Rupture unilatérale de contrat sans avertissement
Par un important arrêt qui aura les honneurs du rapport annuel, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise que la rupture unilatérale d’un contrat de maintenance est possible, même sans mise en demeure, si le comportement du créancier de l’obligation est d’une gravité telle que la mise en demeure aurait été inutile.
Une société accepte un devis proposé par un prestataire, relatif à une prestation de maintenance sur une scie comptant comme l’un de ses équipements majeurs. En dépit de différentes interventions sur cet outil, la société indique être insatisfaite des réparations ou réglages effectués par le prestataire et les relations entre les parties se dégradent. Le prestataire indique à la société qu’en raison du comportement du dirigeant de cette dernière il n’entend pas poursuivre sa prestation, puis l’assigne en paiement de diverses factures.
Aux termes de l’article 1224 du Code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
Selon l’article 1226 du même code, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
Une telle mise en demeure n’a cependant pas à être délivrée lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine.
Après avoir relevé qu’il ressort d’attestations versées aux débats que les relations avec les personnels du prestataire intervenant sur le chantier étaient devenues très tendues et conflictuelles, le dirigeant de la société ayant tenu des propos insultants et méprisants à l’égard de l’un des collaborateurs du prestataire, mettant en cause sa capacité à faire et à suivre le chantier, donnant des ordres directs à l’un des salariés de celle-ci sans en informer sa hiérarchie, l’arrêt retient que si l’agacement de ce dirigeant de voir son outil professionnel hors de fonctionnement peut être compris, cette situation ne peut justifier une attitude inacceptable, qu’il s’agisse des propos tenus, ou du fait d’imposer des dates d’intervention non convenues. Il ajoute que ce comportement fautif ne permettait alors plus de poursuivre une intervention dans des conditions acceptables et justifie le retrait des équipes de l’entreprise, empêchées dans leur exécution contractuelle. Il en déduit que, dans ce contexte d’extrême pression et de rupture relationnelle, le prestataire n’était pas en mesure de poursuivre son intervention.
Ayant ainsi fait ressortir que le comportement du dirigeant de la société était d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de rechercher si une mise en demeure avait été préalablement délivrée à cette société, dès lors qu’elle eût été vaine, justifie légalement sa décision.
Sources :