Un contrôle très mesuré du juge en cas de refus d’extradition
Le procureur général notifie à un ressortissant coréen une demande d’extradition délivrée par le gouvernement de la République de Corée, sur le fondement d’un mandat d’arrêt, aux fins de poursuites pour des faits qualifiés de violation des lois sur les marchés de capitaux et les services d’investissement financier et sur l’aggravation des peines en matière de crimes économiques, punis d’une peine de réclusion à perpétuité.
L’intéressé n’ayant pas consenti à son extradition, la chambre de l’instruction ordonne un supplément d’information auquel les autorités sud-coréennes répondent un mois plus tard.
Il résulte de l’article 3 de la Conv. EDH que l’extradition doit être refusée lorsque la personne concernée démontre qu’elle est exposée à un risque réel de voir prononcer contre elle une peine manifestement disproportionnée dans l’État requérant, cette notion devant faire l’objet d’une interprétation stricte et ne pouvant être retenue que dans des cas très exceptionnels (CEDH, 17 janv. 2012, n° 9146/07, Harkins et Edwards c/ Royaume-Uni).
Il appartient à la chambre de l’instruction, saisie de ce grief de caractère disproportionné de la peine encourue en cas d’extradition, d’apprécier la disproportion alléguée au regard de la nature et de la gravité des faits, des conditions dans lesquelles la juridiction étrangère sera amenée à prononcer l’éventuelle condamnation, le seul fait que la peine encourue dans l’État requérant soit plus sévère que celle qui serait appliquée dans l’État requis n’étant pas opérant (CEDH, 29 juin 2023, n° 9839/22, Bijan Balahan c/ Suède).
L’avis de la chambre de l’instruction qui respecte cette exigence, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction et répondant aux articulations essentielles des mémoires, satisfait aux conditions essentielles de son existence légale, ce qu’il appartient à la Cour de cassation de contrôler en application de l’article 696-15 du Code de procédure pénale. La Cour de cassation ne peut substituer son appréciation à celle des juges.
En l’espèce, pour rejeter le moyen pris du caractère disproportionné de la peine encourue dans l’État requérant et donner un avis favorable à l’extradition, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé que l’intéressé est recherché dans le cadre de quatre affaires relatives à des infractions de nature économique et financière portant sur plusieurs dizaines de milliards de wons, pouvant recevoir, en droit français, la qualification d’abus de confiance, escroquerie, abus de biens sociaux, infractions économiques et boursières et délit d’initié, énonce que la peine de perpétuité encourue par l’intéressé n’est manifestement pas disproportionnée au regard de la nature des faits qui lui sont reprochés, s’agissant d’infractions en matière économique et financière, du montant du profit obtenu ou de la perte évitée, d’un montant égal ou supérieur à cinq milliards de wons, seuil qui conditionne le prononcé d’une telle peine en application des dispositions de l’article 443 de la loi coréenne sur les marchés de capitaux et les services d’investissement financier et de l’article 3 sur l’aggravation des peines en matière de crimes économiques.
Les juges ajoutent que la libération conditionnelle est possible après avoir purgé un tiers de la peine et après vingt ans s’agissant des personnes condamnées à la réclusion perpétuelle, détaillant le mécanisme de réexamen prévu par la loi de l’État requérant et relevant que l’autorité requérante précise expressément qu’il n’existe aucune disposition légale permettant une réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.
Ils en concluent qu’il n’existe pas de raisons sérieuses de penser que la condamnation encourue exposerait l’intéressé à un risque réel de se voir infliger une telle peine.
Ainsi, la chambre de l’instruction, qui s’est assurée que la personne réclamée ne démontrait pas qu’elle est exposée à un risque réel de voir prononcer contre elle une peine manifestement disproportionnée dans l’État requérant, justifie sa décision d’émettre un avis favorable à la demande d’extradition.
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