Le marché du viager immobilier en progression
Dans un contexte économique et social où les revenus des seniors diminuent, où le coût de la vie augmente et où le nombre de seniors lui-même est en hausse (grâce à l’allongement de la durée de vie et avec l’arrivée progressive des baby-boomers dans les tranches d’âge élevées), la vente en viager devient un outil juridique idéal pour répondre aux besoins de nos seniors. De plus, la vente en viager foisonne d’intérêts pour les acquéreurs qui peuvent ainsi devenir propriétaires en principe « à moindre coût ». Selon les différents viagéristes (agents immobiliers et experts immobiliers spécialisés en viager), la progression des ventes en viager est de + 5 à 6 % par an actuellement.
Quelles sont les règles qui régissent le principe du viager en France ?
Le vendeur (crédirentier) vend à l’acquéreur (débirentier) un bien.
La vente en viager est un contrat aléatoire où chacune des parties a une chance de gain ou un risque de perte :
Le vendeur vend avec un prix décoté par rapport à une vente classique mais, en contrepartie, il peut rester vivre dans son logement, en profiter sa vie durant et, s’il y a une rente, toucher un complément de revenus.
L’acquéreur fait une opération immobilière à plus faible coût. Il peut accéder à la propriété en évitant le recours à un crédit bancaire onéreux ou même inenvisageable parfois. En effet, l’acquéreur verse des arrérages de façon échelonnée ; voire encore, s’il s’agit d’un viager libre (c’est-à-dire en l’absence de réserve d’usufruit ou de droit d’habitation), l’acquéreur peut se loger sans avoir à payer immédiatement une somme excédant ses facultés pécuniaires.
Cela peut donc être vu comme une garantie de revenus à vie pour l’une des parties et un crédit gratuit pour l’autre.
Lors de la signature d’une vente en viager, l’état de santé du vendeur doit demeurer inconnu, son décès futur, imprévisible. Sinon, le contrat peut se voir annulé.
Les deux grandes différences d’une vente en viager par rapport à une vente classique sont les suivantes :
– Le prix et son paiement, comme on le verra par la suite ;
– Dans 90 % des cas, le vendeur reste dans le bien ; soit avec une réserve du droit d’usage et d’habitation, soit avec une réserve d’usufruit.
De plus, pour assurer le paiement effectif des rentes et protéger le crédirentier, il faut bien prévoir dans l’acte les garanties suivantes :
– Une hypothèque légale du vendeur, pour protéger ce dernier. Ainsi, à défaut de paiement des rentes, le crédirentier peut demander l’exécution forcée des engagements de son débiteur en saisissant le bien, le faisant vendre, afin de dégager une somme suffisante pour le service des arrérages. Dans ce cas-là, on a besoin du juge.
Aussi, pour écarter toute complication, il est très vivement conseillé de prévoir également :
– Une clause résolutoire de plein droit (pour éviter le pouvoir d’appréciation du juge) ;
– Et une clause pénale (par exemple : le crédirentier conservera les rentes versées à titre d’indemnisation forfaitaire en cas de résolution).
Enfin la vente en viager au sein du cercle familial est à déconseiller. Une sous-évaluation du prix ou un non-versement effectif de la rente entraînerait une requalification en donation déguisée et pourrait être grave de conséquences (voir notamment l’article 918 du Code civil).
Comment est déterminé le prix d’une vente en viager ?
Pour déterminer le prix d’une vente en viager, on part de la valeur vénale en pleine propriété du bien, puis on pondère cette valeur en fonction notamment des éléments propres au vendeur.
C’est-à-dire qu’initialement on prend en compte les caractéristiques propres du bien, comme en matière de vente classique : situation géographique, superficie, état, valeur locative ; puis on s’attache aux éléments propres au vendeur :
– L’âge, le sexe et l’espérance de vie du vendeur (attention, l’espérance de vie selon l’Insee, 79,3 ans pour les hommes et 85,2 ans pour les femmes, est l’espérance à la naissance ; mais pour le calcul de l’espérance de vie d’un senior, on tient compte de son âge lors de la vente) ;
– La réserve du droit, s’il y a, qui est faite au profit du vendeur : soit un droit d’usage et d’habitation, soit un usufruit. Une telle réserve est effectuée dans la majorité des cas, les ventes en « viager libre » étant rares.
En la matière, il existe des tables de calcul.
Le prix d’une vente en viager peut être décomposé en :
– un bouquet + une rente ;
– ou une simple rente. Si le versement d’un bouquet n’est pas obligatoire, il est toutefois recommandé. Il représente 10 à 30 % de la valeur vénale du bien. Cette rente doit être indexée et peut être majorée si le vendeur quitte le bien. Doit également être prévue la réversion de la rente dans le cas d’un couple crédirentier : en cas de prédécès d’un des vendeurs, il faut protéger le survivant en prévoyant la réversion de la rente de manière intégrale et ainsi éviter une réduction au décès du premier mourant ;
– ou un simple bouquet, ou « bouquet sec » : l’acquéreur dans ce cas achète « cash », sans rente.
Toutefois, la rente ne doit pas être trop basse dans certaines hypothèses. Par exemple en cas de viager libre, il faut faire établir une estimation de la valeur locative du bien pour que la rente soit fixée à un montant supérieur à celui du loyer. Sinon, il n’y aurait aucun aléa, aucun risque de perte pour l’acquéreur puisque le bien s’autofinancerait : la rente serait versée avec les seuls revenus de l’immeuble. Le contrat pourrait alors être annulé par le juge.
Quelles sont les différences entre un viager libre et occupé ?
Le viager occupé. Le vendeur reste dans le bien (ce qui représente 9 ventes en viager sur 10) :
– Soit en gardant un usufruit. À son gré, le vendeur peut soit louer le bien, soit l’occuper personnellement, voire céder son usufruit ;
– Soit en gardant un droit d’usage et d’habitation. Le vendeur peut uniquement l’occuper personnellement et non le louer ou le céder.
Dans ces cas-là, le vendeur restant dans le bien, il sera redevable d’un certain nombre de charges.
Le viager libre. L’acquéreur est en possession du bien comme dans une vente classique : l’ensemble des charges (taxes, impôts, factures d’énergie…), l’entretien courant et toutes les réparations sont à la charge de l’acquéreur.
Seul diffère ici la modalité de paiement du prix.
Y a-t-il un âge légal pour vendre en viager ?
Il n’y a aucun âge minimum, ou même de fourchette d’âges, imposé par la loi pour vendre en viager, néanmoins, en pratique, ce sont souvent des seniors qui vendent ainsi.
En effet, « la vente en viager apporte une solution au problème du riche pauvre, vieillard dépourvu de revenus suffisants » puisqu’« il peut ainsi, tout en conservant éventuellement la jouissance de son bien, disposer de ressources régulières » (J.-P. Mantelet et N. Mantelet, « La Vente en viager », Administrer 1997, p. 12).
Pour les vendeurs, partant du principe que 90 % des ventes en viager sont des ventes où les vendeurs restent dans les lieux, cela a pour avantage de :
– Vendre tout en restant chez eux ;
– Obtenir des liquidités / revenus complémentaires qui leur permettent de :
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Maintenir leur niveau de vie,
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Faire face à la dépendance,
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Purger leurs dettes,
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Gratifier leurs proches,
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Transmettre tout en évitant l’indivision,
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Effectuer certaines dépenses impossibles auparavant…
Cependant, en théorie, on pourrait tout à fait imaginer un jeune propriétaire qui vendrait en viager. En revanche, toujours d’un point de vue pratique, l’opération ne serait pas vraiment fantastique, ni pour le vendeur, ni pour l’acquéreur : le prix étant fixé notamment en considération de l’âge du vendeur, de son espérance de vie, ce que toucherait un trentenaire lors de la vente serait très faible puisque son droit réservé serait très important ; et si le jeune vendeur souhaitait une rente, quel acquéreur serait prêt à verser une somme mensuelle pendant a priori plus d’une cinquantaine d’années ?
Donc les vendeurs en viager sont, dans les faits, des personnes de plus de 50 ans ; et en majorité des personnes encore plus âgées.
Il faut simplement que le vendeur ait sa pleine capacité pour signer, sans quoi il faut demander au juge une ordonnance autorisant la vente.
Qui doit payer les charges dans le cadre de la vente d’un bien en viager ?
Quand le viager est occupé (majorité des cas). Sauf précision contraire, le vendeur règle l’entretien et les réparations courantes, tandis que les grosses réparations sont prises en charge par le débirentier (articles 605 et 606 du Code civil).
De façon générale, le débirentier doit entretenir le bien en personne raisonnable (article 627 du Code civil) et le débirentier bénéficie d’un droit de visite pour vérifier son bon état.
– Les impôts locaux : le crédirentier règle la taxe d’habitation (le cas échéant) et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, tandis que le débirentier paie la taxe foncière. Dans le cas d’un usufruit, le poids de la taxe foncière peut inversement peser sur le crédirentier.
– L’assurance et les contrats : l’acquéreur souscrit un contrat en sa qualité de propriétaire non-occupant et le crédirentier conserve sa police d’assurance mais régularise un avenant (qui lui fait diminuer le coût) puisqu’il n’est plus qu’occupant.
Le vendeur continue de supporter les charges relatives aux consommations et abonnements pour le gaz, l’eau et l’électricité.
Si le viager est libre. L’ensemble des charges (taxes, impôts, factures d’énergie…), l’entretien courant et toutes les réparations sont à la charge du débirentier qui a la possession du bien dans ce cas.
Quel régime fiscal s’applique au viager ?
Pour le vendeur. Il y a un éventuel impôt sur les plus-values immobilières si le vendeur ne remplit pas les critères d’exonération (résidence principale, cession de moins de 15 000 €, détention depuis plus de 30 ans ou, dans certains cas, vente par des retraités à faibles ressources ou invalides).
Les rentes viagères sont soumises à l’impôt sur le revenu pour une fraction de leur montant, comprise entre 30 et 70 % et décroissante avec l’âge du crédirentier (mais celui-ci est fixé définitivement au moment du 1er versement de la rente).
Quant à l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) : en cas de démembrement de propriété résultant d’une vente en viager et dans l’hypothèse où le patrimoine immobilier du vendeur excède les 1 300 000 €, ce dernier doit déclarer la valeur du droit qu’il s’est réservé (droit d’usage et d’habitation ou usufruit déterminé selon le barème fiscal, décoté éventuellement de 30 % au titre de la résidence principale).
Pour l’acquéreur. Aucune déduction des rentes n’est possible en matière d’impôt sur le revenu pour le débirentier.
Quant à l’IFI : l’acquéreur déclare la nue-propriété acquise (ou la valeur du droit acquis), déduction faite de la capitalisation de la rente restant à servir.
À la fin du viager, dans la majorité des cas : au décès du vendeur, l’acquéreur récupère la totalité du bien sans aucune fiscalité.
Référence : AJU007v2