Que devient la garantie de conformité à l’ère du numérique ?

Publié le 04/06/2021

Transposition de la directive (UE) n° 2019/770 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et de la directive (UE) n° 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens.

Ce matin, votre réfrigérateur vous a dit qu’il ne restait presque plus de lait, demain il sera capable d’en commander directement chez un fournisseur local… bienvenue dans l’ère du numérique ! D’une part, de plus en plus de biens contiennent des éléments numériques, comme des applications, on songe à tous les objets du quotidien, tels que les montres, qui sont devenus connectés et intelligents, et, d’autre part, les services numériques, comme les réseaux sociaux, les espaces de stockage des données en nuage ou bien les contenus numériques, comme la musique et les vidéos en streaming ou sous forme de fichiers… ont bouleversé les habitudes des consommateurs. Il était temps de repenser le droit des contrats de consommation à l’ère du numérique.

En outre, l’économie numérique n’ayant pas de frontière, cela justifiait pleinement que le législateur européen se saisisse de l’uniformisation des droits des consommateurs de contenus et de services numériques et de biens qui intègrent des éléments numériques dans les États membres.

Cela s’est traduit par l’adoption, le 20 mai 2019, de deux directives ; l’une relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques1 et l’autre relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens2. À vrai dire, ces deux textes s’intéressent essentiellement à la garantie de conformité qui est due aux consommateurs. Ils font bien plus qu’adapter la directive n° 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation à cette nouvelle génération de biens et de services numériques. En effet, celle-ci est abrogée à compter du 1er janvier 20223.

Les deux directives doivent être transposées dans les législations des États membres avant le 1er juillet 20214 pour être applicables au 1er janvier 2022.

Une marge de manœuvre, pour les législateurs nationaux, limitée certes, existe car les deux directives5, d’harmonisation totale mais ciblée, contiennent quelques exceptions. De plus, les États membres sont toujours libres d’élargir le champ d’application d’une directive6.

En France, la loi du 3 décembre 20207 a habilité le gouvernement à transposer les deux directives de 2019 par voie d’ordonnance. Un projet d’ordonnance a été soumis à consultation publique entre le 26 février et le 9 avril 20218. Ce projet pourrait donc subir quelques retouches avant son adoption définitive. En attendant, nous avons voulu porter un regard de consommateur attentif aux changements qui seront introduits prochainement dans notre Code de la consommation en ce qui concerne la garantie de conformité.

En réalité, les directives du 20 mai 2019 portent deux innovations majeures. Assurément, la première a consisté à adapter la garantie de conformité aux biens intégrant des éléments numériques et aux services et contenus numériques. Mais la seconde, pas moins novatrice, a été de consacrer l’avantage que procure la collecte des données personnelles du consommateur en tant que prix ou complément du prix dû par le consommateur en contrepartie d’un contenu ou d’un service numérique. De fait, il est de plus en plus courant que des professionnels se rémunèrent en vendant les données à caractère personnel des utilisateurs de leurs services à des publicitaires, ou en utilisant ces données pour valoriser leurs services. Ainsi, l’article 2 de la directive (UE) n° 2019/770 concernant les contrats de fourniture de contenus ou de services numériques définit le prix comme « une somme d’argent ou une représentation numérique de valeur due en échange de la fourniture d’un contenu numérique ou d’un service numérique ». Le projet d’ordonnance a étendu ce concept aux contrats portant sur les autres biens, ce qui n’est pas sans conséquences, notamment sur le champ d’application de l’obligation de conformité applicable aux biens intégrants des éléments numériques. Mais cela est très cohérent9, et, en définitive, le projet d’ordonnance respecte la dichotomie voulue par les deux directives en distinguant la conformité des contenus et services numériques et la conformité des autres biens, y compris ceux qui intègrent des éléments numériques. Ainsi, il est prévu, d’une part, de modifier le chapitre VII du titre 1er du livre II du Code de la consommation dédié à l’obligation de conformité dans les contrats de vente des biens, et, d’autre part, d’introduire des règles spécifiques aux contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques en intégrant dans le livre II au chapitre IV du titre II sur les règles de formation et d’exécution de certains contrats, une section II bis relative aux contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques. L’objet de cette section II bis est plus large que la garantie due aux consommateurs sur laquelle nous avons décidé de nous concentrer. S’agissant précisément des dispositions qui intéressent la garantie de conformité, de nombreuses dispositions se recoupent avec les nouvelles règles « générales » applicables aux contrats de vente des biens. À cet égard, et en aparté, on ne peut s’empêcher de constater que la technicité grandissante des biens et des modes de consommation conduit à l’émergence d’un droit de la consommation général et d’un droit de la consommation spécial.

Quoi qu’il en soit, s’agissant des règles nouvelles qui concerneront demain la garantie de conformité, les avancées pour le consommateur se concentrent sur le contenu de la garantie, d’une part (I), et sur sa mise en œuvre, d’autre part (II).

I – Le nouveau contenu de la garantie de conformité dans le Code de la consommation

Jusqu’à présent, la garantie de conformité ne concerne que les contrats de vente de biens meubles corporels ainsi que les contrats de fourniture de biens meubles à fabriquer ou à produire. S’ajoutent par exception l’eau et le gaz conditionnés en volume ou quantité déterminés10. Sont exclus les biens vendus aux enchères et sur autorité de justice et l’électricité11. Par ailleurs, seuls les contrats conclus entre un consommateur et un vendeur professionnel sont couverts par la garantie12, qui court pendant 2 ans à compter de la délivrance du bien13.

Or les dispositions qui seront issues de la transposition des directives vont étendre le domaine de la garantie, non seulement à l’égard des personnes et de l’objet du contrat, mais aussi dans le temps (A).

Quant à l’objet de la garantie, il se trouve profondément modifié par une redéfinition de la conformité (B).

A – Extension du domaine de la garantie de conformité

1 – Domaine de la garantie quant à l’objet du contrat

Évidemment, la garantie de conformité intéressera dorénavant, d’une part, les biens intégrant des éléments numériques (sont donc visés tous les smartphones et autres objets intelligents), et d’autre part, les contenus et services numériques14. La garantie de conformité dépasse donc le cadre du contrat de vente pur15.

Par ailleurs, il faut noter que dans la directive relative à certains aspects du contrat de vente de biens, la garantie s’applique au contrat de vente, c’est-à-dire, conformément à son article 2, 1), au contrat en vertu duquel « le vendeur transfère ou s’engage à transférer la propriété de biens à un consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de ces biens ». Le prix n’étant pas défini, cela laisse supposer que l’on s’en tienne à une contrepartie monétaire. Au contraire, dans la directive relative aux contenus et services numériques, la garantie de conformité s’applique dans les contrats dans lesquels la contrepartie du service ou du contenu est une somme d’argent ou la fourniture par le consommateur au professionnel de données à caractère personnel16. Or le projet d’ordonnance ne fait pas cette distinction selon l’objet du contrat et inclut dans le champ d’application de la garantie de conformité les contrats de vente et ceux en vertu desquels le vendeur procure un bien au consommateur qui en contrepartie lui procure « tout autre avantage » qu’il s’agisse d’un contrat portant sur la fourniture d’un bien17 ou d’un service ou d’un contenu numérique18. Le projet d’ordonnance va donc plus loin que la directive et donne un contour nouveau au contrat de vente de biens là où le législateur européen s’était contenté d’élargir la notion de prix de manière restrictive aux contrats portant sur des contenus et des services numériques. D’un certain côté, c’est assez cohérent dans la mesure où les biens peuvent intégrer des éléments numériques susceptibles d’être fournis en contrepartie de l’utilisation à des fins commerciales des données personnelles du consommateur. Il est néanmoins regrettable d’avoir substitué à la formule claire de la directive, cette notion floue de « tout autre avantage ». De deux choses l’une :

  • soit l’exécutif était mal à l’aise avec le fait de reconnaître implicitement une valeur patrimoniale aux données personnelles alors que la protection des données personnelles est un droit fondamental garanti notamment par le règlement général sur la protection des données (RGPD)19 dont la primauté est consacrée à l’article 3.8 de la directive relative aux contenus et services numériques ;

  • soit l’exécutif a volontairement flouté la notion afin d’englober des situations où le consommateur ne fournit pas de données personnelles en contrepartie d’un bien, d’un contenu ou d’un service numérique, mais un autre avantage. Tel serait le cas de la situation dans laquelle le consommateur doit regarder ou écouter des publicités pour accéder à un contenu ou un service numérique et/ou pour continuer à y avoir accès. Une telle extension est d’ailleurs permise par le considérant 25 de la directive relative aux contenus et services numériques.

Parallèlement, les exclusions existant dans le Code de la consommation sont reprises à l’exception de l’électricité conditionnée en volume ou en quantité définie20. S’en ajoutent d’autres prévues par l’article 3.5 de la directive relative aux contenus et services numériques et transposées dans le projet d’ordonnance21. Toutefois, la directive relative à la vente de biens permettait aux États membres d’exclure les animaux vivants. Dans le projet d’ordonnance, cette opportunité n’a pas été saisie. Pourtant, elle aurait été intéressante. En effet, on avait pu, à l’occasion d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en 201522, à propos d’un chien de compagnie, mesurer les limites des règles du droit de la consommation sur la garantie de conformité. En effet, dans cet arrêt, il avait été jugé que le bichon frisé acquis par une consommatrice et atteint de graves troubles de la vision « était un être vivant, unique et irremplaçable, et un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître, sans aucune vocation économique » et que « par conséquent son remplacement était impossible ». Dès lors, l’option qui est laissée au consommateur entre réparation et remplacement devient impossible à mettre en œuvre, de même que le vendeur ne peut plus se prévaloir du deuxième alinéa de l’article L. 217-9 du Code de la consommation, selon lequel il peut ne pas respecter le choix de l’acheteur si celui-ci « entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut ».

Il aurait donc été pertinent de prendre acte de ces difficultés et temporiser la logique d’extension de la garantie. En revanche, s’agissant du champ d’application de la garantie par rapport aux personnes, on regrette un manque d’audace.

2 – Domaine de la garantie par rapport aux personnes

Le projet d’ordonnance va plus loin que les directives et étend le bénéfice de la garantie légale de conformité à l’acheteur non professionnel d’un bien23 ou d’un contenu ou service numérique24. Il y a une nette avancée par rapport aux solutions actuelles qui réservent la garantie de conformité du Code de la consommation aux consommateurs. Cela s’inscrit dans la tendance d’interpénétration du droit commun des contrats et du droit de la consommation25, mais force est de reconnaître que face à des biens de plus en plus complexes, la personne morale qui achète un bien qui ne correspond pas à son domaine d’activité professionnelle est tout autant désarmée qu’un consommateur face à la supériorité technique du vendeur. D’ailleurs, le considérant 17 de la directive relative aux contenus et services numériques préconise d’assimiler au consommateur l’acheteur qui conclut un contrat dont la finalité professionnelle n’est pas prépondérante dans le contexte global du contrat. Et le considérant 21 de la directive relative à la vente de biens va même jusqu’à permettre aux États d’étendre son application aux PME. Néanmoins, une telle extension risque d’engendrer des coûts supplémentaires pour les vendeurs avec pour conséquence des prix de vente plus élevés pour l’ensemble des acheteurs.

En revanche, les deux directives laissaient la possibilité d’élargir la notion de vendeur professionnel aux fournisseurs de plateforme26, et la France n’a pas choisi cette option. Pourtant, les fournisseurs de plateforme, agissant à des fins liées à leurs propres activités professionnelles en tant que partenaires contractuels directs du consommateur, brouillent les pistes en cas de bien défectueux. Généralement, le consommateur n’a même pas conscience qu’il contracte avec un vendeur à l’autre bout du monde et qu’en conséquence il aura les plus grandes difficultés à faire valoir ses droits27, et la plateforme pourra toujours se réfugier derrière son statut de simple hébergeur. Dès lors, on regrette que les places de marché en ligne ne soient pas garantes de l’exécution des obligations de leurs vendeurs28.

Qu’en est-il à présent de la durée de la garantie ?

3 – La garantie dans le temps

Actuellement, l’article L. 217-12 du Code de la consommation prévoit que la garantie couvre une période de 2 ans après la délivrance du bien.

S’agissant des biens, l’article 10 de la directive relative à la vente de biens prévoyait le même délai laissant la possibilité aux États de les augmenter.

Sur ce point, la France avait anticipé avec la loi du 10 février 202029 en prévoyant (à l’article L. 217-9 actuel) un système d’extension et de renouvellement de la garantie de conformité en vigueur à compter du 1er janvier 2022. Ce système, motivé par l’idée qu’il faut encourager la durabilité des biens et favoriser leur réparation pour atteindre les objectifs d’un développement durable, est repris dans le projet d’ordonnance. Ainsi, un nouvel article L. 217-13 du Code de la consommation devrait prévoir que « tout produit réparé dans le cadre de la garantie légale de conformité bénéficie d’une extension de ladite garantie de 6 mois ». Il s’agit d’un copier-coller du deuxième alinéa de l’article L. 217-9 tel qu’il résultait de la loi du 10 février 2020. Parallèlement, la même loi avait prévu que « dès lors que le consommateur fait le choix de la réparation mais que celle-ci n’est pas mise en œuvre par le vendeur, le consommateur peut demander le remplacement du bien, qui s’accompagne dans ce cas d’un renouvellement de la garantie légale de conformité. Cette disposition s’applique soit à l’expiration du délai d’1 mois prévu au 1° de l’article L. 217-1030, soit avant ce délai lorsque la non-réparation résulte d’une décision prise par le vendeur ». Le texte avait été jugé peu clair s’agissant des limites de sa mise en œuvre31. En effet, le renouvellement de la garantie ne s’appliquait que dans l’hypothèse où l’acheteur avait sollicité en première intention la réparation et que celle-ci était impossible sous 30 jours ou que le professionnel préférait opter pour un remplacement. Dès lors, inversement, le consommateur qui avait demandé en première intention le remplacement et avait obtenu satisfaction ne voyait pas sa garantie renouvelée. Certes, on pouvait y voir une récompense envers l’acheteur soucieux de préserver la planète en préférant la réparation plutôt que la mise au rebut… Sauf que parfois les pièces détachées viennent de l’autre bout du monde et que leur transport implique une empreinte carbone non négligeable ! Toujours est-il que le projet d’ordonnance n’a pas abandonné cette différence de traitement hasardeuse même si la rédaction est plus digeste. Le nouvel article L. 217-13 devrait s’enrichir d’un second alinéa selon lequel « dès lors que le consommateur fait le choix de la réparation mais que celle-ci n’est pas mise en œuvre par le vendeur, la mise en conformité par le remplacement du bien fait courir (…) un nouveau délai de garantie légale de conformité attaché au bien remplacé ».

L’objectif louable du gouvernement est sans doute d’inciter les professionnels à produire des biens de meilleure qualité et réparables.

Par ailleurs, s’agissant des biens qui intègrent des éléments numériques, l’article 10.2 de la directive relative à la vente de biens a pris acte de ce que les éléments numériques ne s’usent pas par l’usage. Par conséquent, lorsque la fourniture n’est pas ponctuelle et s’étale sur plus de 2 ans, le vendeur répond de tout défaut de conformité du contenu ou du service numérique qui survient ou apparaît au cours de la période durant laquelle celui-ci est fourni en vertu du contrat de vente. La transposition de cette règle devrait se retrouver dans un nouvel article L. 217-3, alinéa 2.

S’agissant des contenus et services numériques, le projet d’ordonnance suit la logique de la directive (UE) n° 2019/770 : c’est-à-dire que si la fourniture est ponctuelle, le professionnel est responsable des défauts de conformité qui apparaissent dans les 2 ans à compter de la délivrance ; si la fourniture est continue, dans une certaine période, la garantie couvre tout défaut apparu dans cette période32. La solution est conforme à l’article 11.3 de la directive mais elle conduit soit à allonger la période de garantie au-delà de 2 ans, soit, lorsque le service est fourni de manière continue sur une période de moins de 2 ans, à réduire le délai de garantie. Or ce n’est pas cohérent avec la solution retenue dans le cas d’un bien intégrant un élément numérique fourni sur une période inférieure à 2 ans, car la garantie de conformité de cet élément est alors en tout état de cause de 2 ans. Toutefois, cette incohérence se retrouve dans les directives33.

Quoi qu’il en soit, durant le délai de garantie, le vendeur répond des défauts de conformité. Or, la notion de conformité présentera de nouveaux contours à compter du 1er janvier2022.

B – Nouvelle définition de la conformité

Jusqu’à présent, en application de l’article L. 217-5 du Code de la consommation, la conformité se définit de manière générale à partir de l’usage habituellement attendu du bien, de la description donnée par le vendeur et des qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle, ainsi que des qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur (ou d’autres personnes en amont dans la chaîne de transactions), notamment grâce à la publicité ou l’étiquetage.

Elle se définit aussi de manière spéciale à partir des caractéristiques définies d’un commun accord par les parties, ce qui peut inclure un usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.

Néanmoins, face à des biens complexes qui relèvent autant du contrat de vente que de la prestation de services, il fallait s’attendre à une mutation de la notion de conformité et corrélativement à une augmentation des obligations du professionnel que ce soit dans le cadre d’un contrat de vente de biens (1) ou de fourniture de contenus ou de services numériques (2).

1 – La nouvelle conception de la conformité des biens

La directive sur certains aspects de la vente de biens distinguait les critères subjectifs des objectifs de la conformité34. Le projet d’ordonnance reprend les deux séries de critères mais de manière plus claire en évoquant, d’une part, la conformité au contrat, et, d’autre part, la conformité aux attentes légitimes du consommateur standard au regard du type de bien.

Les critères que nous connaissons déjà sont maintenus35 mais s’en ajoutent d’autres.

Ainsi, l’accent est mis sur la fonctionnalité, la durabilité, la compatibilité, et l’interopérabilité.

Ces deux derniers critères se conçoivent particulièrement lorsque le bien intègre des éléments numériques. Et dans ce cas, la conformité implique d’intégrer la version la plus récente des éléments numériques. Quand on sait la rapidité de l’obsolescence d’un élément numérique, on comprend que cela soit nécessaire si l’on veut garantir une durabilité du bien qui, pour être fonctionnel, a besoin d’un élément numérique36.

De même, des mises à jour peuvent être prévues au contrat ou bien être nécessaires à la fonctionnalité du bien. Dès lors, la notion de conformité englobe aussi les mises à jour dont le consommateur doit être dûment informé par le vendeur37. On notera toutefois une obligation de coopération du consommateur. Si celui-ci refuse une mise à jour indispensable au fonctionnement normal du bien, il ne pourra pas se plaindre du défaut de conformité en résultant…

Parallèlement, la sécurité s’invite dans la conformité. Il y aura sans doute des mises au point à faire avec l’obligation de sécurité dont le professionnel est par ailleurs redevable envers l’utilisateur d’un bien.

La sécurité comprend-elle aussi la cyber sécurité ? La France a pris le parti d’inclure dans la notion de conformité le traitement des données à caractère personnel en transposant par analogie le considérant 48 de la directive relative aux contenus et services numériques. De fait, dans la mesure où le contenu ou le service numérique doit être adapté aux finalités auxquelles il est censé servir, si le vendeur d’un logiciel de cryptage de données ne prend pas toutes les mesures en application du RGPD pour garantir que les données personnelles du consommateur ne puissent pas être divulguées à des destinataires non autorisés, le logiciel est impropre à sa finalité qui est le transfert sécurisé de données. Il en irait de même d’une application de vente en ligne qui ne permet pas de protéger les données personnelles de l’utilisateur comme ses données bancaires. Le projet d’ordonnance a choisi d’intégrer cet aspect dans la notion de conformité d’un bien qui inclut un élément numérique38.

Tous ces éléments définissent aussi la conformité des contenus et des services numériques mais il faut encore, vis-à-vis de ces éléments, ajouter d’autres critères qui peuvent laisser l’interprète perplexe en ce qu’ils tiennent autant à l’exécution du contrat qu’à la conformité de son objet. Il faut dire que le législateur européen n’a pas voulu qualifier le contrat de fourniture de contenus ou de services numériques, laissant ce soin aux États membres. L’ordonnance de transposition n’a pas levé l’ambiguïté en traitant ce type de contrat comme un contrat sui generis.

2 – La conception renouvelée de la conformité du contenu ou du service numérique

À tous les critères déjà évoqués il faut en ajouter quatre autres. Certains semblent plus logiques que d’autres.

Ainsi, un nouvel article L. 224-25-15 du Code de la consommation créé par le projet d’ordonnance transpose l’article 9 de la directive (UE) n° 2019/770 pour étendre l’obligation du vendeur à la garantie de tout défaut de conformité résultant d’une mauvaise intégration du contenu ou du service au matériel informatique (hard ware) du consommateur lorsque cette intégration est réalisée par le professionnel ou sous sa responsabilité ou bien lorsque c’est le consommateur qui est à l’origine de cette intégration incorrecte à cause de lacunes dans les instructions fournies par le professionnel. Assurément, seule une intégration correcte dans l’environnement numérique de l’acheteur permet un usage normal du contenu ou du service numérique.

Dans le même ordre d’idées, l’article 10 de la directive évoquait la situation dans laquelle le consommateur ne peut pas utiliser normalement le contenu ou le service en raison d’une violation des droits d’un tiers (notamment ses droits de propriété intellectuelle). Là encore, il y a défaut de conformité au sens de la directive mais celle-ci a laissé la possibilité aux États de prévoir dans une telle hypothèse la nullité du contrat au lieu d’ouvrir les recours prévus pour les défauts de conformité. L’exécutif a préféré cette solution prévoyant la résolution du contrat et des dommages et intérêts39.

En revanche, les autres critères issus de l’article 8 de la directive (UE) n° 2019/770, et transposés dans ce qui devrait être un nouvel article L. 224-25-17 du Code de la consommation, témoignent du malaise vis-à-vis d’un contrat dont l’objet est la vente autant que la prestation de services.

Ainsi, la conformité s’entend de l’accessibilité et la continuité du contenu ou du service numérique.

Or l’obligation de livraison du professionnel implique aussi de rendre accessible le contenu40. On est donc à la fois dans la sphère de l’exécution de la prestation et de la garantie. Ce qui est loin d’être évident car les sanctions ne sont pas les mêmes : résolution du contrat en cas de défaut de fourniture et mise en conformité en cas de défaut de conformité. De même, s’agissant de la continuité, le considérant 51 de la directive invite à considérer que des interruptions de courte durée mais récurrentes d’un service numérique constituent un défaut de conformité, or c’est aussi une mauvaise exécution du service.

Ce mélange des genres ne manquera pas d’embrouiller le consommateur en cas de défaut de fourniture du contenu ou du service numérique qu’on lui a vendu mais dont l’accessibilité est rendue impossible par une incompatibilité avec l’environnement numérique du consommateur.

Numérique, digital
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II – La mise en œuvre de la nouvelle garantie de conformité

Certaines des dispositions prévues sont conçues pour faciliter la mise en œuvre des droits du consommateur. D’autres élargissent les recours mis à la disposition du consommateur. Il s’agit donc de s’interroger sur les nouvelles conditions de mise en œuvre de la garantie (A) et sur ses effets (B).

A – Les conditions de la mise en œuvre de la garantie

S’agissant des objets connectés, pour éviter toute incertitude tant pour les vendeurs que les consommateurs, le considérant 15 de la directive relative à la vente de biens préconise de considérer que l’élément numérique intégré dans un bien fait partie de l’objet du contrat de vente de ce bien même s’il y a un doute parce qu’il n’était pas préinstallé et qu’il a dû par exemple être téléchargé ultérieurement auprès d’un tiers, et qu’il n’apparaît pas clairement que la fourniture de ce contenu ou service numérique a fait ou non l’objet d’un contrat distinct du contrat de vente. Ce principe a été repris dans l’article 3.3 de la directive et par le projet d’ordonnance41. Cela présente un intérêt énorme pour le consommateur qui n’aura pas à se demander si le défaut de conformité du bien qui intègre un élément numérique résulte de l’objet matériel ou de l’élément numérique puisque, dans tous les cas, son interlocuteur, débiteur de la garantie de conformité, est son vendeur. Cela implique que celui-ci peut être tenu responsable pour la performance contractuelle d’un tiers. C’est alourdir la charge qui pèse sur le vendeur, mais force est de reconnaître qu’obliger le consommateur moyen à agir contre des débiteurs différents à raison de la non-conformité d’un contenu numérique vendu par le même vendeur dans un seul paquet contenant le bien dans lequel le contenu numérique est intégré, ce qui serait incompréhensible42.

Quoi qu’il en soit, tant pour les biens que pour les services numériques, le consommateur qui actionne la garantie de conformité doit prouver d’abord qu’il existe un défaut de conformité43 et ensuite que ce défaut existait au moment de la délivrance du bien. Or cette seconde preuve est facilitée par des présomptions résultant actuellement de l’article L. 217-7 du Code de la consommation. En effet, tout défaut apparu dans les 24 mois à compter de la délivrance pour les biens neufs et 6 mois pour les biens d’occasion est présumé avoir existé au moment de cette délivrance.

À cet égard, les règles vont changer et elles ne sont pas toutes dans l’intérêt du consommateur.

Par ailleurs, le consommateur est soumis à un délai de prescription auquel il doit être attentif car là aussi les règles évoluent.

1 – La preuve du défaut de conformité

Jusqu’à présent, conformément à l’article L. 217-6 du Code de la consommation, le consommateur ne peut pas invoquer contre le vendeur un défaut de conformité par rapport aux déclarations publiques concernant la qualité ou les caractéristiques du bien faites par le producteur ou son représentant, si le vendeur peut démonter qu’il ne connaissait pas ces déclarations et n’était légitimement pas en mesure de les connaître.

Cette limite est reprise, dans les deux directives et dans le projet d’ordonnance pour les biens et pour les contenus et services numériques44, tout en étant étendue à l’hypothèse où les déclarations n’auraient pas pu influencer la décision d’achat. Cela peut éviter des recours abusifs de consommateurs de mauvaise foi, mais la question de savoir si une caractéristique a pu influencer ou non l’achat risque de susciter beaucoup de contentieux car il s’agit d’une question très subjective.

En outre, une autre limite potentiellement plus dangereuse a été introduite. Les articles 7.5 de la directive relative à la vente de biens et 8.5 de la directive relative aux contenus et services numériques prévoient en effet que, sous réserve d’en informer le consommateur et de recueillir son consentement exprès au moment de la conclusion du contrat, il est possible pour le vendeur de livrer un bien ou un contenu ou service numérique dont une caractéristique particulière s’écarte des critères de conformité. Et dans ce cas, le consommateur ne peut pas invoquer le défaut de conformité. Cette cause d’exonération qui ne dit pas son nom est transposée telle quelle dans le projet d’ordonnance45. Or le flou qui entoure l’expression « caractéristique particulière » laisse ainsi imaginer que le professionnel puisse se décharger des mises à jour ou de la durabilité de la montre connectée ou du logiciel… Le projet d’ordonnance aurait pu prendre en compte le considérant 36 qui réservait cette souplesse à l’hypothèse de biens d’occasion. Cela pouvait alors se justifier car des biens ou des contenus numériques déjà anciens n’ont pas été remis à jour et ne présentent peut-être plus le degré de sécurité ou de compatibilité que l’on est en droit d’attendre de ce type de biens ou de contenus. Mais en l’état de la transposition, on cautionne indirectement des clauses limitatives de responsabilité du professionnel. C’est d’autant plus incongru qu’en réalité cela pourrait bien rester sans aucune portée. Effectivement, la question des sanctions était laissée à l’appréciation des États et sous réserve d’adoption du projet d’ordonnance, il sera introduit dans le Code de la consommation de nouvelles dispositions visant à réputer non écrite toute clause qui tendrait directement ou indirectement à limiter les droits à garantie du consommateur46.

Parallèlement, s’agissant des présomptions d’antériorité du défaut de conformité, actuellement pour des biens d’occasion non conformes, le consommateur est dispensé d’apporter la preuve de l’antériorité du défaut s’il apparaît dans les 6 mois de la délivrance. Pour les biens neufs, ce délai est porté à 24 mois. L’article 11 de la directive relative à la vente de biens prévoit pour sa part sans distinguer les biens neufs des biens d’occasion un délai d’1 an qui peut être allongé à 2 ans par les États. Or la France maintient la présomption d’antériorité sur 24 mois pour les biens neufs mais concernant les biens d’occasion, la présomption ne devrait fonctionner que pour les défauts apparus dans les 12 mois au lieu des 6 mois actuellement47. Par ailleurs, pour les biens intelligents qui intègrent un service fourni en continu pendant plus de 2 ans, la présomption d’antériorité du défaut opère pour tout défaut qui apparaît au cours de cette période.

En fait, la durée pendant laquelle la présomption opère est alignée sur le délai de garantie. Il y a là un avantage indéniable pour le consommateur.

Il n’en est pas exactement de même en cas de vente de contenus et de services numériques qui présenteraient des défauts de conformité. En effet, il faut alors procéder à une distinction. Dans l’hypothèse d’une fourniture ponctuelle, le consommateur n’aura pas à démontrer l’antériorité du défaut qui apparaît dans le délai de 12 mois à compter de la fourniture. La garantie opère au-delà (2 ans) mais le consommateur devra alors prouver non seulement le défaut de conformité mais aussi son antériorité au jour de la fourniture. En revanche, si le service est fourni de manière continue, la présomption fonctionne pendant toute la période de fourniture ; laquelle correspond aussi au délai de garantie48.

Enfin, s’agissant du délai dans lequel le consommateur peut agir, le projet d’ordonnance a utilisé la marge de manœuvre que laissaient les directives sur le point des délais de prescription.

2 – Le délai de prescription de l’action en défaut de conformité

En l’état du droit positif, le délai de prescription de l’action du consommateur est parfaitement aligné sur le délai pendant lequel le professionnel est tenu de garantir les défauts de conformité, soit 2 ans à compter de la délivrance du bien, en application de l’article L. 217-12 du Code de la consommation, et également sur le délai pendant lequel le consommateur n’a qu’à prouver l’existence d’un défaut sans avoir à établir son antériorité.

Cette solution a le mérite de la simplicité. Elle a cependant été critiquée car, en comparaison avec le droit commun de la garantie des vices cachés, notamment l’article 1648 du Code civil, qui prévoit un délai pour agir de 2 ans à compter de l’apparition du vice, elle est moins favorable au consommateur. Cela est indéniable même si, dans le dernier état de la jurisprudence49, l’action en garantie des vices cachés est prescrite au bout de 20 ans après la vente.

Dans la mesure où les législateurs étaient libres d’introduire un délai de prescription à la condition de veiller à ce que ce délai de prescription permette au consommateur d’exercer les recours à propos de tout défaut de conformité pendant le délai de garantie pesant sur le vendeur50, la France aurait pu prendre par analogie le délai prévu pour le vice caché, soit 2 ans à compter de la découverte du défaut enfermé dans le délai butoir de l’article 2232 du Code civil, à savoir, 20 ans. Ainsi, quel que soit le fondement de l’action en garantie, vice caché du droit commun ou défaut de conformité du Code de la consommation, le demandeur était soumis à la même règle.

C’est sans doute cette idée qui a animé le gouvernement dans le projet d’ordonnance. Qu’il s’agisse de biens51 ou de contenus et services numériques52, la rédaction est la même. Il est indiqué que le « délai de garantie s’applique sans préjudice des articles 2224 et suivants du Code civil. Le point de départ de la prescription de l’action du consommateur est le jour de la connaissance par ce dernier du défaut de conformité ».

Pour le lecteur, cette disposition n’apparaît pas limpide. D’abord, le point de départ de la prescription est le jour de la connaissance du défaut, certes. Mais doit-on comprendre qu’il s’agit de la prescription par 5 ans de l’article 2224 du Code civil avec délai butoir de 20 ans de l’article 2232 qui débute au jour de la conclusion du contrat ? Ou s’agit-il d’une prescription par 2 ans avec délai butoir de 20 ans ? La première lecture pourrait s’imposer dans la mesure où le délai de 2 ans est un délai d’extinction de la garantie et non un délai de prescription, ce qui expliquerait la formule selon laquelle le délai s’applique sans préjudice des articles 2224 et suivants du Code civil. Mais alors, on introduit à nouveau une distorsion entre l’action fondée sur le vice caché et celle fondée sur le défaut de conformité ; ce qui ne manquera pas d’embrouiller le consommateur mais c’est à son avantage si l’on compare avec le droit commun.

En tout état de cause, une telle règle de prescription n’aura d’intérêt que dans l’hypothèse de la fourniture d’un contenu ou d’un service numérique en continu, car alors, le professionnel est tenu des défauts de conformité pendant toute la période et le consommateur n’a pas à prouver l’antériorité du défaut, la charge de la preuve contraire pesant sur le professionnel. Simplement afin que le professionnel ne soit pas tenu à perpétuité, le délai de l’article 2232 du Code civil éteint le droit d’agir du consommateur au bout de 20 ans à compter de la conclusion du contrat.

En revanche, dans les autres cas, lorsque le délai de garantie est de 2 ans, étendre le délai de prescription présente moins d’intérêt puisqu’au terme des 2 ans à compter de la délivrance, le vendeur ne peut plus être inquiété pour un défaut de conformité qui apparaît ultérieurement. Tout au plus, le consommateur qui découvre le défaut au bout de 23 mois ne sera pas obligé de se précipiter devant le juge car il a 5 ans pour engager son action… Pareillement, le délai de garantie a pu être suspendu lorsque consommateur et professionnel sont entrés en négociation en vue d’un règlement amiable53.

Enfin, il faut signaler que le consommateur aura davantage de remèdes mis à sa disposition en cas de défaut de conformité. En apparence c’est un progrès mais, en pratique, il faudra être capable de s’y retrouver…

B – Les effets de la mise en œuvre de la garantie

Les remèdes dont le consommateur dispose en cas de défaut de conformité sont très développés. Nul doute que cela rend la garantie plus effective54. Ainsi, l’article 13.6 de la directive relative à la vente de biens prévoit que le consommateur peut suspendre le paiement du solde du prix ou d’une partie de celui-ci jusqu’à ce que le professionnel mette en conformité le bien. Cela a inspiré, dans le projet d’ordonnance, deux dispositions consacrant l’exception d’inexécution dans le cadre de la mise en conformité d’un bien55 ou d’un contenu ou d’un service numérique56.

Il faut noter que la France a aussi saisi les options offertes par le législateur européen d’offrir aux consommateurs des remèdes du droit commun des contrats en parallèle de ceux qui sont propres aux consommateurs (1).

En revanche, la hiérarchie des remèdes déjà prévue par les dispositions consuméristes a été maintenue par les directives et se retrouvera donc dans les futurs nouveaux articles du code en dépit des critiques que cela peut soulever (2). D’un autre côté, libre au consommateur qui veut s’affranchir de cette hiérarchie d’agir sur le fondement du droit commun des vices cachés mais il sera alors soumis au régime de la preuve de droit commun qui lui est moins favorable…

1 – Le cumul de la garantie des vices cachés et de la garantie de conformité

La possibilité de cumul entre garantie des vices cachés et garantie légale de conformité n’est pas une nouveauté. L’article L. 217-13 du Code de la consommation le prévoit déjà et la Cour de cassation veille à l’application effective de cette possibilité57. Toutefois, jusqu’à présent, la légalité de ce cumul pouvait paraître douteuse car la directive n° 1999/44/CE portant sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation58, en son article 8.1, réservait les règles nationales relatives aux droits de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle, mais cela ne concernait pas la garantie des vices cachés qui recouvre il est vrai le domaine de la garantie légale de conformité59. La légalité d’un tel cumul se justifie davantage dans le cadre de la transposition des directives de 2019.

En effet, l’article 3.7 de la directive relative à la vente de biens combiné avec son considérant 18 ouvre la possibilité de maintenir des règles nationales ne régissant pas spécifiquement les contrats de consommation et prévoyant des recours spécifiques pour certains types de défauts qui n’étaient pas apparents au moment de la conclusion du contrat de vente, notamment les recours attachés à la responsabilité du vendeur en cas de vices cachés. Ainsi, le nouvel article L. 217-31 du Code de la consommation devrait ouvrir au consommateur la possibilité d’exercer une action en garantie des vices cachés sur le fondement des articles 1641 à 1649 du Code civil.

En revanche, rien de tel dans la directive relative aux contenus et services numériques. Le projet d’ordonnance a donc opéré une transposition par analogie puisqu’il crée un article L. 224-15-32 dans le Code de la consommation.

Par ailleurs, actuellement l’article L. 217-13 du Code de la consommation réserve aussi au consommateur « toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi ». C’est le cas aussi dans le projet d’ordonnance pour les biens et les contenus et services numériques. Cela ouvre donc la possibilité d’une action en délivrance non conforme lorsque le défaut n’est pas caché en application des articles 1610 et suivants du Code civil. Mais tout bien réfléchi, cela n’est pas en accord avec l’article 3.7 de la directive relative à la vente de biens qui ne vise que des défauts non apparents…

Pourtant, cette alternative reste utile au consommateur surtout lorsqu’il souhaite en première intention obtenir la résolution du contrat. De fait, la hiérarchie des recours réservés aux consommateurs pour défaut de conformité place la réparation au premier plan. Il s’agit de servir le développement durable et les préoccupations environnementales du moment.

2 – La hiérarchie des recours

Dans le cadre d’un contrat de vente de biens jusqu’à présent, il y a deux niveaux dans la hiérarchie des recours offerts au consommateur. Ainsi, au premier niveau de la hiérarchie, et conformément à l’article L. 217-9 du Code de la consommation, le consommateur est en droit de solliciter la mise en conformité par réparation ou remplacement. Le professionnel est toutefois libre de ne pas procéder selon le choix du consommateur si celui-ci est impossible ou implique un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut.

La solution nouvelle qui devrait naître de la transposition des directives de 2019 reprend le même principe mais le projet d’ordonnance offre une alternative intéressante au consommateur lorsque le professionnel oppose un refus pour le choix du consommateur qui n’est pas motivé par l’impossibilité ou la disproportion. En effet, l’idée est de permettre à l’acheteur de biens60, ou de contenus ou services numériques61, de poursuivre l’exécution forcée en nature de la mise en conformité sollicitée dans les conditions de l’article 1221 du Code civil après mise en demeure du professionnel62. Cette option est conforme au considérant 54 de la directive relative à la vente de biens. Elle permet au consommateur, par une décision unilatérale, d’obtenir ce que le professionnel ne veut pas lui accorder sans avoir à introduire une action en justice. C’est indéniablement une arme redoutable.

Ensuite, actuellement, lorsque la mise en conformité est impossible, lorsqu’elle ne peut être mise en œuvre dans un délai de 30 jours ou qu’elle entraîne un inconvénient majeur pour le consommateur, ce dernier accède au deuxième niveau de la hiérarchie des recours et peut passer à la résolution du contrat ou la réduction du prix en application de l’article L. 217-10 du Code de la consommation. On notera que cette solution était reprise par les directives. Par conséquent, elle sera maintenue en droit français mais s’agissant des contenus et services numériques, la France a préféré s’en tenir à la notion européenne de « délai raisonnable » tout en l’adaptant plutôt que de garder le délai de 30 jours de l’article L. 217-10. Ce faisant elle a respecté les préconisations du considérant 64 de la directive relative aux contenus et services numériques qui jugeait peu judicieux de poser un délai précis incompatible avec la diversité des contenus et des services numériques. Ainsi, le consommateur pourra obtenir la résolution ou la réduction du prix si la mise en conformité est retardée de manière injustifiée63. Cela permet avantageusement une appréciation modulée en fonction des caractéristiques du contenu ou du service numérique.

Mais deux autres circonstances permettent également de passer au deuxième niveau de recours.

Pour les biens, le projet d’ordonnance introduit l’hypothèse dans laquelle la non-conformité persiste en dépit de la tentative du vendeur (laquelle est restée infructueuse) et celle où la mise en conformité implique des frais de reprise ou d’enlèvement ou des frais d’installation du bien réparé ou remplacé qui sont supportés définitivement par le consommateur64. S’agissant de cette seconde hypothèse, elle conforte aussi l’obligation du professionnel de procéder à la mise en conformité sans frais pour le consommateur65. Pour les contenus et services numériques, les mêmes principes s’appliqueront66. Une remarque s’impose cependant, il faut noter que contrairement à l’actuel article L. 217-10, peu importe que le défaut soit mineur.

Parallèlement, une nouveauté apparaît aussi par rapport aux solutions actuelles. Il s’agit de laisser le consommateur s’affranchir de la hiérarchie des recours et solliciter en première intention la réduction du prix ou la résolution du contrat en présence d’un défaut majeur. En effet, les deux directives67 prévoient que le consommateur peut demander immédiatement la réduction du prix (sauf si le contrat est conclu en contrepartie de l’exploitation de données personnelles) ou la résolution si le défaut est si grave que cela justifie une telle mesure. Le projet d’ordonnance reprend cette exception à la hiérarchisation des recours pour les contrats de vente portant sur des biens et ceux portant sur des contenus ou services numériques68. On regrette cependant cette formulation floue. En effet, que faut-il entendre par un défaut « si grave » ? Le considérant 65 de la directive relative aux contenus et services numériques n’est guère éclairant. Le projet d’ordonnance se contente de mettre en opposition deux propositions. La première consiste à permettre au consommateur de demander la réduction du prix (lorsque c’est possible) ou la résolution du contrat lorsque le défaut est si grave que cela justifie cette solution immédiate. La seconde au contraire interdit au consommateur la résolution (mais pas la réduction de prix ?) si le défaut est mineur, ce qu’il incombe au vendeur de prouver69. En outre, si le contrat a été conclu en échange de données personnelles, cette interdiction n’a plus lieu d’être. Ce qui voudrait dire qu’un défaut mineur peut tout de même dans ce cas justifier la résolution en première demande ! Voilà qui n’avance pas le lecteur.

De plus, s’il est précisé que le vendeur doit prouver le caractère mineur du défaut, il n’est pas dit que le consommateur doive prouver l’importance du défaut. Cela implique-t-il une présomption selon laquelle le défaut est grave ? Au professionnel de tenter d’échapper à la résolution du contrat en démontrant le caractère mineur du défaut…

En tout état de cause, la jurisprudence devra s’efforcer de tracer les contours de ces notions abstraites de défaut « si grave » et « défaut mineur ».

Il est vrai que ce concept n’est pas inconnu du droit français, au contraire ! En effet, l’article 1224 du Code civil prévoit que « la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice ».

Il ne faut pas non plus oublier que l’actuel article L. 217-10 du Code de la consommation contient dans son dernier alinéa une référence au défaut mineur qui empêche le consommateur de demander la résolution du contrat alors même que le professionnel ne peut mettre le bien en conformité dans les 30 jours ou qu’il en résulte un inconvénient majeur pour le consommateur.

Un arrêt relativement récent de la Cour de cassation a justement fait application de ce texte70. En l’espèce, pour la haute juridiction, les juges du fond avaient caractérisé l’importance du défaut dès lors qu’ils avaient constaté que l’acquéreur avait attaché dans le contrat une importance particulière à une certaine caractéristique du bien, il s’agissait de l’aspect de la carrosserie d’une voiture d’occasion, et que le défaut de conformité portait sur cette caractéristique.

On pourrait donc transposer cette jurisprudence dans le cadre des dispositions nouvelles pour considérer que chaque fois que le consommateur aura convenu avec le vendeur d’une caractéristique ou d’un usage recherché essentiel à son consentement au contrat, tout défaut de conformité sur ce point sera jugé suffisamment grave pour justifier une résolution en première intention dès lors que cela conditionnait le consentement du consommateur. On pourrait ainsi imaginer que si le consommateur insiste sur le caractère durable d’un bien ou d’un contenu numérique, un défaut de durabilité serait alors analysé en un défaut de conformité majeur.

Mais ceci n’est qu’un début de réponse à notre questionnement. Cela n’explique pas réellement pourquoi l’interdiction de solliciter la résolution en première intention pour un défaut mineur ne s’applique pas lorsque le prix consiste en un transfert de données personnelles. La réponse est peut-être à rechercher dans l’impact du RGPD sur le droit des contrats. En effet, il résulte de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement qu’une personne a le droit de retirer son consentement au traitement de ses données personnelles à tout moment. Cela implique qu’à tout moment l’acheteur peut retirer l’accès à ses données personnelles qu’il avait fournies en contrepartie de l’objet du contrat. Cela justifierait-il un droit de résolution unilatérale à la discrétion du consommateur ?

Notes de bas de pages

  • 1.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques : JOUE L 136, 22 mai 2019.
  • 2.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE : JOUE L 136, 22 mai 2019.
  • 3.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 23.
  • 4.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art. 24 ; PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 24.
  • 5.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art. 4 ; PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 4.
  • 6.
    D. Staudenmayer, « Les directives européennes sur les contrats numériques », RDC déc. 2019, n° 116n8, p. 125.
  • 7.
    L. n° 2020-1508, 3 déc. 2020, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière : JO, n° 0293, 4 déc. 2020.
  • 8.
    Projet disponible à l’adresse : https://lext.so/B4TNlz.
  • 9.
    V. infra, I, A.
  • 10.
    C. consom., art. L. 217-1.
  • 11.
    C. consom., art. L. 217-2.
  • 12.
    C. consom., art. L. 217-3.
  • 13.
    C. consom., art. L. 217-12.
  • 14.
    Toutefois certains services comme les services de santé ou les services financiers sont exclus (PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art 3.5 et C. consom., art. L. 224-25-3 nouv.).
  • 15.
    En ce sens, v. S. Bernheim-Desvaux, « De nouvelles règles contractuelles en matière de conformité seront applicables à compter du 1er janvier 2022 ! », Contrats, conc. consom. 2019, comm. 130.
  • 16.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art. 3.1.
  • 17.
    C. consom., art. L. 217-1 nouv., I, al. 2.
  • 18.
    C. consom., art. L. 224-25-2 nouv., I.
  • 19.
    PE et Cons. UE, règl. n° 2016/679, 27 avr. 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive n° 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
  • 20.
    Sur ce point, le nouvel article L. 217-1, I, alinéa 4, du Code de la consommation ne fera que transposer l’article 14.1, a), de la directive (UE) n° 2019/771.
  • 21.
    C. consom., art. L. 224-25-3 nouv., II (parmi les exclusions, citons les services de jeux de hasard, les soins de santé, les services financiers…).
  • 22.
    Cass. 1re civ., 9 déc. 2015, n° 14-25910 : D. 2016, p. 360, note S. Desmoulin-Canselier ; sur ce point, v. également C. Le Gallou, « Les actions de l’acheteur à raison d’un défaut de la chose. Entre enchevêtrement et nationalisation », AJ Contrat 2019, p. 71.
  • 23.
    C. consom., art. L. 217-33 nouv.
  • 24.
    C. consom., art. L. 224-25-34 nouv.
  • 25.
    D. Bazin-Beust et V. Legrand, « Droit de la consommation/ Droit des contrats : Le bilan 20 ans après », LPA 15 avr. 2015, p. 4.
  • 26.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, cons. 18 ; PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, cons. 23.
  • 27.
    V. Legrand, « La loi applicable au contrat de commerce électronique », LPA 8 sept. 2017, p. 93.
  • 28.
    Pour une proposition en ce sens : C. Aubert de Vincelles, « Nouvelle directive sur la conformité dans la vente entre professionnel et consommateur », JCP G 2019, 758.
  • 29.
    L. n° 2020-105, 10 févr. 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
  • 30.
    NDLR : c’est-à-dire à compter de la réclamation de l’acheteur.
  • 31.
    J. Julien, « Loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire : apports en droit de la consommation », RDC sept. 2020, n° 116y4, p. 96.
  • 32.
    C. consom., art. L. 224-25-15 nouv.
  • 33.
    Comp. PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 10.2 ; PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art. 11.3.
  • 34.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 7 et 8.
  • 35.
    C. consom., art. L. 217-4 et C. consom., art. L. 217-5 nouv.
  • 36.
    En ce sens : J. Julien, « Garantie de conformité : la directive 1999/44/CE du 25 mai 1999 est abrogée et remplacée par la directive 2019/771/UE du 20 mai 2019 », RDC sept. 2019, n° 116d7, p. 85.
  • 37.
    C. consom., art. L. 217-20 nouv.
  • 38.
    C. consom., art. L. 217-6 nouv.
  • 39.
    C. consom., art. L. 224-25-32 nouv.
  • 40.
    C. consom., art. L. 224-25-13 nouv. transp. PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art. 5.
  • 41.
    C. consom., art. L. 217-1, I, al. 5.
  • 42.
    D. Staudenmayer, « Les directives européennes sur les contrats numériques », RDC déc. 2019, n° 116n8, p. 125.
  • 43.
    Pour l’application de ce principe : Cass. 1re civ., 7 mars 2018, n° 17-10489 : Contrats, conc. consom. 2018, comm. 99, note S. Bernheim-Desvaux.
  • 44.
    C. consom., art. L. 217-5 nouv., II (pour les biens) ; C. consom., art. L. 224-25-17 nouv., II (pour les contenus et les services numériques).
  • 45.
    C. consom., art. L. 217-5 nouv., III et C. consom., art. L. 224-15-17, III.
  • 46.
    C. consom., art. L. 241-5 nouv. (dans les contrats de vente de biens) et C. consom., art. L. 242-18-1 (dans les contrats de fourniture de contenus et de services numériques).
  • 47.
    C. consom., art. L. 217-7 nouv.
  • 48.
    C. consom., art. L. 224-25-19 nouv.
  • 49.
    Cass. 3e civ., 1er oct. 2020, n° 19-16986 : JCP G 2020, 1168, note J.-D. Pellier ; D. 2020, p. 2154, avis P. Brun et note P.-Y. Gautier.
  • 50.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 10.4 ; PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art. 11.2, al. l.3.
  • 51.
    C. consom., art. L. 217-3 nouv., dernier alinéa.
  • 52.
    C. consom., art. L. 224-25-15 nouv., dernier alinéa.
  • 53.
    C. consom., art. L. 224-25-31 nouv.
  • 54.
    En ce sens : S. Bernheim-Desvaux, « De nouvelles règles contractuelles en matière de conformité seront applicables à compter du 1er janvier 2022 », Contrats, conc. consom. 2019, comm. 130.
  • 55.
    C. consom., art. L. 217-8 nouv., al. 2.
  • 56.
    C. consom., art. L. 224-25-20 nouv., al. 2.
  • 57.
    Cass. 1re civ., 1er juill. 2020, n° 19-11119 : Contrats, conc. consom. 2020, comm. 149, note S. Bernheim-Desvaux.
  • 58.
    PE et Cons. CE, dir. n° 1999/44/CE, 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation : JOCE L 171, 7 juill. 1999, p. 0012-0016.
  • 59.
    En ce sens : S. Bernheim-Desvaux, « De nouvelles règles contractuelles en matière de conformité seront applicables à compter du 1er janvier 2022 », Contrats, conc. consom. 2019, comm. 130.
  • 60.
    C. consom., art. L. 217-12 nouv., al. 3.
  • 61.
    C. consom., art. L. 224-15-22 nouv.
  • 62.
    C. civ., art. 1221 : Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.
  • 63.
    C. consom., art. L. 224-223 nouv.
  • 64.
    C. consom., art. L. 217-14 nouv.
  • 65.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 14.2 et 14.3 ; C. consom., art. L. 217-11 nouv.
  • 66.
    C. consom., art. L. 224-25-23 nouv.
  • 67.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2019/770, 20 mai 2019, art. 14.4, d) ; PE et Cons. UE, dir. n° 2019/771, 20 mai 2019, art. 13.4, c).
  • 68.
    C. consom., art. L. 217-14 nouv., al. 5 et C. consom., art. L. 224-25-23, al. 4 et 5.
  • 69.
    C. consom., art. L. 217-14 nouv., al. 5 et 6.
  • 70.
    Cass. 1re civ., 24 oct. 2018, n° 17-20778 : Contrats, conc. consom. 2019, comm. 16, note S. Bernheim Desvaux.
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