Donation d’actions : exonération de droits, limitation statutaire des droits de vote de l’usufruitier et conseil du notaire

Publié le 03/02/2021

Les donataires peuvent bénéficier de l’exonération de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de la valeur des actions de société données à leurs enfants avec réserve d’usufruit, sous réserve d’avoir respecté les dispositions posées par l’article 787 B du Code général des impôts, selon lesquelles l’exonération s’applique « à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices ». 

La Cour de cassation retient, par un arrêt du 9 décembre 2020, la responsabilité du notaire n’ayant pas informé ses clients de cette obligation. 

En l’espèce, après avoir sollicité les conseils de MeX, avocat, M. et Mme A consentirent à leurs enfants, par acte reçu le 12 janvier 2008 par Me Y, notaire, une donation portant sur 10 800 actions en pleine propriété et 66 816 actions en nue-propriété, en demandant de bénéficier, au titre de la transmission de ces dernières, de l’exonération à hauteur de 75 % des droits d’enregistrement prévue à l’article 787 B du Code général des impôts. 

Un procès-verbal d’assemblée générale ordinaire de la société, du 30 juin 2008, mentionna la mise en place d’une nouvelle règle de gouvernance concernant les décisions sur les opérations. Aucune mise à jour des statuts ne fut effectuée. 

Le 21 octobre 2011, l’administration fiscale notifia à M. et Mme A une proposition de rectification des droits d’enregistrement au motif que l’obligation prévue au dernier alinéa de l’article 787 B, de limiter, dans les statuts, le droit de vote de l’usufruitier aux seules décisions portant sur l’affectation des résultats, n’avait pas été respectée. Un jugement du 14 février 2014, confirmé par un arrêt du 6 mars 2017, rejeta la réclamation de M. et Mme A tendant à obtenir la décharge de l’imposition mise à leur charge. Ces derniers assignèrent l’avocat et le notaire en responsabilité et indemnisation. 

Ces derniers, faisant grief à la cour d’appel de dire qu’ils avaient commis une faute dans l’exécution de leur devoir d’information et de conseil à l’égard de M. et Mme A, se pourvurent en cassation. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi. 

Sur la responsabilité du notaire. Elle décide que la cour d’appel : 

  • ayant retenu que le notaire, chargé de la rédaction de l’acte de donation, n’ignorait pas le but poursuivi par M. et Mme A de bénéficier de l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévue à l’article 787 B à l’occasion de la transmission des action en nue-propriété à leurs enfants, et que, s’il avait rappelé les conditions à satisfaire pour bénéficier de celle-ci, il n’avait pas mentionné celle concernant la limitation statutaire du droit de vote de l’usufruitier, le seul visa du texte ne pouvant en tenir lieu ; 
  • en a justement déduit qu’il avait commis une faute dans l’exécution de son devoir d’information et de conseil ; 
  • a légalement justifié sa décision en retenant que l’absence de modification des statuts ayant conduit à la privation de l’avantage fiscal escompté par M. et Mme A était consécutive aux seuls manquements conjugués du notaire et de l’avocat. 

Sur la responsabilité de l’avocat. La Cour de cassation retient que : 

  • l’intérêt de l’opération était de permettre à M. et Mme A de bénéficier d’une exonération des droits de mutation, que l’avocat avait été chargé d’un mission à caractère général, y compris fiscale ; 
  • si sa première consultation mentionnait que l’application du dispositif fiscal était subordonnée à la condition que les statuts limitent le droit de vote de l’usufruitier aux décisions concernant l’affectation des bénéfices, les deux consultations suivantes n’en faisaient plus état tout en rappelant les autres conditions à remplir ; 
  • un manquement de l’avocat à son obligation d’informer de manière complète et précise ses clients est caractérisé. 
Sources :
X