Contentieux de la sécurité sociale : les limites du droit à l’erreur et l’office du juge

Publié le 29/04/2025 à 6h39

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Une URSSAF adresse une mise en demeure à une société cotisante pour obtenir le paiement des majorations de retard de déclaration et de paiement de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés. La commission de recours amiable ayant partiellement rejeté sa demande de remise gracieuse de ces majorations, la société cotisante saisit d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Aux termes de l’article L. 123-1 du Code des relations entre le public et l’administration, une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration dans le délai qui lui a été indiqué. La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude.

Il résulte de ce texte que les retards ou omissions de déclaration dans les délais prescrits par un texte, parce qu’ils ne sont pas susceptibles de régularisation, n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions de cet article.

Le jugement énonce que le retard dans le respect d’obligations non contestées, préexistantes, connues et inchangées ne constitue pas une méconnaissance involontaire par la société cotisante d’une règle applicable à sa situation et en déduit exactement que le retard dans la déclaration du chiffre d’affaires de la société cotisante et dans le paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés mise à sa charge n’entrant pas dans le champ d’application du texte précité, la société cotisante ne peut utilement se prévaloir de ses dispositions.

Mais La Cour de cassation juge, sur le fondement de l’article 6 § 1, de la Convention, que les majorations de retard, qui constituent, au même titre que les cotisations, des ressources des organismes sociaux, ont la même nature que celles-ci, et que les contestations relatives aux cotisations de sécurité sociale portent sur des droits et obligations à caractère civil au sens de ce texte, ce dont il résulte que le pouvoir de contrôle des juridictions judiciaires répond aux exigences de ce texte, dès lors qu’il s’exerce sur la régularité de la procédure, sur la matérialité des faits et sur l’application des lois servant de fondement à la décision litigieuse (Cass. soc., 23 mai 2002, n° 00-12.309).

S’inscrivant dans la logique de la jurisprudence de la CEDH, le Conseil constitutionnel a jugé qu’en punissant d’une majoration de la contribution due au titre de l’année le manquement à des obligations destinées à assurer l’établissement de cette contribution, le législateur a instauré une sanction à caractère de punition.

Il convient, dès lors, de réexaminer la jurisprudence énoncée, en tant qu’elle ne distingue pas, parmi les majorations de retard, celles qui, assimilables à des intérêts appliqués en cas de versement tardif des cotisations, tendent à la réparation pécuniaire d’un préjudice, de celles susceptibles de recevoir la qualification de sanction à caractère de punition.

Ces considérations conduisent la Cour à juger désormais que le cotisant, auquel sont appliquées par l’organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales, des majorations de retard constituant des sanctions présentant le caractère de punition, doit bénéficier des garanties résultant de l’article 6 § 1 susvisé.

En conséquence, dès lors qu’elle est régulièrement saisie d’un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou partie une demande de remise gracieuse de telles majorations, il appartient à la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d’apprécier l’adéquation de la sanction, prononcée par l’organisme de recouvrement, à la gravité de l’infraction commise.

Encourt la cassation le jugement qui, pour rejeter le recours de la société cotisante, retient que les difficultés organisationnelles en lien avec les mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, ne constituent pas un élément extérieur et irrésistible et que l’importance et la portée de ces difficultés ne sont pas démontrées par la société cotisante, qui ne justifie pas non plus en avoir informé en temps utile l’organisme de recouvrement et que ces contraintes n’ont pas eu d’incidence significative sur une contribution dont l’assiette était antérieurement connue ou déterminable tout comme la date d’échéance des obligations déclarative et de paiement au surplus dématérialisées, alors qu’il lui appartenait d’apprécier l’adéquation de la majoration, prononcée par l’organisme de recouvrement, pour défaut de production de la déclaration de son chiffre d’affaires dans les délais prescrits par la société redevable de la contribution litigieuse, à la gravité de l’infraction commise par la société cotisante.

Sources :
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