Enquête préliminaire : les témoins ne peuvent être assistés d’un avocat
Une société dépose plainte contre une autre auprès du procureur de la République en dénonçant différents faits de contrefaçon.
Au cours de l’enquête préliminaire, les enquêteurs procèdent aux auditions en qualité de témoins du conseil en propriété industrielle de la société plaignante et du dirigeant de ladite société, en présence d’un avocat de celle-ci.
Mise en examen des chefs de contrefaçon en bande organisée, blanchiment et association de malfaiteurs, la société mise en cause présente régulièrement à la chambre de l’instruction une requête en annulation des auditions de témoin précitées.
Il se déduit des articles 62 et 78 du Code de procédure pénale que les témoins ne peuvent être assistés au cours de leur audition dans le cadre d’une enquête préliminaire par un avocat, dont l’intervention vise à garantir l’exercice des droits de la défense et ne peut bénéficier à une personne contre laquelle n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elle ait commis ou tenté de commettre une infraction.
L’assistance d’un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d’administration de la preuve, ce dont il résulte que toute partie qui a intérêt à obtenir l’annulation de l’acte peut s’en prévaloir.
Cette irrégularité ayant par ailleurs irrévocablement affecté les droits de la personne mise en examen, elle lui fait nécessairement grief.
En revanche, aux termes de l’article 10-4 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-993 du 17 août 2015, applicable aux faits de la cause, à tous les stades de l’enquête, la victime peut, à sa demande, être accompagnée par son représentant légal et par la personne majeure de son choix.
Il en résulte que l’assistance de la victime par un avocat lors de son audition au cours d’une enquête préliminaire constitue l’exercice d’un droit.
Pour rejeter la requête en annulation, l’arrêt attaqué relève, après avoir rappelé que les deux auditions se sont effectivement déroulées en présence de l’avocat de la société plaignante, l’avis favorable du procureur de la République ayant été recueilli, qu’aucune règle ne proscrit la présence d’un avocat lors d’une audition de témoin durant l’enquête préliminaire, ni ne prévoit que cette pratique devrait être sanctionnée par une nullité de l’audition.
Les juges soulignent que l’avocat présent à ces auditions n’y a pris aucune part, sa présence muette n’ayant eu aucune incidence sur le déroulement de l’audition, ni aucun effet tangible sur l’équité de la procédure.
Ils retiennent que la demanderesse n’établit pas en quoi ces auditions ont porté une atteinte substantielle à ses intérêts.
Ils ajoutent qu’en application de l’article 82-2, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, elle peut saisir le juge d’instruction d’une demande d’audition d’un témoin ou d’une partie civile en présence de son propre avocat, et qu’elle pourrait ainsi bénéficier durant l’instruction de la même faculté que celle offerte au conseil de la société plaignante en enquête préliminaire, pour entendre les témoins en présence de son propre conseil.
En statuant ainsi, et dès lors que l’assistance d’un témoin par un avocat lors de son audition en enquête préliminaire constitue une irrégularité dont il est nécessairement résulté un grief pour la personne mise en examen, la chambre de l’instruction méconnaît le principe susvisé et les textes ci-dessus rappelés.
Cependant, l’arrêt n’encourt la censure qu’en ce qu’il rejette l’exception de nullité de l’audition du conseil en propriété intellectuelle, dès lors qu’est régulière l’audition du dirigeant de la société plaignante en ce qu’elle s’analyse comme celle de la victime assistée d’un avocat.
Sources :