QPC : procréation médicalement assistée et règles de reconnaissance de parentalité

Publié le 21/05/2024

QPC : procréation médicalement assistée et règles de reconnaissance de parentalité

Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Un des objets de loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a été d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ayant un projet parental et d’en tirer les conséquences sur le plan de la filiation des enfants nés d’un tel projet, de manière à leur assurer une filiation sécurisée ayant les mêmes effets et ouvrant les mêmes droits que la filiation fondée sur la vraisemblance biologique et la filiation adoptive.

Dans la rédaction issue de cette loi, l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique dispose que l’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental, que celui-ci émane d’un couple formé d’un homme et d’une femme, d’un couple formé de deux femmes ou de toute femme non mariée, sans distinction selon la cause pathologique ou structurelle de l’infertilité conduisant à y recourir.

Au regard de l’accès à la procréation par assistance médicale avec tiers donneur, les couples formés d’un homme et d’une femme et les couples formés de deux femmes peuvent donc être considérés comme étant placés dans une situation identique.

En revanche, pris sous l’angle de la situation du parent d’intention et des enfants nés selon ce mode de conception, ceux-ci ne se trouvent pas placés dans la même situation au regard de la vraisemblance biologique du lien de filiation, sur laquelle sont construites les règles du titre VII du livre I du Code civil.

Tenant compte de cette différence de situation, le législateur a opté pour un mode spécifique d’établissement de la filiation vis-à-vis de la mère d’intention détaché de toute vraisemblance biologique et fondé sur le projet parental commun : la reconnaissance conjointe anticipée, régie par l’article 342-11 du Code civil.

Afin de sécuriser la filiation des enfants qui naîtraient de ce projet, il a prévu que cette reconnaissance conjointe se ferait devant le notaire lorsque celui-ci recueille le consentement des deux femmes à l’assistance médicale à la procréation.

Ainsi, s’iI résulte de l’article 342-11 du Code civil une différence de régime quant aux modes d’établissement de la filiation, d’une part, entre les couples formés d’un homme et d’une femme, et les couples formés de deux femmes, seuls ces derniers devant procéder à une reconnaissance conjointe avant même la conception de l’enfant pour que soit établie la filiation de l’enfant à naître à l’égard du parent d’intention, et, d’autre part, entre l’homme et la femme, parents d’intention, dès lors que la mère d’intention doit procéder à cette reconnaissance conjointe, avant la conception de l’enfant, alors que la filiation du père d’intention sera établie, par le jeu de la présomption de paternité ou par l’effet d’une reconnaissance personnelle qui peut intervenir à tout moment après la conception, cette différence de traitement, qui porte sur des situations différentes, est en rapport direct avec l’objet de la loi.

L’article 342-11 du Code civil ne porte donc atteinte ni au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ni au principe d’égalité entre homme et femme garanti par l’article 3 du Préambule de la Constitution de 1946.

Ensuite, elle ne porte pas non plus atteinte à la liberté personnelle garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dès lors qu’en consentant à l’assistance médicale à la procréation devant le notaire, la femme qui ne portera pas l’enfant, dans un couple de femmes, comme l’homme, dans un couple composé d’un homme et d’une femme, s’engagent à ce que leur filiation soit établie à l’égard des enfants qui naîtront du projet parental commun.

Le droit au respect de la vie familiale garanti par le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 n’est pas non plus atteint, le choix du législateur étant précisément de sécuriser la filiation de l’enfant dès l’origine du projet parental.

S’agissant des mentions relatives à la reconnaissance anticipée qui sont portées dans l’acte de naissance, elles ne figurent pas sur les extraits qui peuvent en être délivrés aux tiers, mais seulement sur les copies intégrales qui sont réservées à certaines personnes visées et aux conditions réglementées par l’article 30 du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l’état civil, modifié par le décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019, ce qui exclut toute atteinte particulière au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

Quant à l’atteinte au principe d’égalité et à un principe fondamental reconnu par les lois de la République de gratuité de l’établissement des actes de l’état civil, à le supposer existant, elle résulterait du caractère payant de l’acte notarié prévu par une disposition réglementaire qui ne peut être soumise au Conseil constitutionnel par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Sources :
Rédaction
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