêts rapportés, la Cour de cassation estimait constamment depuis fort longtemps que n’étaient susceptibles d’être repris par la société après son immatriculation que les engagements expressément souscrits « au nom »13 ou « pour le compte »14 de la société en formation. Faisant une application stricte de ce principe, elle rejetait des formulations telles que celles selon lesquelles la société contractante était « en cours d’enregistrement »15 ou « en cours d’immatriculation »16. Autrement dit, elle jugeait insuffisantes ces énonciations pour établir que l’acte litigieux avait été conclu selon l’expression consacrée, « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation.
2. Cette orientation jurisprudentielle tendait à assurer la sécurité des relations juridiques en exigeant la mention expresse selon laquelle pour être repris l’acte conclu devait l’avoir été « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation. Elle protégeait à la fois :
• le tiers contractant en attirant son attention sur la possibilité d’un avenir plus ou moins proche d’une substitution de plein droit, c’est-à-dire « sans qu’aucune formalité juridique soit nécessaire » ou « sans qu’il soit nécessaire de manifester de volonté, d’accomplir de formalité » et rétroactive de débiteur ;
• l’auteur de l’acte, en lui faisant prendre conscience qu’il s’engageait personnellement et demeurait tenu si la société ne reprenait pas les engagements préalablement souscrits.
Il s’ensuivait :
• d’une part, qu’était frappé de nullité un acte non expressément passé en respectant la formule exigée, mais simplement « par » la société avant son immatriculation donc sans avoir la personnalité juridique, même s’il ressortait des mentions de l’acte ou des circonstances que l’intention des parties avait été que l’acte fut accompli en « son nom » ou pour « son compte »17 ;
• d’autre part, que ni la société, ni la personne qui avait entendu agir pour son compte n’avaient à répondre de son exécution, à la différence d’un acte valable, mais non repris par la société, qui engageait les personnes ayant agi « au nom » ou pour le « compte » de celle-ci.
En conséquence, comme cela a été jugé, un cocontractant pouvait se prévaloir de la nullité d’une convention ainsi conclue et, celle-ci n’étant pas susceptible de confirmation ou de ratification, son irrégularité ne pouvait être couverte18 par des actes d’exécution intervenus après l’immatriculation de la société. Dès lors, il y avait eu lieu d’annuler à la demande d’un fournisseur le contrat de fourniture conclu non pour le compte d’une société en formation mais par une société non immatriculée, donc dépourvue de personnalité morale. En effet, le contrat avait été établi à l’en-tête de la société sans mentionner qu’elle était en cours de formation et sans indiquer que son fondateur agissait pour le compte de celle-ci19. La nullité affectant les actes conclus par une société dépourvue d’existence juridique est d’ordre absolu20.
3. C’est la raison pour laquelle la chambre commerciale énonce la solution précitée à trois reprises, opérant ainsi un véritable revirement de jurisprudence. Elle ajoute même que la validité de l’acte passé pour le compte d’une société en formation n’implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la forme et comporte les associés mentionnés, le cas échéant, dans l’acte litigieux (Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-12865 – Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-18295). Dès lors, il appartenait aux cours d’appel de rechercher s’il ne résultait pas non seulement des mentions de l’acte mais aussi de l’ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des parties était que l’acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation.
À propos justement de ce point, dans la première affaire (Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-12865, Sté Bypa), la chambre commerciale statue sur une autre question : la société en formation à propos de laquelle l’acte a été souscrit doit-elle obligatoirement présenter les mêmes caractéristiques que celles de la société immatriculée en définitive ?
Dans cette espèce, la société immatriculée qui envisageait de reprendre les actes passés n’était pas la même que celle pour le compte de laquelle les actes avaient été souscrits ; la première était une société par actions simplifiée (SAS), tandis que la seconde revêtait la forme d’une société à responsabilité limitée (SARL). De plus, l’identité des associés était différente ; l’un des deux associés, initialement une personne physique, était en fin de compte une personne morale ayant comme associé unique cette même personne physique.
À cette interrogation, le juge régulateur apporte une réponse négative de principe, sous réserve toutefois d’une fraude ou d’un dol ; il n’est pas nécessaire que les sociétés visées offrent des particularités identiques. En cela, l’actuel arrêt se situe dans le prolongement d’une décision antérieure par laquelle elle avait admis que soit repris un acte conclu par une société en formation et mentionnant qu’il s’agissait d’une SAS, mais que finalement une SARL avait été immatriculée21. Cette décision présentait une particularité en ce que le changement de forme sociale avait été conseillé par le cocontractant qui pensait que la reprise n’était pas possible. La décision du 29 novembre 2023 présentement commentée érige la solution en principe.
4. Selon la nouvelle tendance, il ne résulte pas explicitement des textes régissant le sort des actes passés au cours de la période de formation que l’acte doit expressément et à peine de nullité mentionner qu’il est passé « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation. En conséquence, il s’avère possible et souhaitable de reconnaître dorénavant au juge le pouvoir d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l’acte qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits.
Bien que ces décisions de la Cour de cassation émettent l’idée en vertu de laquelle il convient dorénavant de rechercher « la commune intention des parties », le revirement semble concerner tous les cas de reprise, notamment celle qui résulte d’un mandat donné aux fondateurs de souscrire des actes et que l’immatriculation emporte reprise automatique, sans que soit nécessaire une décision de la société.
Bien qu’elles assouplissent le formalisme de reprise des actes, elles n’en modifient pas pour autant le mécanisme. La procédure requise en la matière demeure donc la même, à savoir l’une des suivantes, exclusive d’une reprise implicite22 :
• la signature des statuts, sous réserve qu’ait été présenté aux associés avant celle-ci et leur soit annexé un état indiquant l’engagement qui résulte de chacun des actes pour la société23 ;
• le mandat donné avant l’immatriculation de la société et déterminant la nature ainsi que les modalités des engagements à prendre24 ;
• la décision prise à la majorité des associés après l’immatriculation de la société25.
Conclusion. Ces trois arrêts révèlent une fois de plus, après les nombreux contentieux relevés au fil du temps, les difficultés soulevées par les actes accomplis durant cette période transitoire qui invitent les intéressés à la plus grande vigilance dans ce domaine. Ils constituent une nouvelle étape constitutive d’un revirement de jurisprudence et justificative de la légende FS-BR26, dans la connaissance de la question relative à la reprise des actes accomplis dans le cadre d’une société en formation. En cela, la Cour de cassation opère ici une importante avancée jurisprudentielle dans l’élaboration des conditions de reprise des engagements souscrits préalablement à l’immatriculation d’une société et qui contribue à dissiper les incertitudes qui accompagnent la société en formation27.
En définitive, ces décisions de justice constituent un signal fort adressé aux juridictions du fond, afin qu’elles tiennent compte à l’avenir des nouvelles dispositions du mécanisme de reprise, faute de quoi leurs décisions s’exposeraient à une censure de la part de la Cour de cassation, si bien que la question débattue pourrait resurgir au sein des prétoires. Elles traduisent un renforcement de l’office du juge qui se voit ainsi contraint en pareille circonstance, non seulement de rechercher la commune intention des parties, plutôt que de s’arrêter « au sens littéral de ces termes », reprenant ainsi les termes de l’article 1188, alinéa 1er, du Code civil28, mais encore de privilégier celle-ci sur la mention expresse « au nom » ou « pour le compte » des parties.
Notes de bas de pages
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1.
D. Gibirila, « L’engagement à l’égard des tiers des associés des sociétés non-immatriculées », Dr. et patr. févr. 2023, n° 332, p. 12 ; v. aussi, N. Mathe, « Société en formation, société en participation et société créée de fait », in D. Gibirila (dir.), « La société en participation », Journ. sociétés 2019, n° 176, p. 16.
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2.
C. civ., art. 1842, al. 1er – C. com., art. L. 210-6, al. 1er.
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3.
E. Garaud, « L’ouverture d’un compte de chèques au nom d’une société en formation », BJS juill. 1992, n° 236, p. 728.
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4.
E. Paillet, « L’activité de la société en formation », Rev. sociétés 1980, p. 419.
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5.
Pour un ex. de rétroactivité, Cass. 3e civ., 7 avr. 2016, n° 15-10881 : Lexbase Hebdo 19 mai 2016, n° 466, éd. Affaires, note D. Gibirila ; Rev. sociétés 2016, p. 523, note B. Saintourens ; BJS nov. 2016, n° BJS115s0, note H. Barbier.
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6.
C. civ., art. 1843 – C. com., art. L. 210-6, al. 2.
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7.
D. Gibirila, « La société en formation et la protection des tiers », LPA 19 juill. 1989, p. 16.
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8.
Pour un ex., Cass. com., 21 mars 2018, n° 15-29377 : JCP E 2018, n° 27, 1361, note C. Barillon ; Dr. sociétés 2018, comm. 119, note R. Mortier.
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9.
J.-J. Ansault, « Dans les méandres des actes accomplis pour le compte d’une société en formation », in J.-J. Ansault (dir.), « La période de formation de la société », Journ. sociétés 2014, n° 117, p. 19.
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10.
CA Dijon, 6 janv. 2022, n° 20/01499 – CA Papeete, 8 sept. 2022, n° 19/00450 – CA Paris, 5-9, 18 nov. 2021, n° 21/08774.
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11.
Cass. 3e civ., 15 oct. 2015, n° 13-24355 : BJS déc. 2015, n° BJS114h9, note J.-F. Barbiéri.
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12.
Cass. com., 18 nov. 2020, n° 18-23239 : GPL 30 mars2021, n° GPL401j0, note G. Mézache ; Rev. sociétés 2021, p. 505, note J.-F. Barbiéri – en ce sens, Cass. com., 10 juin 2020, n° 18-16441 : BRDA 14/2020, n° 3.
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13.
Cass. com., 22 mai 2001, n° 98-19742 – Cass. com., 21 févr. 2012, n° 10-27630 : Lexbase Hebdo 22 mars 2012, n° 289, éd. Affaires, note J.-B. Lenhof ; BJS juin 2012, n° 70, p. 472, note B. Dondero – Cass. com., 13 nov. 2013, n° 12-26158.
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14.
Cass. com., 11 juin 2013, n° 11-27356 : RJDA 10/2013, n° 796 – Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-15618.
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15.
Cass. com., 13 nov. 2013, n° 12-26158.
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16.
Cass. 3e civ., 22 mars 1995, n° 93-11981.
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17.
Cass. 3e civ., 5 oct. 2011, nos 09-70571 et 09-72855 : BJS déc. 2011, n° 550, p. 948, note P. Le Cannu ; LPA 20 févr. 2012, p. 14, note H. Martron – Cass. com., 21 févr. 2012, n° 10-27630 : Bull. civ. IV, n° 49 ; Lexbase Hebdo 22 mars 2012, n° 289, éd. Affaires, note J.-B. Lenhof ; BJS juin 2012, n° 270, p. 472, note B. Dondero.
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18.
Cass. com., 9 janv. 2019, n° 17-15386 : BJS mars 2019, n° BJS119p4, note J.-F. Barbièri. Cass. com., 21 mars 2018, n° 15-29377 : Rev. sociétés 2019, p. 106, note T. de Ravel d’Esclapon ; RTD civ. 2018, p. 875, note H. Barbier ; RTD com. 2018, p. 698, note A. Lecourt.
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19.
CA Douai, 6 juill. 2017, n° 16/02902, le contrat conclu par une société en formation, comme si elle était déjà créée et non pour son compte, est entaché d’une nullité absolue.
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20.
Cass. com., 21 févr. 2012, n° 10-27630 : Bull. civ. IV, n° 49 ; Lexbase Hebdo 22 mars 2012, n° 289, éd. Affaires, note J.-B. Lenhof ; BJS juin 2012, n° 270, p. 472, note B. Dondero.
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21.
Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-68142 : RJDA 11/2010, n° 1075 ; BJS nov. 2010, n° 193, p. 882, note J.-J. Barbiéri ; Dr. sociétés 2010, comm. 196, note M.-L. Coquelet ; RLDA oct. 2010, n° 3045, chron. C. Lebel.
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22.
Cass. com., 20 janv. 1987 : Bull. civ. IV, n° 28 – Cass. com., 12 juill. 2004, n° 01-16801 : RJDA 1/2005, n° 34 – Cass. 3e civ., 30 mars 2023, n° 21-25920 : RJDA 7/2023, n° 372 ; T. de Ravel d’Esclapon, « Pour une reprise implicite des actes accomplis pour le compte de la société en formation », RTD com. 2018, n° 4, p. 1.
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23.
C. com., art. R. 210-5, al. 1er et 2 – C. com., art. R. 210-6, al. 1er et 2, pour les SARL et les sociétés par actions – D. n° 78-704, 3 juill. 1978, art. 6, al. 1er et 2, pour les sociétés en nom collectif, en commandite simpleetles sociétés civiles – C. com., art. R. 210-7, pour certaines sociétés par actions constituées avec offre au public.
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24.
D. n° 78-704, 3 juill. 1978, art. 6, al. 3, pour les sociétés en nom collectif ou en commandite simpleetles sociétés civiles – C. com., art. R. 210-5, al. 3, pour les SARL.
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25.
Cass. com., 12 févr. 1974 : Rev. sociétés 1974, p. 493, note J. Hémard – Cass. com., 10 oct. 1984 : Rev. sociétés 1985, p. 821, note J.-J. Burst.
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26.
FS (arrêt rendu en formation de section) ; B (arrêt indiqué en « flash » dans le Bulletin d’information de la Cour de cassation) ; R (arrêt mentionné dans le rapport de la Cour de cassation).
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27.
I. Tchotourian, « À propos du flou entourant les rapports internes d’une société en formation », LPA 7 sept. 2000, p. 4 ; B. Saintourens, « L’acte juridique accompli pour une société en formation : le royaume des incertitudes », in Mélanges en l’honneur du professeur Jean Hauser, 2012, LexisNexis, p. 1019.
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28.
« Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes ».
Référence : AJU012b0