Responsabilité d’une société de conseil en investissement

Une société de conseil en investissement financier ayant préconisé à une société cliente des investissements dans des sociétés ultérieurement mises en liquidation, la cliente assigne en nullité de la souscription pour dol, méconnaissance des règles relatives au démarchage bancaire et financier et manquement à l’obligation d’information, le président de la société de conseil, la société elle-même et le liquidateur et, à titre subsidiaire, en paiement de dommages et intérêts.
Il résulte de l’article L.341-1 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 que les dispositions de ce code sur le démarchage bancaire ou financier ne s’appliquent pas au démarchage d’une personne morale lorsque celui-ci a été précédé par une prise de contact sollicité par cette dernière.
La cour d’appel qui retient qu’il n’est pas établi que la société de conseil ou son président avait pris contact avec la société cliente sans avoir été invitée par celle-ci en vue d’obtenir de sa part son accord sur la réalisation de l’investissement litigieux, en déduit exactement déduit que la cliente, personne morale, ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 341-1 précité.
Il résulte de l’article L. 541-8-1 du Code monétaire et financier et l’article 325-5 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur, que les conseillers en investissements financiers (CIF) doivent agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients, exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de service adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs, veiller à comprendre les instruments financiers qu’ils proposent ou recommandent et veiller à ce que toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur.
Pour rejeter la demande de la cliente pour manquement à l’obligation d’information de la société d’investissement, l’arrêt retient qu’un placement financier est aléatoire par nature, ce que rappelle le rapport de préconisation remis à l’investisseur et signé par lui, que le CIF n’est tenu que d’une obligation de moyen, de sorte que sa responsabilité ne peut être mise en cause au seul motif que l’investissement se serait révélé finalement défaillant ou n’aurait pas permis à l’investisseur de réaliser le rendement escompté. Il ajoute que la cliente a reçu, de la société d’investissement, avant de régulariser sa souscription de l’investissement, une documentation sur les sociétés dans lesquelles elle investissait, la documentation précisant bien l’objet de l’investissement, à savoir le refinancement de la dette liée à l’acquisition d’un l’hôtel, sans que la cliente n’établisse qu’elle aurait été informée de ce que la SCA aurait été elle-même propriétaire des murs, la référence, dans la lettre de préconisation, à un modèle économique reposant sur l’achat de murs et de fonds de commerce, et à un actif tangible, à savoir l’hôtel, n’étant pas à cet égard suffisant au regard de l’objet social tel qu’il vient d’être rappelé et pouvait, de surcroît, être compris le gérant de la société cliente et investisseur averti.
En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l’information fournie par la société d’investissement était exacte, claire et non trompeuse, faisant clairement apparaître que la SCA dans laquelle elle proposait à son client d’investir n’était pas propriétaire de l’actif immobilier dont elle refinançait la dette, que le capital n’était pas garanti et que la société qui bénéficiait de l’investissement consentait des promesses de rachat d’actions à tous les investisseurs dans les différentes SCA du groupe, la cour d’appel ne donne pas de base légale à sa décision.
Aux termes de l’article 31 du Code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Il résulte de l’article L. 223-22 du Code de commerce que la responsabilité personnelle du gérant d’une SARL à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute détachable de ses fonctions. Il en est ainsi lorsque le gérant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales.
Viole ce texte la cour d’appel qui, pour dire irrecevables les demandes formées à l’encontre du gérant de la société d’investissement, et fondées sur l’existence d’un dol et d’un manquement à l’obligation d’information qui seraient constitutifs d’une faute détachable de ses fonctions, retient qu’il n’est pas établi que ce dernier soit intervenu en son nom et non en celui de la société d’investissement, alors que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
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