Qui prétend avoir souffert d’une pratique anticoncurrentielle doit le prouver
L’Autorité de la concurrence ayant déclaré établi que plusieurs sociétés avaient enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du Code de commerce ainsi que celles de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en mettant en œuvre, dans le secteur de la distribution des commodités chimiques en France, une entente anticoncurrentielle visant à stabiliser leurs parts de marché et à augmenter leurs marges par le biais de répartitions de clientèles et de coordinations tarifaires et ayant notamment sanctionné une société pour sa participation à l’entente, une autre société de distribution de commodités chimiques assigne la société sanctionnée aux fins de la voir condamner à l’indemniser des préjudices qu’elle prétend avoir subis en raison de cette entente en ses qualités tant de concurrente que de cliente des sociétés ayant participé à ladite entente.
En premier lieu, le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour objet la protection du libre jeu de la concurrence sur le marché et, dès lors, la caractérisation d’une telle pratique n’induit pas nécessairement, qu’un préjudice ait été causé aux opérateurs actifs directement ou indirectement sur ce marché.
Il s’en déduit que, sans préjudice de la présomption réfragable, prévue à l’article L. 481-7 du Code de commerce, la partie qui soutient qu’une pratique anticoncurrentielle lui a causé un préjudice, doit en rapporter la preuve.
En second lieu, après avoir rappelé que, dans sa décision, l’Autorité de la concurrence a constaté que les pratiques en cause étaient déclinées en niveau de zones géographiques infranationales en fonction de l’implantation des dépôts des différents acteurs de l’entente et que le sud-ouest a échappé à l’emprise de la concertation, et relevé que la société demanderesse a pour zone de chalandise le sud-ouest, l’arrêt retient que les marchés de la distribution de commodités chimiques sont régionaux en raison des coûts de transport et des délais de livraison, que les ventes ne sont compétitives que dans un rayon de 200 km autour du dépôt et que la société demanderesse n’explicite pas en quoi les pratiques sanctionnées de répartition de clientèle, de fixation de tarifs communs et de coordination tarifaire pour des zones géographiques différentes de sa zone de chalandise ont directement affecté son activité dans cette zone.
Examinant ensuite si ces pratiques illicites ont néanmoins pu avoir un impact indirect sur l’activité de cette société en permettant, grâce à une meilleure rentabilité résultant de l’entente, à ceux des participants à l’entente qui sont actifs dans le sud-ouest, de financer une croissance externe, de disposer ainsi d’un pouvoir de marché plus important et de se développer à son détriment, l’arrêt écarte comme non documenté l’argument tiré des économies de frais de conquête ou de maintien de clientèle. Il retient que la preuve, par la société, de la perte de ses fournisseurs en exclusivité n’est pas rapportée.
En l’état de ces constatations et appréciations, la cour peut retenir que la société demanderesse ne rapporte pas la preuve que l’entente lui a causé les préjudices qu’elle invoque.
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