Arrêt France Telecom : la sanction du harcèlement moral institutionnel

Publié le 28/01/2025 à 6h01

Fronton de la Cour de Cassation au Palais de Justice de Paris (F

Le président-directeur général et plusieurs dirigeants d’une grande société ayant mis en place une politique d’entreprise qui a touché un quart de leurs employés, à savoir : un plan de réduction d’effectifs visant 20 000 agents et un plan de mobilité interne visant 10 000 agents, un syndicat porte plainte. Il dénonce les conséquences humaines très lourdes résultant de cette politique.

La société et ses principaux dirigeants sont poursuivis pour harcèlement moral au travail.

La cour d’appel condamne la société et ses principaux dirigeants pour harcèlement moral institutionnel, en se basant sur l’article 222-33-2 du Code pénal, qui vise le harcèlement moral au travail.

On parle de harcèlement moral institutionnel lorsque les dirigeants, appliquent en connaissance de cause une politique d’entreprise qui dégrade gravement les conditions de travail, au point de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.

La Cour de cassation, par un arrêt promis aux honneurs du rapport annuel, répond à la question de savoir si les dirigeants d’une société peuvent être condamnés sur le fondement de la loi réprimant le harcèlement moral au travail pour avoir, en connaissance de cause, défini et mis en œuvre une telle politique générale d’entreprise.

Un tel harcèlement moral répond bien à la définition du Code pénal du harcèlement moral au travail. Le législateur a en effet souhaité donner la portée la plus large possible à la répression de ce harcèlement qui n’impose pas que les agissements répétés s’exercent à l’égard d’une victime déterminée, ni que les agissements répétés s’exercent dans une relation interpersonnelle entre l’auteur et la victime. Le fait seul fait qu’auteur et victime appartiennent à la même communauté de travail est suffisant.

Les prévenus ayant argué de l’imprévisibilité de l’interprétation retenue de la loi pénale à la date des faits poursuivis, la Cour de cassation répond que l’application de l’incrimination à une situation nouvelle, qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence, n’était pas imprévisible au sens de l’article 7 de la Conv. EDH, de surcroît pour des professionnels comme les dirigeants du groupe qui avaient la possibilité de s’entourer des conseils éclairés de juristes.

Sources :
Rédaction
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