Modification de jurisprudence pour la promettante d’une cession d’action

Publié le 23/03/2023
Modification de jurisprudence pour la promettante d'une cession d'action
Court of Cassation on Seine in Paris, France

La Cour de cassation jugeait depuis de nombreuses années que la levée de l’option par le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (Cass. 3e civ., 15 déc. 2009, n° 08-22008, Cass. com., 13 sept. 2011, n° 10-19.526).

Cependant, à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un contrat, préalable au contrat définitif, qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien.

Par ailleurs, le législateur est intervenu, par l’ordonnance du 10 février 2016, non amendée sur ce point par la loi de ratification du 20 avril 2018, pour modifier la sanction de la rétractation illicite du promettant, en prévoyant à l’article 1124, alinéa 2, du Code civil que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. Si, conformément à son article 9, les dispositions de l’ordonnance précitée ne sont applicables qu’aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, il apparaît nécessaire, compte tenu de l’évolution du droit des obligations, de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, à l’instar de la troisième chambre civile (Cass. 3e civ., 23 juin 2021, n° 20-17554 et Cass. 3e civ., 20 oct. 2021, n° 20-18514), que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l’ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire.

En l’espèce, la promettante d’une promesse de cession d’actions soutient qu’un tel revirement ne devrait pas pouvoir être appliqué de façon immédiate au présent litige sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée au principe de sécurité juridique ainsi qu’au droit à un procès équitable et au droit au respect des biens, tels que garantis par la Conv. EDH.

Toutefois, les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante (CEDH, 18 déc. 2008, n° 20153/04, Unédic c/ France). En effet, une évolution de jurisprudence n’est pas en soi contraire à une bonne administration de la justice, dans la mesure où l’absence d’une approche dynamique et évolutive serait susceptible d’entraver tout changement ou amélioration (CEDH, 26 mai 2011, n° 23228/08, Legrand c/ France).

Il en résulte que la société promettante ne peut se prévaloir d’un droit définitivement acquis, dès lors que l’arrêt de la cour d’appel, qui a rejeté la demande d’exécution forcée en nature de la vente, était, en tout état de cause, susceptible d’un pourvoi en cassation selon les formes et délais prévus par le code de procédure civile. Le nouvel état du droit, issu du revirement de la troisième chambre civile, n’était pas imprévisible. En effet, une très grande majorité de la doctrine l’appelait de ses vœux et la réforme du droit des contrats, intervenue antérieurement à la rétractation de sa promesse, qui y a mis fin pour les contrats conclus à compter de son entrée en vigueur, confirmant ainsi les doutes préexistants quant au bien-fondé, et donc au maintien, de la jurisprudence antérieure. Le revirement consacré par la présente décision n’a donc pas pour effet de priver, même rétroactivement, la société promettante de son droit à un procès équitable.

En outre, le grief soulevé par celle-ci sous l’angle du droit au respect des biens, la promettante ne dispose pas en l’espèce d’une créance exigible, dans la mesure où l’arrêt de la cour d’appel n’a pas acquis de caractère irrévocable, et n’a pas davantage une « espérance légitime » de ne pas être condamnée à l’exécution forcée du contrat conclu, compte tenu de la controverse qui existait sur la jurisprudence antérieure et de la réforme du droit des contrats qui y a mis fin pour l’avenir.

Enfin, les conséquences du revirement pour la promettante n’apparaissent pas disproportionnées dès lors qu’en l’état de la jurisprudence antérieure, celle-ci aurait dû, en tout état de cause, payer des dommages et intérêts pour réparer le préjudice causé par sa faute, d’un montant destiné à replacer, autant que possible, la bénéficiaire de la promesse dans la situation qui aurait été la sienne si la promettante ne s’était pas rétractée de façon illicite.

Par conséquent, il y a lieu d’appliquer à la présente espèce le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l’expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.

Sources :
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