Recevabilité de la tierce opposition de l’assureur du constructeur
Deux personnes, qui avaient confié à une entreprise la maîtrise d’œuvre complète de la construction d’une maison avec un garage en limite de voirie, réceptionnent les travaux sans réserve.
Plus de deux ans plus tard, se plaignant d’une erreur altimétrique de la construction les privant d’accès à leur garage, elles saisissent l’assureur du constructeur, qui décline sa garantie, puis assignent le constructeur en réparation, lequel ne constitue pas avocat.
Ce dernier est condamné à payer diverses sommes aux maîtres d’ouvrage puis radié du registre du commerce et des sociétés. Les maîtres d’ouvrage mettent alors son assureur dommages de payer le montant des condamnations prononcées à l’encontre de son assuré puis l’assignent en paiement.
L’assureur, quant à lui, forment tierce opposition au jugement condamnant son assuré à paiement.
La décision judiciaire condamnant l’assuré à raison de sa responsabilité constitue pour l’assureur de cette responsabilité la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est opposable, à moins de fraude à son encontre (Cass. 1re civ., 29 oct. 2014, n° 13-23506).
La fraude, qui rend recevable la tierce opposition de l’assureur à l’encontre de la décision judiciaire condamnant son assuré à réparation, peut être le fait de l’assuré ou du tiers victime (Cass. 1re civ., 27 avr. 1994, n° 92-10905), mais ne peut pas être déduite de la seule absence d’appel en la cause de l’assureur dans l’instance opposant le tiers lésé à l’assuré (Cass. 1re civ., 2 juill. 1991, n° 89-21622 et Cass. 2e civ., 22 oct. 2020, n° 19-21854).
La cour d’appel a relevé que l’assureur de responsabilité décennale du constructeur a opposé un refus de garantie aux maîtres de l’ouvrage au motif que le désordre d’altimétrie rendant impossible l’accès des véhicules aux garages, situés 45 cm plus haut que la voirie achevée, était apparent à la réception et n’avait fait l’objet d’aucune réserve, que les maîtres de l’ouvrage avaient ensuite assigné en réparation le seul constructeur, lequel n’avait pas constitué avocat, faisant ainsi ressortir que leurs demandes n’avaient été examinées qu’au vu de leurs seules pièces, avant de mettre l’assureur en demeure de payer le montant des condamnations prononcées contre le constructeur.
Retenant souverainement que les maîtres de l’ouvrage, qui connaissaient la position de non-garantie de l’assureur en raison du caractère apparent du désordre, ont délibérément omis de l’informer de l’instance engagée contre le constructeur ou de l’attraire dans la cause pour le mettre devant le fait accompli, elle caractérise, par ce seul motif, la fraude aux droits de l’assureur et en déduit exactement que sa tierce opposition est recevable.
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