La chambre mixte examine le pouvoir d’audition des agents des douanes
Afin de remplir leurs missions spécifiques, les agents des douanes peuvent procéder à des contrôles et des enquêtes, même en l’absence d’indice de commission d’une infraction.
Le Code des douanes les autorise par exemple à fouiller, à certaines conditions, les marchandises, les moyens de transport et les personnes, exiger la communication des papiers et documents de toutes natures relatifs aux opérations intéressant leur service. Selon la jurisprudence, les agents des douanes ne disposent pas d’un « pouvoir général d’audition ».
Depuis 2014, l’article 67 F du Code des douanes règlemente l’audition des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction douanière.
Entre 2011 et 2012, une société qui importe des vitamines destinées à l’alimentation animale a fait l’objet d’un contrôle douanier. Au cours de ce contrôle, les agents douaniers ont procédé aux auditions des différents représentants de la société. À l’issue de ses investigations, l’administration des douanes a considéré que la société n’avait pas payé certains droits de douanes : elle lui a donc appliqué un redressement.
La société a contesté ce redressement devant la justice au motif que la procédure était irrégulière car, à l’époque du contrôle dont elle a fait l’objet, les agents des douanes n’avaient pas encore le pouvoir de recueillir les déclarations de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction.
Cette affaire posant une question qui intéresse à la fois la chambre criminelle et la chambre commerciale de la Cour de cassation, elle a été renvoyée devant une chambre mixte, formation solennelle au sein de laquelle trois des chambres de la Cour sont représentées.
Aux termes de l’article 334 du Code des douanes, les résultats des contrôles opérés dans les conditions prévues à l’article 65 de ce code et, d’une manière générale, ceux des enquêtes et interrogatoires effectués par les agents des douanes sont consignés dans les procès-verbaux de constat, qui énoncent la date et le lieu des contrôles et des enquêtes effectués, la nature des constatations faites et des renseignements recueillis, la saisie des documents, s’il y a lieu, ainsi que les noms, qualité et résidence administrative des agents verbalisateurs. Ils indiquent, en outre, que ceux chez qui l’enquête ou le contrôle a été effectué ont été informés de la date et du lieu de la rédaction de ce rapport et que sommation leur a été faite d’assister à cette rédaction. Si ces personnes sont présentes à la rédaction, ils précisent que lecture leur en a été faite et qu’elles ont été interpellées de le signer.
Selon l’article 336, 2, du même code, les procès-verbaux de constat ne font foi que jusqu’à preuve du contraire de l’exactitude et de la sincérité des aveux et déclarations qu’ils rapportent.
L’effet utile de ces textes commande que les agents des douanes puissent, pour l’efficacité des contrôles et enquêtes, procéder à des auditions en lien avec l’objet de ceux-ci, sous réserve qu’ils n’exercent pas un pouvoir de contrainte.
L’article 67 F du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, encadre désormais les conditions dans lesquelles une personne, soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction douanière, peut être entendue sur ces faits sans être placée en retenue douanière. Ce texte a pour objet d’étendre aux auditions ainsi réalisées par les agents des douanes les garanties prévues à l’article 61-1 du Code de procédure pénale en faveur des personnes soupçonnées, entendues en audition libre par les officiers et agents de police judiciaire. Il ne saurait en être déduit qu’antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi, les auditions réalisées par les agents des douanes en lien avec l’objet de leurs contrôle et enquête étaient prohibées.
Néanmoins, sous le contrôle du juge compétent, les droits de la défense doivent être respectés. Il en est ainsi même si le contentieux concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toutes natures recouvrées par l’administration des douanes échappe au champ d’application de l’article 6 de la Conv. EDH, tant en son volet civil que pénal.
Il résulte de ce qui précède que, indépendamment de l’adoption de la loi du 27 mai 2014, les agents de l’administration des douanes, lorsqu’ils n’agissent pas en qualité d’agents de la douane judiciaire, tiennent des dispositions de l’article 334 la faculté de recueillir des personnes concernées par leurs contrôle et enquête, en dehors de toute mesure de contrainte et dans le respect du principe des droits de la défense, les renseignements et déclarations, spontanées ou en réponse aux questions posées, en lien avec l’objet de leurs contrôle et enquête.
L’arrêt retient que les auditions critiquées ont été réalisées sans exercice d’une quelconque contrainte sur les personnes entendues qui représentaient la société, que toutes ont accepté de répondre et que les réponses apportées aux questions posées par les agents des douanes ont été consignées dans les procès-verbaux de constat, sans observation des intéressés après leur relecture et signature.
La cour d’appel, devant laquelle le lien des auditions avec l’objet du contrôle n’est pas contesté, en déduit justement qu’agissant sur le fondement de l’article 334 du Code des douanes, dans le respect des droits de la défense, sans contrainte, les agents de l’administration des douanes avaient valablement recueilli les déclarations des personnes mandatées à cet effet par la société contrôlée.
Sources :