Nomination litigieuse d’un gérant et engagements de la société
Contestant la qualité de gérant de la SCI propriétaire, dont un justiciable s’est prévalu pour la représenter lors de la signature des baux et avenants précités, cette société assigne la société preneuse à bail rural aux fins d’obtenir son expulsion de parcelles en litige et son gérant dépose au greffe du TGI une inscription de faux incidente à l’encontre de plusieurs pièces versées au débat par la société preneuse, dont les baux et ses avenants.
Aux termes de l’article 1846-2, alinéa 2, du Code civil, similaires à ceux de l’article L. 210-9, alinéa 1er, du Code de commerce, applicable aux sociétés commerciales, ni la société, ni les tiers, ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la nomination des gérants ou dans la cessation de leur fonction, dès lors que ces décisions ont été régulièrement publiées.
Le moyen, qui reproche à l’arrêt de rejeter partiellement ses demandes d’inscription de faux incidentes, pose la question de savoir si la publication d’une nomination d’un gérant sur la base d’un procès-verbal convaincu de faux fait obstacle, par application de ces dispositions, à la contestation par la société d’engagements pris en son nom par le gérant, ainsi désigné.
Pour répondre à cette question, inédite devant la Cour de cassation, il importe de rechercher au préalable si la contrefaçon de la signature du président de séance sur le procès-verbal d’assemblée générale constitue une irrégularité dans la nomination du gérant au sens du texte susvisé, ou si, au contraire, cette nomination, parce qu’elle repose sur un faux, doit être regardée comme inexistante.
D’une part, la finalité du texte précité est d’assurer la protection des tiers, lesquels ne disposent pas d’autres moyens que les mesures de publicité légale pour s’assurer de la régularité de la nomination d’une personne se disant gérant d’une personne morale. Cette disposition ne fait, en outre, aucune différence selon la nature des irrégularités entachant la décision de nomination du gérant.
D’autre part, une société ou ses associés peuvent demander l’annulation de délibérations prises dans des conditions irrégulières, de sorte qu’il leur appartient de vérifier les informations publiées sur l’identité de ses représentants, et, lorsqu’elles sont inexactes, d’en demander la rectification.
Dès lors, regarder comme inexistante la désignation d’un gérant intervenue sur la base d’un procès-verbal d’assemblée générale contrefait, ce qui conduirait à écarter en ce cas l’application de l’article 1846-2 du Code civil et autoriserait la société à contester des actes conclus en son nom par un gérant dont la nomination a été publiée, priverait d’effet utile la finalité de ce texte.
Il convient dès lors de considérer que la contrefaçon d’un procès-verbal d’une délibération portant nomination de son gérant n’a pas pour effet de la rendre inexistante, de sorte que, par application du texte précité, lorsque cette nomination a été publiée, la société ne peut se prévaloir de son irrégularité pour contester les engagements pris en son nom par les personnes ainsi désignées
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