Délai de l’acheteur pour agir en réparation des vices cachés : prescription ou forclusion ?
Par trois arrêts destinés à la publication au rapport, la chambre mixte de la Cour de cassation tranche une question qui oppose les diverses chambres civile concernant l’action en reconnaissance de vices cachés.
Les clients d’un producteur agroalimentaire ayant soutenu qu’un gonflement anormal des poches que ce producteur acquiert auprès d’une société avait entraîné la détérioration de leurs produits, le producteur déclare le sinistre à son assureur qui diligente une expertise amiable.
Le producteur saisit une juridiction italienne qui désigne un expert le 24 septembre 2013 et le cessionnaire de sa créance indemnitaire assigne la société qui a vendu les poches et son assureur en réparation de son préjudice.
Aux termes de l’article 1648 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, l’action en réparation des vices cachés doit être intentée par l’acquéreur dans un bref délai, suivant la nature de ces vices et l’usage du lieu où la vente avait été faite.
L’article 3 de cette ordonnance a substitué à ce bref délai un délai biennal.
Dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 mars 2009, issue de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, l’article 1648 du Code civil prévoit, en son premier alinéa, que l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, en son second alinéa, que, dans le cas prévu par l’article 1642-1, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.
Dans ce second alinéa, le législateur a pris le soin de préciser qu’il s’agissait d’un délai de forclusion.
En revanche, il n’a pas spécialement qualifié le délai imparti par le premier alinéa à l’acheteur pour agir en garantie contre le vendeur en application de l’article 1641 du Code civil.
La Cour de cassation l’a parfois qualifié de délai de forclusion, parfois de délai de prescription.
Les exigences de la sécurité juridique imposent de retenir une solution unique pour laquelle, dans le silence du texte, il convient de rechercher la volonté du législateur.
L’objectif poursuivi par le législateur étant de permettre à tout acheteur, consommateur ou non, de bénéficier d’une réparation en nature, d’une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d’un vice caché, l’acheteur doit être en mesure d’agir contre le vendeur dans un délai susceptible d’interruption et de suspension, ce qui conduit la Cour à juger que le délai biennal prévu à l’article 1648, alinéa 1er, du Code civil est un délai de prescription, susceptible d’interruption et que la saisine de la juridiction italienne a interrompu la prescription jusqu’à l’ordonnance ayant désigné l’expert, l’action n’est pas prescrite.
NOTE : Voir aussi Cass. ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 20-10763, Cass. ch. mixte, 21 juill. 2023 n° 21-19936, Cass. ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-17789
Sources :