Droits de l’enfant : chronique d’actualité législative et jurisprudentielle n° 14 (1re partie)
Phénomène majeur qui a marqué notre droit depuis l’avènement de la Ve République, la subjectivisation du droit porte en germe deux révolutions que la législation et le contentieux actuels en matière familiale rendent de plus en plus visibles, comme le montre cette chronique : la déjuridictionnalisation du droit et la juridictionnalisation de notre juge judiciaire du droit, la Cour de cassation. Si la conversion de la Cour de cassation au contrôle de proportionnalité ne peut que contribuer à renforcer l’effectivité des droits de l’enfant, en revanche, la déjuridictionnalisation du droit de la famille entretient des rapports pour le moins ambigus avec les droits de l’enfant.
Droits de l’enfant, déjuridictionnalisation du droit de la famille et juridictionnalisation de la Cour de cassation
L’un des phénomènes majeurs qui a marqué notre droit depuis l’avènement de la Ve République est la subjectivisation du droit, entendue comme la « pulvérisation du droit objectif en une multitude de droits subjectifs », pour reprendre les mots du doyen Carbonnier 1. Ce phénomène, qui touche particulièrement le droit de la famille sous l’impulsion conjuguée de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), porte en germe deux révolutions que la législation et le contentieux actuels en matière familiale rendent de plus en plus visibles, comme le montre cette chronique : la déjuridictionnalisation du droit et la juridictionnalisation de notre juge judiciaire du droit, la Cour de cassation2. Plus précisément, on peut analyser la déjuridictionnalisation du droit de la famille comme la conséquence de sa subjectivisation3. Parallèlement, la subjectivisation du droit rend nécessaire la juridictionnalisation de la Cour de cassation : les litiges se réduisent à des conflits de droits qu’il faut arbitrer en appliquant le contrôle de proportionnalité. Si la conversion de la Cour de cassation à ce type de contrôle ne peut que contribuer à renforcer l’effectivité des droits de l’enfant (I), en revanche, la déjuridictionnalisation du droit de la famille entretient des rapports ambigus avec les droits de l’enfant : ceux-ci ne servent-ils pas la volonté du législateur de réduire les coûts de la justice familiale (II) ?
I. La déjuridictionnalisation du droit de la famille en marche : les motivations d’ordre économique derrière le paravent des droits de l’enfant ?
La précédente chronique nous avait déjà donné l’occasion d’illustrer ce phénomène de déjuridictionnalisation du droit de la famille : au nom de l’égalité des droits entre familles monoparentales et biparentales, le régime de l’administration légale sous contrôle judiciaire a été tout bonnement supprimé par l’ordonnance du 15 octobre 20154. La présente chronique complète le tableau avec la loi n° 2016-1547, du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a institué le « divorce sans juge »5. La subjectivisation du droit du divorce, sous la forme d’un « droit au divorce », poursuit son œuvre6. Amorcée en jurisprudence, confirmée par la loi en 19757 et achevée en 2016 par la loi précitée : le juge n’est plus le passage obligé pour divorcer – consécration parfaite du « droit au divorce »… ou quasi parfaite car il reste un obstacle à l’épanouissement total de la liberté des adultes : l’enfant !
Le remplacement du juge aux affaires matrimoniales (JAM) par le juge aux affaires familiales (JAF) en 1993, ensuite promu juge de l’intérêt de l’enfant en 2002 (C. civ., art. 373-2-6), était porteur de sens : que le « droit au divorce » progresse est une chose ; que ce soit au mépris de l’intérêt de l’enfant en est une autre. Il faut donc que le juge du divorce soit aussi le juge de l’intérêt de l’enfant dont les parents divorcent. Le législateur en était jusque-là conscient. Malheureusement, avec la loi de 2016, nous assistons à une offensive agressive du « droit au divorce ». En effet, le législateur a rejeté la solution d’un divorce sans juge limité aux mariages sans enfant, pour étendre le « droit au divorce » à tous les mariages. Comment dès lors résoudre la question de la protection de l’intérêt de l’enfant, puisque le JAF est évacué ? Qu’à cela ne tienne : c’est l’enfant lui-même qui aura le pouvoir (et la responsabilité) de provoquer la rejuridictionnalisation du divorce en exerçant son droit à être entendu ! Le législateur a vraisemblablement poussé la logique économique de la réforme au maximum de ce qui est socialement acceptable : on tient compte de l’intérêt de l’enfant, bien sûr, mais à lui de se manifester par une demande d’audition sur le fondement de la règle générale de l’article 388-1 du Code civil… en dehors de toute « procédure » déjà engagée, comme le prévoit pourtant le texte ! Le législateur mise sans doute sur le fait que peu d’enfants feront une telle demande. Mais quelle trouvaille : la demande d’audition de l’enfant « procéduralisante », comme si celui-ci avait le pouvoir de saisir le juge du divorce ! Belle autonomie ! Les droits de l’enfant ont beau dos…
Signalons que les ex-concubins (pacsés ou pas) n’ont pas été oubliés en cette année 2016 : à partir du 1er avril 2018, par une démarche conjointe, ils pourront obtenir du directeur de la CAF que celui-ci donne force exécutoire à l’accord par lequel ils fixeront le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant mise à la charge du débiteur. Il ne sera donc bientôt plus nécessaire de saisir le JAF aux fins d’homologation de la convention parentale8. On assiste là aussi à une déjuridictionnalisation du droit, mais ponctuelle : il n’est question que de la contribution à l’entretien de l’enfant ; concernant la résidence de l’enfant et l’éventuel droit de visite et d’hébergement de l’un des parents, on retrouve la procédure classique de l’homologation devant le JAF. Mais il est vrai que les concubins peuvent de toute façon se séparer sans juge et conclure entre eux des accords à l’amiable, aux risques et périls de l’intérêt de l’enfant ! D’où cette question, que nous inspire l’évolution du droit du divorce : à quand un « droit » de l’enfant, dont les parents concubins se séparent, à saisir le juge pour qu’il fixe les modalités d’exercice de l’autorité parentale ? Les droits de l’enfant auraient vraiment bon dos.
Aux enfants qui voudraient fuir cet abominable pays qui permet désormais à leurs parents de divorcer sans rendre de compte au juge quant à leur sort, le législateur adresse ce message : il leur faudra obtenir une autorisation parentale ! C’est là l’apport de la loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (art. 49)9 qui, plus sérieusement, a été adoptée dans un objectif de lutte contre la « radicalisation » des mineurs. Ce rétablissement de l’autorisation parentale de sortie du territoire10 rogne sur l’autonomie du mineur11, pour un résultat qui est loin d’être assuré : cette autorisation est qualifiée d’acte usuel par la circulaire du 29 décembre 2016. Aux grands maux les petits moyens ! C’est exactement l’inverse que sanctionne le contrôle de proportionnalité : aux petits maux les grands moyens…
II. La révolution de la juridictionnalisation de la Cour de cassation en perspective : l’espoir d’une effectivité plus grande des droits de l’enfant
A. « La Cour de cassation est en train de se transformer d’elle-même en une juridiction de pleine juridiction sur le modèle des cours européennes, [infligeant] un recul décisif à la tradition juridique romaniste »12. Ce projet d’« auto-réforme » implique tout d’abord un changement de paradigme, le légalisme cédant le pas au proportionnalisme13. Le juge administratif est accoutumé à ce type de contrôle « qui correspond à l’essence même du droit administratif : la conciliation entre l’intérêt général et les intérêts privés »14. En témoigne, par exemple, le contentieux de l’hébergement d’urgence en référé-liberté concernant des mineurs étrangers isolés : la protection des libertés fondamentales passe avant celle de l’espace public occupé illégalement (TA Lille, 1er sept. 2016, n° 1606080 ; TA Lille, 6 mai 2016, n° 1603113 ; CE, 27 juill. 2016, nos 400055, 400056, 400057 et 40005815).
C’est bien sûr la méthode qu’applique la CEDH, mais dans certains domaines avec beaucoup de prudence, préférant jouer sur la marge nationale d’appréciation des États. Il en est ainsi du domaine religieux : dans l’arrêt Osmanoğlu et Kocabaș c/ Suisse16, du 10 janvier 2017, la CEDH affirme que la hiérarchie des valeurs établie par la loi suisse17 n’excède pas la marge d’appréciation des États. Le proportionnalisme européen s’accommode donc d’un certain légalisme étatique.
Quoi qu’il en soit, dans le nouveau paradigme, la Convention EDH servirait de boussole au juge : il s’agirait de rechercher systématiquement si les atteintes portées par la loi nationale aux droits reconnus par la convention ne sont pas disproportionnées compte tenu des circonstances particulières du litige, quitte à écarter la loi nationale. Quid de la Cour de cassation ? Elle aurait vocation à « se substituer nationalement à la CEDH ». Qui plus est, le recours au contrôle de proportionnalité impliquerait que notre juge du droit connaisse des faits, se transformant dès lors en juge du fond, c’est-à-dire en une véritable juridiction. L’exemple de la cassation allemande est là pour nous rassurer : elle « cohabite depuis longtemps avec la méthode proportionnelle dont elle semble même être la souche »18 (Cour fédérale de justice allemande (BGH), 24 août 2016 et cour d’appel (OLG) de Munich, sur le sort des embryons congelés19).
Peut-on voir dans cette révolution annoncée l’espoir d’une effectivité plus grande des droits de l’enfant ? À l’évidence, oui. Peu de litiges le concernant échappent à l’emprise des droits fondamentaux grâce, notamment, à la jurisprudence de la CEDH relative à l’article 8 de la Convention EDH, jurisprudence qui intègre les dispositions de la CIDE comme normes de référence (dont le fameux article 3-1).
B. La Cour de cassation s’essaie déjà, depuis quelques années, au contrôle de proportionnalité, qu’elle n’hésite plus à appliquer aux délais de prescription en matière de filiation. Ainsi, dans cet arrêt de la première chambre civile du 9 novembre 2016 n° 15-2506820, la Cour procède à un double contrôle, abstrait puis concret, pour conclure que les dispositions transitoires de l’ordonnance de 2005 ne portent aucune atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant majeur agissant tardivement en recherche de paternité contre un homme très âgé, marié et père d’un enfant. Le contrôle n’aboutit certes pas à écarter la loi, mais on reste ébahi par le sens de la pédagogie développée par la Cour de cassation dans sa motivation… qui tranche avec celle que l’on peut lire dans l’arrêt de la première chambre civile du 8 juin 2016, n° 15-1669621 : appelée à se prononcer sur l’inconventionnalité de l’interdiction du référé-expertise génétique en matière de filiation (C. civ., art. 16-11), plaidée par un homme incertain de sa paternité et souhaitant lever tout doute avant de reconnaître (ou pas) l’enfant, la Cour de cassation rejette le pourvoi d’un revers de main, en affirmant que « [les dispositions de l’article 16-11], qui ne privent pas [le demandeur au pourvoi] de son droit d’établir un lien de filiation avec l’enfant ni de contester une paternité qui pourrait lui être imputée, ne portent pas atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale » et qu’elles « ne méconnaissent pas davantage le droit de l’enfant de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». Même s’il n’est pas certain que l’argument prospérerait devant la CEDH, on reste sur sa faim (y aurait-il un loup ?). Et que dire de l’arrêt de la chambre criminelle du 27 juillet 2016, n° 16-8327122 rejetant, aussi lapidairement, le pourvoi formé par un père placé en détention provisoire, contestant la validité de l’ordonnance du juge au motif qu’il n’a pas diligenté l’enquête prévue, dans l’intérêt de l’enfant, par l’article 145-5 du CPP23. Le père invoquait notamment une violation de l’article 8 de la Convention EDH, mais l’on ne saura jamais pourquoi le juge d’appel « a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles (…) invoquées » (une meute de loups ?).
Il semble qu’il n’y a guère que s’agissant des questions déjà appréhendées par la CEDH que la Cour de cassation ose s’aventurer sur les terres du proportionnalisme. C’est le cas, comme on vient de la voir, des délais de prescription en matière de filiation. En revanche, les délais de prescription en matière de droits familiaux patrimoniaux semblent épargnés. Non pas que l’article 8 ne soit pas applicable24, mais même les parties au litige ne l’invoquent pas, comme le montrent ces quatre arrêts rendus par la Cour de cassation en matière de prescription de l’obligation d’entretien, en réponse à des pourvois, formés par des hommes déclarés judiciairement pères de longues années après la naissance de l’enfant, n’essayant jamais de tirer parti de l’article 8 de la Convention EDH (Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-14617 ; Cass. 1re civ., 25 mai 2016, n° 15-17993 ; Cass. 1re civ., 8 juin 2016, n° 14-26273 et Cass. 1re civ., 22 juin 2016, n° 15-2178325). La situation n’est certes pas à l’avantage de ces pères : leur intérêt à échapper aux arrérages alors que la mère n’a pas agi plus tôt, fait peu de poids face à l’intérêt de l’enfant à être assumé financièrement ; mais si les effets de la déclaration judiciaire de paternité remontent bien à la naissance de l’enfant, l’action en contribution à l’entretien se prescrit par 5 ans en application de la règle générale tirée de l’article 2224 du Code civil – pesée abstraite des intérêts que des circonstances particulières pourraient néanmoins très bien remettre en cause.
Enfin, l’inconstance actuelle de la Cour de cassation en matière de contrôle de conventionalité, déjà constatée au niveau de la motivation, va jusqu’au refus de le mettre en œuvre. Ainsi, de cet arrêt de la deuxième chambre civile du 11 février 2016, n° 15-1259826, dans lequel la Cour de cassation, forte de l’arrêt de la CEDH qui avait un an plus tôt refusé de condamner l’État français27, s’en tient au strict respect des règles françaises (pas de certificat médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) présenté par le père d’un enfant étranger entré en France au titre du regroupement familial, pas de droit aux prestations familiales !), et ce alors même qu’une mise en balance concrète des intérêts en conflit aurait conduit le juge français à écarter la loi28 ! On peut également citer l’arrêt de la première chambre civile du 13 juillet 2016, n° 15-2284829, dans lequel la Cour de cassation réitère cette position selon laquelle l’intérêt de l’enfant ne constitue pas un motif légitime de refus de l’expertise biologique, demandée par un l’ex-amant de la mère mariée qui, vraisemblablement par vengeance, avait engagé une action en contestation de la filiation à l’encontre du mari. Mais quid de l’intérêt supérieur de l’enfant de l’article 3-1 de la CIDE, invoqué par les parents légaux ? On comprend le souci, légaliste, de la Cour de cassation : refuser d’ordonner l’expertise, qui aboutit à des quasi-certitudes, reviendrait à dresser une sorte de fin de non-recevoir à l’action au fond, fondée sur l’intérêt de l’enfant ; ce serait donc fonder la filiation charnelle sur l’intérêt de l’enfant…
Relevons, dans ces deux derniers arrêts, que les juges du fond avaient quant à eux adopté une position beaucoup plus souple, teintée de proportionnalisme : dans le premier, le juge grenoblois avait tenu compte du contexte particulier de l’affaire (une situation non imputable au demandeur) pour accorder, malgré la loi, les prestations réclamées ; dans le second, le juge messin avait estimé que la finalité de l’action de l’ex-amant (se venger de la mère), « bafouant l’intérêt de l’enfant », légitimait le refus des parents légaux de se soumettre à l’expertise. Il est sans doute temps de prendre davantage au sérieux la jurisprudence des juges du fond (ce qui a toujours été l’optique de cette chronique)…
C. Les juges du fond sont comme M. Jourdain : la plupart du temps, ils font du proportionnalisme sans le savoir30. Toutefois, dans certains pans du droit de la famille, ils le font sur prescription légale. C’est le cas lorsque la loi demande au juge de statuer en fonction de l’intérêt de l’enfant, qu’il doit apprécier concrètement. Ainsi en matière d’adoption plénière (C. civ., art. 353, al. 1) : l’intérêt de l’enfant peut justifier le rejet de la demande d’adoption présentée par une assistante maternelle et son mari, auxquels le nourrisson pupille de l’État avait été confié (CA Toulouse, 8 mars 201631). Certes, les assistants familiaux bénéficient des faveurs du législateur32, mais cela ne leur confère aucun « droit à l’adoption » : prime l’intérêt du bébé, qui n’est pas d’être adopté par des quadragénaires et de vivre à proximité de sa mère biologique.
Il est des règles qui, sans utiliser de notion-cadre telle l’intérêt de l’enfant, laissent une substantielle marge d’appréciation au juge. Ainsi en est-il du terme raisonnable de l’obligation d’entretien (C. civ., art. 371-2) : pas forcément la majorité de l’enfant ; le mariage de l’enfant éventuellement, mais à condition que le mari ait des ressources suffisantes (CA Nancy, 25 janvier 2016, nos 16/00212 et 15/0014533).
Pour finir, la chronique donne également l’exemple d’utilisation de la méthode proportionnelle contra legem : pour une raison ou une autre, le juge prend des libertés avec loi et tranche en fonction des intérêts en présence. Ce peut être parce que l’application de la loi conduit à une solution injuste. C’est sans doute ce qui explique cette décision du juge rennais qui a admis l’action en constatation de possession d’état engagée par un homme élevé par une assistance maternelle alors qu’il était pupille de l’État (CA Rennes, 7 mars 2016, n° 15/0517834), n’hésitant pas au passage à déformer la notion de possession d’état (qui est avant tout une présomption de vérité biologique). On peut sans doute en dire de même de cette décision dans laquelle le juge parisien invente une condition nullement prévue par la loi, non remplie en l’espèce, pour rejeter la demande de délégation forcée de l’autorité parentale présentée par l’ASE, auxquels les juges ont reproché de ne pas avoir apporté la preuve des moyens mis en œuvre pour permettre la reprise du contact entre la mère et son enfant – motif indifférent dans le cadre de la délégation forcée, qu’il ne faut pas confondre avec la déclaration judiciaire de délaissement parentale (CA Paris, 6 oct. 2016, n° 16/04118 ; CA Paris, 13 oct. 2016, n° 16/0065635). En espérant cependant que le juge n’ait pas confondu intérêt de la mère et intérêt de l’enfant…
Il est d’autres raisons moins avouables… En matière de droit international privé, on pourrait sans doute avancer le manque de maîtrise technique de cette discipline de la part de certains juges du fond (?). Heureusement, l’intérêt supérieur de l’enfant peut parfois leur servir de repère. Ainsi, dans cet arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 12 janvier 2016, n° 13/0027336, le juge foyalais avait au moins compris que le prononcé de l’adoption de l’enfant était dans son intérêt… Est-ce également l’intérêt de l’enfant qui justifie cette curieuse déclaration de compétence du juge français et de la loi française dans un litige opposant deux parents divorçant (mère française et père sud-coréen) au sujet de l’obligation d’entretien et de l’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant commun ? (CA Paris, 12 avr. 2016, n° 14/0695737)
« Vision aristotélicienne du droit »38… ou invasion de notre droit par la logique néolibérale, qui expliquerait d’ailleurs cette recherche de réduction des coûts en matière de justice familiale ? L’atomisation de la famille réduite à une masse d’intérêts à concilier dans un relativisme, il est vrai, pondéré par la primauté de l’intérêt de l’enfant, n’a décidément pas fini de nous interroger.
Christine DESNOYER
I – La déjuridictionnalisation du droit de la famille en marche : les motivations d’ordre économique derrière le paravent des droits de l’enfant ?
Divorce sans juge et droits de l’enfant. V. l’article de Blandine Mallevaey, « l’intérêt de l’enfant et la réforme du divorce par consentement mutuel », LPA 29 juin 2017, n° 127p1, p. 6
Interlude : Scepticisme autour de la renaissance de la formalité de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs (L. n° 2016-731, art. 49)
L’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs peut parfaitement, au premier abord, s’analyser en une formalité d’importance modeste. Cependant, si le choix a été fait de restaurer cette formalité alors qu’elle avait été supprimée quelques années plus tôt, c’est sans doute que cette exigence présente un réel enjeu et que l’autorisation de sortie du territoire revêt une signification plus profonde. Effectivement, si on se reporte aux débats qui ont entouré l’adoption de la loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, le législateur attend beaucoup de cette autorisation : elle est présentée comme un outil de lutte contre la radicalisation39. Les parents seraient les premiers acteurs de cette lutte, les premiers freins des démarches de radicalisation de leurs enfants. On a coutume de dire que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Et si la restauration de l’autorisation de sortie du territoire se révélait être une vraie fausse bonne idée ?
La loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, a modifié l’article 371-6 du Code civil en prévoyant que « l’enfant quittant le territoire national sans être accompagné d’un titulaire de l’autorité parentale est muni d’une autorisation de sortie du territoire signée d’un titulaire de l’autorité parentale ». Le corpus textuel est complété par le décret n° 2016-1483, du 2 novembre 2016, l’arrêté du 13 décembre 201640 et la circulaire du 29 décembre 201641. Depuis le 15 janvier 2017, il n’est donc plus possible pour un mineur non accompagné d’un titulaire de l’autorité parentale de franchir les frontières nationales s’il n’est pas détenteur de l’autorisation prévue à l’article 371-6 du Code civil signée par un parent ou un représentant légal42. Un passeport ne suffit plus. L’autorisation de sortie du territoire dûment renseignée et signée doit être présentée par tout mineur résidant habituellement en France, quelle que soit sa nationalité, dès lors qu’il entend quitter le territoire français sans un titulaire de l’autorité parentale. Cette exigence est posée que le mineur voyage à titre individuel ou dans un cadre collectif et quel que soit le motif de son déplacement.
Cette nouveauté – qui n’en est pas une – appelle tout d’abord quelques remarques et l’expression d’une certaine insatisfaction sur la méthode déployée. L’histoire de l’abrogation de l’autorisation de sortie du territoire est en réalité le fruit d’une valse des circulaires. La circulaire du 11 mai 1990 qui détaillait le régime de l’autorisation de sortie du territoire des mineurs a été abrogée par la circulaire du 20 novembre 201243 : l’abrogation de cette formalité a en effet été considérée comme la conséquence nécessaire du renforcement du régime des interdictions de sortie du territoire par la loi n° 2010-769, du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, mais rien n’était moins évident. Le dispositif a donc été supprimé par la circulaire de 2012 qui est venue expliciter la loi du 9 juillet 201044. La loi de 2010 et la circulaire de 2012 ont non seulement renforcé le régime des interdictions de sortie du territoire pour mineur mais également réaffirmé l’enjeu – à titre conservatoire – de la procédure d’opposition à la sortie du territoire d’un mineur. La procédure judiciaire d’interdiction de sortie du territoire (IST) peut être décidée par le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants dans l’hypothèse d’un risque d’enlèvement familial, dans celle d’une mise en danger, d’une assistance éducative ou encore aux fins d’empêchement d’activités terroristes. Elle permet de faire obstacle aux déplacements du mineur lors des contrôles aux frontières. La procédure d’opposition à la sortie du territoire (OST) repose quant à elle sur l’opposition expresse des titulaires de l’autorité parentale signalée aux services de police en cas de risque imminent d’enlèvement familial de l’enfant (OST conservatoire dans l’attente d’une IST) ou risque de radicalisation du mineur devant être éloigné des zones de conflit. Ces deux procédures – judiciaire et administrative – entraînent le signalement du mineur au fichier des personnes recherchées45. En 2012, l’abrogation de l’autorisation de sortie du territoire est apparue comme la réponse à l’articulation de cette mesure avec les mesures d’interdiction de sortie du territoire (élargie par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010) et d’opposition à la sortie du territoire du mineur. Sans doute y avait-il place pour préserver l’autorisation de sortie du territoire en 2012 (ne serait-ce que par ce que l’IST et l’OST nécessitent qu’un risque ait été identifié en amont pour que des interdictions ou oppositions aient pu être anticipées) mais tel n’a pas été le choix… de la circulaire du 20 novembre.
Le Conseil d’État a d’ailleurs affirmé que l’État n’était aucunement obligé de prévoir un dispositif d’autorisation de sortie du territoire46. La haute juridiction administrative considère que le droit français avait valablement pu faire le choix – au regard des articles 371-1 et 371-3 du Code civil et du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un Code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes – de supprimer les autorisations de sortie du territoire tout en instituant des interdictions et oppositions.
Reste que cette évolution interroge sur le rôle des circulaires. Certains auteurs ont pu considérer que la circulaire du 20 novembre 2012 serait allée au-delà des intentions du législateur de 201047. Comment est-ce possible ? La circulaire de 2012 pouvait-elle valablement supprimer l’autorisation de sortie du territoire ? Par ailleurs, ladite formalité était-elle véritablement devenue inutile au point que la circulaire de 2012 ait pu se sentir autorisée à la supprimer ? La restauration – par le législateur – de l’autorisation de sortie du territoire en 2016 tend à prouver le contraire.
La proposition de loi n° 2960, du 8 juillet 2015, votée par les députés le 8 octobre 2015 avait – dès 2015 – proposé ledit rétablissement48. C’est finalement la loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et le décret n° 2016-1483, du 2 novembre 2016, qui ont restauré l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs à compter du 15 janvier 2017.
Plus que les interrogations sur la démarche, le scepticisme sur le sens et la pertinence du dispositif mérite d’être évoqué plus en amont49. Les interrogations portent sur la capacité à atteindre l’objectif fixé via la restauration de l’autorisation de sortie du territoire des mineurs (I) ainsi que sur l’analyse de l’autorisation de sortie du territoire en termes d’acte usuel qui semble se dessiner (II).
I. Scepticisme quant à la capacité à atteindre l’objectif fixé
Le parent, rempart dans la lutte contre la radicalisation ? Le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire a été introduit à la faveur des débats parlementaires devant l’Assemblée nationale. Il fait notamment écho au rapport de la commission d’enquête du Sénat50 qui précise qu’en mars 2015, plus de 1 400 ressortissants français étaient recensés comme partis combattre dans les rangs djihadistes (la proportion de mineurs étant estimée à 25 %). Le gouvernement avait d’abord réagi dans une instruction du 5 mai 2014 en modifiant les modalités d’application de la procédure d’opposition à la sortie du territoire. Toutefois, ce dispositif nécessite une démarche volontaire des parents qui suppose que la radicalisation du mineur ait été détectée par ses parents. L’opposition à la sortie du territoire du mineur est donc apparue insuffisante et le législateur a souhaité contrôler plus efficacement les circulations de mineurs en rétablissant l’autorisation de sortie du territoire. Cette formalité a pour objectif de lutter contre le départ de nombreux mineurs français dans les zones de combat en Syrie et en Irak, aux côtés des forces de l’organisation dite de « l’État islamique »51.
La restriction de liberté est justifiée dans un but préventif de lutte contre la radicalisation52. Elle poursuit la satisfaction d’un intérêt collectif mais également d’un intérêt individuel, celui du mineur lui-même et de sa famille. Ce faisant, cette mesure protectrice et restrictive de liberté porte atteinte à l’autonomie du mineur et semble prendre le contre-pied d’une tendance à la reconnaissance d’une majorité anticipée en droit français. Elle opère un renversement du principe et de l’exception. Depuis la réforme de 2012, le principe était la liberté de déplacement hors frontières sauf interdiction prononcée par le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants. Dorénavant, l’interdiction est de principe sauf autorisation. Cette mesure pourrait sembler porter atteinte au principe de libre circulation des personnes. Néanmoins, il est admis que le droit à la libre circulation – prévu par la directive n° 2004/38/CE, du 29 avril 2004, qui permet de circuler librement sous couvert de sa carte nationale d’identité ou de son passeport dans l’espace Schengen – ne saurait affranchir le mineur des règles de l’autorité parentale et donc, des restrictions que peuvent apporter ses parents à ses déplacements.
Peut-on vraiment espérer atteindre la cible visée ? On peut se demander si les parents sont véritablement les « bons » acteurs pour cette mission de vigie et de refus. Les exemples récents de jeunes en voie de radicalisation démontrent que souvent les parents n’ont pas perçu cette évolution (ou alors très tardivement). Seront-ils seulement en mesure de tenir tête au jeune déterminé ? Par ailleurs, leur refus éventuel découragera-t-il le mineur de partir ? Ne risque-t-on pas de renforcer la détermination du mineur, sa radicalisation ? La radicalisation ne passe pas nécessairement par un déplacement. Les nouvelles technologies sont largement utilisées dans le cadre de la propagation d’idées radicales. Ces inquiétudes sont renforcées par les questions légitimes qui peuvent émerger concernant la fiabilité des autorisations de sortie du territoire.
Scepticisme quant à la fiabilité de l’autorisation de sortie du territoire. L’autorisation de sortie du territoire du mineur prend la forme d’un formulaire CERFA à renseigner. Il s’agit d’un simple acte sous seing privé qui n’offre pas de garantie d’authenticité et qui est exposé à un risque de falsification53.
Ce risque qui avait d’ailleurs été clairement admis par le gouvernement dès 2014, sans doute pour justifier à l’époque la suppression de l’autorisation de sortie du territoire54.
Après le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire en 2016, les questions redoublent compte tenu de la restauration dans un format encore moins sécurisé puisqu’aucune démarche en mairie – ni en préfecture – n’est nécessaire55. La piste évoquée d’un retour à la validation en mairie semble intéressante si on veut que cette autorisation de sortie du territoire ait du (un ?) sens. Elle permettrait de s’assurer, a minima, de l’accord du/des parents et serait, le cas échéant, l’occasion de provoquer un échange afin de détecter d’éventuelles difficultés.
II. Scepticisme autour de la qualification d’acte usuel
L’enjeu de la qualification d’acte usuel : les titulaires de l’AST. La question des titulaires de l’autorisation de sortie du territoire est intéressante. Si on se fie à la qualification d’acte usuel d’autorité parentale qui semble être attribuée à l’autorisation de sortie du territoire56, l’accord de l’un des parents suffit lorsque les deux parents sont titulaires de l’autorité parentale. Il s’agirait d’appliquer le principe de coparentalité prévu à l’article 372-2 du Code civil (issu de L. n° 2002-305, 4 mars 2002) et qui repose sur une présomption d’accord pour les actes usuels de l’autorité parentale relatif à la personne de l’enfant, sauf manifestation d’un désaccord.
Discussion autour de la qualification d’acte usuel. Peut-on cependant considérer que la signature de ladite autorisation constitue bien un acte usuel ? La difficulté vient de l’absence de critère légal permettant d’identifier les actes usuels.
Selon la jurisprudence du Conseil d’État57, la demande d’un passeport, dont la fonction même est de permettre la sortie du territoire, s’analyse en un acte usuel de telle sorte qu’un parent peut effectuer seul la démarche. L’accord de l’autre parent revêt un caractère implicite à l’égard des tiers de bonne foi. Précisons que ce principe ne prive cependant pas l’autre parent de la possibilité de manifester son désaccord, ce qui empêche la délivrance du passeport conformément aux prévisions de l’article 372-2 du Code civil. En d’autres termes, si le service instructeur a connaissance d’un désaccord concernant le déplacement de l’enfant à l’étranger, le consentement du second parent est recherché. En cas de désaccord sur la délivrance du passeport, le second parent est invité à formaliser ce désaccord par écrit.
Par analogie avec la demande de passeport, l’acte autorisant la sortie du territoire devrait être considéré comme un acte usuel. La signature d’une autorisation de sortie de territoire serait un acte usuel d’exercice de l’autorité parentale auquel s’appliquerait la présomption d’accord des titulaires de l’autorité parentale.
Il nous semble cependant qu’apparaît une contradiction entre l’enjeu évoqué (stratégique et déterminant) et l’analyse en termes d’acte usuel. Sans doute s’est-il agi de ne pas alourdir outre mesure la procédure en recherchant systématiquement le consentement des deux parents mais la qualification d’acte usuel apparaît en porte à faux par rapport à l’objectif poursuivi. Si l’enjeu était de mettre des remparts, sans doute l’exigence de l’autorisation de tous les titulaires de l’autorité parentale aurait pu se concevoir. Il est en outre possible de s’interroger sur l’éventuel recours d’un parent qui n’aurait pas été consulté et reprocherait à l’autre d’avoir donné son consentement au déplacement du mineur dans l’hypothèse où ce dernier serait finalement parti faire le djihad.
La renaissance de l’autorisation de sortie du territoire constitue un exemple intéressant de l’inconstance de notre législation et de la trop grande hâte avec laquelle les réformes se succèdent. Le propos n’est pas de soutenir que l’autorisation de sortie du territoire n’est pas utile de façon générale et ne peut pas, en particulier, contribuer à la lutte contre les mouvements de radicalisation mais bien de souligner que son abrogation – via une circulaire en 2012 – semble difficile à admettre tant sur la forme que sur le fond, a fortiori pour envisager de la restaurer sous une forme fragilisée quatre ans plus tard.
Cathy POMART
II – La révolution de la juridictionnalisation de la Cour de cassation en perspective : l’espoir d’une plus grande effectivité des droits de l’enfant
A – Les modèles : juge administratif, juge européen, juge allemand
1. Hébergement d’urgence des mineurs étrangers isolés, carences des pouvoirs publics et libertés fondamentales devant le juge administratif (TA Lille, ord., 1er sept. 2016, n° 1606080 ; TA Lille, ord., 6 mai 2016, n° 1603113, 4 ordonnances, 1res espèces ; CE, 1re/6e ch. réunies, 27 juill. 2016, nos 400055 à 400058, 2e espèce)
« L’histoire est un perpétuel recommencement »58… Et la juridiction administrative de Lille se trouve une nouvelle fois confrontée à la détresse vécue par les mineurs étrangers non accompagnés. Le nombre d’ordonnances rendues par le juge administratif du Nord est symptomatique du développement de ce type de contentieux, dans lequel les décisions rendues peinent vraisemblablement à être appliquées par des autorités publiques de plus en plus carencées.
Pourtant, l’accès au droit forme, pour ces mineurs en situation de grande vulnérabilité, un outil précieux pour réclamer le respect de leurs droits fondamentaux, même si la collectivité peut être tentée d’échapper à son obligation de protection des mineurs.
Face à cet imbroglio politique et juridique lié à cette crise que l’on peut qualifier d’humanitaire, dans laquelle de plus en plus d’enfants migrants sont concernés, le Conseil d’État leur a reconnu la capacité d’agir en justice au titre du référé pour obtenir le prononcé d’une mesure urgente d’hébergement au titre de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative59.
Cette capacité du mineur à agir en justice est réaffirmée par les hauts conseillers dans un arrêt rendu le 27 juillet 201660. Il précise que le juge des référés est compétent pour connaître des demandes formulées par les mineurs confiés, par décision judiciaire, au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE), tendant à ce que le département et le préfet, en tant que titulaire du pouvoir de police générale, prennent en charge l’hébergement et répondent aux besoins élémentaires desdits mineurs tels que l’hébergement, l’alimentation et l’hygiène quotidienne.
Pour autant, cet arrêt de la haute juridiction n’est pas venu mettre un terme à ce que l’on nomme tristement « l’affaire du jardin des Olieux ».
Ce parc, propriété de la ville de Lille, recevait, depuis juin 2015, un camp de fortune dans lequel vivaient des ressortissants étrangers dans des conditions de vie déplorables. Un soutien et une aide alimentaire leur étaient apportés par les riverains et des associations. Un nombre relativement important de mineurs étrangers occupait ce lieu jusqu’à ce qu’il soit démantelé par les forces de l’ordre sur décision du tribunal administratif de Lille rendue le 17 novembre 2016. Cette décision d’évacuation du parc correspondait à la validation du plan d’action élaboré par l’État pour « mettre à l’abri » ces personnes.
Vers la reconnaissance d’une responsabilité collective des autorités
Par une ordonnance du 13 octobre 201561, le juge des référés lillois était saisi d’un recours formé par un mineur qui était livré à lui-même après un hébergement d’urgence fourni par le département, pour une durée de cinq jours62. Plus tôt, le Conseil d’État avait pu rappeler, dans un arrêt du 1er juillet 2015, que le président du conseil départemental ne peut pas admettre un mineur à l’aide sociale à l’enfance, sans que le juge des enfants ne l’ait ordonné. Pour autant, le juge lillois considère que cette règle n’a pas pour effet d’instituer « une obligation, ni même la possibilité (…) de mettre fin à l’accueil d’urgence » jusqu’à ce que le mineur lui soit confié par l’autorité judiciaire, dans un délai qui devient certes « de plus en plus long ». Ainsi, le juge ordonne au département de continuer à héberger le mineur requérant dans les 72 heures, sous peine d’astreinte par jour de retard.
Jusqu’à la validation de l’expulsion en novembre 2016, les référés formés par la métropole européenne de Lille (MEL) en vue de l’expulsion des occupants du camp étaient rejetés par le juge63 pour lequel la préservation des libertés fondamentales prime sur l’occupation illégale d’un lieu public.
Par une argumentation minutieuse, le juge administratif s’intéressait à la situation des mineurs occupants et dressait un état des lieux accablant sur l’environnement du parc en termes de salubrité. Rappelant les obligations du département, le juge des référés souligne, par quatre ordonnances rendues le 6 mai 201664, que « le département du Nord et la ville de Lille, se sont abstenus, depuis août 2015, d’intervenir et de proposer, même à titre très temporaire, des solutions d’hébergement, laissant la situation s’aggraver et contraignant les habitants d’un quartier et les associations à se substituer partiellement aux autorités défaillantes ». La clairvoyance avec laquelle le juge des référés analyse la situation l’amène à reconnaître que les occupants du parc n’ont pas d’autres lieux pour vivre et qu’il « ne pourra être fait droit à la demande d’expulsion présentée par la Métropole européenne de Lille que si un abri, un couvert et un minimum d’hygiène (…), sont proposés aux occupants du jardin des Olieux et que si cet hébergement est refusé par les intéressés ». Voilà une condition forte posée aux recours de la MEL ! A fortiori, le juge met en avant, de manière remarquable, une « responsabilité collective » intégrant la MEL qui n’est pourtant pas « débitrice de l’obligation de relogement ».
Face à la détresse vécue par le requérant, le juge lillois a même statué ultra petita en augmentant le montant de l’astreinte journalière pour donner un effet plus important à son ordonnance et ainsi, contraindre le département à l’action65.
Le juge poursuit en enjoignant la MEL, de manière directe, à entamer des démarches auprès de l’État, du département du Nord et de la ville de Lille « afin de rechercher et de mettre fin à une situation contraire à la dignité de la personne humaine ». La préservation de la dignité humaine étant une valeur fondamentale, il admet alors que l’État soit invité à intervenir, sans décharger pour autant le département de son obligation de protéger les mineurs confiés à l’ASE, conformément à l’article 375 du Code civil. Le juge lillois s’inscrit donc sur la même logique que le Conseil d’État, la protection des droits fondamentaux étant plus importante que l’occupation sans titre du domaine public.
De l’incapacité chronique de l’État et du département à répondre à leurs obligations
Pas moins de quatre arrêts impliquant le département du Nord ont été rendus le 27 juillet 2016, par la 1re et la 6e chambres, réunies en section du contentieux66. Les requérants mineurs demandent au juge du référé-liberté d’enjoindre le président du conseil départemental du Nord à mettre en œuvre les décisions judiciaires de placement dont l’exécution a été ordonnée par le juge administratif dans une première série d’ordonnances un mois plus tôt.
Le département du Nord fait appel de ces ordonnances en tant qu’elles lui font grief.
L’originalité des injonctions posées par le juge administratif repose, comme l’a souligné le rapporteur public Lessi, sur leur caractère double : une injonction ordonnant au département de proposer une solution d’hébergement sous 72 heures et une injonction au préfet d’assurer lui-même l’hébergement d’urgence des mineurs, en cas de carence du département, au nom de son pouvoir de police générale67.
Précisément, le caractère subsidiaire de l’injonction ordonnée à l’égard du préfet existe si « les mesures de sauvegarde à prendre excéderaient les capacités d’action du département » et le Conseil d’État n’y va pas de main morte. Reconnaissant la saturation des services départementaux, la situation vécue par le mineur est qualifiée par la haute juridiction « de traitements inhumains ou dégradants et porte ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
Rejetant la requête du département, le Conseil d’État considère, au regard de l’instruction, qu’une solution est envisageable puisque le département doit accomplir les diligences destinées à apporter une réponse appropriée au mineur, en termes d’hébergement, de nourriture et d’hygiène.
Si le conseil départemental est devenu une éponge absorbant les multiples souffrances vécues par une population vulnérable, ses missions, à travers l’ASE, s’inscrivent dans un cadre complexe, voire inextricable en raison de la faiblesse des moyens alloués. Le partage de responsabilités semble en pratique être dilué, les acteurs en cause « se renvoyant la balle ». Le poids de cette obligation sociale de protection et d’assistance des mineurs en situation de vulnérabilité devient de plus en plus insupportable pour le conseil départemental. Mais l’intervention supplétive de l’État ne permet au département de se dégager de son obligation particulière de protection des mineurs. En précisant la répartition des compétences des autorités publiques, le Conseil d’État ne manque pas de réaffirmer la possibilité pour le département de former, en cas de carence, une action récursoire contre l’État68. Tandis que le juge administratif lillois analyse la situation par la réciprocité de l’action récursoire en rappelant à l’État son droit de rechercher la responsabilité du département69 et son impossibilité de refuser de prendre des mesures d’urgence pour les mineurs non accompagnés.
Devant la difficulté pour les requérants d’obtenir un placement dans un lieu de vie et d’accueil, en exécution d’une décision du juge des enfants offrant une prise en charge éducative préservant l’intérêt de l’enfant, le juge des référés exige au moins, un hébergement temporaire garantissant le minimum vital pour ces jeunes personnes.
Nadia BEDDIAR
2. Intérêt de l’enfant à une scolarisation complète permettant une intégration sociale réussie et convictions religieuses des parents devant le juge européen (CEDH, 10 janv. 2017, n° 29086/12, Osmanoğlu et Kocabaș c/ Suisse)
Après les tourments et les vives polémiques au cours de l’été 2016 autour du port du burkini sur les plages françaises, la Cour européenne des droits de l’Homme s’est prononcée sur une problématique juridique articulant préceptes et tenues religieuses, minorité et scolarité.
Au cœur de l’arrêt Osmanoğlu et Kocabaș c/ Suisse, rendu le 10 janvier 201770, se trouve la requête de parents de confession musulmane souhaitant soustraire leurs deux filles mineures des cours de natation à l’école.
Revenons sur la procédure et les allégations des parents.
Ces derniers, pratiquant un Islam strict, souhaitent que leurs jeunes filles soient préparées aux règles religieuses qui leur seraient appliquées dès leur puberté. Dans ce cadre, les parents contestent le fait que leurs enfants puissent suivre des cours de natation mixtes. Face à la difficulté pour trouver un consensus avec la direction de l’établissement, les parents décidèrent de ne plus envoyer leurs filles aux cours de natation.
Cet absentéisme scolaire conduit les parents à être condamnés au paiement d’une amende forfaitaire, bien qu’ils aient inscrit leurs enfants aux cours de natation, privés et non mixtes71. Ils formèrent un recours devant la cour d’appel du canton de Bâle-Ville qui les déboutait de leur demande en mai 2011 ; le tribunal fédéral rejeta également leur pourvoi en mars 2012, considérant que l’absence de dispense de cours de natation accordée par l’école ne constitue pas une atteinte à la liberté de religion, d’autant plus que ces cours de sport font partie des enseignements obligatoires. Le tribunal fédéral confirme que cette obligation s’appuie sur une base légale solide, à savoir la loi scolaire du canton de 1929, l’ordonnance Schulordnung sur les écoles et une directive du département de l’instruction de 2007.
La position des tribunaux suisses
Concernant la proportionnalité de l’ingérence dans l’exercice de la liberté religieuse, le tribunal national précise que la mixité des cours de natation prend fin à la puberté des élèves et qu’il existe un cadre réglementaire offrant, pour les parents demandeurs, des mesures d’accompagnements spécifiques tels que les vestiaires séparés et le port du burkini.
En effet, la directive de 2007 prévoit qu’au regard de la morale musulmane, les parents peuvent exiger que le corps de leur enfant soit couvert, que les douches et les vestiaires soient accessibles à l’abri des regards, que l’enseignement soit assuré par des enseignants de même sexe.
Il convient de préciser que la solution retenue par ce tribunal fédéral constitue la confirmation d’un revirement de jurisprudence (intervenu en 2008) par rapport à un arrêt de principe rendu en 1993. Dans cet arrêt, le juge considérait « qu’une éducation des enfants conformes aux convictions religieuses des parents primait sur le caractère obligatoire des cours de natation ». Autrement dit, le principe d’intégration des personnes dans la société suisse ne saurait imposer des règles de droit entraînant une restriction des convictions religieuses.
Devant l’augmentation du nombre de personnes de confession musulmane en Suisse et la place croissante occupée par le thème de l’intégration dans la sphère publique, le tribunal fédéral modifia donc son appréciation : l’intégration et le respect des valeurs de la culture suisse doivent primer. Ainsi, les cours de natation présentent un intérêt public d’éducation de tous les enfants « pour des raisons de socialisation, de sécurité (…) et d’égalité des chances entre filles et garçons »72.
Cette jurisprudence suisse rejoint la position adoptée par la Cour administrative fédérale allemande concernant une élève musulmane non dispensée de cours de natation. La Cour allemande concluait que la plaignante n’avait pas démontré en quoi le port du burkini, autorisé par l’établissement scolaire, mettrait en cause les codes vestimentaires de sa religion.
L’appréciation de la Cour européenne concernant l’ingérence dans le droit à la liberté de religion
La requête s’appuie, sur le fond, sur une violation alléguée de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, protégeant la liberté de pensée, de conscience et de religion. Retenons que la Suisse n’est pas signataire du protocole n° 1 à la CEDH sur l’éducation religieuse et philosophique des enfants par leurs parents. Les parties ne peuvent alors pas s’en prévaloir.
Les juges de Strasbourg s’interrogent pour savoir si l’ingérence en question poursuivait un but légitime et, en cela, ils saisissent l’occasion de rappeler l’importance majeure que revêt la liberté de culte et de religion dans une société démocratique.
La manifestation de la liberté de religion devient toute relative dès qu’il s’agit que « concilier les intérêts des divers groupes et à assurer le respect des convictions de chacun73 » et de préserver l’ordre public74.
Revenant sur les qualités que la loi doit présenter (§ 50 et s.), la Cour européenne considère, qu’au nom du principe d’accessibilité du droit, le caractère obligatoire de la natation à l’école et les amendes prononcées à l’encontre des parents des enfants absents constituent des informations s’appuyant sur une base légale et sont disponibles sur internet. Ainsi, la Cour estime, à juste titre, que l’ingérence qu’ils reprochent aux autorités suisses dans leur liberté religieuse était tout à fait prévisible.
D’après les requérants, le caractère accessoire des cours de natation est certain car cet enseignement ne produit aucune influence sur l’obtention d’un diplôme ou sur les chances d’insertion professionnelle. L’argument soulevé par le gouvernement, quant au rôle socialisant des cours de natation, est contré par les demandeurs qui rappellent que la socialisation de leurs filles se déroule principalement en dehors des temps scolaires et que celles-ci ne sont pas pour autant marginalisées. Pour eux, l’intégration et la socialisation ne sont pas remises en cause par la dispense de cours de natation ; l’ingérence ne poursuit, pour les demandeurs, aucun but légitime.
La Cour européenne concède, mutatis mutandis à l’aune de l’arrêt Dahlab c/ Suisse75, que la protection de l’ordre76 et les enjeux liés à la garantie des droits et libertés d’autrui sont des restrictions nécessaires à la liberté de religion pour protéger les enfants contre toute forme d’exclusion sociale. Sur ce dernier point, la position des demandeurs peut interpeller, devant la position plutôt conciliante des autorités scolaires suisses. En effet, elles soutiennent que les cours de natation sont obligatoires, mais qu’ils peuvent être aménagés en autorisant le port du burkini, comme les établissements scolaires allemands par exemple.
Si cet aménagement semble être un compromis convenable entre la participation des enfants aux cours de natation et le respect des croyances religieuses, les requérants rejetèrent cette proposition. Ils soulignent le caractère stigmatisant du burkini, qui serait susceptible de compromettre l’intégration de leurs filles, sans en apporter la preuve aux yeux du gouvernement. Ce dernier appréhende le burkini comme un moyen de « contribuer à faciliter la vie en commun des élèves d’une classe et leur montrer qu’ils y ont tous pleinement leur place même s’ils sont d’une culture différente ». Il est d’avis que la dispense de cours de natation est plus stigmatisante que le port du burkini.
L’enseignement forme l’une des modalités de manifestation de la liberté de religion prévue à l’article 9 de la Convention. La jurisprudence riche de la Cour offre des illustrations sur le caractère limité de l’expression religieuse en public et sur l’équilibre difficile à trouver entre les intérêts de la majorité et ceux des minorités ; cela en vue de permettre aux États de répondre à leurs obligations de protection des personnes afin d’éviter toute discrimination fondée sur la religion77. De ce fait, la Cour considère, traditionnellement, que les États sont les mieux placés pour apprécier les besoins liés aux contextes nationaux, notamment sur les questions liées à l’expression des convictions religieuses. Et, elle souligne également le caractère polymorphe du terme « religion » selon les législations des États membres.
Ainsi, ces derniers, assurant le pluralisme religieux nécessaire à tout système démocratique, conçoivent et aménagent, avec une importante marge de manœuvre, les programmes scolaires, à la condition de ne pas exercer un endoctrinement sur les personnes.
La Cour se range du côté du gouvernement en estimant que les dispenses doivent rester « très exceptionnelles » afin de préserver le processus d’intégration sociale des enfants « selon les mœurs et coutumes locales » (les autorités suisses n’accordent que des dispenses pour motif médical). Par un contrôle classique de proportionnalité in concreto, le juge européen ne relève aucun élément soulignant l’intolérance des autorités suisses, ni même que la liberté religieuse des élèves ait été restreinte « autrement que lors des cours de natation mixtes ». L’appréciation des sanctions prononcées à l’encontre des parents, à savoir une amende forfaitaire d’un montant de 1 400 francs suisses, s’appuie sur une information préalable des intéressés rendant ces amendes proportionnées à l’objectif de réintégration des enfants aux cours de natation à l’école.
Voici un exemple jurisprudentiel supplémentaire pour étayer le principe selon lequel l’intérêt supérieur des enfants, exprimé, ici, à travers le suivi d’une scolarité intégrale, l’apprentissage du vivre ensemble, « le développement et la santé de l’enfant », prime sur l’expression individuelle des convictions religieuses.
Nadia BEDDIAR
3. Sort des embryons congelés et « droit à l’enfant » devant le juge allemand (BGH, 24 août 2016, n° XII ZB 351/15, 1re espèce et OLG Munich, 22 févr. 2017, n° 3 U4080/16, 2e espèce)
Deux récentes décisions allemandes rendues en matière d’embryons congelés nous permettent de faire le point sur l’évolution du droit de la filiation face au développement des techniques de procréation.
Dans la première affaire soumise à la Cour fédérale de justice allemande (BGH)78, un Allemand vivant en partenariat enregistré et ayant au foyer une fillette de 6 ans née d’une mère porteuse indienne et deux autres âgées de 4 ans nées d’une mère porteuse californienne se met en tête de faire « vivre » les 9 embryons restants congelés aux États-Unis et de déclarer sa paternité à leur égard.
Dans la seconde affaire soumise début 2017 à la Cour (OLG) de Munich, une jeune veuve voulait se faire implanter un des embryons que son mari – décédé depuis à la suite d’une transplantation cardiaque – et elle les avait conservés dans le but d’une grossesse ultérieure.
Dans les deux cas, la demande est rejetée : d’une part, parce qu’une déclaration de paternité ne peut concerner qu’un enfant né, d’autre part, parce qu’une insémination post mortem ne saurait être envisageable malgré la détresse dans laquelle l’application de la règle peut plonger des femmes déjà durement éprouvées par le destin en les empêchant de faire aboutir post mortem un projet parental élaboré en parfaite concertation avec leur mari ou compagnon promis à une fin prématurée.
Une conclusion s’impose ici : prénatalement, trop tôt ; post mortem, trop tard ! Ces deux affaires soulignent une fois de plus combien le droit des personnes et de la filiation sont confrontés à ce genre d’évolution scientifique, en France comme en droit comparé, notamment Outre-Rhin.
I. Pas de reconnaissance prénatale
Le demandeur, un Allemand vivant en partenariat enregistré, voulait être déclaré père de neuf embryons congelés conservés dans une clinique californienne alors que deux d’entre eux avaient préalablement permis, par une mère porteuse californienne, la naissance de jumelles vivant aujourd’hui avec lui en Allemagne. Il voulait que ces embryons puissent « donner naissance », c’est-à-dire qu’ils ne restent pas en l’état, deviennent des nouveau-nés dont il veut déjà se déclarer père et participer à l’entretien.
Sa demande est rejetée par les premiers juges (l’Amtsgericht puis par l’OLG de Düssedorf)79 au motif que la possibilité d’établir la paternité à l’égard d’un enfant en particulier n’est pas ouverte par la loi allemande avant la naissance de l’enfant qui, seule, confie un statut à l’enfant. La paternité légale n’apparaît ainsi en droit allemand qu’à la naissance de l’enfant car c’est uniquement à ce moment-là que l’on peut apprécier la situation maritale ou pas de la mère conditionnant la paternité80. Les juges ajoutent qu’il n’est pas besoin de vérifier si en droit californien une déclaration de paternité est possible dans ce cas car une application du droit étranger est exclue dans cette procédure au regard du § 19 par. 1 phrase 1 EGBGB (loi d’introduction au Code civil contenant les règles de conflits de lois) puisqu’un embryon n’est pas un enfant au sens de la disposition et que le lieu de dépôt ne peut pas être considéré comme une résidence habituelle. Par ailleurs, le législateur allemand a expressément criminalisé au paragraphe 1 par 1 n° 2 ESchG (loi sur le divorce) le fait de féconder un ovule dans un but autre que celui de provoquer une grossesse chez la femme dont l’ovule est originaire.
Néanmoins, l’OLG ouvre le recours et c’est ainsi que le BGH connaît de l’affaire.
Le BGH vérifie d’abord la compétence juridictionnelle des juridictions allemandes et répond de manière affirmative en se fondant sur le paragraphe 100 Nr. 1 FamFG (loi sur la procédure familiale), le requérant à la paternité étant de nationalité allemande81, puis pose la question du droit applicable. En effet, étant donné que les embryons sont conservés dans une clinique californienne, selon la dernière demi-phrase de l’art. 3 EGBGB, il existe une connexion des faits avec un pays étranger rendant nécessaire l’intervention du droit international privé. La loi applicable est déterminée dans ce cas par analogie à l’art. 19 par. 1 EGBGB fixant la règle de conflit de lois en matière de filiation.
La Cour note que la disposition parle de filiation de l’enfant de telle sorte que celui-ci doit être né pour en justifier l’application. Toutefois, la cour envisage la méthode historique et téléologique pour justifier sa position82. En effet, le critère de rattachement de la filiation d’un enfant remonte à la loi modifiant le droit international privé du 25 juillet 198683. À l’époque, la séparation de l’embryon de l’utérus et la cryogénisation n’étaient pas utilisées par les techniques de fécondations in vitro de telle sorte que pour le législateur il n’y avait pas lieu de créer une règle de conflit pour la vie à venir84. Ainsi, il y a une lacune inconsciente qui peut être comblée par l’application de l’art. 19 par. 1 EGBGB pour déterminer la loi applicable, à savoir la loi allemande85.
Enfin, on ne saurait retenir l’application de la loi californienne au titre de la résidence habituelle des embryons congelés que l’on ne saurait qualifier d’enfants86. De surcroît, elle fait référence à une intégration sociale87 qui en l’espèce ne peut être retenue puisqu’elle suppose une intégration dans la première étape de la vie avec l’aide des parents, le stockage étant en outre arbitraire88. Enfin, la Cour rappelle que le droit allemand admet certes la reconnaissance prénatale sous certaines conditions, mais ne lui fait produire d’effets qu’une fois l’enfant né. Pour toutes ces raisons, le recours engagé est rejeté par la haute juridiction allemande. Infondé car trop tôt !
II. Pas d’insémination posthume
L’affaire jugée par l’OLG de Munich va quant à elle démontrer que l’utilisation d’embryons congelés après le décès du mari ne saurait être invoquée par la veuve malgré une volonté conjointe des époux exprimée du vivant du mari89. Infondé car trop tard !
La motivation des juges est claire : l’intérêt de la demanderesse à l’insémination, en particulier, l’intérêt d’avoir un enfant et de voir en lui les gènes de son mari décédé excède l’intérêt de l’enfant qui grandit sans père, ce qui peut s’avérer d’ailleurs être un problème pour l’enfant s’il l’apprend, par exemple à l’occasion d’un témoignage90. La Cour de Munich met donc en balance l’intérêt de la veuve et celui de l’enfant qui naîtrait à la suite d’une insémination post mortem. Il est évident que pour elle, l’intérêt de l’enfant doit primer.
La presse allemande91 s’est fait le relais de cette affaire traitée par l’OLG de Munich peu après qu’en France, une décision du Conseil d’État92 investissait les colonnes des revues françaises classiques de droit privé93. Dans cet arrêt très remarqué, le Conseil d’État a jugé que la stricte application de l’article L. 2141-1 du Code de la santé publique exigeant que l’homme et la femme formant le couple candidat à une procréation médicalement assistée soient encore tous les deux vivants avait provoqué « une atteinte manifestement excessive [au] droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales » et porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale94.
Les faits étaient cependant différents même si dans les deux cas une veuve voulait récupérer les embryons congelés pour procéder à une insémination posthume. Dans l’affaire allemande, la veuve et les embryons congelés sont en Allemagne et la requérante souhaite l’insémination post mortem en Allemagne que le défunt avait, lui aussi voulue, et organisé avant sa mort. Dans l’affaire française, la veuve, de nationalité espagnole, était repartie vivre en Espagne où une telle insémination est légale. En revanche, les gamètes du mari prédécédé étaient conservés en France et les autorités médicales françaises s’étaient opposées au transfert, empêchant selon elle de faire aboutir le projet parental mûrement réfléchi qu’elle avait juridiquement élaboré et biologiquement préparé en France de concert avec un conjoint déjà frappé par la maladie qui allait l’emporter. On empêchait ainsi une femme de pouvoir en bénéficier dans un pays qui l’autorise et où elle s’était rendue sans la moindre intention frauduleuse de contournement de la loi française puisqu’elle était elle-même Espagnole et que le reste de sa famille résidait en Espagne.
L’existence d’un droit individuel à l’enfant est au cœur du débat lorsqu’une femme célibataire demande à bénéficier d’une insémination artificielle avec donneur et tant le Conseil de l’Europe que le législateur français refusent cette possibilité à une personne seule. Autre est la situation de la veuve qui veut utiliser le sperme de son mari décédé car sous certains aspects on pourrait considérer qu’il s’agit d’une atteinte à la vie familiale telle que les époux l’avaient imaginée95. Cependant, aucune disposition européenne ne permet de déduire l’existence d’un droit à l’insémination post mortem. Au contraire, puisque les droits français, allemand et européen estiment que le droit de fonder une famille est lié au mariage96 et disparaît dès lors à la dissolution de celui-ci du fait du décès de l’un des époux97. Le droit français n’autorise l’aide médicale assistée qu’au profit des couples dont les deux membres sont vivants. La loi n° 2004-800, du 6 août 2004, comme la loi du n° 2011-814, du 7 juillet 2011, ont confirmé l’interdiction de la procréation assistée post mortem.
Trop tôt ou trop tard ! Le juge allemand met simplement en balance les intérêts en présence et estime que celui de l’enfant mérite le plus d’attention.
Annie BOTTIAU
B – Les inconstances actuelles de la Cour de cassation en matière de contrôle de conventionnalité
1. Le contrôle accepté : la question de la motivation
a) Motivation pédagogique : la prescription en matière de filiation (Cass. 1re civ., 9 nov. 2016, n° 15-25068, PB)
Si le contrôle de proportionnalité ne se réduit pas à un contrôle de conventionalité, les droits fondamentaux mobilisés en droit de la famille, et plus précisément en droit de la filiation, ont souvent comme assise la Convention européenne des droits de l’Homme. Le déploiement du contrôle de proportionnalité en cette matière prend donc notamment le visage d’un contrôle de conventionalité.
Conformément à l’essence même du contrôle de proportionnalité, la question-clé consiste à se demander dans quelle mesure, la règle de droit et son application au cas d’espèce ne contredisent pas, de façon excessive, un droit fondamental consacré en droit interne ou dans une convention internationale, en l’espèce à l’article 8 de la Convention européenne. Il s’agit en d’autres termes de savoir si l’ingérence constatée est nécessaire dans une société démocratique, c’est-à-dire, pour l’essentiel, proportionnée au but recherché.
La décision soumise à commentaire s’inscrit dans la lignée de décisions ayant contribué à installer le contrôle de proportionnalité dans le raisonnement des juridictions internes, et plus spécialement pour ce qui nous concerne, dans celui de la Cour de cassation. La première décision remarquable et remarquée en ce sens, en droit de la famille, est l’arrêt de la Cour de cassation en date du 4 décembre 201398. Concernant la filiation, qui est au cœur de notre espèce, la Cour de cassation s’est saisie pour la première fois de la question de la prescription et de sa compatibilité (en droit et en fait) avec les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne à la faveur d’un arrêt de 201599. Depuis, la brèche ayant été ouverte, les espèces se multiplient à un rythme soutenu100. Si le contrôle de proportionnalité se répand en droit de la famille, comme dans l’ensemble des branches du droit français, il peut sembler intéressant de proposer un focus sur le droit de la filiation pour s’interroger sur les enjeux concrets de cette évolution jurisprudentielle au sein de la cellule familiale.
Dans la présente espèce, les dispositions transitoires de l’ordonnance n° 2005-759, de 4 juillet 2005, qui permettent d’étendre aux enfants nés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance le délai de prescription de 10 ans ont été soumises aux juges. Le délai de prescription de l’action en recherche de paternité était de deux ans en application de l’article 340-4 du Code civil (sous l’empire de sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 4 juillet 2005). L’article 20 de l’ordonnance dispose que sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les actions en recherche de paternité prévues à l’article 327 du Code civil peuvent être exercées, sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne, lorsque, à la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, la prescription prévue à l’article 321 n’est pas acquise.
Notre espèce concerne donc une action en recherche de paternité. La cour d’appel de Riom, dans son arrêt en date du 31 mars 2015, déclare cette action irrecevable dès lors qu’elle est prescrite sur le fondement de l’article 321 du Code civil. Ce texte dispose que « sauf lorsqu’elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par 10 ans à compter du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté ; qu’à l’égard de l’enfant, le délai de prescription est suspendu pendant sa minorité ». Le requérant qui souhaite établir sa filiation paternelle forme un pourvoi en soutenant que la prescription édictée par l’article 321 du Code civil n’est ni nécessaire ni proportionnée à la protection de la sécurité juridique et de la stabilité des relations familiales dès lors qu’il n’a aucune autre filiation paternelle établie. Selon le requérant, le délai d’ouverture d’une action en recherche de paternité ne saurait être appliqué automatiquement en matière de procédure en recherche de paternité, il faudrait tenir compte des circonstances particulières de l’espèce. Dès lors, en décidant que les règles de prescription énoncées aux articles 321 et 2234 du Code civil sont compatibles avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et la jurisprudence de la Cour européenne, la cour d’appel aurait violé l’article 8 de la Convention.
La Cour de cassation procède – sans surprise dorénavant – à un contrôle de proportionnalité de la disposition à l’article 8 de la Convention européenne. La haute cour rejette le pourvoi et considère qu’il résulte de ces dispositions transitoires de l’ordonnance que les enfants devenus majeurs moins de 10 ans avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance peuvent bénéficier du nouveau délai de 10 ans, sans se voir opposer la forclusion tirée de l’expiration du délai de deux ans prévu par la loi ancienne. Selon la Cour de cassation, si l’impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale, la prescription des actions relatives à la filiation est prévue par la loi (le cas échéant, par ses dispositions transitoires) et poursuit un but légitime en ce qu’elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique. Selon la haute cour, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences résultant de l’article 8. Par ailleurs, la haute cour considère qu’il appartient au juge d’apprécier si, au cas d’espèce, la mise en œuvre de ces dispositions ne porte pas une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention. Le requérant, majeur depuis 1980, n’a agi qu’en 2011. Son prétendu père, âgé de 84 ans, avait une femme et une fille. Les juges du fond ont dès lors pu considérer que cette action, qui tend à remettre en cause une situation stable depuis cinquante ans, pourrait porter atteinte à la sécurité juridique et à la stabilité des relations familiales. Dès lors, la prescription opposée au requérant ne constitue pas, au regard du but poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.
Cette espèce – comme les précédentes – est l’occasion d’une mise en balance de différents intérêts : le droit de l’enfant de connaître ses origines, l’intérêt d’un prétendu père à être protégé contre des revendications de paternité tardives et intéressées et l’intérêt général via la stabilité de l’état civil et la sécurité juridique des personnes. Si le contrôle de proportionnalité ne surprend plus, l’originalité de notre espèce réside dans l’affirmation claire d’un contrôle de conventionalité à double détente. En effet, l’enseignement de la présente décision est de préciser que la conventionalité de la loi n’exclut pas l’inconventionnalité de la décision d’espèce. Au contrôle de conventionalité in abstracto, c’est-à-dire au contrôle de la conformité du texte à la Convention européenne des droits de l’homme, s’ajoute un contrôle de conventionalité in concreto – à savoir un contrôle de la conformité de la décision rendue à ladite convention –. Le contrôle de conventionalité de la décision de justice complète le contrôle de conventionalité de la loi dès lors qu’une revendication fondée sur l’atteinte à un droit fondamental apparaît101.
Il peut dès lors sembler intéressant de réfléchir sur les enjeux de ce type de contrôle appliqué au sein de la cellule familiale en matière d’actions portant sur la filiation. Le double contrôle de conventionalité développé au soutien des droits fondamentaux peut parfaitement être à l’origine d’une évolution s’agissant des droits de l’enfant (I). Il est, en tout état de cause, d’ores et déjà à l’origine d’une évolution bien réelle du droit de la filiation français (II).
I. Évolution possible (latente ?) du point de vue des droits de l’enfant
Des espoirs de nouvelles opportunités pour un premier bilan décevant (rassurant ?) – Au vu de la jurisprudence qui consacre le contrôle de proportionnalité en droit de la filiation et compte tenu de notre arrêt qui précise les deux niveaux du contrôle de conventionalité à opérer, de nouvelles opportunités de revendications semblent s’offrir à l’enfant, et éventuellement aux couples, en matière de filiation. Si la prescription ne prescrit plus nécessairement, les actions aux fins d’établir ou de contester une filiation, même au-delà des délais fixés par les dispositions législatives du Code civil, risquent de se multiplier (les requérants y voyant l’opportunité de tenter d’établir ou de contester une paternité, et même une maternité, en s’affranchissant de la contrainte du délai légal des articles 321, 330, 333 etc. du Code civil). On peut également envisager des revendications autour de l’établissement d’une filiation bilinéaire dans l’hypothèse d’un inceste ou d’une filiation suite au recours à une gestation pour autrui (actions à l’heure actuelle interdites par notre droit en application, respectivement, des articles 334-10 et 16-7 du Code civil), dès lors que le droit au respect de la vie familiale ou le droit de connaître ses parents et d’être élevés par eux pourraient être considérés comme malmenés par notre droit sur ces questions. Pour les couples, les revendications autour de la possibilité de pratiquer une insémination post mortem se multiplieront dans l’espoir d’écarter la prohibition de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique102.
Un tour d’horizon des différentes espèces que la Cour de cassation a eu à connaître ces deux dernières années permet de constater que peu de revendications ont in fine abouti. En effet, si à la faveur de l’arrêt en date du 10 juin 2015, la haute cour a décidé d’écarter le délai légal de l’article 333, alinéa 2, du Code civil pour agir en contestation de paternité en prenant appui sur le droit à l’accès à ses origines103, en revanche, dans les trois autres espèces recensées, la Cour de cassation refuse d’écarter le droit français malgré les allégations d’atteinte disproportionnée à un droit fondamental tantôt parce que l’atteinte n’était pas démontrée104, tantôt parce que son caractère excessif/disproportionné n’était pas établi105.
Si la révolution des solutions en matière d’actions ayant trait à la filiation, révolution prenant appui sur les droits fondamentaux qui seraient malmenés par notre droit ou l’application de ce dernier à des cas d’espèce, ne semble donc pas certaine (du moins, elle n’est pas encore une réalité), nul doute que les revendications seront nombreuses. Le résultat de ces démarches demeure cependant fortement imprévisible.
Un manque de prévisibilité des solutions pour l’enfant – Ce contrôle de proportionnalité que les juridictions françaises ont décidé de transposer en droit interne pour l’effectuer elles-mêmes repose une démarche rigoureuse : l’identification du droit auquel il est porté atteinte, la caractérisation de la réalité de l’atteinte puis la démonstration du caractère excessif de ladite atteinte. La Cour de cassation, au fil de ses décisions, a développé une méthode de contrôle de proportionnalité aux termes de laquelle le contrôle de proportionnalité est opéré par les juges du fond tandis que le contrôle du contrôle relève de sa compétence106. Cette démarche méthodique et structurée pourrait rassurer, cependant, l’essence même de cette méthode est de promouvoir une démarche casuistique107. Les précisions apportées par notre arrêt (à savoir que le contrôle de la conventionalité objective est complété par un contrôle de la conventionalité subjective) ne rassurent pas sur la prévisibilité des solutions jurisprudentielles. Le contrôle de conventionalité à double détente offre incontestablement une plus grande adaptabilité qui a pour contrepartie une perte de prévisibilité des solutions jurisprudentielles.
Classiquement, le législateur nous avait habitués à l’adaptabilité de la norme s’agissant du contentieux fonctionnel familial du fait du recours à des notions à contenu variable (intérêt de l’enfant, intérêt de la famille, motifs graves, etc.). Dorénavant, l’adaptabilité se développe aussi dans le contentieux structurel familial sous l’effet des juges. Ce contrôle de proportionnalité qui prospère – qualifié par certains auteurs de contrôle de proportionnalité « privatisée »108 – et la démarche casuistique qu’il sous-tend109 peuvent apparaître contraires au principe d’égalité des citoyens devant la loi, donc contraires à la Constitution. L’intervention des juges qui peuvent décider d’écarter un texte législatif de l’espèce participe à la remise en cause de la généralité et de la prévisibilité de la règle de droit.
Au-delà d’une évolution probable des droits de l’enfant sous l’impulsion des droits fondamentaux, le double contrôle de conventionalité permet d’ores et déjà, et sans qu’il ne soit possible d’en douter, une évolution du droit de la filiation français.
II. Évolution acquise du point de vue du droit de la filiation
La remise en cause de l’ordre public familial – L’ordre public dont il est question ici est l’ordre public familial de direction, et non l’ordre public de protection110. Dès lors, la remise en cause de ces règles impératives qui régissent la cellule familiale est surprenante dans la mesure où l’ordre public familial de direction a toujours été considéré comme un socle incontournable. Il est le fruit de choix d’une société, de son histoire et de ses mœurs. Cet ordre public est nécessaire. Il n’est pas concevable pour le législateur de laisser trop libre court, en droit de la famille, aux revendications des parties. Pourtant, le contrôle de proportionnalité porte atteinte aux fondements de la société française via une remise en cause d’interdits familiaux.
La filiation intéresse l’état des personnes et donc l’ordre public familial. Le rôle du ministère public en matière de filiation est d’ailleurs particulièrement marqué (ce dernier reçoit notamment communication des affaires relatives à la filiation). La prohibition de l’inceste (C. civ., art. 334-10), l’indisponibilité des actions en matière de filiation (C. civ., art. 323), la prescriptibilité des actions (C. civ., art. 321, 330 et 333) sont des signes forts de cet ordre public familial qu’ils révèlent. Le contrôle de conventionalité à double détente a cependant bouleversé l’ordre des choses. La prescription ne prescrit plus nécessairement. La paix des familles et la stabilité de l’état des personnes peuvent être sacrifiées sur l’autel du droit au respect de la vie familiale de l’enfant, du droit à connaître ses origines. Dès lors que le risque de remise en cause d’une prescription a priori acquise existe, que la prescription soit maintenue ou écartée, l’instabilité existe.
Au-delà de la question de la prescription, le double contrôle de conventionalité a d’ores et déjà fait bouger les lignes des interdits français s’agissant de la structuration de la famille. L’insémination post mortem n’est plus nécessairement interdite 111, les empêchements à mariage ne font plus obligatoirement obstacle au mariage et leur violation n’entraîne plus automatiquement la nullité du mariage112. De nouveaux équilibres se mettent en place sans qu’il soit parfaitement possible de savoir quelle sera la physionomie du droit de la filiation et du droit de la famille d’ici quelques années s’ils évoluent par à-coups, au gré de revendications individuelles113. Une certitude cependant : le juge en est maître, à la demande des parties.
Le nouvel arbitre de l’opportunité de la remise en cause de la structure familiale : le juge – Traditionnellement, en matière de filiation (et plus généralement, en droit de la famille), les questions structurelles relèvent de la compétence du législateur via la consécration de droits subjectifs et d’interdits. La dévalorisation de la loi 114 et la révolution de l’office traditionnel du juge115 sont le fruit de la consécration d’un contrôle de proportionnalité – et plus précisément d’un contrôle conventionalité in abstracto et in concreto – en notre matière.
Le juge était déjà arbitre des conflits de filiation, il devient arbitre de l’opportunité de la remise en cause de la structure familiale. Sa décision peut être rendue en opportunité et en contradiction avec les règles de droit, quand bien même celles-ci seraient d’ordre public. Le contrôle de proportionnalité initié par la Cour européenne des droits de l’Homme ne serait en effet « rien d’autre qu’un contrôle d’opportunité : il s’agit de se demander si l’arbitrage politique opéré par la loi (contrôle in abstracto) ou à l’occasion de son application (contrôle in concreto) est “convenable”, c’est-à-dire moralement acceptable »116. Ce contrôle d’opportunité inquiète du fait des risques de dérives auxquelles il peut conduire117. D’aucuns vont jusqu’à affirmer qu’il serait légicide118.
L’observation des premiers arrêts de la Cour de cassation en droit de la filiation permet d’avancer que l’un des paramètres du contrôle du juge est incontestablement la finalité de l’action engagée. L’atteinte à un droit fondamental tel que le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait être considérée comme excessive (parfois même, elle sera considérée comme n’existant pas) si c’est un intérêt exclusivement patrimonial – plus précisément successoral – qui est poursuivi. Cette distinction selon la finalité de l’action engagée n’est pas sans rappeler le raisonnement qui se développe en matière d’expertises, que celles-ci soient pratiquées du vivant de l’intéressé ou post mortem119. La tendance qui se dessine depuis quelques années déjà en jurisprudence s’agissant de l’accès à l’expertise biologique, tendance qui consiste à conditionner le recours à l’expertise et à nuancer le principe selon lequel le recours à l’expertise est de droit, s’intéresse précisément à la finalité des actions intentées120. Les magistrats tiennent compte des objectifs poursuivis par les plaideurs pour éviter une instrumentalisation du droit de la filiation à des fins purement successorales121. La finalité des actions engagées pourrait bien devenir un nouveau prisme permettant d’aborder de façon transversale (de reconstruire ?) le droit de la filiation français. En tout état de cause, ce nouvel office du juge conduit à envisager la réforme de l’obligation de motivation122.
Cette évolution bouleverse les sources du droit et hisse le juge au rang d’interlocuteur de choix s’agissant d’apprécier la pertinence de la norme. Un dialogue est d’ores et déjà installé entre le juge interne et la loi123 : en effet, le juge peut censurer des règles de droit et les écarter du cas d’espèce, non qu’elles soient en elles-mêmes contraires à un droit fondamental mais parce que leur application au cas d’espèce lui semble provoquer une atteinte injustifiée au dit droit. Un dialogue reste sans doute à instaurer entre les juges internes et la Cour européenne des droits de l’Homme124. S’agissant notamment de la prescription des actions en matière de filiation, si la position de la Cour européenne qui affirme que l’enfant doit pouvoir aussi exercer personnellement l’action semble pouvoir être partagée sans difficulté par nos juridictions internes125, l’appréciation de la cour selon laquelle un délai d’un an pour agir n’est pas déraisonnable dès lors que le point de départ dudit délai peut être reporté à la majorité de l’enfant126 mérite sans doute d’être discutée.
Le droit de famille en général et le droit de la filiation en particulier sont de plus en plus nettement soumis à l’influence de la Convention et de la Cour européennes des droits de l’Homme. Le temps où l’essentiel des questions qui pouvaient se poser en cette matière relevait de la marge nationale d’appréciation des États est désormais révolu. Après l’affirmation de la règle de la majorité qui permet, sur différentes questions, de faire évoluer à marche forcée certaines législations sur l’autel d’un « consensus européen émergeant », la transposition du contrôle de proportionnalité en droit interne et la pratique faite de ce contrôle ne font qu’accentuer cette emprise.
Cathy POMART
(À suivre)
C – Une invitation à prendre au sérieux la jurisprudence des juges du fond
Notes de bas de pages
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1.
Carbonnier J., Droit et passion du droit sous la Ve République, 1996, Flammarion, Forum, p. 125.
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2.
Zenati-Castaing F., « La juridictionnalisation de la Cour de cassation », RTD civ. 2016, p. 511.
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3.
Plus précisément, l’éviction du juge dans tel domaine peut être vue comme le parachèvement de la consécration d’un nouveau « droit à ».
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4.
Le juge intervient toujours auprès des familles monoparentales, mais, comme pour les familles biparentales, uniquement dans les cas les plus graves. L’étendue de son contrôle s’est donc réduite, ce qui est une forme de déjuridictionnalisation du droit parental. V. l’analyse de Dekeuwer-Défossez F. in LPA 10 août 2016, n° 120a7, p. 15 et s., note sous CA Paris, 24 sept. 2015, n° 14/11767 ; CA Nancy, 12 oct. 2015, nos 15/02014 et 15/00441 ; CA Nancy, 30 oct. 2015, nos 15/02197 et 14/03397.
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5.
Comm. Mallevaey. B., « L’intérêt de l’enfant et la réforme du divorce par consentement mutuel », LPA 29 juin 2017, n° 127p1, p. 6.
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6.
Sur la mécanique de cette évolution : Desnoyer C., L’évolution de la sanction en droit de la famille, 2001, L’Harmattan.
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7.
Objectivation légale du divorce : la faute n’est plus consubstantielle au divorce ; recours au juge unique, le juge aux affaires matrimoniales, futur juge aux affaires familiales, en lieu et place du TGI.
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8.
L. n° 2016-1827, 23 déc. 2016, de financement de la sécurité sociale pour 2017, art. 41, mod. CSS, art. L. 582-2.
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9.
Commentaire par Cathy Pomart.
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10.
Abrogée en 2012 compte tenu du renforcement du dispositif légal par la loi n° 2010-769, du 9 juillet 2010 : procédure judiciaire d’interdiction de sortie du territoire (IST) et procédure administrative d’opposition à la sortie du territoire (OST).
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11.
Depuis 2012, le principe était la liberté de circulation hors frontières sauf IST ou OST ; depuis 2016, le principe est l’interdiction de sortie du territoire sauf autorisation parentale.
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12.
Zenati-Castaing F., art. préc., p. 511 ; Louvel B., « Réflexions à la Cour de cassation », D. 2015, p. 1326 ; Louvel B., « La Cour de cassation face aux défis du XXIe siècle. Réflexions sur la réforme de la Cour de cassation », mars 2015, https://www.courdecassation.fr/IMG///avenir_CC_defis_XXIesiecle.pdf.
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13.
Il ne serait plus question d’une application mécanique de la loi aux faits, mais d’une application adaptée aux faits pour un résultat équitable ; en somme, la pesée abstraite des intérêts, réalisée par le législateur et dont le résultat est incarné par la règle de droit (prévoyant le cas échéant principe et exceptions pour une meilleure prise en compte de la complexité de la réalité), pourrait être corrigée par le juge, à l’issue d’une pesée concrète des intérêts en présence.
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14.
Kalflèche G., « Le contrôle de proportionnalité exercé par le juge administratif », LPA 5 mars 2009, p. 46.
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15.
Commentaire par Nadia Beddiar.
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16.
Commentaire par Nadia Beddiar.
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17.
L’obligation pour les enfants de suivre intégralement la scolarité et la réussite de leur intégration prime l’intérêt privé des parents à voir leur fille dispensée de cours de natation mixte pour raisons religieuses.
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18.
Zenati-Castaing F., art. préc., p. 528.
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19.
Commentaire par Annie Bottiau.
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20.
Commentaire par Cathy Pomart.
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21.
Commentaire par Françoise Dekeuwer-Défossez.
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22.
Commentaire par Delphine Autem.
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23.
Enquête destinée à s’assurer que « la santé, la sécurité et la moralité de l’enfant ne sont pas en danger ou que les conditions de son éducation ne sont pas gravement compromises à raison de la détention du parent » (CPP, art. 145-5).
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24.
La notion de vie familiale englobe aussi des intérêts patrimoniaux, tels que les obligations alimentaires ou les droits de succession, l’un des apports de l’arrêt : CEDH, 13 juin 1979, n° 6833/74, Marckx c/ Belgique.
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25.
Commentaire par Dominique Everaert-Dumont.
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26.
Commentaire par Amélie Niemiec.
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27.
CEDH, 1er oct. 2015, nos 76860/11 et 51354/13, Okitaloshima Okonda Osungu et Selpa Lokongo c/ France : LPA 11 août 2016, n° 120a8, p. 6 et s., note Niemiec A.
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28.
En l’espèce, l’impossibilité de produire le certificat médical n’était pas imputable au père, contrairement à l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt note 27.
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29.
Commentaire par Fanny Vasseur-Lambry.
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30.
Zenati-Castaing F., art. préc., p. 525.
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31.
Commentaire par Amélie Niemiec.
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32.
Dispense de l’agrément en vue de l’adoption, priorité dans l’examen de la demande d’adoption etc.
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33.
Commentaire par Amélie Niemiec.
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34.
Commentaire par Amélie Niemiec.
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35.
Commentaire par Amélie Niemiec.
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36.
Commentaire par Éric Kerckhove.
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37.
Commentaire par Gaëlle Widiez Rasolonomenjanahary.
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38.
Zenati-Castaing F., art. préc., p. 517.
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39.
Circ., 29 déc. 2016, relative aux conditions de sortie du territoire national des mineurs, NOR/INTD1638914C.
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40.
A., 13 déc. 2016, NOR/INTD 1634326A.
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41.
Circ., 29 déc. 2016, NOR/INTD 1638914C.
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42.
Formulaire CERFA n° 15646*01.
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43.
Circ., 20 nov. 2012, relative à la décision judiciaire d'interdiction de sortie du territoire (IST) et mesure administrative conservatoire d'opposition à la sortie du territoire (OST) des mineurs, INTD1237286C, p. 3 et 4.
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44.
Circ., 29 déc. 2016, NOR/INTD1638914C, p. 2, abroge et remplace Circ., 20 nov. 2012, NOR/INTD1237286C.
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45.
V. tableau comparatif des mesures éclairant : Avena-Robardet V., « Sortie du territoire : tableau comparatif des mesures », AJ fam. 2017, p. 166.
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46.
CE, 2e/7e ss-sect. réunies, 9 déc. 2015, n° 386817 ; Poupeau D., « Le dispositif d’autorisation de sortie du territoire des mineurs n’est pas obligatoire », AJDA 2015, p. 2408.
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47.
Pastor J.-M., « Proposition de loi visant à rétablir l’autorisation de sortie du territoire », Dalloz actualité, 12 oct. 2015.
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48.
V. le rapport de G. Geoffroy visant à rétablir pour les mineurs l’autorisation de sortie du territoire : Rapport AN n° 2960, 30 sept. 2015 ; Pastor J.-M., « Le retour de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs », AJDA 2015, p. 1888 ; Couard J., « Vers un rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs ? », Dr. famille 2015, alerte 66.
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49.
Cette réserve tranchera sans doute avec d’autres lectures plus positives du dispositif : Lamarche M., « Autorisation parentale de sortie du territoire : un retour cohérent à l’ancien régime », Dr. famille 2017, alerte 10.
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50.
V. le rapport sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe : Sueur J.-P., « Filières “djihadistes ” : pour une réponse globale et sans faiblesse », Rapport Sénat n° 388, 1er avril 2015.
-
51.
Circ., 29 déc. 2016, NOR/INTD 1638914C.
-
52.
V. intitulé de la loi n° 2016-731, du 2 juin 2016, qui a restauré cette formalité : loi « renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ».
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53.
V. en ce sens Cadiou M. et Diot B., « Le retour de l’autorisation de sortie du territoire de l’enfant mineur », AJ fam. 2017, p. 164.
-
54.
V. Question AN n° 52679, 25 mars 2014, K. Bouziane-Laroussi. La députée de la Côte-d’Or attirait l’attention du ministre de l’Intérieur sur les conséquences de la suppression de l’AST par la circulaire INTD1237286C, du 20 novembre 2012, précisant la loi de 2010 : JOAN, 25 mars 2014 p. 2761. Le ministère de l’Intérieur avouait en effet que « les autorisations de sortie du territoire avaient une efficacité opérationnelle très limitée car matérialisées par des documents aisément falsifiables. De surcroît, la présentation d’un passeport valait présomption d’autorisation et le code européen des frontières ne reconnaît pas ce type d’autorisation » (JOAN, 10 mars 2015, p. 1789).
-
55.
Question Sénat n° 24760, 19 janv. 2017, Deseyne C. : JO Sénat, 19 janv. 2017, p. 155, la sénatrice souligne que le précédent dispositif, abrogé en 2012, prévoyait l’établissement d’attestations de sortie du territoire par le maire du lieu de résidence au vu d’une autorisation parentale et des pièces d’identité du déclarant et du mineur. Ce dispositif permettait d’effectuer un contrôle préalable quant à l’exactitude des documents présentés ; Question Sénat n° 24738, 19 janv. 2017, Grand J.-P : JO Sénat, 19 janv. 2017, p. 153, le sénateur exprime le même scepticisme : « Un jeune mineur déterminé à quitter le territoire national n’aura aucune difficulté à remplir lui-même le CERFA et à subtiliser la pièce d’identité de l’un de ses parents (dont on exige la photocopie) afin de remplir l’ensemble des conditions fixées par le pouvoir réglementaire. (…) Ce ne sont pas les peines d’emprisonnement et d’amendes prévues aux articles 441-6 et 441-7 du Code pénal pour fausse déclaration qui l’en dissuaderont. Il n’y aura donc aucun contrôle dans les mairies comme cela se faisait jusqu’en 2013 ».
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56.
Circ., 29 déc. 2016, NOR/INTD1638914C, ann. 1 et note DGESCO., 10 janv. 2017, à l’attention des recteurs, p. 1.
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57.
CE, 8 févr. 1999, n° 173126.
-
58.
Citation de Thucydide (460-395 av. J.-C.).
-
59.
CE, 12 mars 2014, n° 375956.
-
60.
CE, 27 juill. 2016, n° 400055, Département du Nord c/ Badiaga.
-
61.
TA Lille, 13 oct. 2015, n° 1508118.
-
62.
CASF, art. L. 223-2.
-
63.
TA Lille, 1er sept. 2016, n° 1606080.
-
64.
TA Lille, 6 mai 2016, n° 1603113.
-
65.
Op. cit., § 19.
-
66.
CE, 1re/6e ch. réunies, 27 juill. 2016, nos 400055, 400056, 400057 et 400058.
-
67.
CE, 23 nov. 2015, n° 394540, Commune de Calais.
-
68.
CE, 30 mars 2016, n° 382437, Département de la Seine-Saint-Denis : AJDA 2016, p. 632, § 4 : « Toutefois, cette compétence de l’État n’exclut pas l’intervention supplétive du département lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l’exigent, par des aides financières versées en application de l’article L. 222-3 précité du Code de l’action sociale et des familles ; que, dès lors, et sans préjudice de la faculté qui lui est ouverte de rechercher la responsabilité de l’État en cas de carence avérée et prolongée, un département ne peut légalement refuser à une famille avec enfants l’octroi ou le maintien d’une aide entrant dans le champ de ses compétences, que la situation des enfants rendrait nécessaire, au seul motif qu’il incombe en principe à l’État d’assurer leur hébergement ».
-
69.
TA Lille, 6 mai 2016, n° 1603112, § 17.
-
70.
CEDH, 10 janv. 2017, n° 29086/12, Osmanoğlu et Kocabaș c/ Suisse.
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71.
Nous précisons qu’en 2015, la première piscine exclusivement réservée aux femmes et enfants musulmans a ouvert en Suisse.
-
72.
V. § 29.
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73.
CEDH, 25 mai 1993, n° 14307/88, Kokkinakis c/ Grèce, § 33.
-
74.
CEDH, 10 nov. 2005, n° 44774/98, Leyla Şahin c/ Turquie, § 107.
-
75.
CEDH, 15 févr. 2001, n° 42393/98, Dahlal c/ Suisse : concernant le port du voile islamique par une enseignante dans une école publique suisse.
-
76.
Conv. EDH, art. 9, al. 2.
-
77.
CEDH, 26 avr. 2016, n° 62649/10, İzzettin Doğan et a. c/ Turquie, § 103
-
78.
BGH, 24 août 2016 , décision XII ZB 351/15.
-
79.
FamRZ 2015, 1979.
-
80.
Die rechtliche Vaterschaft stehe nach deutschem Recht erst mit der Geburt fest, weil erst dann klar sei, ob die Mutter zu diesem Zeitpunkt verheiratet sei.
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81.
Décision préc., pt 8.
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82.
Décision préc., pt 14.
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83.
BGBl. I, p. 1142.
-
84.
V. Mankowski FamRZ 2015, 1980.
-
85.
Décision préc., pt 14 ; v. égal. Backmann Künstliche Fortpflanzung und Internationales Privatrecht S. 80 ; Mankowski préc. FamRZ 2015, 1980 ; MünchKommBGB/Helms 6. Aufl. art. 19 EGBGB Rn. 37.
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86.
La résidence habituelle d’une personne est là où cette personne doit concentrer ses obligations, son milieu d’existence (décision préc., pt 14).
-
87.
BGHZ 78, 293 = FamRZ 1981, 135, 136.
-
88.
Décision préc., pt 25.
-
89.
OLG München, Urt. vom 22.02.2017, 3U 4080/16.
-
90.
Das Interesse der Klägerin auf Fortpflanzung, insbesondere daran, die Gene ihres verstorbenen Mannes und ihre eigenen im und am Kind zu sehen und zu erleben, überwiege die Aspekte, dass das Kind ohne Vater aufwachse und es möglicherweise für das Kind ein Problem darstelle, wenn es erfahre, wie es gezeugt wurde.
-
91.
http://www.sueddeutsche.de/news/panorama/prozesse-frau-darf-nicht-mit-sperma-ihres-toten-mannes-befruchtet-werden-dpa.urn-newsml-dpa-com-20090101-170201-99-118544 ; http://www.sueddeutsche.de/muenchen/prozess-richter-verwehren-witwe-sperma-ihres-toten-ehemannes-1.3390363 : 22. Februar 2017, Richter verwehren Witwe Sperma ihres toten Ehemannes ; http://www.express.de/news/panorama/heikler-streit-35-jaehrige-klagt-auf-herausgabe-des-spermas-ihres-toten-mannes-25660982.
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92.
CE, 31 mai 2016, n° 396848, Mme C. A. : AJDA 2016, p. 1092 ; AJDA 2016, p. 1398, chron. Dutheillet de Lamothe L. et Odinet G. ; D. 2016, p. 1470, obs. de Montecler M.-C. ; D. 2016, p. 1472, note Fulchiron H. ; D. 2016, p. 1477, note Haftel B. ; AJ fam. 2016, p. 439, obs. Siffrein-Blanc C. ; AJ fam. 2016, p. 360, obs. Dionisi-Peyrusse A. ; RFDA 2016, p. 40, concl. Bretonneau A. ; RFDA 2016, p. 754, note Delvolvé P. ; RTD civ. 2016, p. 578, obs. Deumier P. ; RTD civ. 2016, p. 600 et 834 obs. Hauser J.
-
93.
Marguénaud J-P., « L’insémination post mortem, ferment de révolution tranquille au Conseil d’État », RTD civ. 2016, p. 802.
-
94.
V. aussi le commentaire critique de J.-R. Binet, « Insémination post mortem : quand le Conseil d’État s’affranchit de la loi », Dr. famille 2016, comm. 16.
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95.
V. en ce sens, une décision critiquée : TGI Créteil, 1er août 1984 : JCP G 1984, II 20321, note Corone S.
-
96.
Conv. EDH, art. 12.
-
97.
V. égal. en ce sens : « Rapport du Comité des ministres du Conseil de l’Europe de 1989 », in Procréation artificielle humaine, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1989, principe 7.
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98.
Cass. 1re civ., 4 déc. 2013, n° 12-26066 : RTD civ. 2014, p. 88, obs Hauser J. : question ayant trait à la nullité du mariage entre une belle-fille et un beau-père sur le fondement de l’article 161 du Code civil.
-
99.
Cass. 1re civ., 10 juin 2015, nos 14-20790 et 14-20681 : D. 2015, p. 2365, note Fulchiron H. ; RTD civ. 2015, p. 596, obs. Hauser J. ; LPA 7 déc. 2016, n° 122r5, p. 9 et s., obs. Pomart C.
-
100.
Cass. 1re civ., 6 juill. 2016, n° 15-19853 : Gaz. Pal. 25 oct. 2016, n° 277w9, p. 72, obs. Ducene B., Dr. famille 2016, comm. 200, obs. Bernand Y. – Cass. 1re civ., 5 oct. 2016, n° 15-25507 : JCP G 2006, I 144, note Gare T., ainsi que notre espèce.
-
101.
Cass. 1re civ., 9 nov. 2016, n° 15-25068 : Fulchiron H., « Grandeurs et servitudes du contrôle de proportionnalité », D. 2016, p. 2496 ; Larribau-Terneyre V., « Quand l’ordre de la loi peut être contredit par le juge : le contrôle de conventionalité in concreto appliqué à la prescription de l’action en recherche de paternité », JCP G 2017, 46.
-
102.
Sur ce point, la Cour de cassation pourra s’inspirer de la position prise par la haute juridiction administrative : CE, ass., 31 mai 2016, n° 396848, Gonzalez-Gomez : Lebon, p. 208, concl. Bretonneau A. ; D. 2016, p. 1472, note Fulchiron H. ; RTD civ. 2016, p. 578, obs. Deumier P. ; RTD civ. 2016, p. 802, Marguenaud J.-P. ; RTD civ. 2016, p. 834, obs. Hauser J.
-
103.
Cass. 1re civ., 10 juin 2015, n° 14-20790.
-
104.
Cass. 1re civ., 6 juill. 2016, n° 15-19853 : action en contestation de paternité prescrite et absence de preuve de la réalité de l’atteinte à un droit fondamental : auteur de l’action décédé, sa veuve et ses descendants poursuivant un intérêt purement patrimonial.
-
105.
Cass. 1re civ., 5 oct. 2016, n° 15-25507 : jeune femme reconnue et légitimée par le mari de sa mère, plus de 40 ans après, une seconde reconnaissance apparaît. L’atteinte à un droit fondamental n’est pas considérée comme disproportionnée au regard du but légitime poursuivi par l’article 320 du Code civil qui tend à garantir la stabilité du lien de filiation et la sécurité juridique : décès des deux hommes, enfant aujourd’hui âgée de 60 ans, motivation patrimoniale de l’action ; Cass. 1re civ., 9 nov. 2016, n° 15-25068 : irrecevabilité de l’action en recherche de paternité pour cause de prescription sur le fondement de l’article 321 du Code civil et absence de preuve du caractère excessif de l’atteinte : action exercée par un homme de 50 ans, situation stabilisée, tardiveté de l’action.
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106.
Fulchiron H., « Le contrôle de proportionnalité : question de méthode », D. 2017, p. 656.
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107.
Rouvière F., « Apologie de la casuistique juridique », D. 2017, p. 118.
-
108.
Puig P., « L’excès de proportionnalité. À propos de la réforme de la Cour de cassation et quelques décisions récentes », RTD civ. 2016, p. 70.
-
109.
Rouvière F., « Apologie de la casuistique juridique », D. 2017, p. 118.
-
110.
V. Pineau J., « L’ordre public dans les relations de famille », Cah. dr. n° 40, juin 1999, p. 323 et s.
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111.
CE, ass., 31 mai 2016, n° 396848, Gonzalez-Gomez.
-
112.
Cass. 1re civ., 4 déc. 2013, n° 12-26066 : la cour écarte l’interdit ; Cass. 1re civ., 8 déc. 2016, n° 15-27201 : D. 2016, p. 2568, obs. Gallemeister I. ; AJ fam. 2017, p. 71, obs. Houssier J. : la cour maintient l’interdit.
-
113.
V. sur cet excès de proportionnalité et les risques qui lui sont inhérents : Bénabent A., « Un culte de la proportionnalité… un brin disproportionné ? », D. 2016, p. 137 ; Puig P., « L’excès de proportionnalité. À propos de la réforme de la Cour de cassation et quelques décisions récentes », RTD civ. 2016, p. 70.
-
114.
Puig P., « L’excès de proportionnalité. À propos de la réforme de la Cour de cassation et quelques décisions récentes », RTD civ. 2016, p. 70.
-
115.
Larribau-Terneyre V., « Quand l’ordre de la loi peut être contredit par le juge : le contrôle de conventionalité in concreto appliqué à la prescription de l’action en recherche de paternité », JCP G 2017, 46.
-
116.
Chénedé F., « Petite leçon de “ réalisme juridique”. À propos de l’affaire Paradiso et Campanelli contre Italie. CEDH 24 janvier 2017, n° 2535/12 », D. 2017, p. 663.
-
117.
V. de Béchillon D., « Observations sur le contrôle de proportionnalité », JCP G 2016, 29 ; Houssier J., « Le droit de la filiation à l’épreuve du contrôle de proportionnalité… Que Dieu nous garde du bon vouloir des magistrats », AJ fam. 2016, p. 543.
-
118.
Zenati-Castaing F., « La juridictionnalisation de la Cour de cassation », RTD civ. 2016, p. 511.
-
119.
Cons. const., 30 sept. 2011, n° 2011-173 QPC ; CEDH, 16 juin 2011, n° 19535/08, Pascaud c/ France : Pomart C, « Cacophonie “de droits” à autour de l’expertise post mortem », LPA 11 juill. 2012, p. 7 et s.
-
120.
Cass. 1re civ., 30 sept. 2009, n° 08-18398 : Dr. famille 2009, comm. 142, note Murat P.
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121.
V. en matière de possession d’état : Cass. 1re civ., 25 oct. 2005, n° 03-19374 : Dr. famille 2006, comm. 2, note Murat P. – Comp. Cass. 1re civ., 14 nov. 2006, nos 04-20131 et 05-19673 : Murat P., « L’action en constatation de possession d’état à finalité successorale devant la Cour de cassation : la sévérité des exigences serait-elle fonction du but poursuivi ? », Dr. famille 2007, comm. 33.
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122.
DeumierP., « Repenser la motivation des arrêts de la Cour de cassation ? », D. 2015, p. 2022.
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123.
Puig P., « L’excès de proportionnalité. À propos de la réforme de la Cour de cassation et quelques décisions récentes », RTD civ. 2016, p. 70.
-
124.
V. Chénedé F., art. préc. : « Si les mots ont un sens, le “dialogue des juges” ne saurait en effet se réduire à la soumission automatique à l’ordre donné, ou, pire encore, à son anticipation ».
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125.
CEDH, 19 juill. 2016, nos 25057/11, 34739/11 et 20316/16, Calin et a. c/ Roumanie : Dr. famille 2016, comm. 199, note Fulchiron H.
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126.
CEDH, 3 avr. 2014, n° 58809/09, Konstantinidis c/ Grèce : AJ fam. 2014, p. 311, obs. Viganotti E.