Les locations de courte durée : après la question préjudicielle, la sanction

Publié le 19/02/2021

Une SCI propriétaire d’un studio Paris est assignée en justice pour être condamnée au paiement d’une amende et au retour de son bien à son usage d’habitation et le maire de la Ville de Paris intervient volontairement à l’instance. La Cour de cassation saisit la CJUE d’une question préjudicielle portant sur l’applicabilité de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, à la location, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d’un local meublé à usage d’habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile et, dans l’affirmative, sur l’applicabilité à une réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, de la directive et, le cas échéant, sur l’interprétation de cette directive au regard de ce code. Il résulte de la réponse de la CJUE (CJUE, 22 sept. 2020, n° C-724/18 et C-727/18, Cali Apartments SCI et HX c/ Procureur général près la cour d’appel de Paris et Ville de Paris), en premier lieu, que l’article L. 631-7, alinéa 6, du code précité, qui soumet à autorisation préalable le fait, dans certaines communes, de louer un local meublé destiné à l’habitation d’une manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionné à l’objectif poursuivi en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. Il satisfait donc aux exigences de la directive 2006/123. Hormis les cas d’une location consentie à un étudiant pour une durée d’au moins neuf mois, de la conclusion, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, d’un bail mobilité d’une durée de un à dix mois et de la location, pour une durée maximale de quatre mois, du local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur, le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale constitue un changement d’usage d’un local destiné à l’habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation préalable. Il s’ensuit que l’article L. 631-7, alinéa 6, du Code de la construction et de l’habitation répond aux exigences de clarté, d’objectivité et de non-ambiguïté de la directive. En dernier lieu, s’agissant de la conformité, aux exigences prévues à l’article 10 de la directive, des critères énoncés par le législateur pour encadrer les conditions d’octroi des autorisations, il convient de relever que le Code de la construction et de l’habitation, qui confie au maire de la commune de situation de l’immeuble la faculté de délivrer l’autorisation préalable de changement d’usage et attribue au conseil municipal le soin de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations, au regard des objectifs de mixité sociale en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, impose ainsi aux autorités locales de fixer les conditions d’obtention des autorisations en considération de l’objectif d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements. Il en résulte que les critères posés par l’article L. 631-7-1, alinéa 1er, pour encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes sont, en eux-mêmes, justifiés par une raison d’intérêt général. Les critères prévus par l’article L. 631-7-1, tels que mis en œuvre par la Ville de Paris, sont également conformes au principe de proportionnalité de l’article 10 de la directive. S’agissant du respect des conditions de clarté, de non-ambiguïté et d’objectivité prévues par la directive, l’article L. 631-7-1, s’il ne fixe pas lui-même les conditions de délivrance des autorisations, mais donne compétence à cette fin aux autorités locales, encadre les modalités de détermination par ces autorités des conditions d’octroi des autorisations prévues en fixant les objectifs poursuivis et en imposant les critères en fonction desquels les conditions d’octroi doivent être déterminées. Il est ainsi suffisamment clair et précis pour éviter le risque d’arbitraire dans la détermination des conditions de délivrance des autorisations par les autorités locales. S’agissant, enfin, des exigences de publicité préalable, de transparence et d’accessibilité des conditions d’octroi des autorisations, prévues par la directive, l’article L. 631-7-1 précité, en ce qu’il renvoie aux conseils municipaux le soin de déterminer les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage et le quantum éventuel des compensations, n’est pas contraire à ces exigences dès lors qu’en application de l’article L. 2121-25 du Code général des collectivités territoriales, les comptes rendus des séances du conseil municipal sont affichés en mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune concernée, ce qui permet à toute personne souhaitant solliciter une telle autorisation d’être informée des conditions de son obtention. Il s’ensuit que les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation sont conformes à la directive 2006/123 du 12 décembre 2006. La cour d’appel qui retient que le bien de la SCI a fait l’objet de locations de courte durée, épisodiques, à l’usage d’une clientèle de passage sans que n’ait été sollicitée d’autorisation de changement d’usage, en déduit à bon droit, sans violer le principe de primauté du droit de l’Union européenne, que celle-ci a enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation et encourt l’amende prévue par l’article L. 651-2 du même code. NOTE : La CJUE a validé, au regard du principe de proportionnalité, la possibilité pour une commune d’imposer une « compensation » au propriétaire qui voudraient obtenir une autorisation de changement d’usage, la réglementation de la Ville de Paris précisant à ce sujet que les locaux proposés en compensation doivent être de qualité et de surface équivalentes à celles faisant l’objet du changement d’usage, sauf dans le « secteur de compensation renforcée », où les locaux proposés en compensation doivent représenter une surface double de celle faisant l’objet de la demande du changement d’usage, sauf si ces locaux sont transformés en logements locatifs sociaux, auquel cas le coefficient est de un pour un, l’objectif étant de renforcer la mixité sociale.

Sources :
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