Expertise à la suite d’un avis d’inaptitude et délai raisonnable
À la suite d’un arrêt de travail consécutif à un accident domestique, un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, dont l’avis précise que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi à l’issue d’une visite de reprise.
Le salarié contestant son licenciement pour inaptitude, après avoir constaté le refus de plusieurs médecins inspecteurs du travail de prendre en charge la mesure d’instruction, le conseil des prud’hommes la confie à un médecin inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel puis rejette la demande de nullité de l’expertise, entérine le rapport de l’expert et constate que les éléments de nature médicale ne justifient pas l’avis d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise émis par le médecin du travail.
Selon l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
L’article L. 4624-7 I et II du Code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, dispose que le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 et que le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence.
L’article R. 4624-45-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019, énonce qu’en cas d’indisponibilité du médecin-inspecteur du travail ou en cas de récusation de celui-ci, notamment lorsque ce dernier est intervenu dans les conditions visées à l’article R. 4624-43, le conseil de prud’hommes statuant selon la procédure accélérée au fond peut désigner un autre médecin inspecteur du travail que celui qui est territorialement compétent.
La CEDH juge que la durée raisonnable d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et à l’aide des critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (CEDH, 27 juin 2020, n° 30979/96, Frydenler c/ France). Lorsque la collaboration d’un expert s’avère nécessaire au cours de la procédure, il incombe au juge d’assurer la mise en état et la conduite rapide du procès (CEDH, 8 juin 2006, n° 75529/01, Sürmeli c/ Allemagne).
Il en résulte qu’à l’occasion d’une mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article L. 4624-7 du Code du travail, le juge qui constate qu’aucun médecin inspecteur du travail n’est disponible pour réaliser la mesure d’instruction peut désigner un autre médecin pour permettre son exécution.
La cour d’appel relève d’abord que le premier juge a désigné un médecin inspecteur du travail régionalement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence, constate ensuite que le conseil de prud’hommes n’a trouvé aucun médecin inspecteur du travail qui accepte la mesure d’instruction et que face à cette situation de blocage, le juge chargé du suivi de « l’expertise » ordonnée a désigné un médecin expert pour exécuter cette mesure.
Elle relève qu’il n’est pas contesté que le conseil de prud’hommes s’est heurté au refus, ou au silence valant refus, de tous les médecins inspecteurs du travail recherchés et retient enfin que le recours prévu par l’article L. 4624-7 du Code du travail relève de la procédure accélérée au fond de sorte qu’il est conçu comme appelant une réponse judiciaire rapide et que le juge prud’homal est souvent confronté en cette matière à la question du délai raisonnable.
La cour d’appel en déduit exactement qu’un autre médecin pouvait être désigné.
Sources :