Réforme du régime des nullités en droit des sociétés
Prise en application de l’article 26 de la loi Attractivité du 13 juin 2024, l’ordonnance portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés a été publiée au Journal officiel du 13 mars 2025, conformément au délai de neuf mois qui était prévu par ladite loi. Cette réforme entend faire évoluer les nullités du droit des sociétés, dans leur champ d’application et leur régime, avec pour objectif de renforcer la sécurité juridique, en circonscrivant le risque de nullités, et les incertitudes de leur mise en œuvre.
Aux termes du rapport au président de la République, l’objectif de la réforme est double.
Sécurisation des décisions sociales et du cantonnement des nullités susceptibles de les affecter
L’automaticité du prononcé de la nullité est écartée au profit d’un « triple test », prévu au sein d’un nouvel article 1844-12-1 du Code civil. Ainsi, avant de prononcer la nullité le juge doit procéder :
- au contrôle du grief du demandeur, qui doit établir que l’irrégularité a lésé ses intérêts ;
- au contrôle de l’influence sur le sens de la décision ;
- à un contrôle de proportionnalité, qui met en balance les conséquences de l’irrégularité et celles de l’annulation de la décision.
L’ensemble de causes de nullité a été revu afin d’identifier celles qu’il apparaissait nécessaire de faire échapper au contrôle du juge. Dans ces hypothèses, l’application du dispositif de l’article 1844-12-1 nouveau est expressément écarté.
Le cantonnement se manifeste également par un encadrement des effets des nullités. Deux dispositifs sont prévus :
- le premier tend à généraliser des règles spécifiquement élaborées pour les sociétés par actions, en prévoyant que les irrégularités de désignation ou de composition d’un organe social n’entraînent pas, par elles-mêmes la nullité des décisions subséquentes ;
- le second, à portée générale, autorise le juge à différer dans le temps les effets de la nullité.
Enfin, le délai de droit commun de la prescription de l’action en nullité en droit commun des sociétés est réduit de trois à deux ans.
Dans cette même perspective, une attention particulière a été portée aux augmentations de capital dans les sociétés par actions, dont le régime des nullités est modifié. Ainsi, dans les sociétés cotées, l’action en nullité n’est plus possible dès la réalisation de l’augmentation de capital. Dans les autres sociétés, l’action en nullité est ouverte pendant un délai de trois mois, qui permet notamment de contester les opérations destinées à évincer irrégulièrement un fondateur ou des actionnaires minoritaires.
Simplification et clarification des nullités en droit des sociétés
Le régime des nullités repose actuellement sur deux séries de dispositions à vocation générale, au sein du Code civil (C. civ., art. 1844-10 et s.) et du Code de commerce (C. com., art. L. 235-1 et s.), ce qui est source de redondances et d’insécurité juridique. La réforme restitue aux articles 1844-10 et suivants du Code civil leur fonction de droit commun, en procédant à l’abrogation des dispositions de portée générale figurant dans le Code de commerce. Certains de ces dispositifs sont intégrés au Code civil ; d’autres sont relocalisés au sein du Code de commerce (restructurations et opérations sur capital).
L’ordonnance met le droit positif en conformité avec la directive du 14 juin 2017. Par mesure de simplification et de sécurisation, elle en étend le régime à l’ensemble des formes sociales.
Les « dispositions impératives » qui déterminent les causes de nullités virtuelles, sont circonscrites par un critère de localisation. L’article 1844-10 du Code civil subordonne la nullité à l’appartenance des dispositions impératives au titre IX du livre III du Code civil, et l’article L. 235-1 du Code de commerce renvoie au livre II du même code. Cependant, les contraintes du renvoi à un critère formel, tel que celui de la localisation de la règle, ont conduit la jurisprudence à s’en écarter. Dans une perspective de clarification, le critère matériel du « droit des sociétés », déjà retenu par la jurisprudence, remplace la règle de localisation.
La réforme tire également les conséquences des incertitudes exprimées par les praticiens quant à la terminologie « d’actes et de délibérations », issue de la loi du 24 juillet 1966. Aux « actes et délibérations » sont donc substituées les « décisions sociales », qui sont exclusives des conventions passées avec les tiers, ainsi que des avis, opinions ou recommandations émis par toute instance collective, instituée au sein de la société par la loi, les statuts ou de toute autre manière. Le régime des nullités des décisions sociales s’applique donc exclusivement aux actes décisionnels internes de la société. Parce qu’elles relèvent de la même logique, les nullités des assemblées d’obligataires sont soumises, par disposition spéciale, à ce même régime.
Enfin, après des évolutions jurisprudentielles récentes, la question de la nullité pour violation des statuts est également clarifiée. Un principe général d’exclusion est posé, qui réserve la possibilité de dispositions dérogatoires. En complément, et à la demande des praticiens, un dispositif spécial est mis en place pour les SAS. En ce qui les concerne, les statuts peuvent prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu’ils ont établies. L’action en nullité exercée sur ce fondement obéit au droit commun des nullités figurant au sein du Code civil.
Sources :