Protection des arbres en terrain privé : une décision de justice qui fera date !
Par Me Benoît Hartenstein, notaire à Metzervisse, correspondant ARBRES 57
« Ne coupez pas notre arbre ! »
Dans le cadre d’un conflit de voisinage, classique et récurrent, des propriétaires voisins se sont plaints de la présence de branches d’un magnolia. À la lecture des articles du Code civil, rédigés sans aucune considération des végétaux et prise en compte de leurs bienfaits écosystémiques, les défenseurs de l’arbre n’avaient pas grand espoir. Contre toute attente, suivant jugement du 3 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Nantes a débouté les plaignants de leur demande !
Les juges ont estimé que « la coupe de cet arbre à hauteur de 2 mètres est de nature à causer un préjudice écologique, au sens de l’article 1247 du Code civil ».
À la surprise générale, les magistrats ont, enfin, reconnu, de façon générale, que le magnolia « apporte un bénéfice à la collectivité par les bienfaits environnementaux » !
Mieux encore, les juges nantais rappellent, publiquement, l’article 2 de la Charte de l’environnement, aux termes duquel : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement » !
En d’autres termes, ce jugement souligne que les bienfaits des arbres dépassent largement les limites de propriété des terrains sur lesquels ils sont enracinés.
Cette décision judiciaire, tant attendue, est à marquer d’une pierre blanche !
À notre connaissance, c’est la première fois que la notion de préjudice écologique est retenue par un juge civil, pour rejeter une demande permettant, encore aujourd’hui, de porter atteinte inconsidérément à un arbre, sur un terrain privé.
C’est également la première fois, en droit civil, que la Charte de l’environnement (de valeur constitutionnelle) motive une argumentation judiciaire pour refuser d’ordonner des atteintes injustifiées et funestes à un arbre, enraciné sur une propriété privée.
Cette décision est très importante pour les défenseurs des arbres qui l’attendaient depuis longtemps. À ce titre, l’une des propositions suggérées par un groupe de réflexion pluridisciplinaire, porté par le CAUE 77 et l’association ARBRES, souligne la nécessité d’adopter une « Loi Arbre », à intégrer dans le Code de l’environnement.
Parmi les nombreuses propositions faites se trouve notamment celle d’inscrire dans la loi la nécessité de devoir démontrer un préjudice aux personnes et/ou aux biens, pour pouvoir être autorisé à attenter aux arbres limitrophes.
Il est temps de mettre à jour les articles 671 et 673 du Code civil, d’un autre siècle, contraires non seulement aux connaissances scientifiques, mais également aux impératifs environnementaux contemporains.
En cas d’appel, même si les juges du second degré venaient à autoriser une atteinte fatale au magnolia en question, en appliquant à la lettre le Code civil, le jugement du 3 octobre 2026 accompagne irréversiblement une prise de conscience, au bénéfice de tous.
L’anthropocentrisme de nos règles actuelles est non seulement préjudiciable aux végétaux, mais aussi, comble du paradoxe, à nous-mêmes !
Pour la petite histoire, la propriétaire, assignée au tribunal, a défendu seule (sans avocat) face à un avocat, la cause de l’arbre ! Ses enfants ont demandé à joindre au dossier deux lettres qu’ils avaient écrites eux-mêmes, pour sauver le magnolia menacé. Dans celles-ci, les enfants ont supplié le juge de « ne pas couper leur arbre » ! Les juges nantais se sont montrés, non seulement attentifs à cette requête touchante, mais également à l’interdépendance entre l’Homme et son environnement.
Cette très belle décision judiciaire de Loire-Atlantique, emprunte de réalisme environnemental, nous apporte à tous un vent d’ouest très revigorant !
Sources :