Le Conseil d’État valide l’intégration du non-consentement dans la définition du viol

Publié le 12/03/2025 à 10h33
Le Conseil d'État valide l'intégration du non-consentement dans la définition du viol
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Le 6 mars 2025, le Conseil d’État, saisi par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a rendu son avis sur la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.

Portée par les députés Marie-Charlotte Garin, Véronique Riotton, Cyrielle Chatelain et Gabriel Attal, et composé d’un article unique, ce texte modifie les articles 222-22, 222-22-1, 222-22-2 et 222-23 du Code pénal de la façon suivante :

Dispositions actuelles

Dispositions modifiées par la PPL

C. pén., art. 222-22

Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur.
Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage.
Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l’étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables.
Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle non consentie commise sur la personne de l’auteur ou sur la personne d’autrui ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur.
Dans la présente section, le consentement suppose que celui‑ci a été donné librement. Il est spécifique et peut être retiré avant ou pendant l’acte à caractère sexuel. Il est apprécié au regard des circonstances environnantes. Il ne peut être déduit du silence ou de l’absence de résistance de la personne.
Il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis notamment avec violence, contrainte, menace ou surprise.
L’absence de consentement peut être déduite de l’exploitation d’un état ou d’une situation de vulnérabilité, temporaire ou permanente, de la personne, ou de la personne vis‑à‑vis de l’auteur.
Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage.
Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l’étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables.

C. pén., art. 222-22-1

La contrainte prévue par le premier alinéa de l’article 222-22 peut être physique ou morale.
Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l’article 222-22 peuvent résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci a sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur.
Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes.
La contrainte prévue par le troisième alinéa de l’article 222-22 peut être physique ou morale.
Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au troisième alinéa de l’article 222-22 peuvent résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci a sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur.
Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes.

C. pén., art. 222-22-2

Constitue également une agression sexuelle le fait d’imposer à une personne, par violence, contrainte, menace ou surprise, le fait de subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers ou de procéder sur elle-même à une telle atteinte.
Ces faits sont punis des peines prévues aux articles 222-23 à 222-30 selon la nature de l’atteinte subie et selon les circonstances mentionnées à ces mêmes articles.
La tentative du délit prévu au présent article est punie des mêmes peines.
Constitue également une agression sexuelle le fait d’imposer à une personne qui n’y consent pas, notamment par violence, contrainte, menace ou surprise, le fait de subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers ou de procéder sur elle-même à une telle atteinte.
Ces faits sont punis des peines prévues aux articles 222-23 à 222-30 selon la nature de l’atteinte subie et selon les circonstances mentionnées à ces mêmes articles.
La tentative du délit prévu au présent article est punie des mêmes peines.

C. pén., art. 222-23

Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Tout acte non consenti de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital ou tout acte bucco‑anal commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur notamment par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.

 

Intégration de la notion de consentement. Dans son avis, le Conseil d’État valide l’intégration explicite de l’absence de consentement dans la définition des agressions sexuelles. « En consacrant dans la loi la notion centrale d’absence de consentement, la proposition de loi exprime clairement, tant dans la dimension préventive que répressive de la loi pénale, que les agressions sexuelles portent une atteinte au principe fondamental que constitue la liberté personnelle et sexuelle de chacun, qui doit être protégée, ainsi qu’au droit au respect de son intégrité physique et psychique par autrui. Cette reconnaissance explicite par la loi contribue à l’ancrage et à la pleine visibilité de cette exigence de consentement », estime-t-il. Par ailleurs, il souligne que bien que les engagements internationaux de la France n’imposent pas cette évolution, la proposition de loi aligne explicitement le droit interne avec les principes partagés au niveau européen.

Consolidation de la jurisprudence. Selon le Conseil d’État, « le principal apport de la proposition de loi est de consolider par des dispositions expresses et générales, les avancées de la jurisprudence » élargissant les notions de violence, menace, contrainte ou surprise pour caractériser le défaut de consentement. Il considère ainsi que la prévention de ces faits ne peut qu’être renforcée, en prenant appui sur ces dispositions plus claires et explicites qu’une référence à la jurisprudence.

Pas de présomption de culpabilité. Répondant aux arguments soulevés par les détracteurs de l’introduction de la notion de non-consentement dans la définition du viol, il précise par ailleurs que cette modification n’instaure ni une présomption de culpabilité ni une obligation de prouver un consentement formalisé. Il revient aux autorités judiciaires d’établir la matérialité des faits et l’intention de l’auteur d’agir sans consentement libre et éclairé. En revanche, elle modifie l’orientation des enquêtes : ces dernières doivent se concentrer d’abord sur l’absence de consentement plutôt que sur les moyens de contrainte (violence, menace, surprise ou contrainte) utilisés par l’auteur. Cette démarche d’investigation vise l’auteur des faits plutôt que la victime, dont la plainte ne devra plus être mise en doute par la recherche préalable d’un défaut de consentement, assure-t-il. De plus, rappelant que la notion de consentement en matière pénale est autonome, il souligne qu’un consentement civil (mariage, PACS) ou commercial (prostitution rémunérée) ne peut suffire à écarter la qualification d’agression sexuelle ou de viol, bien que le juge puisse en tenir compte dans son appréciation.

« Notamment ». Si le Conseil d’État ne formule pas d’observations sur la plupart des modifications proposées ou se contente de quelques remarques rédactionnelles, il recommande néanmoins de supprimer le mot « notamment » dans la phrase « il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis notamment avec violence, contrainte, menace ou surprise », estimant que cet ajout est de « nature à dépasser une portée interprétative et introduit une indétermination quant à la définition d’autres circonstances de fait potentielles, que de nombreux praticiens peinent au demeurant à identifier, susceptibles de caractériser le comportement illicite de l’auteur ».

Situation de vulnérabilité. Il préconise également de ne pas conserver la disposition qui prévoit que « l’absence de consentement peut être déduite de l’exploitation d’un état ou d’une situation de vulnérabilité temporaire ou permanente de la personne ou de la personne vis-à-vis de l’auteur », relevant deux difficultés : la première tenant à l’imprécision de la formulation qui méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines, et la seconde à sa mauvaise articulation avec certaines circonstances aggravantes déjà définies dans le Code pénal qui répriment plus lourdement les agressions sexuelles lorsqu’elles sont commises en exploitant un état de vulnérabilité.

La proposition de loi doit être examinée en séance publique à l’Assemblée nationale à compter du 1er avril 2025.

 

Sources :
Rédaction
Plan