Saisie de documents relatifs à une médiation effectuée par des avocats

Publié le 17/03/2025 à 6h27

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Un plaignant, qui avait accepté d’un proche d’une personnalité Qatar, membre du gouvernement de cet État la remise en dépôt de pièces compromettantes pour cette dernière, est arrêté et emprisonné au Qatar. Son épouse restitue une partie des pièces et rentre en France, où elle mandate un cabinet d’avocats pour obtenir la libération de son époux. D’autres pièces étant conservées en France, le directeur adjoint des services de renseignement qataris propose la signature d’un protocole d’accord en échange de la libération du plaignant. Des négociations sont alors menées par les avocats des plaignants avec les avocats français de la partie qatarie. Après restitution des dernières pièces par le truchement des avocats, le plaignant est libéré et assigné à résidence, et deux protocoles transactionnels sont signés entre les plaignants et la personnalité qatarie. Après le retour du plaignant en France, un JLD autorise le juge d’instruction à procéder à des perquisitions au cabinet et au domicile des avocats intervenus dans les négociations.

L’une des perquisitions donne lieu à opposition à la saisie de divers documents de la part des deux délégués du bâtonnier de l’ordre des avocats qui y ont assisté mais le JLD ordonne le versement au dossier de la procédure des cinq scellés litigieux.

Le bâtonnier de l’ordre des avocats forme un recours contre cette décision.

Pour confirmer le versement au dossier de la procédure des scellés numéros deux à cinq, l’ordonnance attaquée, après avoir décrit le contenu des documents saisis, énonce que ceux-ci sont à examiner à la lumière des faits dénoncés, relatifs à la restitution, en échange de sa libération, de documents confidentiels que le plaignant avait reçus d’une autre personne et mis à l’abri, qu’ils permettent d’établir une chronologie de ces faits ainsi que les activités, interactions et évolution de position des différents protagonistes, outre la chronologie de l’intervention des avocats, qu’ils concernent la négociation d’un protocole d’accord et son exécution, un courrier d’avocat se rapportant à la remise de supports informatiques et un autre soulignant que, les conditions posées étant remplies, le plaignant ne devait pas être empêché de quitter le Qatar sauf à remettre en cause les efforts réalisés.

Le président de la chambre de l’instruction conclut que ces documents, en lien avec les infractions dénoncées, sont utiles à la manifestation de la vérité, qu’ils entrent dans le périmètre de l’ordonnance d’autorisation de perquisition du JLD et qu’ils ne relèvent pas des droits de la défense.

En effet, si, hormis l’exception jurisprudentielle réservant le cas où la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, l’article 56-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale prohibe la saisie de documents relevant de l’exercice des droits de la défense et couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, il résulte de ce texte que les documents qui ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense, bien que couverts par le secret professionnel en cause, demeurent saisissables.

En l’espèce, en premier lieu, le président de la chambre de l’instruction s’est assuré que la saisie concernait des documents en lien avec les infractions mentionnées dans la décision autorisant la perquisition.

En second lieu, constatant que les avocats étaient intervenus dans un litige privé pour permettre amiablement la restitution de documents et le retour en France du plaignant et qu’ils n’avaient pas assuré la défense pénale de celui-ci devant les juridictions du Qatar, il a pu, sans insuffisance ni contradiction, exclure que les documents saisis relèvent de l’exercice des droits de la défense.

Et les procès-verbaux d’audition d’avocats qui ont été établis à l’occasion d’une enquête déontologique à laquelle le bâtonnier a décidé de procéder à leur égard n’entrent pas dans les prévisions de l’article 66-5, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, qui réserve le secret professionnel aux consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, aux correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception de celles portant la mention « officielle », aux notes d’entretien et plus généralement à toutes les pièces du dossier.

Par ailleurs, le caractère confidentiel de tels procès-verbaux n’exclut pas qu’ils soient saisissables au regard des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale.

Sources :
Rédaction
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