Pratiques anticoncurrentielles dans le domaine de la téléphonie mobile

Publié le 02/03/2023

Pratiques anticoncurrentielles dans le domaine de la téléphonie mobile

La société Orange commercialise dans la zone Antilles-Guyane des services de téléphonie fixe et d’accès à l’internet haut débit. Cet opérateur de télécommunications mobiles a bénéficié d’un monopole de fait pour les services de téléphonie mobile dans la même zone jusqu’au mois de décembre 2000, date d’arrivée de concurrents sur ce marché.

Une société concurrente saisit le Conseil de la concurrence d’une plainte, avec demande de mesures conservatoires, aux fins de voir constater et condamner des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par Orange.

En premier lieu, l’arrêt retient que les différentes pratiques mises en œuvre se sont cumulées dans le temps et se sont renforcées les unes les autres, contribuant toutes à un résultat global et unique constitué par l’obstacle au développement de la société concurrente sur le marché antillo-guyanais de la téléphonie mobile, portant atteinte à sa croissance et c’est dans l’exercice souverain de son pouvoir d’appréciation que la cour d’appel, qui relève l’existence d’un seul et même préjudice de développement causé par différentes pratiques fautives, décide que son évaluation devait être effectuée de manière globale.

En deuxième lieu, l’arrêt énonce qu’en application du principe de la réparation intégrale, il convient de placer la partie lésée dans la situation où elle se serait trouvée si l’infraction ne s’était pas produite, ce qui conduit à construire un scénario contrefactuel de ce qu’aurait été l’évolution normale du marché si les pratiques n’avaient pas existé. Il décrit les scenarii élaborés par les deux experts de la société concurrente, fondés, l’un, sur l’estimation de ce qui se serait produit en l’absence d’infraction en s’intéressant à la période qui a suivi la fin des pratiques en la comparant à la situation réelle pendant la période au cours de laquelle l’infraction a produit ses effets, l’autre, sur la comparaison d’autres marchés géographiques similaires à celui de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane pour évaluer la part de marché qui aurait été celle de la société concurrente en l’absence des pratiques. Il répond aux critiques formulées par les sociétés Orange sur la méthode et les hypothèses de ces scenarii, en les écartant, et, relevant que les deux méthodes aboutissent approximativement à la même évaluation du préjudice, retient celle conduisant à la somme la moins élevée.

En l’état de ces énonciations, dont il résulte que le préjudice subi par un opérateur présent sur un marché faussé par des pratiques de fidélisation, de discrimination tarifaire et d’exclusivité abusives verrouillant l’accès à la clientèle consiste en une limitation des ventes dont le montant a été reconstitué, par la mise en œuvre de méthodes contrefactuelles, admises par la doctrine économique et reposant nécessairement sur des hypothèses dont la pertinence a été débattue par les parties et analysée par l’arrêt, sur la base d’un fonctionnement du marché qui n’aurait pas été faussé par les comportements fautifs relevés, la cour d’appel décide exactement que ce préjudice n’était pas une perte de chance mais un gain manqué.

En troisième lieu, justifie sa décision l’arrêt qui retient que si les sociétés Orange reprochent aux rapports des experts de ne pas avoir pris en compte des facteurs extérieurs aux pratiques qu’elles avaient mises en œuvre, ni la stratégie commerciale de la société concurrente ni sa politique d’investissement n’expliquent l’insuffisance de la part de marché de cette dernière. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient Orange, le comportement propre de la société concurrente n’a eu aucun rôle causal dans son préjudice, ni dans sa survenance, ni dans son étendue.

L’entreprise victime de pratiques d’éviction a droit à la réparation du préjudice en résultant. Elle peut, en outre, demander la réparation d’un préjudice additionnel né, le cas échéant, de la perte de chance de réemployer, avec rémunération, les sommes dont elle a été privée. Lorsque la perte de chance invoquée est prise de l’impossibilité de réaliser un investissement, dont l’indemnisation demandée est estimée à la rentabilité moyenne des capitaux investis dans le secteur considéré, il appartient à la victime d’établir le caractère certain et direct de cette perte de chance, en prouvant la réalité du projet d’investissement qui n’a pu être réalisé ainsi que l’impossibilité de le financer autrement que par les sommes dont elle a été privée.

En cet état, c’est à bon droit, sans inverser la charge de la preuve et sans méconnaître le principe d’effectivité du droit de l’Union, que la cour d’appel a subordonné la réparation de la perte de chance invoquée à la démonstration de l’impossibilité du financement des projets en cause par d’autres sources que les sommes dont la société concurrente a été privée du fait des pratiques mises en œuvre par les sociétés Orange, seule à même d’établir le caractère certain de cette perte et son lien direct avec les pratiques fautives.

Sources :
Rédaction
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