Autonomie et capacité contractuelle résiduelle des mineurs non émancipés et des majeurs protégés : analyse jurisprudentielle

Publié le 26/12/2022
Personne âgée, enfant, tutelle
Yakobchuk Olena/AdobeStock

Depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 16 février 2016, les actes courants passés par les mineurs non émancipés et les majeurs protégés sont soumis au même régime. Malgré l’hétérogénéité des publics et situations visés, cette étude soumet les différentes décisions recensées à une éventuelle recherche de l’unité du régime des actes courants. Est présentée une nouvelle lecture des actes courants en écartant certains critères jurisprudentiels pour en proposer de nouveaux, susceptibles de délimiter, dans le respect de leur autonomie, la capacité contractuelle résiduelle des mineurs non émancipés et des majeurs protégés.

« Sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi : 1° Les mineurs non émancipés ; 2° Les majeurs protégés au sens de l’article 425 ». L’article 1146 du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 16 février 2016, réaffirme le principe de l’incapacité contractuelle commun à ces deux publics et annonce l’unité de leur régime d’incapacité et de représentation régis par les articles 1147 à 1152. La formulation maintenue par le législateur s’oppose au principe d’autonomie désormais recherché sous l’impulsion des droits fondamentaux proclamés par de nombreuses conventions ou déclarations nationales ou internationales. Exception à cette exclusion de la vie contractuelle, les actes courants autorisés par la loi et l’usage visés à l’article 1148 du Code civil représentent un enjeu essentiel dans le cadre du respect de l’autonomie et de la dignité de ces publics.

La référence à l’usage1 pour déterminer la capacité résiduelle des personnes incapables a été introduite par la loi n° 64-1230 du 14 décembre 1964 aux articles 389-3 et 450 du Code civil. Elle concernait les mineurs. Créant une rupture avec la classification tripartite des actes de disposition, d’administration et de conservation, elle offrait la souplesse et l’opportunité de suivre l’évolution sociologique des pratiques2. L’autonomie accordée aux majeurs protégés grâce à la conclusion d’actes de la vie courante autorisés par l’usage est d’origine jurisprudentielle. Dans un premier temps, les magistrats se sont appuyés sur le contrat de mandat pour valider certains actes réalisés seuls par le majeur protégé mais autorisés tacitement par son représentant légal3. Ce recours artificiel a été écarté par la Cour de cassation par un arrêt du 3 juin 1980 qui affirme que le régime de protection applicable aux majeurs ne s’oppose pas à ce que celui-ci réalise certains actes de la vie courante, autorisés par l’usage. La solution repose sur une combinaison des articles 450 (actes usuels du mineur) et 495 du Code civil qui permet d’étendre les règles de la tutelle des mineurs à la tutelle des majeurs, le dernier article renvoyant au premier4. Alors que la doctrine appelait à la prudence quant à l’application de la théorie de l’acte de la vie courante au majeur protégé5 et que la rescision pour lésion ne s’appliquait pas à cette période à la différence du régime applicable au mineur, la solution est réaffirmée. Un arrêt du 19 octobre 20046 rappelle l’exception des « actes de la vie courante autorisés par l’usage » et l’exigence de la qualification, opérant ainsi un contrôle strict de leur appréciation. Il s’agissait en l’espèce d’un crédit à la consommation.

La réforme des majeurs protégés de 2007 atténue l’intérêt de la théorie des actes de la vie courante proposée par la jurisprudence. Délimité par le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, le périmètre du pouvoir de représentation et d’assistance du protecteur laisse finalement peu d’actes au hasard. Ils rentrent tous, soit dans la catégorie des actes d’administration, soit dans celle des actes de disposition. Les « louage-prêt-emprunt-vente-échange-dation et acquisition de meubles d’usage courant ou de faible valeur » sont classés dans la catégorie des actes d’administration qu’un majeur en curatelle ou en sauvegarde de justice pourra réaliser seul ou avec l’accord de son curateur. Grands oubliés du décret du 22 décembre 2008 alors qu’ils auraient pu être définis dans un article 2 bis entre les actes d’administration et les actes conservatoires, les actes courants autorisés par l’usage demeurent pour autant une dérogation à l’incapacité sanctuarisée par le législateur à l’article 473 du Code civil et cantonnée au seul régime de la tutelle.

Par-delà les regrets, la réforme de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations redonne une nouvelle jeunesse aux actes courants en réintroduisant le principe de régime au cœur du droit commun des obligations, dans la partie relative à la représentation, aux articles 1148 et suivants du Code civil et les rend commun aux mineurs non émancipés ainsi qu’aux majeurs protégés au sens de l’article 425. L’article 1148 du Code civil précise que les mineurs non émancipés et les majeurs protégés au sens de l’article 425 peuvent accomplir seuls des « actes courants autorisés par la loi ou l’usage », pourvu qu’ils soient conclus à des conditions normales. La formule « les actes courants » s’affirme et se détache ainsi clairement de la notion d’actes civils employée par les anciens articles 389-3, alinéa 17, et 450, alinéa 18, et de celle des actes de la vie civile visée par les articles 388-1-1 et 473, alinéa 1, toujours en vigueur. La nouvelle rédaction pose l’exigence d’une conclusion à des conditions normales s’ajoutant ainsi à celle du caractère usuel de l’acte.

La notion d’usage offre l’avantage d’évoluer librement en fonction des besoins de la société et d’entraîner une adaptation du droit. Elle renvoie au standard juridique de la conformité ou de la normalité en phase avec les mœurs d’une société et transcende la distinction patrimoniale et personnelle9. La place accordée à l’appréciation du juge est centrale. Il consacre la norme sociale qui se dégage des habitudes communes. La tâche s’avère ardue, la notion étant par nature évolutive. La jurisprudence est, en outre, peu abondante – tout au plus 15 arrêts concernant les mineurs non émancipés et 9 relatifs aux majeurs en tutelle ou curatelle renforcée. Extrêmement vigilante à la qualification de l’acte, la Cour de cassation demeure cependant peu prolixe quant aux critères délimitant les contours d’un acte civil ou de la vie civile autorisé par l’usage, devenu acte courant autorisé par l’usage depuis la réforme du droit des obligations.

L’objectif de la présente étude est de soumettre les différentes décisions recensées à une éventuelle recherche de l’unité du régime des actes courants réalisés par des mineurs non émancipés comme des majeurs protégés. Malgré l’hétérogénéité des publics et des situations visés, il faut s’interroger sur la possibilité de déceler des indices jurisprudentiels communs. Est présentée ici une nouvelle lecture des actes courants en écartant certains critères jurisprudentiels classiquement mis en exergue et en en proposant de nouveaux susceptibles de délimiter la capacité contractuelle résiduelle des mineurs non émancipés et des majeurs protégés.

I – Les critères jurisprudentiels neutralisés par l’uniformisation législative

L’âge. Si certains auteurs appelaient à une prise en compte de l’âge dans l’appréciation de l’étendue de l’autonomie empirique des mineurs10, ce critère ou cet indice ne s’insère pas dans la nouvelle dynamique choisie par le législateur. Le sujet de l’âge n’est opportun que pour les mineurs non émancipés pour lesquels il existe de nombreux seuils présentant l’avantage, dans une certaine mesure11, de refléter au plus juste leur capacité naturelle dans le cadre d’une phase évolutive de transition. La question du seuil d’âge pour délimiter la majorité, la pré-majorité ou la réalisation de certains actes revient régulièrement dans les débats12. À l’inverse, l’âge ne participe d’aucune manière à la détermination de la protection juridique d’un majeur. Et même au sein des majeurs protégés de grand âge, il ne constitue pas un indice fiable. La prudence commande d’écarter l’indice de l’âge qui s’avérerait très probablement être un instrument défavorable à la souplesse et la réalité des besoins de l’autonomie empirique. L’appréciation de l’usage ne peut se réaliser en fonction de l’âge qu’avec beaucoup de précaution. Ainsi faudrait-il exclure la valorisation des usages générationnels pour se concentrer sur une appréciation plus individuelle.

Le discernement. De la même manière, celui-ci ne peut de toute évidence pas directement rentrer en considération dans notre analyse. D’une part, il s’agit d’un critère en opposition en quelque sorte avec le critère légal, l’usage permettant justement d’identifier certains actes sans avoir précisément besoin pour les cocontractants d’avoir à vérifier le discernement du mineur ou du majeur et de faciliter ainsi la mise en œuvre de leur autonomie. D’autre part, le discernement ne peut être un critère commun aux deux publics concernés. Bien que servant la protection du contractant vulnérable, il appelle une appréciation différenciée par les circonstances. Concernant les mineurs, notamment les plus âgés, s’ils sont en mesure de savoir exactement ce qu’ils souhaitent, les juges sont amenés à analyser leur réel discernement à travers l’acquisition d’une certaine sagesse et la prise de conscience des conséquences de leurs actes sur leur personne ou sur leur patrimoine. Concernant les majeurs protégés, l’appréciation du discernement portera le plus souvent sur la réalité de leur consentement et leur faculté à prendre des décisions conformes à leurs intérêts.

L’aptitude. Doit également être exclu le critère de l’aptitude physique et psychologique du mineur ou du majeur à conclure ce type d’acte. Il entraîne un traitement discriminant dès lors que l’utilisation jurisprudentielle de l’aptitude ou de la compétence est très différente entre les deux publics. Le critère de l’aptitude a déjà été à plusieurs reprises utilisé par les magistrats pour justifier la conclusion de certains actes par des mineurs seuls. Un des tous premiers arrêts sur cette question, rendu par la seconde chambre civile de la Cour de cassation en date du 4 novembre 1970, avait donné raison aux juges du fond d’avoir refusé de prononcer la nullité d’une location d’une voiture conclue par un mineur13 en raison de l’aptitude technique et l’indépendance financière du mineur. Le mineur était d’une part titulaire d’un permis de conduire et d’autre part porteur d’une somme suffisante pour le dépôt de garantie. Plus récemment, la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 septembre 2012 dont l’intérêt principal concernait la confirmation de l’acte nul s’appuie a contrario, entre autres, sur l’absence du permis de conduire pour asseoir la nullité de l’achat14.

Amenée à se positionner sur l’aptitude du majeur protégé sur le même contrat – l’achat d’un véhicule –, la jurisprudence ne l’a jamais analysé dans le cadre des actes courants. Le débat avait été porté sur l’autonomie du majeur protégé en matière personnelle en application de l’article 459 du Code civil. Dans plusieurs espèces, les majeurs en curatelle demandaient au juge l’autorisation de procéder à l’acquisition d’un véhicule sans permis15. Dans l’intérêt notamment du majeur protégé, le tribunal d’instance d’Alençon comme la Cour de cassation écartent la demande se prévalant de l’inaptitude physique du majeur protégé du fait, pour le premier, de sa difficulté à obtenir son permis de conduire et, pour le second, de sa mauvaise acuité visuelle. La protection du majeur protégé est ici clairement privilégiée au détriment de son autonomie personnelle comme patrimoniale qui n’est même pas évoquée. Sont ainsi refusés aux majeurs protégés des actes que des mineurs dotés de la même aptitude à l’autonomie pourraient accomplir dans le cadre des actes courants.

L’asymétrie qui caractérise cette jurisprudence repose sur la place du critère de l’aptitude placé au cœur du dispositif de la protection juridique des majeurs protégés. Dans le cadre de l’appréciation de la capacité résiduelle, il s’avère délicat pour les juges et les justiciables d’invoquer le critère de l’aptitude dès lors que celui-ci a déjà déterminé le choix judiciaire de la décision de protection juridique mise en œuvre. Pèsent ainsi sur la capacité résiduelle des majeurs protégés le carcan de la mesure judiciaire, fort d’une présomption sur l’espace d’aptitude, ainsi que l’emprise du décret de 2008 qui catalogue in abstracto tout achat d’une certaine importance dans la catégorie des actes de disposition à la conclusion desquels prends position un curateur. Plus en amont, dans le cadre de la modulation de la capacité16, les aménagements possibles s’articulent parfois difficilement avec le mécanisme de la capacité résiduelle. Les dispositifs sont appelés à se compléter et à élargir le champ de la capacité des personnes protégées mais favorisent également une possible confusion. Certains actes d’administration que les majeurs en curatelle renforcée et en tutelle peuvent se voir autoriser à accomplir par le juge des tutelles revêtent souvent les caractéristiques des actes courants. Le contexte très différent de la protection juridique des deux publics invite, dans la perspective de l’harmonisation souhaitée par le législateur, à écarter le critère de l’aptitude.

Le risque. L’incidence de l’appréciation de l’existence d’un risque représente indéniablement l’élément ressortant de l’analyse jurisprudentielle complète et précise réalisée par Adeline Gouttenoire sur les actes usuels réalisés par les mineurs17. Les actes usuels ne doivent pas exposer le mineur à des risques particuliers18, la notion de risque étant appréciée au regard des conséquences dommageables physiques et patrimoniales que leur conclusion pourrait engendrer. La jurisprudence refuse de qualifier d’acte autorisé tout achat d’automobile19 ou de cyclomoteur20. De nombreux auteurs se rallient à la condition de l’absence de risque physique ou d’incidence financière21 pourtant il semble qu’il faille relativiser l’importance de ce critère.

Remarquons tout d’abord que sur l’ensemble des décisions recensées, seules trois d’entre elles, assez anciennes par ailleurs, comportent explicitement l’argument de l’existence d’un risque particulier22. La première décision, en date du 12 août 1970, émane du tribunal de grande instance de Quimper. S’agissant de l’acquisition d’un véhicule, le tribunal prononce sa nullité, écartant la qualification d’acte usuel compte tenu du risque engendré et de la responsabilité du mineur et de son représentant légal. La seconde décision est l’arrêt de principe Pogam du 9 mai 1972. La chambre civile de la Cour de cassation se réfère pour la première fois aux articles 389-3 et 450 du Code civil et à la notion d’acte courant. L’achat d’une voiture d’occasion n’est pas qualifié d’acte de la vie courante car entraînant « des risques particuliers ». Dans la troisième décision du 4 juin 2009, la cour d’appel de Nancy refuse de qualifier d’acte de la vie courante l’acquisition d’un cyclomoteur par un mineur non émancipé de 16 ans dès lors que celle-ci entraîne « des risques particuliers ».

Le critère du risque se retrouve, implicitement cette fois, dans des décisions relatives aux majeurs protégés, déjà évoquées concernant le critère de l’aptitude. La décision du tribunal d’Alençon du 14 mars 2011 et, surtout, l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2013 qui écartent l’acquisition de véhicules sans permis invoquent pêle-mêle l’intérêt du majeur protégé, ceux de la société23 ou les impératifs de la sécurité routière24. Ne répondant pas au pourvoi fondé sur l’article 459 du Code civil, la Cour s’appuie sur l’article 415 du Code civil relatif à la protection de la personne et des biens du majeur protégé25. La question du caractère usuel de l’achat d’une voiture sans permis n’est pas abordée mais ce sont bien ici les risques particuliers auxquels expose tout achat de véhicule qui restreignent l’autonomie des majeurs protégés.

Le critère du risque est critiquable car il s’écarte, d’une part, des textes de lois. Le caractère usuel ne se réfère nullement à l’exposition au risque, il invite davantage à la prise en compte des mœurs ou des usages des mineurs non émancipés ou des majeurs protégés affaiblis par le handicap, l’âge ou la maladie. Concernant les mineurs non émancipés, la doctrine s’est ainsi très majoritairement appuyée sur des critères plus subjectifs, en phase avec l’esprit du texte. Les actes usuels sont ceux dont la réalisation est considérée comme normale ou nécessaire par l’opinion commune et qui sont accomplis en toute indépendance par « l’ensemble des mineurs du même âge »26. L’usage doit être déterminé par référence à une pratique collective suivant l’évolution sociologique des mœurs et celle du rôle économique accordé aux jeunes. Des auteurs, Messieurs Conte et Montanier accordent une place à l’ancienne référence du bon père de famille qui admettrait que certains actes soient réalisés par son enfant27. La notion d’usage ou de pratique collective est transposable aux majeurs protégés. La nouvelle rédaction de l’article 1148 du Code civil introduit par ailleurs la nouvelle exigence d’une conclusion à des conditions normales écartant implicitement l’appréciation du risque de l’acte conclu par le mineur ou majeur protégé. Enfin, le critère de l’exposition à des risques particuliers est redondant lorsqu’il s’applique au domaine financier ou patrimonial. La condition d’un acte non lésionnaire suffit à écarter toute opération qui présenterait un risque financier pour le mineur ou majeur vulnérable.

D’autre part, ce critère repose, dans les exemples jurisprudentiels cités, exclusivement sur la volonté de protéger le mineur en niant l’apprentissage de l’autonomie qui augmentera avec l’avancée en âge et engendre inévitablement et progressivement une prise de risque28. L’utilisation d’un scooter expose inévitablement son conducteur, la liberté de se déplacer, notamment en milieu rural, étant pourtant une première clef de l’autonomie29. La conduite d’un scooter présente un danger tout comme l’utilisation des réseaux sociaux sur le Net. L’objectif de protection s’impose au détriment de l’autonomisation graduelle, devant le préparer à l’accès lors de sa majorité à la plupart des activités dangereuses. Concernant les majeurs, l’encadrement ou l’exclusion des risques ne sert pas toujours l’intérêt du majeur protégé. Il répond à des logiques de commodité et de sécurité pour la famille ou les institutionnels. Cette position n’est toutefois pas tenable compte tenu des nouveaux impératifs d’autonomie. Le maintien de l’autonomie à toute personne présentant une aptitude suffisante constitue une prise de risque à accepter. L’absence de risque ne peut plus être le critère de qualification si l’on veut préparer le jeune à la majorité ou inciter le majeur protégé ou la personne en charge de sa protection à préserver son autonomie. D’autres indices sont à privilégier compte tenu de la nouvelle rédaction des textes et de la volonté de promouvoir l’autonomie des individus présumés ou identifiés vulnérables.

II – Les critères jurisprudentiels retenus pour l’uniformisation législative

La nécessaire qualification. La Cour de cassation veille scrupuleusement à la qualification de l’acte courant et n’hésite pas à rendre des arrêts de cassation pour manque de base légale. Le premier arrêt émane de la première chambre civile de la Cour de cassation le 12 novembre 1998. Un mineur de 17 ans et demi ayant menti sur son âge avait ouvert un compte bancaire et s’était vu remettre une carte bleue –de crédit – et un chéquier. L’arrêt de la cour d’appel qui l’avait condamné est cassé pour ne pas avoir « caractérisé des manœuvres dolosives, ni rechercher si l’ouverture d’un compte bancaire (…) était un acte de la vie courante, ni constater que ce qui avait été payé avait tourné à son profit »30. La Cour de cassation, le 19 octobre 200431, sanctionne à nouveau un arrêt qui écarte la nullité d’un contrat de financement octroyant à un majeur en tutelle une carte de crédit lui permettant d’accéder à de la vente par correspondance en invoquant l’extension de la notion d’acte courant autorisé par l’usage aux majeurs protégés affirmée par la jurisprudence du 3 juin 1980. Il lui est reproché d’avoir statué ainsi « sans rechercher » si le contrat litigieux « pouvait être considéré comme un acte de la vie courante ». Le troisième arrêt du 4 juillet 2012 concerne des quittances de loyers délivrées par un majeur en tutelle32. À nouveau, la première chambre civile de la Cour de cassation reproche aux juges du fond de « n’avoir pas recherché » si l’usage institué par les parties ne pouvait pas être considéré comme un acte de la vie courante autorisé par l’usage.

Dans chacun de ces trois arrêts, la Cour de cassation ne se prononce pas directement sur la qualification et ne sanctionne jamais une erreur de droit – ce qui aurait présenté l’avantage d’identifier ou d’écarter les critères d’un acte courant autorisé par l’usage –, elle se contente de reprocher aux juges du fond de ne pas justifier le fondement choisi. La qualification de l’acte courant relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Il aurait peut-être plus exact et moins hypocrite de l’appeler « l’acte autorisé par le juge »33. S’il faut admettre la nécessité de ne pas enfermer l’acte courant dans un carcan normatif, la doctrine et l’analyse de la jurisprudence relative aux actes courants conclus tant par les mineurs non émancipés que des majeurs protégés s’accordent sur deux conditions applicables aux deux publics. Seraient ainsi à prendre en considération le caractère courant – au sens d’habituel – de l’acte destiné à répondre aux besoins quotidiens d’un individu présumé ou identifié vulnérable d’une part et l’exigence d’une certaine proportionnalité entre le montant de l’acte et ses revenus et habitudes, d’autre part.

La fonction de l’acte courant. Il doit s’agir d’actes conclus de manière habituelle et utile au quotidien des personnes concernées. Longtemps dénommés actes civils autorisés par l’usage ou, plus souvent, actes usuels, les actes courants sont visés par l’article 1148 du Code civil. Le caractère habituel fait référence au mode de vie et aux goûts de la personne, traduisant ainsi l’articulation d’un critère subjectif et objectif. Ce double critère découle spontanément du fondement empirique de l’autonomie résiduelle et apparaît toujours en filigrane. Certains arrêts rappellent explicitement la nécessité de cantonner l’acte aux actions courantes. Dans un arrêt en date du 15 octobre 2015, la cour d’appel de Caen donnait raison aux premiers juges et refusait de qualifier l’achat d’un scooter par un mineur de 17 ans et demi d’acte usuel dès lors que « l’acquisition d’un scooter ou d’un véhicule (…) excède cette notion d’actes de la vie courante »34. Ce premier critère s’avère très exigeant et élimine de nombreux actes conclus de manière plus exceptionnelle qui ne peuvent se réclamer de la catégorie des actes courants. En sont exclus les achats de véhicules à quatre ou deux roues qui n’ont jamais été qualifiés d’actes courants par la jurisprudence35. De même, un contrat de bail conclu par un mineur ne peut être considéré comme un acte courant et doit être déclaré nul pour défaut de capacité36. La solution serait à l’évidence la même pour un majeur en tutelle ou en curatelle renforcée37. Dans le domaine du droit du travail où pourtant le mineur détient de nombreuses parcelles légales d’autonomie, la chambre sociale de la cour d’appel de Caen a considéré, le 4 avril 2014, que la rupture amiable d’un contrat de professionnalisation « à raison de ses conséquences, excède les actes courants pour lesquels le mineur peut être assimilé à un majeur dans le cadre professionnel »38. À l’inverse, les achats de téléphone39, de jeux vidéo, de billets de train peuvent rejoindre cette catégorie. Le caractère répétitif de l’opération conclue pourrait être considéré comme un indice constitutif bien que celui-ci n’ait jamais été exigé par la jurisprudence. Il convient de préciser que l’indice de la fonction courante de l’acte a priori empreint d’objectivité n’échappe pas à une appréciation in concreto, invitant à prendre en compte les habitudes de vie du mineur ou du majeur. Ainsi, la location d’un véhicule40 ou encore la réservation d’une nuit d’hôtel, une prestation de service équestre41 peuvent être couramment passés par certains mineurs non émancipés ou majeurs protégés dès lors que ces actes répondent à leurs besoins ou habitudes quotidiens.

Acte courant et trilogie des actes patrimoniaux. Le critère du caractère courant de l’acte est-il suffisant ou a-t-il besoin d’être corroboré comme en appelaient de leurs vœux plusieurs auteurs42 par la trilogie des actes conservatoires, d’administration et de disposition ? Engageant le patrimoine de la personne protégée, il a longtemps été admis qu’un emprunt ne rentre pas dans la catégorie des actes courants. La problématique est toutefois différente depuis le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 puisque le prêt figure selon son objet, soit dans la catégorie des actes de disposition, soit dans celle des actes d’administration. Libéré de l’exclusivité de la qualification d’acte de disposition, son appartenance à la catégorie des actes courants est désormais possible notamment lorsqu’il constitue une condition pour accéder aux achats du quotidien participant de toute évidence à l’autonomie résiduelle du mineur ou du majeur. Deux arrêts illustrent la problématique. Le premier est rendu par la Cour de cassation le 19 octobre 2004. Un majeur en tutelle souscrit un crédit à la consommation lui permettant de bénéficier d’une carte de crédit pour pouvoir acquérir des biens de consommation courante auprès d’une entreprise de vente par correspondance. Nous sommes en présence d’une interdépendance entre les deux contrats qui assure une meilleure protection de la partie faible, ici le consommateur43. Le crédit à la consommation constitue un contrat de crédit affecté, lié au contrat principal qui porte sur la fourniture d’un bien ou d’une prestation de service. La conclusion de ce contrat favorise l’autonomie du majeur protégé en permettant l’acquisition de biens de consommation courante et bénéficie des dispositifs encadrés et protecteurs du droit de la consommation44. Les juges du fond s’étaient prononcés en faveur de sa validité45. La seconde espèce ne peut prétendre au même traitement. Il s’agit ici de l’acquisition d’un véhicule qui, comme nous l’avons vu, ne peut être qualifiée d’acte courant. De plus, le majeur protégé a contracté un prêt non affecté, plus dangereux et moins encadré par le droit de la consommation. La cour d’appel de Douai, le 3 octobre 2013, prononce la nullité du contrat de prêt qui ne peut être « considéré comme un acte de vie courante »46.

La proportionnalité de l’acte courant. La doctrine est favorable au critère de proportionnalité au regard des revenus et habitudes de vie du majeur ou de celles du milieu familial du mineur. Adeline Gouttenoire invite à ce que les actes soient appréciés au regard de la pratique familiale antérieure et du milieu social et économique du mineur47. Gilles Raoul-Cormeil propose une appréciation in concreto en replaçant le jeune dans son contexte familial au regard des limites posées par ses parents48, l’acte devant être proportionnel à son patrimoine49, en adéquation à ses habitudes de vie et celles de sa famille50. Ce critère est depuis longtemps appliqué par la jurisprudence aux majeurs protégés. Le tout premier arrêt de principe posant cette exception des actes usuels pour les majeurs protégés, en date du 3 juin 1980, s’appuie sur ce critère posé par les premiers juges qui avaient retenu le caractère « minime » des versements réalisés par le majeur en tutelle compte tenu de sa confortable situation financière51. Il s’agissait en l’espèce de plusieurs versements réalisés par un majeur en tutelle à son avocat en contrepartie de « multiples services ».

Plus récemment, dans un arrêt du 8 avril 2021, la cour d’appel de Metz a été amenée à se prononcer sur un contrat de pension équestre conclu par une mineure de plus de 16 ans. Le litige portait sur le paiement des prestations liées au droit d’hébergement, d’accès aux installations sportives et plusieurs autres prestations destinées à son cheval. La cour d’appel infirme le jugement des premiers juges écartant la qualification d’actes courants et prononce la nullité du contrat en se fondant sur l’article 388-1-1 du Code civil : « (…) le mineur est capable d’accomplir tous les actes de la vie courante dès lors que ceux-ci et les dépenses qu’ils génèrent, sont en rapport avec le train de vie de sa famille. En revanche, les autres actes qu’il accomplit seul alors que ni la loi, ni l’usage ne l’y autorisent, sont susceptibles d’être sanctionnés par une nullité relative »52. Les juges estiment ici que la convention ne peut s’analyser tel un acte courant au regard du train de vie de sa famille à l’époque dès lors que la jeune fille ainsi que son père étaient sans emploi. Le critère de proportionnalité a aussi été utilisé pour confirmer la qualification des présents d’usage. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 5 février 2009, qualifie en application des articles 450 et 495 du Code civil les étrennes et cadeaux d’anniversaires octroyés aux petits enfants d’actes courants dès lors qu’ils s’élevaient à des montants tout à fait raisonnables au vu des revenus annuels du majeur protégé53. Le litige s’inscrivait dans le cadre d’une contestation des comptes de gestion à la suite du décès de la grand-mère dont le fils avait été désigné en qualité d’administrateur légal.

Proportionnalité et moyens de paiement. La proportionnalité constitue aussi un instrument précieux au service d’une certaine souplesse des moyens de paiement participant à l’autonomie des personnes vulnérables. Les magistrats de la cour d’appel de Chambéry dans un arrêt du 27 août 2012, se fondant sur la possibilité pour le majeur protégé d’accomplir certains actes de la vie courante lui octroyant une certaine autonomie, acceptent la délivrance d’une carte de retrait avec un montant hebdomadaire maximum fixé par la tutrice en accord avec la banque54. Cette décision met bien en exergue l’exigence de proportionnalité entre les outils mis à la disposition du majeur protégé, d’une part, et ses moyens financiers, d’autre part. Comme certains auteurs, nous pensons que l’ouverture d’un compte bancaire ne peut constituer, en elle-même, un acte courant55 dès lors que l’opération n’appartient pas à la catégorie des actes couramment réalisés. À l’inverse, le fonctionnement des comptes bancaires et les outils permettant de régler les achats ou services courants appellent une approche différente à condition de subordonner cette autonomie empirique à l’exigence de proportionnalité. Tout en valorisant son autonomie, la protection patrimoniale est garantie par le mécanisme d’une carte de retrait ou carte de paiement bloquée, le mineur ou majeur protégé ayant la possibilité de connaître en temps réel le solde sur son compte et l’assurance de ne pas dépasser le solde disponible, proportionnel de toute évidence à ses facultés financières. Il n’en est pas de même pour les comptes avec remise de carte bancaire ou chéquier qui représentent un réel danger pour la préservation du patrimoine des mineurs ou majeurs protégés. La cour d’appel de Versailles dans une décision du 26 octobre 1990 avait déjà pu considérer que le mineur ouvrant un compte courant avec chéquier ne dispose pas de la capacité nécessaire et qu’il est fondé à réclamer la nullité du contrat56. Le 27 août 2012, la cour de Chambéry adopte la même position pour le majeur protégé en refusant la délivrance d’une carte de paiement classique57.

Proportionnalité et modicité. L’indice de proportionnalité ne doit pas être confondu avec la modicité des sommes en cause. La classification tripartite entre les actes de disposition, d’administration et conservatoires entraînait implicitement la détermination d’une capacité résiduelle fondée sur la modicité des sommes en jeu entraînant peu de conséquences sur le patrimoine de la personne concernée comme sur ceux des cocontractants. L’importance économique de l’acte conclu a de toute évidence une incidence sur l’appréciation des juges. Dans l’affaire précitée relative au prêt à la consommation, les sommes de faible valeur qui n’avaient d’ailleurs pas attiré l’attention du tuteur ont constitué un indice bien qu’insuffisant sur lequel se sont appuyés les juges du fond58. L’impact financier se mesure toutefois en référence au patrimoine du mineur ou de sa famille et du majeur protégé. Ainsi faut-il relativiser la réponse apportée par les juges de la cour d’appel d’Amiens dans un arrêt rendu le 8 juillet 202159. Le litige concernait notamment un contrat de téléphonie mobile que le majeur en curatelle renforcée avait modifié sans l’assistance de son curateur : « La conclusion d’un contrat de téléphonie mobile n’est pas un acte courant au sens de l’article 1148 du Code civil et il suffit de relever le quantum des sommes sollicitées de part et d’autre pour s’en convaincre ». L’argument est très réducteur et, pour être pleinement efficace, encore faut-il qu’il soit confronté au patrimoine du majeur ou du mineur. Dépassant la seule mesure budgétaire, le critère de proportionnalité doit également être mis en œuvre en tenant compte des modes de vie du mineur ou majeur concerné, les contrats de téléphonie se prêtant particulièrement bien à cette proposition. L’indice de proportionnalité concilie les différentes jurisprudences relatives aux individus vulnérables et complète la nouvelle condition posée par l’article 1148 du Code civil.

L’exigence des conditions normales de conclusion du contrat. L’exigence de conditions normales déjà utilisée en droit des sociétés renvoie dans ce contexte aux valeurs de normalité et d’acceptabilité60. Cette précision est redondante pour les actes courants autorisés par l’usage en conformité à la normalité sociale et invite à se tourner vers des notions plus classiques encadrant la validité des contrats. L’approche économique est une piste à écarter car la formulation très large des conditions normales ne se cantonne pas à des critères économiques. En outre, l’approche sous ce seul angle économique risquerait de se confondre à la sanction de la lésion. Il a été proposé d’aborder cette condition « au regard de l’environnement juridique » en ce sens, que « la force de l’habitude ne saurait justifier la validité d’un contrat illicite passé par le mineur »61. Or cette précision est-elle utile ? L’article 1162 du Code civil précise qu’aucun contrat ne peut déroger à l’ordre public, qui plus est, conclu par une personne incapable. Compte tenu de l’imprécision des termes utilisés et des différentes interprétations possibles, la prudence appelle à être le plus fidèle possible au texte et à l’esprit de protection et d’autonomisation des personnes incapables présumées ou déclarées vulnérables. Concernant les mineurs, les conditions de sa conclusion doivent être propices à l’apprentissage de leur autonomie. Concernant les majeurs, les conditions de sa conclusion doivent être favorables au maintien de leur autonomie. Le moment, le contexte, la situation ou qualité du cocontractant, le lieu de la conclusion du contrat sont déterminants.

La conclusion d’un acte dans l’enceinte d’un collègue ou lycée, lors d’une récréation ou d’une sortie pédagogique ou encore dans le cadre d’un travail de groupe ou d’une compétition sportive, dans l’enceinte d’un établissement d’hébergement pour personnes en convalescence ou en repos ou lors d’une visite culturelle organisée, semble correspondre à des conditions normales de conclusion. Les tribunaux auront à se déterminer si l’approche doit être plus prudente lorsque l’acte est conclu en dehors du contexte habituel. Les conditions normales de conclusion questionnent inévitablement le mode de paiement. Aujourd’hui très courant, voire de plus en plus souvent le seul possible, le paiement numérisé présente des risques pour les présumées ou déclarées personnes vulnérables. Il semble pourtant le gage de l’accès à l’autonomie. L’argent liquide demeure un mode de paiement commode mais – en dépit de considérations sanitaires – présente-t-il davantage de sécurité ? Comment apprécier les règlements réalisés au moyen d’un téléphone mobile ?

Autonomie contractuelle et représentants légaux. Les conditions normales de conclusion ne peuvent être abordées sans tenir compte du rôle des représentants légaux des mineurs non émancipés ou des tuteurs ou curateurs des majeurs protégés. Sans contexte, ils constituent les acteurs clefs de la mise en œuvre de l’apprentissage ou de la préservation de leur autonomie résiduelle notamment par l’autonomie financière qu’ils leur accordent par le biais d’instruments de paiement et de pratiques bricolées à défaut de moyens techniques ou juridiques plus classiques. Un auteur considère ainsi que la capacité usuelle prend corps grâce à la force de l’habitude et du travail d’autonomie qu’a su développer la personne en charge de la protection62. Sans tomber dans l’écueil qui consistait à restreindre le champ d’application de l’autonomie de la personne protégée à ce qui n’avait pas été dévolu à ses représentants légaux et en valorisant l’appropriation par la personne concernée de son autonomie, le rôle rempli par la personne en charge de sa protection est prépondérant.

Les magistrats en ont d’ailleurs bien conscience. La Cour de cassation, d’une manière assez maladroite ou discutable, l’a clairement exprimé lors d’un arrêt du 4 juillet 201263 dans lequel elle reproche aux juges du fond de ne pas avoir qualifié les quittances de loyers signées par le seul majeur protégé en dépit d’un jugement de mise en tutelle intervenu en cours d’exécution du bail en 1997 : « Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en considération de la pratique, qui avait été instituée en 1984 et s’était poursuivie avec l’accord implicite de l’UDAF jusqu’en avril 2008, le versement du loyer entre les mains de M. T., ne pouvait être considéré comme un acte de la vie courante autorisé par l’usage (…) ». La solution étonne au premier abord par la confusion qui s’opère entre la capacité usuelle et les usages au sens des pratiques instaurées entre les parties. Toutefois la piste du mandat tacite révèle toute la place occupée et le travail d’autonomisation réalisable par le tuteur. La théorie du mandat apparent s’avère ici totalement adaptée lorsque son représentant l’autorise implicitement à effectuer des actes autres que des actes courants. Dans la perspective de favoriser l’autonomie des majeurs en tutelle, le mandat tacite représente une solution de souplesse complétant le champ de la capacité résiduelle.

Sans que l’unité du régime des actes courants conduise à l’aveuglement d’un traitement uniforme compte tenu des particularités respectives des mineurs non émancipés et des majeurs protégés, espérons que les critères jurisprudentiels proposés – le caractère habituel et l’exigence de proportionnalité – y participent et concilient protection et autonomie dans le respect de leur dignité.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L’objet de cette étude portera uniquement sur les actes courants autorisés par l’usage. Les actes autorisés par la loi sont en général des actes spécifiques qui ne concernent pas ce quotidien si précieux en ce qu’il nous permet d’apprécier l’autonomie intangible à laquelle tout individu doit pouvoir avoir accès.
  • 2.
    Elle suscita beaucoup d’incertitude concernant son articulation avec la classification tripartite des actes de disposition, d’administration et de conservation. La doctrine majoritaire (J. Stoufflet, « L’activité juridique du mineur non émancipé », Mélanges offerts à Monsieur le Professeur Pierre Voirin, 1967, p. 782 et s. ; J. Carbonnier, Droit civil, Les personnes, 2000, PUF, n° 112) y était attachée et une doctrine minoritaire affirmait la nécessité d’écarter une classification déterminant l’étendue de la capacité usuelle des mineurs en fonction des pouvoirs de leurs représentants au profit d’une appréciation évolutive fondée sur des considérations sociologiques (J.-C. Montanier, « Les actes de la vie courante en matière d’incapacités », JCP G 1982, I 3076 ; J.-C. Montanier et P. Conte, « Les actes patrimoniaux du mineur non émancipé », JCP N 1986, I 401). La jurisprudence opère assez rapidement, un « tournant dans l’analyse (…) du régime des actes passés par le mineur seul » à l’occasion de l’arrêt Pogam (Cass. 1re civ., 9 mai 1972, n° 71-10361 : Gaz. Pal. Rec. 1972, 2, p. 871 ; Bull. civ. I, n° 122) en adoptant une distinction binaire entre les actes usuels que le mineur peut réaliser seul et les autres encourant la nullité à défaut d’avoir été passés par le représentant légal (A. Gouttenoire, « La capacité usuelle du mineur », Mélanges en l’honneur du professeur Jean Hauser, 2012, Lexis-Nexis, p. 167).
  • 3.
    CA Dijon, 11 déc. 1928 : DH 1929, p. 154 – Cass., 4 janv. 1934 : DH 1934, p. 97 ; S. 1936, I, p. 137, note Vialleton.
  • 4.
    Cass. 1re civ., 3 juin 1980, n° 79-12079 : Bull. civ. I, n° 172, note J. Massip ; Gaz Pal. Rec. 1981, 1, p. 172 ; Defrénois 1981, p. 380. Pour une critique de cet arrêt, v. J.-C. Montanier, « Les actes de la vie courante en matière d’incapacités », JCP G 1982, I 3076 ; J.-J. Lemouland et J.-M. Plazy, « Majeurs protégés », D. 2006, p. 1570.
  • 5.
    Cass. 1re civ., 19 oct. 2004, n° 02-15035 : C. Farge, « Le dépassement ou l’absence de pouvoirs du représentant légal », Dr. & patr. hebdo 2000 ; RTD civ. 2005, p. 103, note J. Hauser. V. également dans ce sens, J.-J. Lemouland et J.-M. Plazy, « Majeurs protégés », D. 2006, p. 1570 ; J. Hauser, « Incapables majeurs : actes de la vie courante », RTD civ. 2005, p. 103.
  • 6.
    Cass. 1re civ., 19 oct. 2004, n° 02-15035 : Defrénois 15 mars 2005, n° 38121, p. 444, obs. J. Massip ; J.-J. Lemouland et J.-M. Plazy, « Majeurs protégés », D. 2006, p. 1570; J. Hauser, « Incapables majeurs : actes de la vie courante », RTD civ. 2005, p. 103 ; L. Attuel-Mendès, « Exception de validité des actes de la vie courante autorisés par l’usage en matière de tutelle : nécessité de recherche », AJ fam. 2005, p. 27 ; F.-J. Pansier « Le contrat de prêt à la consommation n’est pas un acte de la vie courante pour le majeur protégé », RJPF 2005/2; T. Fossier, « L’exigence d’une motivation d’espèce pour qualifier un acte de la vie courante échappant aux nullités », Dr. famille, 2005, comm n° 89.
  • 7.
    « L’administrateur légal représentera le mineur dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes » (en vigueur du 15 juin 1965 au 1er janvier 2016).
  • 8.
    « Le tuteur prendra soin de la personne du mineur et le représentera dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes » (en vigueur du 15 juin 1965 au 1er janvier 2009).
  • 9.
    V. infra, la jurisprudence sur les engins motorisés. Dans ces espèces, les actes courants entraînent des conséquences patrimoniales et/ou personnelles, cette distinction ayant en réalité peu ou pas d’impact sur leur qualification.
  • 10.
    J.-C. Montanier, « Les actes de la vie courante en matière d’incapacités », JCP G 1982, I 3076 ; J.-J.-C. Montanier et P. Conte, « Les actes patrimoniaux du mineur non émancipé », JCP N 1986, I 401.
  • 11.
    Dont la multiplicité brouille l’approche juridique de la jeunesse. V. sur cette question, D. Guérin (dir.), Jeunesse et droit par le prisme de la vulnérabilité, 2021, LexisNexis.
  • 12.
    G. Cornu, « L’âge civil », Mélanges en l’honneur de Paul Roubier, 1961, p. 9 ; F. Gissier, « Réflexions en vue d’une réforme de la capacité des incapables mineurs : une institution en cours de formation : la prémajorité », JCP G 1984, I 3142 ; J.-C. Gridel, « L’âge et la capacité civile », D. 1998, chron. 90 ; A. Cermolacce, « Les contrats des mineurs », Dr. famille 2006, étude 27. V. également, J. Hauser, « Jeunes majeurs et vieux mineurs », in Liber amicorum Marie-Thérèse Meuldes-Klein. Droit composé des personnes et de la famille, 1999, Bruylant, p. 315.
  • 13.
    « À l’égard duquel aucune forme spéciale n’était prescrite [et qui] ne pouvait être attaqué pour cause d’incapacité mais seulement pour cause de lésion », Cass. 2e civ., 4 nov. 1970, n° 69-12788 : Bull. civ. II, n° 294 ; D. 1971, p. 80. Le commentaire sous l’arrêt fait état du « modernisme de la Cour de cassation » à travers la reconnaissance du contrat de location de voiture parmi les actes de la vie courante.
  • 14.
    Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-20429 : Contrats, conc. consom. 2012, comm. 271, obs. L. Leveneur.
  • 15.
    TI Alençon, 14 mars 2011, X c/ UDAF : Dr. famille 2011, comm. 116, note G. Raoul-Cormeil – Cass. 1re civ., 27 févr. 2013, n° 11-28307 : Dr. famille 2013, comm. 58, note I. Maria.
  • 16.
    C. civ., art. 471 et C. civ., art. 473.
  • 17.
    A. Gouttenoire, « La capacité usuelle du mineur », in Mélanges en l’honneur du professeur Jean Hauser, 2012, Lexis-Nexis.
  • 18.
    Cass. 1re civ., 9 mai 1972, n° 71-10361 : JCP G 1972, II 871, obs. R. Nerson – CA Nancy, 4 juin 2009, n° 06/03236 : Dr. famille 2010, comm. 155, note I. Maria.
  • 19.
    TGI Quimper, 12 août 1970 : RTD. civ. 1971, p. 613. À noter qu’elle adopte une position différente pour un contrat de location d’automobile, Cass. 1re civ., 4 nov. 1970, n° 69-12788 : D. 1971, p. 186 ; JCP G 1971, II 16631.
  • 20.
    CA  Nancy, 4 juin 2009, n° 06/03236 : Dr. famille 2010, comm. 155, note I. Maria ; CA Caen, 15 oct. 2015, n° 14/00044 : JCP G 2016, 306, note G. Raoul-Cormeil.
  • 21.
    A. Cermolacce, « Les contrats des mineurs », Dr. famille 2006, étude 27, nos 25 et 27 ; F. Dekeuwer-Defossez, Les droits de l’enfant, 6e éd., 2004, PUF, Que sais-je, p. 30.
  • 22.
    TGI Quimper, 12 août 1970 – Cass. 1re civ., 9 mai 1972, n° 71-10361 – CA  Nancy, 4 juin 2009, n° 06/03236.
  • 23.
    TI Alençon, 14 mars 2011, X c/ UDAF : G. Raoul-Cormeil, « Le curateur peut refuser de prêter son concours à l’achat d’un véhicule sans permis lorsque le curatélaire est inapte à la conduite », Dr. famille 2011, comm. 116.
  • 24.
    Cass. 1re civ., 27 févr. 2013, n° 11-28307.
  • 25.
    Qui précise, par ailleurs, que l’autonomie de la personne doit, dans la mesure du possible, être favorisée.
  • 26.
    C. Farge, L’autonomie contractuelle du mineur, thèse, 1998, Paris II.
  • 27.
    J.-C. Montanier et P. Conte, « Les actes patrimoniaux du mineur non émancipé », JCP N 1986, I 401.
  • 28.
    D. Guérin, « La nouvelle capacité contractuelle des mineurs non émancipés », in Jeunesse et droit par le prisme de la vulnérabilité, 2021, LexisNexis, p. 235 et s., spéc. p. 241 et 242.
  • 29.
    L’achat d’un scooter de faible valeur n’a pas été qualifié d’acte usuel alors que le mineur était âgé de 17 ans et 11 mois par un arrêt de la cour d’appel de Caen du 15 octobre 2015 (CA Caen, 15 oct. 2015, n° 14/00044) V. également, Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-20429 : Contrats, conc. consom. 2012, comm. 271, obs. L. Leveneur, relatif à l’achat d’une motocyclette par un mineur de 17 ans et demi.
  • 30.
    Cass. 1re civ., 12 nov. 1998, n° 97-13248 : JCP G 1999, II 10053, note T. Garé ; RTD civ. 1999, p. 360, note J. Hauser ; D. 2000, Jur., p. 39, note C. Farge.
  • 31.
    Cass. 1re civ., 19 oct. 2004, n° 02-15035.
  • 32.
    Cass. 1re civ., 4 juill. 2012, n° 11-18637 : JCP N 2013, 1029, comm. J. Massip ; Dr. Famille 2012, comm. 152, note I. Maria.
  • 33.
    P. Catala (dir), Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, 2006, La documentation française, p. 33 à 34 ainsi que p. 89.
  • 34.
    CA Caen, 15 oct. 2015, n° 14/00044.
  • 35.
    TGI Quimper 12 août 1970 – Cass. 1re civ., 9 mai 1972, n° 71-10361 – CA Nancy, 4 juin 2009, n° 06/03236 – TI Alançon, 14 mars 2011 – Cass. 1re civ., 27 févr. 2013, n° 11-28307– Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-20429 : Contrats, conc. consom. 2012, comm. 271, obs. L. Leveneur. V. cependant, l’hypothèse de l’achat d’un voilier par un mineur de 17 ans et 9 mois dont la nullité est rejetée dès lors que le caractère lésionnaire n’était pas rapporté, Cass. 1re civ., 3 déc. 1991, n° 89-22043, D. Cet acte n’a toutefois pas été qualifié d’acte courant.
  • 36.
    CA Aix-en-Provence, 7 juin 2000, n° 98/06449 – CA Versailles, 14 déc. 2004, n° 02/06508 : Gaz. Pal. 19 mars 2005, n° F5810, p. 4 – CA Douai, 6 sept. 2018, n° 17/04190.
  • 37.
    Le majeur en curatelle simple peut à l’inverse conclure un bail, CA Versailles, 28 mai 1999, n° 1997-5385.
  • 38.
    CA Caen, ch. soc., 4 avr. 2014, n° 13/03577.
  • 39.
    CA Amiens, 8 juill. 2021, n° 19/06070 : Dr. famille 2022, p. 37, comm. D. Guérin.
  • 40.
    Cass. 1re civ., 4 nov. 1970, n° 69-12788.
  • 41.
    CA Metz, 8 avr. 2021, n° 19/00867.
  • 42.
    V. en ce sens, Cass. 1re civ., 19 oct. 2004, n° 02-15035 : Defrénois 15 mars 2005, n° 38121, p. 444, obs. J. Massip ; J.-J. Lemouland et J.-M. Plazy, « Majeurs protégés », D. 2006, p. 1570 ; J. Hauser, « Incapables majeurs : actes de la vie courante », RTD civ. 2005, p. 103 ; L. Attuel-Mendès, « Exception de validité des actes de la vie courante autorisés par l’usage en matière de tutelle : nécessité de recherche », AJ fam. 2005, p. 27 ; F.-J. Pansier « Le contrat de prêt à la consommation n’est pas un acte de la vie courante pour le majeur protégé », RJPF 2005/2,; T. Fossier, « L’exigence d’une motivation d’espèce pour qualifier un acte de la vie courante échappant aux nullités », Dr. famille, 2005, comm n° 89.
  • 43.
    La réalisation du contrat de vente ou du contrat de prestation est subordonnée à la réalisation du crédit et vice versa (C. consom., art. L. 311-31 et C. consom., art. L. 311-35). En cas de refus de l’organisme prêteur ou de rétractation de l’emprunteur, le contrat de vente ou de prestation de services est résolu (C. consom., art. L. 311-36).
  • 44.
    V. en sens contraire, L. Attuel-Mendès, « Exception de validité des actes de la vie courante autorisés par l’usage en matière de tutelle : nécessité de recherche », AJ fam. 2005, p. 27.
  • 45.
    Cass. 1re civ., 19 oct. 2004, n° 02-15035.
  • 46.
    CA Douai, 13 oct. 2013, n° 13/00868.
  • 47.
    A. Gouttenoire, « La capacité usuelle du mineur », Mélanges en l’honneur du professeur Jean Hauser, 2012, Lexis-Nexis.
  • 48.
    G. Raoul-Cormeil, « L’achat d’un scooter n’est pas un acte de la vie courante », JCP G 2016, 306.
  • 49.
    V. également sur cette question, S. Robinne, Contribution à l’étude de la notion de revenus en droit privé, 2003, Presses universitaires de Perpignan. L’auteur valorise le critère des revenus qui se renouvellent et ne portent pas atteinte au patrimoine de l’incapable et qui mesurent l’impact de l’acte réalisé.
  • 50.
    G. Raoul-Cormeil, in T. Douville (dir), La réforme du droit des contrats, 2016, Gualino, p. 110.
  • 51.
    Cass. 1re civ., 3 juin 1980, n° 79-12079.
  • 52.
    CA Metz, 8 avr. 2021, n° 19/00867.
  • 53.
    CA Versailles, 5 févr. 2009, n° 08/00586 : « Aux termes de l’article 502 du Code civil dans sa rédaction applicable, tous les actes passés postérieurement au jugement d’ouverture de la tutelle par la personne protégée seront nuls de droit. Toutefois le principe posé par cet article de l’incapacité complète du majeur en tutelle ne fait pas obstacle à ce que, par application des dispositions combinées des articles 450 et 495 du Code civil, celui-ci puisse valablement accomplir certains actes de la vie courante pouvant être regardés comme autorisés par l’usage. Il en est ainsi des présents d’usage qui peuvent être effectués par le majeur protégé ».
  • 54.
    CA Chambéry, 27 août 2012, n° 12/00030.
  • 55.
    T. Garé, « Un mineur peut-il, de son seul consentement, se faire ouvrir un compte bancaire ? », JCP E 1999, p. 722 ; D. Guérin, « La nouvelle capacité contractuelle des mineurs non émancipés ? », in D. Guérin (dir.), Jeunesse et droit par le prisme de la vulnérabilité, 2021, LexisNexis, p. 235 et spéc. p. 238 et 239.
  • 56.
    CA Versailles, 26 oct. 1990 : D. 1993, Somm., p. 125, obs F. Lucet. V. également, F. Rizzo, « Les opérations bancaires du mineur non émancipé », RJPF 2000/4. À rapprocher de l’arrêt de la Cour de cassation qui reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si l’ouverture d’un compte avec chéquier ou carte bancaire sans intervention du représentant légal était ou non un acte courant : Cass. 1re civ., 12 nov. 1998, n° 97-13248.
  • 57.
    CA Chambéry, 27 août 2012, n° 12/00030.
  • 58.
    Cass. 1re civ., 19 oct. 2004, n° 02-15035.
  • 59.
    CA Amiens, 8 juill. 2021, n° 19/06070.
  • 60.
    P. Deumier, « De l’usage prudent des “usages honnêtes”, Réflexions sur un éventuel malentendu », in Mélanges en l’honneur de Philippe Jestaz, 2006, Paris, Dalloz, p. 119.
  • 61.
    G. Raoul-Cormeil, in T. Douville (dir), La réforme du droit des contrats, 2016, Gualino, p. 105.
  • 62.
    G. Raoul-Cormeil, « Accompagnement et protection des intérêts patrimoniaux », Dr. famille 2017, dossier 23.
  • 63.
    Cass. 1re civ., 4 juill. 2012, n° 11-18637.
Plan
X