L’office du juge dans la protection des marques
Une société titulaire de la marque verbale européenne « Aquarelle » avait consenti à la société Aquarelle.com une licence non exclusive portant sur ces marques pour une exploitation du site internet « Aquarelle.com » destiné à la vente de fleurs et de produits de décoration florale. Une Société commerciale et touristique qui exerce également une activité de vente de fleurs, titulaire du nom de domaine « [03] » sur lequel elle propose aux consommateurs des bouquets de fleurs est assignée en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire par les sociétés Aquarelle et Aquarelle.com qui estiment que la réservation du mot-clé « Aquarelle» sur une plate-forme Google et le référencement naturel du site créent un risque de confusion avec leur marque.
Selon la CJUE, le titulaire d’une marque ne peut s’opposer à l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique à sa marque que lorsque cet usage porte atteinte ou risque de porter atteinte à une des fonctions essentielles de sa marque, en particulier à sa fonction essentielle, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance.
La CJUE a dit pour droit que la directive rapprochant les législations des États membres sur les marques et le règlement (CE) sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot-clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
La Cour de justice précise à cet effet qu’il incombe à la juridiction nationale d’apprécier, au cas par cas, si les faits du litige dont elle est saisie sont caractérisés par une atteinte, ou un risque d’atteinte, à la fonction d’indication d’origine telle qu’il y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque, c’est à dire de déterminer si l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
Après avoir relevé que si l’annonce litigieuse s’affichant après une recherche avec le mot-clé « Aquarelle » sur le moteur de recherche Google apparaissait en premier résultat, cette annonce était immédiatement suivie de l’annonce du site « Aquarelle.com », l’arrêt retient qu’il n’est fait aucun usage du signe « aquarelle », ni dans l’annonce elle-même, ni dans le lien, ni dans l’adresse URL et que l’annonce en cause utilise des termes courants pour décrire l’activité de livraison de fleurs commandées en ligne et affiche expressément le nom du site « [03] ». Il ajoute que ces précisions permettent à l’internaute moyen d’être éclairé sur l’identité de ce site et de savoir que cette annonce correspond au site « [03] » et non au site « Aquarelle ».
Deuxièmement, le titulaire d’une marque peut interdire l’utilisation d’un signe par un tiers dans le code-source de son site internet, même s’il n’est pas visible aux yeux du public, dès lors qu’il propose comme résultat à la recherche d’un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque et qu’il ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par le référencement naturel proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
Si c’est donc à tort qu’après avoir constaté que le signe utilisé dans le code source n’était pas visible du public, l’arrêt en déduit qu’il ne désigne pas des produits ou services, de sorte que l’utilisation de ce signe ne peut être considérée comme contrefaisant les marques « Aquarelle », l’arrêt n’encourt cependant pas la censure, dès lors qu’il retient que l’internaute moyen était éclairé sur la provenance du site dont le résultat s’affichait parmi les référencements naturels, faisant ainsi ressortir l’absence de tout risque de confusion sur l’origine des produits et services proposés.
Sources :