L’information RSE en progrès, les rémunérations à la traîne
L’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié le 17 novembre dernier son 3e rapport sur l’information sociale, sociétale et environnementale (RSE), en même temps que son 13e rapport sur le gouvernement d’entreprise et les rémunérations des sociétés cotées. La RSE progresse, tandis que le gouvernement d’entreprise appelle des commentaires, notamment sur la pratique des administrateurs indépendants, la parité et la rémunération des dirigeants.
Un avocat associé d’un cabinet qui conseille l’entreprise dans un projet majeur d’acquisition ne peut pas être considéré comme un administrateur indépendant au sein du conseil de cette même entreprise. Ce constat est issu du 13e rapport annuel de l’AMF sur le gouvernement d’entreprise dans les sociétés françaises. La société concernée figure parmi les 62 groupes cotés (35 sociétés du CAC 40 et 27 du bas du SBF 120) dont l’AMF a étudié les pratiques et l’information en matière de gouvernement d’entreprise en 2015. Les administrateurs indépendants constituent l’un des points marquants de l’étude. Selon la définition du code AFEP-MEDEF, « un administrateur est indépendant lorsqu’il n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement ». Cela signifie par exemple ne pas être client, fournisseur ou banquier significatif de l’entreprise. « Pour que les investisseurs puissent apprécier la qualité d’indépendance des administrateurs, il est essentiel que les sociétés présentent les critères retenus par le conseil pour apprécier le caractère significatif des relations d’affaires », note la présentation du rapport. Or précisément, l’AMF constate que cinq sociétés (sur les 62 de l’échantillon) n’apportent aucune information sur les critères d’appréciation du caractère significatif des relations d’affaires, tandis que cinq autres présentent une information incomplète. Elle épingle surtout un groupe dont le cas intéressera les avocats qui sont de plus en plus appelés à devenir administrateurs indépendants. Le groupe en question qualifiait un avocat d’administrateur d’indépendant en fournissant des précisions relatives à l’existence de « murailles de Chine » au sein du cabinet d’avocats ainsi qu’au montant des honoraires perçus par ce cabinet au titre des prestations réalisées pour le groupe. Pas suffisant aux yeux de l’AMF qui observe : « Néanmoins, eu égard à la nature des relations d’affaires entretenues entre la société et ce cabinet d’avocats, la qualification d’indépendance de l’administrateur concerné apparaît très discutable. L’AMF considère en effet que le fait d’être avocat associé d’un cabinet qui conseille une entreprise dans un projet majeur d’acquisition, (…), apparaît incompatible avec la qualification d’administrateur indépendant ».
La place des femmes doit progresser
Autre sujet d’attention cette année, la place des femmes dans les conseils d’administration. La loi exige que leur proportion atteigne 40 % à l’issue des assemblées générales de 2017 (20 % exigés en 2014), étant précisé que toute nomination effectuée en violation de ces dispositions en 2017 sera nulle et entraînera la privation des jetons de présence. Or l’AMF constate qu’il y a 35,2 % de femmes dans les conseils. Il convient donc de progresser et vite ! Elle souligne par ailleurs un décalage qu’elle qualifie de « très important » entre leur représentation au sein du conseil et leur présence dans les plus hautes fonctions (directeur général, présidence non-exécutive…).
Le troisième sujet d’attention cette année porte, mais c’est assez récurrent, sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux. Outre des exemples de non-conformité au code AFEP-MEDEF sur l’appréciation de la performance, l’AMF s’intéresse surtout au say on pay. Cette procédure de consultation des actionnaires sur la rémunération individuelle des dirigeants mandataires sociaux, intégrée en juin 2013 dans le code AFEP-MEDEF est appliquée en France depuis 2014. Elle implique pour l’instant uniquement un vote consultatif des actionnaires sur les rémunérations dues ou versées à l’occasion de l’exercice clos. Mais la loi dite Sapin II qui vient d’être votée va durcir le mécanisme en exigeant un vote ex ante contraignant sur les critères de rémunération, suivi d’un vote ex post contraignant aussi sur les éléments effectivement versés. En l’état, l’AMF note que le taux d’approbation par les actionnaires des rémunérations est en hausse à 90,6 % contre 86,7 % en 2015 pour le CAC 40. Elle souligne toutefois que deux sociétés de l’échantillon, Renault et Alstom, ont vu leurs actionnaires rejeter les résolutions portant sur les rémunérations de leurs présidents respectifs. En conséquence, l’AMF préconise de renforcer l’exhaustivité de l’information et sa précision sur les rémunérations, sujet qui laisse encore à désirer.
RSE : une information mature
Concernant les informations RSE, l’AMF qui n’est pas tenue de dresser un rapport annuel mais a choisi de le faire, constate que « la RSE est de plus en plus placée au cœur de la stratégie des émetteurs et considérée comme un véritable levier de performance à long terme ». Ici l’échantillon porte sur 60 sociétés cotées dont 30 PME-ETI. En l’état, les sociétés ont l’obligation de publier des informations RSE dans le rapport de gestion (décret Grenelle 2) et de les faire vérifier par un organisme indépendant. En pratique ce sont souvent les commissaires aux comptes qui interviennent. À l’heure actuelle, ces informations sont réparties sur différents supports : document de référence, site internet, rapport ad hoc, voire rapport intégré pour les plus avancées (document de synthèse qui présente la stratégie et les principaux chiffres et renvoie aux autres documents). Globalement, l’AMF salue « un reporting de plus en plus mature, bien qu’encore en cours de déploiement voire de construction ». Autrement dit, l’information est prise au sérieux par les groupes cotés qui y consacrent en moyenne 33 pages (soit + 40 % par rapport à 2013). L’AMF souligne particulièrement la transparence méthodologique des indicateurs et les efforts pour fournir des objectifs chiffrés, même si le suivi dans le temps des informations fournies pourrait être amélioré. Peu de recommandations viennent compléter ce rapport en raison des nombreuses modifications législatives et réglementaires attendues l’an prochain ; il s’agit essentiellement de la loi sur la transition énergétique et de la directive européenne sur l’information extra-financière. Toutefois, le rapport préconise quand même de mieux décrire le rôle de la RSE dans la stratégie de l’entreprise et de travailler sur l’articulation entre l’information financière et extra-financière.