Indemnisation du préjudice d’anxiété en présence d’employeurs successifs

Publié le 09/05/2025 à 6h35

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Le salarié d’une usine exploitée successivement par cinq entités à la suite de modification de situations juridiques, saisit, avec d’autres, la juridiction prud’homale notamment en indemnisation d’un préjudice d’anxiété et d’un préjudice lié au bouleversement subi dans ses conditions d’existence.

Parallèlement, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisi d’une demande d’inscription de l’établissement Fonderie et aciérie de l’une de ces sociétés sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité, rend une décision de rejet implicite, puis notifie une décision de rejet exprès. Cette décision est contestée devant le tribunal administratif qui déboute les requérants de leur demande par jugement devenu définitif.

Sauf collusion frauduleuse entre les employeurs successifs, seul le nouvel employeur est tenu envers le salarié aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après le transfert et le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, pour manquement de ce dernier à cette obligation.

Le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l’amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance de ce risque par les salariés. Il naît, pour le salarié qui ne bénéficie pas de l’allocation de cessation anticipée d’activité, à la date à laquelle celui-ci a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante.

Pour rejeter la demande du premier employeur tendant à sa mise hors de cause et dire que cette société devra garantir la société, dernier employeur, des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 90 %, les arrêts retiennent que l’article L. 1224-2 du Code du travail n’emporte pas substitution mais adjonction de débiteurs en vue d’offrir une garantie supplémentaire aux salariés transférés et qu’il en résulte que, pour les dettes antérieures au transfert, le salarié peut agir indifféremment contre le nouvel employeur ou contre l’ancien, les deux employeurs étant tenus in solidum des conséquences des manquements du cédant aux obligations résultant du contrat de travail.

Les arrêts ajoutent que le salarié peut ne mettre en cause que le nouvel employeur, même si la créance invoquée est la conséquence d’un manquement du cédant aux obligations résultant du contrat de travail, mais que le nouvel employeur peut se faire rembourser par ce dernier la fraction des sommes correspondant à la période antérieure au transfert représentant le temps pendant lequel le salarié était au service de l’ancien employeur.

Les arrêts relèvent enfin que l’amiante a été utilisée sous différentes formes dans la société premier employeur, que la substitution de l’amiante a été entamée en 1996 au niveau des briques de coffrage de moule, et qu’aucun élément ne permet de justifier de l’utilisation de l’amiante dans l’entreprise après 1991.

Ils en déduisent que la part de responsabilité de cette société doit être limitée à 10 % au vu de la durée d’utilisation de l’amiante dans l’usine à laquelle le salarié était affecté, le surplus étant mis à la charge du dernier employeur.

En statuant ainsi, alors qu’elle a constaté que, jusqu’au 1er septembre 1988, les salariés n’étaient pas en mesure d’être suffisamment informés sur les risques auxquels ils avaient été exposés dans leur vie professionnelle pour en avoir une conscience libre et éclairée, et que les contrats de travail avaient été transférés à la société dernier employeur à cette date, de sorte que le préjudice d’anxiété des salariés était né après ce transfert, la cour d’appel ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations.

Sources :
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