Nécessité d’une nouvelle loi foncière pour les terres agricoles
L’attention du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation a été attirée sur l’éventualité d’une nouvelle loi foncière. Le barème indicatif de la valeur des terres agricoles en 2019 a été publié par le ministère de l’Agriculture indiquant la valeur dominante, c’est-à-dire « la plus souvent pratiquée », utile pour déterminer les prix d’une transaction lors de la cession d’une terre agricole, ou sa location dans certaines régions. Mais derrière ces dispositions, se cache une toute autre réalité, où des opérations sociétaires conduisant à des concentrations d’exploitations agricoles sont largement répandues. Il est estimé un renouvellement des exploitants de plus de 50 % dans les dix ans à venir. Il est donc indispensable de permettre aux nouveaux agriculteurs de s’installer et de développer leurs activités. Par ailleurs, les pratiques de ces futurs agriculteurs évolueront également en fonction des attentes de notre société, pour une agriculture plus locale et plus respectueuse de notre environnement. Pour cela, des outils de régulation doivent être mis en place ou plus exactement doivent réviser et adapter ceux déjà existants afin de s’adapter aux nouvelles formes d’agriculture, comme par exemple la création de zones agricoles protégées afin de faciliter le maintien et le développement de petites surfaces agricoles en zones périurbaines. La transmission est aussi un autre sujet majeur pour l’avenir de toute la filière agricole. C’est pourquoi, alors que l’artificialisation des terres agricoles est préoccupante, il est demandé au ministre si une nouvelle loi foncière ambitieuse est envisagée, dont les mesures permettraient une meilleure protection du foncier agricole et un respect du droit à la propriété.
Le ministre répond que les outils de régulation du foncier sont en partie inadaptés face au développement des phénomènes de concentration conduits sous forme sociétaire quelle que soit la nationalité de la société se portant acquéreuse. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a permis aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) d’exercer leur droit de préemption pour l’acquisition de la totalité des parts sociales d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole. Néanmoins, force est de constater que des cessions partielles peuvent être aisément organisées pour contourner ce dispositif. Des initiatives ont été prises pour protéger les terres agricoles contre ces phénomènes de financiarisation et de concentration d’exploitations agricoles sous la forme sociétaire mais elles se sont avérées infructueuses. La dernière tentative en date, opérée dans le cadre de la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles déposée le 21 décembre 2016 visant à étendre le droit de préemption des SAFER aux parts sociales, a été censurée par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017.
Pour autant le gouvernement est extrêmement attentif à la question du foncier agricole, en particulier à la transparence du marché et au contrôle du risque de son accaparement, notamment par des sociétés étrangères. C’est pourquoi le gouvernement a pris le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 en application de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, pour étendre le contrôle préalable des investissements étrangers en France à la sécurité alimentaire et donc à la surveillance des acquisitions de foncier agricole. Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a consulté à l’été 2019 l’ensemble des parties prenantes sur la question du foncier agricole, afin notamment de connaître leur position sur le contrôle des cessions partielles de parts sociales. Si un consensus se dégage sur la nécessité de contrôler ces mouvements « sociétaires », les avis divergent sur les moyens à mettre en œuvre. La complexité du sujet nécessite une construction législative précise qui ne s’accorde pas avec une présentation et un examen précipités dans le cadre de la législature actuelle, alors que de nombreux textes urgents doivent par ailleurs trouver leur place dans ce calendrier très contraint.
Pour autant la réflexion se poursuit en lien avec les parlementaires, notamment pour identifier d’éventuelles pistes susceptibles d’être mises en œuvre. Toutefois, comme souligné, la mobilisation des outils juridiques d’ores et déjà existants, tels que les zones agricoles protégées, permet de renforcer, localement, la sauvegarde des espaces agricoles, souvent dans un contexte de pression foncière élevée. La proposition de délimitation de telles zones relève des communes ou des établissements publics compétents en matière de plan local d’urbanisme ou de schéma de cohérence territoriale. Ce dispositif, déjà mis en œuvre dans certains départements, mériterait d’être plus fortement utilisé par les collectivités territoriales.
En outre, sur le plan national, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation contribue largement à l’action gouvernementale relative à la lutte contre l’artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ainsi l’État a déployé le 4 juillet 2019 l’observatoire de l’artificialisation. Cette plate-forme, en accès gratuit sur l’internet et régulièrement mise à jour, publie à destination des territoires et des citoyens un état annuel de la consommation d’espaces sur la base de données fiables et comparables à tous les échelons territoriaux.
En outre, par son instruction relative à l’engagement de l’État en faveur d’une gestion économe de l’espace en date du 29 juillet 2019, le gouvernement a demandé que l’ambition soit portée par l’ensemble des échelons de l’État, en premier lieu par le préfet de département, principal interlocuteur des collectivités territoriales prescriptrices des documents d’urbanisme et des porteurs de projets d’aménagement.
Plus récemment, le Premier ministre a, par circulaire du 24 août 2020, demandé aux préfets d’utiliser toutes leurs prérogatives en commission départementale d’aménagement commercial afin de limiter le développement de l’urbanisme commercial en périphérie des agglomérations, très gourmand en foncier et susceptible de déstabiliser le commerce de centre-ville.
Enfin, au-delà de l’ensemble des mesures précitées, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation reste particulièrement attentif au renouvellement des générations en agriculture, en traitant la question non seulement sous un angle foncier, mais également sous celui du soutien à l’installation des jeunes.
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