Les éoliennes et le Code de l’environnement

Publié le 16/12/2022

L’article L. 142-2 du Code de l’environnement permet aux associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du même code d’agir en réparation tant devant le juge pénal que le juge civil, en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement ainsi qu’aux textes pris pour leur application.

La recevabilité de l’action est subordonnée à l’existence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale entrant dans le champ des dispositions susmentionnées.

La cour d’appel qui relève que l’action de l’association de protection de l’environnement agréée a pour objet la réparation de son préjudice moral résultant de la destruction de nombreux spécimens de faucons crécerellettes, espèce protégée, en violation des interdictions prévues par les dispositions de l’article L. 411-1 du Code de l’environnement et par les règlements pris en application de l’article L. 411-2, constitutive du délit prévu et réprimé par l’article L. 415-3 du même code, en déduit, à bon droit, que la recevabilité de l’action en responsabilité civile de droit commun exercée par l’association en raison du délit environnemental invoqué n’est pas conditionnée par la constatation ou la constitution préalable de l’infraction, la recevabilité d’une action ne pouvant être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé.

D’une part, les éoliennes sont soumises à la législation spéciale applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement figurant aux articles L. 514-44 et suivants du Code de l’environnement, selon laquelle les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent doivent être exploitées dans le respect des prescriptions édictées par l’autorisation administrative d’exploitation.

D’autre part, la législation spéciale, autonome, relative à la protection du patrimoine naturel interdit la destruction d’animaux d’espèces non domestiques protégées, l’article L. 411-2, 4°, réservant toutefois la possibilité de délivrance, par l’autorité administrative compétente, de dérogations à cette interdiction.

La cour d’appel retient exactement que les arrêtés pris par le préfet, dont les propriétaires exploitants prétendent avoir strictement respecté les mesures spécifiques imposées pour la protection des faucons crécerellettes, n’ont pas été pris en application des dispositions de l’article L. 411-2 relatif aux espèces protégées et constate également qu’il n’est pas justifié d’une demande de dérogation ni d’une décision de l’administration autorisant la destruction de ces spécimens protégés.

C’est dès lors à bon droit et sans substituer son appréciation à celle de l’administration que la cour d’appel retient que ne constitue pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l’exercice des pouvoirs reconnus à l’autorité administrative le fait, pour le juge judiciaire, saisi, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, d’une action en responsabilité fondée sur la destruction d’une espèce sauvage protégée, de constater la violation des dispositions de l’article L. 411-2, 1°, du code de l’environnement sans justification, par les contrevenants, d’une dérogation accordée par l’autorité administrative.

De plus, cette violation constitue le délit d’atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques (Cass. crim., 5 avr. 2011, n° 10-86248), en conséquence la cour d’appel n’était pas tenue de caractériser l’atteinte portée à la conservation de l’espèce protégée en cause, dès lors que celle-ci résulte de la constatation de la destruction d’un spécimen appartenant à l’espèce faucon crécerellette et il est jugé qu’une faute d’imprudence suffit à caractériser l’élément moral du délit d’atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques protégées, prévu par l’article L. 415-3 du Code de l’environnement (Cass. crim, 1er juin 2010, n° 09-87159).

La cour d’appel qui constate que vingt-huit faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée ont été tués par collision avec les éoliennes des parcs du Causse d’Aumelas, que cette destruction perdurait malgré la mise en place du système DT- BIRD, et que les propriétaires exploitants n’ont pas sollicité la dérogation aux interdictions édictées par cet article, constitutive d’un fait justificatif exonératoire de responsabilité, en déduit exactement que le délit d’atteinte à la conservation d’espèce animale non domestique protégée, est caractérisé tant dans son élément matériel que son élément moral.

Il n’est nul besoin de poser une question préjudicielle à la CJUE qui a dit pour droit (CJUE, 4 mars 2021, n° C-473/19, Skydda Skogen) que l’article 12 de la directive Habitats doit être interprété en ce sens que, d’une part, il s’oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l’objet d’une activité humaine, telle qu’une activité d’exploitation forestière ou d’occupation des sols, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d’espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s’appliquent qu’en cas de risque d’incidence négative sur l’état de conservation des espèces concernées, et, d’autre part, la protection offerte par ladite disposition ne cesse pas de s’appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable.

Sources :
Rédaction
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