Affaire Lafarge : le point sur les poursuites

Publié le 17/01/2024

Affaire Lafarge : le point sur les poursuites

Une cimenterie détenue et exploitée par une sous-filiale d’une société mère française, est une société de droit syrien, détenue à plus de 98 % par la société mère.

Entre 2012 et 2015, le territoire sur lequel se trouve la cimenterie a fait l’objet de combats et d’occupations par différents groupes armés, dont l’organisation dite État islamique (EI).

Pendant cette période, les salariés syriens de la société ont poursuivi leur travail, permettant le fonctionnement de l’usine, tandis que l’encadrement de nationalité étrangère a été évacué en Égypte dès 2012, d’où il continuait d’organiser l’activité de la cimenterie. Logés en Syrie par leur employeur, les salariés syriens ont été exposés à différents risques, notamment d’extorsion et d’enlèvement par des groupes armés, dont l’EI.

Deux ans après l’évacuation de la cimenterie, des associations et plusieurs employés syriens de la société ont porté plainte et se sont constitués partie civile auprès du juge d’instruction des chefs, notamment, de financement d’entreprise terroriste, de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, d’exploitation abusive du travail d’autrui et de mise en danger de la vie d’autrui.

La chambre de l’instruction, après avoir constaté l’absence de contrat de travail et avoir relevé que les salariés accomplissaient habituellement leur travail sur le territoire syrien, ne pouvait écarter l’application de la loi syrienne en se déterminant au regard de considérations relatives aux seules relations entre la maison-mère et sa filiale, éléments insuffisants à caractériser que les contrats de travail des salariés présentaient des liens plus étroits avec la France qu’avec la Syrie.

Par ailleurs, aucun des éléments allégués n’est de nature à caractériser de tels liens au jour de la mise en examen.

En deuxième lieu, les dispositions des articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4141-13 du Code du travail français ne peuvent être qualifiées de lois de police au sens de l’article 9 du règlement Rome I.

Enfin, la chambre de l’instruction ne pouvait énoncer, à titre surabondant, que les articles 33 et 241, alinéa 2, du Code du travail syrien comportent des dispositions permettant de fonder une mise en examen pour le délit prévu à l’article 223-1 du Code pénal, alors que la violation de ces dispositions de droit étranger ne peut être retenue pour caractériser cette infraction.

NOTE : Le délit de mise en danger de la vie d’autrui n’est constitué qu’en cas de violation d’une obligation imposée par une loi ou un règlement français.
Or, en l’absence de mentions contraires du contrat de travail, la loi syrienne était applicable à la relation de travail entre la société française et les salariés syriens, puisque ceux-ci travaillaient en Syrie.
De plus, il n’existe pas d’éléments suffisants pour affirmer que les contrats de travail des salariés syriens travaillant en Syrie présentaient des liens plus étroits avec la France.
Enfin, les dispositions du Code du travail français concernées ne peuvent être qualifiées de « lois de police » au sens du règlement européen (en effet, certaines dispositions qualifiées de « lois de police », dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, sont applicables en toute hypothèse).
La loi française n’étant pas applicable, la Cour de cassation annule la mise en examen de la société pour mise en danger de la vie d’autrui.
Mais la société Lafarge demeure mise en examen des chefs de complicité de crime contre l’humanité et financement d’entreprise terroriste.

Sources :
Rédaction
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