Relaxe d’Éric Z : cassation pour défaut de motivation

Publié le 05/09/2023

Relaxe d’Éric Z : cassation pour défaut de motivation

L’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprime la contestation de l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.

Il appartient aux juges du fond, saisis d’une infraction prévue par ce texte, d’apprécier le sens et la portée des propos litigieux, au besoin, au vu des éléments extrinsèques à ceux-ci invoqués par les parties.

Il revient à la Cour de cassation de contrôler cette appréciation du sens et de la portée desdits propos et de vérifier que l’analyse des éléments extrinsèques, que les juges du fond apprécient souverainement, est exempte d’insuffisance comme de contradiction.

Ne justifie pas sa décision la cour d’appel qui, pour relaxer l’intéressé et débouter les parties civiles de leurs demandes, énonce que les propos reprochés au prévenu ont été tenus à la suite d’une brusque interpellation, au cours de laquelle il lui a été reproché d’avoir affirmé, dans une autre émission, que « Pétain avait sauvé les juifs », les juges relevant que, dans cet échange, seul l’intervenant a fait usage du déterminant « les », le prévenu ayant uniquement précisé « français ».

Les juges ajoutent qu’il était fait référence à une opinion défendue par le prévenu, tant dans son livre « Le Suicide français » qu’à l’occasion d’émissions télévisées, selon laquelle, si la déportation a moins touché les juifs de nationalité française que les juifs étrangers résidant en France, c’était le fait d’une action de Philippe Pétain en leur faveur et en déduisent que, si ces propos peuvent heurter les familles de déportés, ils n’ont pas pour objet de contester ou minorer, fût-ce de façon marginale, le nombre des victimes de la déportation ou la politique d’extermination dans les camps de concentration.

Les juges retiennent encore que, si la Haute Cour de justice a reconnu Philippe Pétain coupable « d’attentat contre la sûreté intérieure de l’État et d’avoir entretenu des intelligences avec l’ennemi en vue de favoriser ses entreprises en corrélation avec les siennes », l’intéressé n’a pas été poursuivi pour un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis à l’article 6 du statut précité.

En effet, en premier lieu, il est indifférent que Philippe Pétain n’ait pas été condamné pour un ou plusieurs crimes tels qu’ils sont définis par ce dernier texte puisque la Cour de cassation juge que l’article 24 bis précité n’exige pas que les crimes contre l’humanité contestés aient été exclusivement commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 du statut dudit tribunal, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale, mais qu’il suffit que les personnes ainsi désignées les aient décidés ou organisés, peu important que leur exécution matérielle ait été, partiellement ou complètement, le fait de tiers (Cass. crim., 24 mars 2020, n° 19-80783).

En deuxième lieu, les juges n’ont pas procédé à l’analyse exhaustive des propos poursuivis. En effet, alors qu’à la fin de l’échange, son interlocuteur affirmait « ou avait sauvé les juifs français, c’est une monstruosité, c’est du révisionnisme », le prévenu a répliqué « c’est encore une fois le réel », reprenant ainsi à son compte les propos qui venaient de lui être prêtés selon lesquels Philippe Pétain avait « sauvé les juifs français ».

Enfin, procédant à l’analyse du contexte dans lequel les propos ont été tenus, ils ne pouvaient, sans mieux s’expliquer, retenir, au terme de leur examen des éléments extrinsèques invoqués en défense, en quoi cette affirmation devait être comprise comme se référant à des propos plus mesurés que le prévenu aurait exprimés antérieurement.

Sources :
Rédaction
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