Droits de l’enfant : chronique d’actualité législative et jurisprudentielle n° 17 (4e partie et fin)

Publié le 01/08/2019

Dans ce cru 2018-2019 de la chronique, l’intérêt dit « supérieur » de l’enfant perd de sa superbe confronté à d’autres impératifs : présomption d’innocence, lutte contre l’immigration, étranglement budgétaire des départements, indisponibilité du ventre des femmes, déjudiciarisation du droit de la famille – sans compter le « facteur judiciaire » : frilosité des juges, voire incompétence… On note cependant des avancées. Dans sa vie extra-familiale, l’enfant est soumis à un droit commun qui s’adapte de plus en plus à sa vulnérabilité intrinsèque. Dans sa vie familiale, l’enfant subit les choix de vie et défaillances de ses parents. Le droit de la famille protège-t-il l’enfant de manière adaptée ?

I – L’enfant hors champ familial

A – L’adaptation du droit commun à la spécificité de l’enfance

1 – Des garanties spécifiques en cas d’audition libre du mineur

2 – Incrimination et répression spécifiques des violences sexuelles sur mineurs

3 – Le renforcement du contrôle de légalité des arrêtés de « couvre-feu »

B – L’extranéité du mineur comme pierre d’achoppement ?

1 – L’interdiction relative de la rétention administrative des mineurs

2 – La loi du 14 mars 2016 et ses interprétations judiciaire et administrative dissonantes

a – Tests osseux : le refus de toute interprétation protectrice par la Cour de cassation

b – Aide sociale et jeunes majeurs étrangers isolés : la rigueur protectrice du Conseil d’État

II – L’enfant dans sa famille

A – La réduction de l’enfant à son intérêt

1 – Un intérêt légalement défini : la filiation charnelle de l’enfant

a – L’intérêt de l’enfant à l’établissement de sa filiation biologique

b – Les limites matriarcales à la reconnaissance de cet intérêt

2 – Un intérêt apprécié judiciairement

a – Les nouvelles/futures maternités d’intention cantonnées dans le champ de l’adoption

b – La protection de l’enfance

Appréciation in concreto de l’intérêt de l’enfant et contrôle de la Cour de cassation

Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-15596. « L’intérêt de l’enfant est dans la loi, mais ce qui n’y est pas, c’est l’abus qu’on en fait aujourd’hui »1.

Comme l’écrivent Jean-Florian Eschylle et Michel Huyette : « C’est indiscutablement en matière de droit de visite et d’hébergement que le contentieux de l’assistance éducative est le plus fourni »2. L’arrêt ci-après commenté, rendu le 14 mars 2018 par la première chambre civile de la Cour de cassation, en témoigne.

Dans cette affaire, les père et mère de trois enfants avaient été poursuivis pour des actes de séquestration et de violences commis à l’encontre de leurs enfants. Parmi eux, se trouvaient deux mineurs qui furent placés par le juge des enfants, qui parallèlement avait, par une ordonnance en date du 21 novembre 2016, organisé un droit de visite limité de leurs parents3.

Mécontents de cette limitation, ces derniers ont, sur le fondement des articles 371-4 du Code civil, et 8 de la convention européenne des droits de l’Homme, demandé un élargissement du droit de visite qui leur avait été accordé. Mais leur demande fut en l’espèce rejetée par la Cour de cassation. En effet, dans leur décision les juges de la haute juridiction ont décidé, conformément à la jurisprudence en vigueur4, qu’il ne peut être fait droit à une demande parentale d’élargissement du droit de visite que si l’intérêt de l’enfant, conjugué à une évolution favorable de la situation le justifient.

Il ressort donc de cet arrêt que les mesures d’assistance éducative prises par l’autorité judiciaire5, doivent avoir pour finalité première l’intérêt de l’enfant. En ce sens, il peut être soutenu que la notion d’intérêt de l’enfant constitue la clef de voûte du droit de l’assistance éducative : « elle en est à la fois la condition, le critère, la mesure et la fin »6.

Louable dans son principe, la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant sur toute autre considération, peut en pratique s’avérer problématique. Et pour cause, la notion d’intérêt de l’enfant qui n’est autre que « la pierre angulaire de toute décision mettant en cause le développement, et la vie d’un enfant »7, n’est pas définie légalement.

On pourrait de prime abord se réjouir de cette lacune législative dans la mesure où elle « permet de se distancier d’une application trop mécanique et théorique de la loi pour permettre d’aboutir à des solutions humanisées »8. Toutefois, au regard de l’importance des enjeux liés à l’utilisation de la notion d’intérêt de l’enfant, cette satisfaction ne peut être que de courte durée. Et pour cause, entre l’utilisation à bon escient de ce concept et son instrumentalisation, la frontière peut être mince.

L’intérêt du présent arrêt est qu’il expose avec clarté les risques d’instrumentalisation que la notion d’« intérêt de l’enfant » suscite, tout en montrant que la traduction pratique de cette instrumentalisation diffère selon qu’elle émane des parents ou des juges.

Le risque d’instrumentalisation de l’intérêt de l’enfant peut en effet être double. Il convient à cet égard de distinguer l’instrumentalisation parentale de l’intérêt de l’enfant qui se traduit par une confusion des intérêts en présence, de l’instrumentalisation judiciaire de ce même intérêt qui, elle, découle d’une appréciation subjective de l’intérêt de l’enfant9.

En l’espèce, l’instrumentalisation par les parents de l’intérêt de l’enfant est avérée (I), tandis que l’instrumentalisation par les juges de ce même intérêt a été évitée (II).

I. Une instrumentalisation parentale de l’intérêt de l’enfant avérée

S’il est vrai que les parents sont présumés par la loi les mieux à même de déterminer l’intérêt de leur enfant, on ne saurait tolérer en revanche que des parents instrumentalisent le concept aussi incontournable qu’impalpable d’intérêt de l’enfant10 pour servir leurs propres intérêts. Or une lecture attentive de l’arrêt ci-commenté, amène le lecteur à identifier une utilisation insatisfaisante de la notion d’intérêt de l’enfant, car révélatrice d’une confusion entre l’intérêt des enfants placés et celui de leurs parents.

En l’espèce, cette confusion transparaît tout d’abord au travers du fondement juridique choisi par les parents. En effet, dans l’affaire ici commentée, les parents ont au soutien de leur demande d’élargissement de leur droit de visite, invoqué l’article 371-4 du Code civil, texte général définissant un droit pour l’enfant, à savoir celui de maintenir des relations personnelles avec ses ascendants. Et ce, alors qu’il existe pourtant un texte spécial tiré du droit de l’assistance éducative, l’article 375-7 alinéa 4 du Code civil, prévoyant spécifiquement pour les parents privés de leur droit de garde à la suite d’une décision judiciaire de placement de l’enfant, la conservation d’un droit de visite et d’hébergement, sauf pour le juge à suspendre l’exercice de ce droit « si l’intérêt de l’enfant l’exige »11.

Comment expliquer ce choix des parents ? Pourquoi ont-ils invoqué le droit de l’enfant prévu à l’article 371-4 du Code civil alors que le droit au maintien des liens familiaux est reconnu spécifiquement aux parents par le droit de l’assistance éducative ?

En réalité, ce choix de fondement juridique, loin d’être anodin, pose la question l’instrumentalisation des droits de l’enfant par les parents. En effet, conscients que l’argument du droit de l’enfant prévu à l’article 371-4 du Code civil est sans doute plus puissant sur le plan rhétorique que celui des droits des parents prévus à l’article 375-7, alinéa 4 du Code civil, les parents ont délaissé ce dernier texte et invoqué le premier pour servir d’abord et avant tout leur intérêt, et non celui de leurs enfants.

Aussi, pourra-t-on retenir de l’arrêt ci-commenté que, l’intérêt de l’enfant, notion initialement pensée pour protéger l’enfant et ses droits, peut se transformer en un moyen pour les parents d’obtenir des droits sur lui12.

Par ailleurs, à cette instrumentalisation des droits de l’enfant s’ajoute une instrumentalisation de l’intérêt de l’enfant. En effet, dans cette affaire, les parents, au soutien de la légitimité de leur demande, se sont réfugiés derrière le sacro-saint intérêt de l’enfant, pour là encore défendre leurs intérêts, leur volonté, à savoir celle de passer plus de temps en compagnie de leurs enfants, et ce, sans jamais s’interroger sur la question de savoir si leur dessein était compatible avec l’intérêt de leurs enfants.

Ce faisant, la notion d’intérêt de l’enfant est utilisée ici comme un « instrument de pouvoir »13 aux mains des parents, qui cherchent à faire en sorte que cet intérêt converge vers les leurs14. En ce sens, pour les parents, l’intérêt de l’enfant – loin d’être une notion pleine de sens et d’humanisme –, ne serait qu’une « coquille vide »15, un simple moyen juridique leur permettant d’obtenir des droits sur leurs enfants16, en l’occurrence un droit de visite élargi.

Néanmoins, s’il résulte de ce qui précède que l’instrumentalisation par les parents de la notion d’intérêt de l’enfant est avérée, il n’en reste pas moins qu’une instrumentalisation judiciaire de ce même concept a pu, elle, être évitée.

II. Une instrumentalisation judiciaire de l’intérêt de l’enfant évitée

N’étant ni définie textuellement, ni délimitée légalement, la notion d’intérêt de l’enfant comporte le risque d’être appréciée subjectivement par les juges17. Si ce risque est inhérent à l’utilisation juridique du concept d’intérêt de l’enfant18, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce ce risque a été évité au moyen d’une analyse de cet intérêt fondée sur des éléments objectifs. En effet, dans l’affaire ici étudiée, le principal reproche des parents formulé à l’encontre de l’arrêt rendu le 26 janvier 2017 par la cour d’appel d’Amiens tenait à l’absence de caractérisation des raisons factuelles justifiant le caractère restrictif des droits de visite qui leur avaient été accordés.

Aussi, pour motiver leur demande d’élargissement de leur droit de visite, les demandeurs au pourvoi avaient mis en avant les progrès et efforts comportementaux qu’ils avaient réalisés vis-à-vis de leurs enfants. Parmi ces efforts, il avait été notamment relevé que les deux parents avaient pris conscience de la gravité de leur comportement à l’égard duquel ils avaient exprimé des regrets. De même, il avait été constaté que la mère était suivie par un psychiatre et qu’elle se montrait beaucoup plus présente dans la vie de ses enfants, tout en étant davantage préoccupée par leur réussite scolaire.

Seulement, si d’un regard extérieur, ces éléments factuels peuvent témoigner d’une réelle évolution positive de la situation, les juges du fond en ont eu une lecture totalement opposée. C’est ainsi qu’ils ont notamment relevé le caractère intempestif des appels téléphoniques de la mère ou souligné à quel point, la reprise de contact, trop rapide, des parents avec leurs enfants, avait perturbé ces derniers19.

Aussi, et surtout, les juges ont, en considération du caractère traumatisant des actes que les parents avaient fait subir à leurs enfants, particulièrement insisté sur l’absence de questionnements des parents quant au vécu et aux ressentis de leurs enfants. Cet autre élément de fait mis en exergue par les juges démontre une nouvelle fois que le comportement des parents est principalement fonction de leurs propres intérêts, et que le ressenti de leurs enfants n’est que secondaire.

S’appuyant sur de tels constats, c’est bien de manière objective que les juges du fond – dont le raisonnement a ici été approuvé par les juges du quai de l’horloge – ont estimé que les droits de visite tels qu’ils avaient été définis permettaient de « maintenir la relation familiale, tout en préservant les enfants pour leur permettre d’évoluer à leur rythme dans le respect de leurs besoins ».

Cette décision des juges, procédant d’une analyse fine et circonstanciée de la situation, et ne faisant état que du caractère prématuré de la demande des parents20, ne semble guère pouvoir être critiquée. En effet, cette décision, loin d’être le témoin d’un subjectivisme exacerbé des juges, démontre le sérieux et la prudence dont ils ont fait preuve dans cette affaire.

Alexandre LUCIDARME

Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-84128. Les juridictions françaises sont, depuis peu, confrontées à des problématiques nouvelles liées à la radicalisation d’un parent entraînant son départ et celui de ses enfants en Syrie pour rejoindre les combattants de l’État islamique21. Comment la Cour de cassation doit-elle apprécier ces départs au regard du délit de soustraction du parent à ses obligations légales ?

L’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 20 juin 2018 apporte quelques éléments de réponse.

En l’espèce, Mme X. est mère de quatre enfants issus d’une première union. Après la séparation du couple en 2010, une décision du juge des affaires familiales (JAF) de Grasse fixe une autorité parentale conjointe et la résidence d’un des quatre enfants chez la mère. Les autres résidant chez le père.

D’une union suivante, naît en 2013 un nouvel enfant. Le couple se sépare. La radicalisation de la mère est évoquée devant le JAF par le père. Le 10 mars 2013, la résidence de l’enfant est tout de même fixée chez la mère mais le JAF ordonne une interdiction de sortie du territoire national de l’enfant sans l’autorisation des deux parents.

Toutefois, ce même jour, la mère décide de quitter la France, sans en avertir le père, pour se rendre via l’Algérie et la Turquie, à Raqqa en Syrie afin de rejoindre les combattants de l’État islamique. Elle fait le voyage avec l’aîné de ses enfants, handicapé, et ses deux derniers, tous les trois mineurs. Une fois sur place, la mère tombe enceinte d’un combattant depuis décédé au combat.

Le 25 août 2015, la mère est interpellée en Turquie avec ses trois enfants alors qu’elle regagnait la France. Elle est expulsée de Turquie, mise en examen pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme et poursuivie en France sur le fondement de l’article 227-17 du Code pénal.

Dans le même temps, elle s’est complètement désintéressée de ses deux autres enfants restés en France. Après son retour de Syrie, l’un est interpellé sur la voie publique, trois jours après les attentats du 13 novembre 2015, avec une arme automatique factice.

Le 31 mai 2017, un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence la condamne à 18 mois d’emprisonnement pour soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de ses enfants. Mme X, la mère, forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel.

Trois moyens sont avancés par la prévenue. Le premier relatif à la comparution de la prévenue devant une juridiction de jugement par l’intermédiaire de la visioconférence et le troisième relatif à la question de la motivation des peines correctionnelles ne sont pas sans intérêt, mais nous nous attarderons uniquement sur le deuxième moyen qui remet en cause la réunion des éléments constitutifs de l’infraction reprochée.

Deux arguments sont soulevés par la prévenue. Le premier grief repose sur le principe selon lequel « le juge répressif ne peut reconnaître la culpabilité et prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime ». La prévenue reproche aux juges du fond de s’être fondés sur le comportement du mineur retrouvé arme à la main dans les rues de Paris pour établir l’élément matériel de l’infraction. Ensuite, il est fait grief à l’arrêt d’appel de ne pas avoir relevé « d’élément d’où pouvait ressortir la conscience de Mme X de mettre en danger ses enfants », et ainsi de ne pas avoir caractérisé l’élément moral de l’infraction.

Le moyen est rejeté au nom de l’appréciation souveraine des juges du fond22. La Cour de cassation confirme alors une jurisprudence constante23 en matière de soustraction d’un parent à ses obligations légales en laissant les juges du fond apprécier souverainement les circonstances de fait.

La Cour ne procède pas à un contrôle de qualification. Toutefois, elle dévoile des pistes de réponse en venant préciser les contours de l’élément matériel de l’infraction (I) et en reprenant l’analyse des juges du fond selon laquelle la décision du départ en Syrie est suffisante pour montrer la conscience de la mère de manquer à ses obligations (II).

I. La précision du contour de l’élément matériel de l’infraction de soustraction d’un parent à ses obligations légales

L’article 227-17 du Code pénal incrimine le fait pour le père ou la mère « de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur ».

Le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales est nettement lié au droit civil, puisque lesdites obligations légales renvoient aux articles 20324 et 371-125 du Code civil.

Tout manquement à la protection et à l’éducation des enfants, tant d’un point de vue matériel que moral est susceptible de tomber sous le coup de l’infraction26. Pour que le délit soit caractérisé, il faut que le comportement du parent ait une ou des conséquences directes sur la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant. Ainsi, la décision de condamnation devra préciser en quoi le comportement du prévenu a eu des conséquences dommageables pour l’enfant27.

En l’espèce, la prévenue reproche à la cour d’appel de ne pas avoir précisé en quoi son comportement avait eu des conséquences dommageables pour l’enfant. La cour d’appel aurait fondé la démonstration de la réalisation de l’élément matériel sur le comportement de l’un de ses enfants et non sur un comportement qui lui est propre. Selon elle, la cour n’a pas caractérisé l’infraction, puisqu’elle s’est bornée « à affirmer, pour déclarer Mme X coupable de soustraction à ses obligations légales envers son enfant G., que l’enfant qui lui avait été confié par le juge aux affaires familiales avait été trouvé porteur, sur la voie publique (…), d’une arme factice en plastique, réplique d’une kalachnikov ». La cour d’appel n’aurait donc pas relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction et ne pourrait reconnaître la culpabilité de la prévenue.

Toutefois, la Cour de cassation ne semble pas adhérer à cette thèse, puisqu’elle fait un large énoncé des raisons retenues par la cour d’appel qui l’ont conduite à caractériser l’élément matériel de l’infraction. Elle rappelle que « pour déclarer la prévenue coupable du délit de soustraction à ses obligations légales envers ses cinq enfants, l’arrêt retient qu’elle a exposé ses trois enfants mineurs (…) à un environnement d’une extrême dangerosité (…) qu’elle a compromis leur équilibre par leur déscolarisation et par leur rupture avec leur environnement familial et social ».

Même si la Cour écarte le moyen sur le fondement de l’appréciation souveraine des juges, elle nous offre une réponse implicite en reprenant les verbes « exposer » et « compromettre ». La Cour de cassation montre bien que la cour d’appel a fondé sa décision de culpabilité sur des comportements de la mère qui ont eu des conséquences dommageables pour les enfants au niveau de leur sécurité, en ne respectant pas l’interdiction de sortie du territoire fixée par le JAF et en les faisant séjourner dans des zones de combat, mais aussi au niveau de leur scolarisation, en leur faisant quitter l’école en France.

Cependant, l’argument de la prévenue porte particulièrement sur l’enfant interpelé une arme factice à la main. En vertu de l’article 371-1 du Code civil, les parents ont « un ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt de [celui-ci] ». Ils doivent « protéger la sécurité, la santé et de la moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement ».

La Cour de cassation rappelle que le mineur lui avait été confié. Cela implique qu’en partant en Syrie, la mère a manqué à son obligation de garde de l’enfant qui avait été fixé par le JAF et s’en est désintéressée. Ainsi, le comportement de l’enfant interpelé est le fruit de manquements de la mère à ses obligations légales. Il est révélateur de graves défaillances éducatives. L’abandon de la mère est significatif d’un manque dans l’éducation de l’enfant et le fait qu’il ait été retrouvé, errant dans les rues parisiennes, une arme factice à la main n’est pas révélateur d’un bon développement.

De ce fait, la Cour de cassation vient alors préciser les contours de l’élément matériel de l’infraction en retenant que le comportement d’un des enfants peut être le fruit des défaillances éducatives d’un parent et donc servir de preuve pour le caractériser.

II. La décision du départ en Syrie suffisante pour caractériser l’élément moral de l’infraction

L’article 227-17 du Code pénal sanctionne un délit intentionnel commis par celui qui s’abstient volontairement de remplir ses obligations légales envers ses enfants, en sachant ou en ayant conscience que cette abstention pourra compromettre leur santé ou leur moralité28.

Cela suppose pour le parent d’avoir la conscience et la volonté, de se soustraire aux devoirs liés à l’exercice de l’autorité parentale au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation du mineur.

En l’espèce, la prévenue reproche aux juges du fond « qu’en se bornant à énoncer que Mme X avait manqué à ses obligations légales et exposé ses enfants à un environnement dangereux en les faisant séjourner dans des zones de combat », ils n’avaient pas relevé d’élément d’où pouvait ressortir la conscience de Mme X de mettre en danger ses enfants. Sans le dire explicitement, la prévenue argue une altération du discernement comme ligne de défense.

La Cour de cassation énonce que « la cour d’appel qui a souverainement apprécié que la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation des enfants avaient été compromises par l’adhésion de leur mère à une idéologie radicale et sa décision de rejoindre des combattants islamistes en Syrie, a justifié sa décision ».

La Cour écarte la question et ne répond pas à l’argument avancé par la prévenue. Toutefois, en reprenant le raisonnement des juges, des réponses implicites apparaissent29.

En effet, il semblerait que la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel selon lequel l’adhésion à l’idéologie radicale de la mère et sa décision de rejoindre des combattants islamistes en Syrie suffisent à établir la conscience de mettre en danger ses enfants et donc à caractériser l’élément moral de l’infraction. Selon Emmanuel Dreyer, « il n’est pas sûr qu’une telle justification soit très heureuse. Car elle semble placer le débat sur le terrain du délit d’opinion en reprochant finalement à la prévenue son choix de vie »30.

Toutefois, la prudence de la Cour de cassation en la matière peut se comprendre. La conscience du risque pour une personne qui adhère à une idéologie radicale peut être difficile à prouver. La mère peut être convaincue qu’en emmenant ces enfants en Syrie, elle a fait ce qu’il y a de mieux pour eux. Elle pourrait se défendre en démontrant, qu’une fois sur place, ils ont été scolarisés, qu’ils ont été préservés de toute violence, qu’ils avaient accès à tous les soins nécessaires.

Ainsi, en se retranchant derrière l’appréciation souveraine des juges du fond, la Cour de cassation ne semble pas vouloir laisser de failles dans la défense des personnes radicalisées. Dans ce domaine aussi sensible, la Cour ne semble pas vouloir ouvrir une ligne de défense aux prévenus qui se serviraient de l’argument de l’inconscience ou de l’altération du discernement pour être relaxés. De plus, elle préfère ne pas ajouter de contrainte aux juges du fond en matière de caractérisation de l’élément moral de l’infraction.

Enfin, cette décision montre l’attention portée par les juges de droit pénal à la protection de l’enfance. Au civil, les moyens pour empêcher les départs en Syrie – interdiction de sortie du territoire ou transfert du droit de garde à l’autre parent – semblent dérisoires. Or du point de vue de l’intérêt supérieur des enfants, un départ en Syrie est désastreux pour leur éducation, leur moralité et leur développement. Il semble nécessaire que le juge pénal ait les moyens de sanctionner de tels comportements, sans qu’il soit possible pour les parents d’utiliser l’argument selon lequel ils n’avaient pas conscience d’exposer leurs enfants à des risques.

Clémence QUENTIN

La frilosité du juge de la protection de l’enfance ou la tentation de l’appréciation in abstracto

CEDH, 30 oct. 2018, n° 40938/16, S.S c/ Slovénie31. Si l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui le concernent32, il peut parfois justifier la prise de décisions judiciaires ayant des conséquences radicales pour l’enfant et sa famille biologique. Voici en substance la leçon que l’on peut tirer de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en date du 30 octobre 201833.

Dans cette affaire, une ressortissante slovène, contestait la décision de retrait de ses droits d’autorité parentale prise par les services sociaux à l’égard de son quatrième enfant ayant entraîné l’autorisation de son adoption par sa famille d’accueil. Pour justifier leur choix, les services arguaient du fait que la mère de l’enfant était atteinte de schizophrénie paranoïde et qu’elle avait laissé sa fille un mois seulement après sa naissance auprès de sa propre mère, qui finalement, n’avait pas souhaité la prendre en charge. Attaquant cette décision devant les tribunaux slovènes, la mère de la fillette n’obtient pas gain de cause. Les magistrats, se fondant sur le rapport d’un psychologue, estiment que l’état de santé de la requérante ne permet pas d’envisager la possibilité pour elle de s’occuper de sa fille dans de bonnes conditions et évoquent l’absence de lien affectif tissé entre la mère et sa fille. De plus, ils lui refusent un quelconque droit de visite estimant que les expériences réalisées au cours de la procédure n’ont pas été concluantes en raison du manque d’empathie de la mère et de son attitude négative envers les parents adoptifs de la fillette. Après avoir épuisé toutes les voies de recours interne, il ne restait donc plus à la mère de l’enfant que la possibilité de contester les décisions des juges slovènes devant la CEDH. S’appuyant sur la violation de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme (convention EDH) relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, la requérante fait valoir que le retrait des droits d’autorité parentale constitue une mesure extrême qui a, dans sa situation, entraîné la rupture totale de liens avec sa fille biologique du fait de son adoption par sa famille d’accueil. Les juges strasbourgeois ont alors rappelé qu’il pouvait être de l’intérêt de l’enfant de permettre le retrait d’autorité parentale (I) et ce, même si ce retrait peut entraîner l’adoption ultérieure de l’enfant par une nouvelle famille (II).

I. La conformité de la décision de retrait de l’autorité parentale à l’intérêt supérieur de l’enfant

L’affaire soumise aux magistrats européens les confrontait à trancher entre d’une part, l’intérêt de l’enfant à bénéficier d’une stabilité de son cadre familial – la fillette ayant été adoptée depuis l’âge d’un mois par sa famille d’accueil – et, d’autre part, l’intérêt de la mère biologique à la réunification du noyau familial – les décisions de retrait et d’adoption subséquente conduisant inexorablement à l’anéantissement de potentielles relations avec sa fille. Au regard des difficultés liées à la santé mentale de la mère biologique et de son incapacité à créer un quelconque lien d’affection en découlant, la CEDH conclut à l’absence de violation de l’article 8 de la convention EDH, considérant qu’il était de l’intérêt supérieur de l’enfant de ne pas modifier sa situation familiale34. Cela ne signifie pas que cet intérêt commande systématiquement le retrait de l’autorité parentale ; même si l’enfant placé dans une famille d’accueil se situe dans un meilleur environnement que son milieu d’origine, il ne s’agit pas d’une justification suffisante. Pour rappel, l’enfant ne doit être séparé de ses parents que si cela est nécessaire pour assurer sa protection35. Aussi, pour que le retrait des droits parentaux soit justifié, il faudra également qu’une réunification du parent biologique et de l’enfant semble peu probable (en l’espèce, les juges slovènes étaient allés jusqu’à rejeter la demande d’un droit de visite formulée par la mère au regard des expériences de rencontres sous surveillance organisée).

Cette décision pourrait être l’occasion pour les magistrats français d’infléchir leur jurisprudence que ce soit en matière de retrait d’autorité parentale ou de déclaration judiciaire de délaissement parental face à des parents souffrant de troubles psychiatriques rendant difficilement envisageables la reprise d’une vie familiale. En effet, dans une décision de la Cour de cassation datée du 1er juin 201736, où le président du conseil départemental avait demandé un retrait de l’autorité parentale en se fondant sur l’article 378-1 du Code civil à l’égard d’une mère souffrant d’une pathologie psychiatrique lourde, les magistrats du quai de l’horloge avaient conclu à un rejet de la requête arguant du fait que l’enfant évoluait positivement dans sa famille d’accueil et qu’il n’était pas démontré que la mère, par un défaut de soins ou un manque de direction, ait mis manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de son enfant. Pour eux, l’intérêt de l’enfant commandait, au contraire de la décision commentée, le maintien de l’autorité parentale. Les affaires soumises aux juges français et aux juges européens sont pourtant dans une configuration similaire. De même, en matière de feu la déclaration judiciaire d’abandon37 (remplacée depuis la loi du 14 mars 201638 par la déclaration judiciaire de délaissement parental39), certains magistrats ont pu retenir que le désintérêt des parents envers leur enfant ne pouvait pas être considéré comme volontaire (condition d’origine prétorienne40) lorsqu’ils présentaient des problèmes de santé, notamment d’ordre psychique41 alors que d’autres considéraient au contraire que cela n’est pas une cause de justification suffisante les empêchant d’entretenir des relations avec leur enfant42. De notre point de vue, il n’est donc pas certain que les décisions des juges français répondent toujours à l’impératif de recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant. Saisis de ce sujet, les juges strasbourgeois ont pourtant pu donner raison aux magistrats français ayant déclaré le désintérêt volontaire alors même que la mère de l’enfant était atteinte de troubles psychiatriques et qu’il existait un éloignement géographique important entre l’enfant et la mère rendant difficile la possibilité pour elle d’exercer un droit de visite43. Malheureusement, l’instauration de la déclaration judiciaire de délaissement parental ne va pas forcément inciter à son prononcé puisque le législateur a jugé bon d’indiquer que le parent de l’enfant ne doit pas avoir été empêché d’entretenir avec lui les relations nécessaires par quelque cause que ce soit. Cette formulation générale offre ainsi aux magistrats toute latitude pour décider de l’existence ou non de cet empêchement face aux troubles psychiatriques dont est atteint le parent44. D’ailleurs, dans un récent arrêt45, la cour d’appel de Montpellier a prononcé le délaissement parental en mettant en avant qu’en dépit des mesures de soutien proposées par les services de l’aide sociale à l’enfance46, la mère n’a pas entretenu des relations avec sa fille alors qu’elle ne souffre pas de déficience intellectuelle ou de trouble psychiatrique affectant son discernement. Si tel avait été le cas, il est possible d’imaginer que les juges aient réservé une réponse négative à la requête des services départementaux. Pourtant, il n’est pas certain que toutes les situations où les magistrats sont face à un parent ayant des troubles psychiques justifient l’absence totale de manifestation de sa part envers son enfant.

Dans la décision de la CEDH du 30 octobre 2018, un pas supplémentaire semble avoir été franchi puisque les magistrats affirment qu’il peut même être de l’intérêt de l’enfant d’être adopté.

II. La conformité des conséquences du retrait de l’autorité parentale à l’intérêt supérieur de l’enfant

En l’espèce, le retrait des droits parentaux de la mère de nationalité slovène avait rendu son enfant adoptable, et permis à sa famille d’accueil de solliciter son adoption. Comme l’indique la CEDH, les liens étroits établis entre l’enfant et sa famille d’accueil pendant une période de temps importante et la stabilité en résultant peuvent prendre le dessus sur l’intérêt de la mère de l’enfant. Le lien biologique ne devra être préservé que si la reprise de relations familiales est envisageable. La même position avait pu être retenue par les juges strasbourgeois dans leurs arrêts Strand Lobben et a. c/ Norvège47 et Hasan c/ Norvège48 : l’intérêt de l’enfant commandait que la famille d’accueil se voit reconnaître des prérogatives parentales afin de garantir la stabilité et la prévisibilité de la situation des mineurs accueillis chez eux depuis leur petite enfance.

À la lumière de cette décision, il convient de se demander si la frilosité des juges français à prononcer un retrait d’autorité parentale ou feu une déclaration judiciaire d’abandon est encore justifiée ? De notre avis, difficilement. D’abord, parce que c’est sans doute oublier que l’adoption de l’enfant peut constituer pour lui une nouvelle chance de bénéficier d’une famille. S’il est vrai que, selon la doctrine américaine, la rupture du lien de filiation originel constitue « la peine capitale » du droit de la famille49, elle peut néanmoins être admise dans des hypothèses où la famille biologique de l’enfant n’est pas en capacité de lui offrir un cadre familial sécurisant. En outre, il faut garder à l’esprit que plus l’enfant est jeune, plus il conserve des chances d’être adopté50 et que l’adoption instaure une solution pérenne pour le mineur tandis que le placement ne constitue qu’une situation temporaire. De plus, en droit français, l’adoption simple permet de ne pas anéantir les droits des parents d’origine de l’enfant mais d’instaurer un cumul des filiations51. À cet égard, lors d’une décision où le délaissement parental avait été retenu, les magistrats n’avaient d’ailleurs pas hésité à préconiser que si une adoption ultérieure devait être envisagée, ce soit sous la forme simple afin de conserver les relations que l’enfant entretenait avec sa grand-mère maternelle52.

Par ailleurs, c’est sans doute oublier que l’adoption de l’enfant n’est qu’une éventualité. Il est d’ailleurs regrettable que dans certaines décisions rendues sous l’empire de l’ancienne déclaration judiciaire d’abandon, les magistrats aient pu refuser de la prononcer en raison de l’inexistence d’un projet d’adoption53. En droit français, si l’enfant devient pupille de l’État à la suite d’un retrait d’autorité parentale ou d’une déclaration judiciaire de délaissement parental54, les organes chargés de sa tutelle devront, dans les meilleurs délais, définir un projet de vie55. La « filiation par greffe »56 n’est plus inscrite, depuis la loi du 14 mars 201657, comme une finalité.

De même, c’est sans doute oublier que les mesures de retrait d’autorité parentale et de déclaration judiciaire de délaissement parental doivent d’abord être envisagées comme des mesures de protection de l’enfance. Cette vision a été confortée par le législateur de 2016 puisque la déclaration judiciaire de délaissement parental se retrouve au sein du titre IX du Code civil relatif à l’autorité parentale, rejoignant ainsi les mesures de délégation et de retrait de l’autorité parentale, alors que l’ancienne mesure de déclaration judiciaire d’abandon apparaissait dans le titre VIII du Code civil concernant la filiation adoptive. En effet, dans le cas du retrait d’autorité parentale comme dans celui de la déclaration judiciaire de délaissement parental, la mesure a le mérite d’offrir à l’enfant le statut « stable et protecteur »58 de pupille de l’État59 lorsqu’il fait l’objet d’une prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance et entraîne également l’exonération de son obligation alimentaire envers ses parents60.

Enfin, c’est sans doute oublier que, dans un cas comme dans l’autre, une telle décision n’est pas irréversible. En effet, passé le délai d’un an, le parent qui justifie de circonstances nouvelles peut demander en justice à se voir restituer les droits d’autorité parentale qui lui ont été retirés61 et si l’enfant a été admis en qualité de pupille de l’État, le parent peut s’adresser aux organes chargés de la tutelle pour se voir restituer l’enfant62, sachant que dans cette hypothèse, un accompagnement d’une durée de 3 ans lui sera proposé par les services départementaux afin que le retour de l’enfant dans sa famille biologique s’effectue dans les meilleures conditions possibles.

Amélie NIEMIEC

B – L’abstraction de l’enfant : la fixation du montant de la contribution à son entretien après séparation des parents

Cons. const., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, censurant l’article 7 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (points n° 37 à 42). Saisi sur la demande de députés et sénateurs, au motif principal d’une méconnaissance des principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions63, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, est venu censurer la disposition de l’article 7 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Dans le cadre d’une expérimentation sur 3 ans lancée dans des départements « pilotes », le directeur de l’organisme débiteur de prestations familiales (CAF ou MSA)64 se voyait reconnaître la possibilité de délivrer des titres exécutoires portant sur la modification du montant d’une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (CEEE). Ce dispositif de « révision sans juge » était fondé sur l’application d’un barème national et pouvait s’appliquer à l’ensemble des contributions pour enfant quel que soit le mode choisi antérieurement pour leur fixation65. Cette compétence du directeur CAF de délivrer des titres exécutoires au bénéfice de personnes privées est récente et date de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 201666. Elle se limite toutefois aux accords amiables des parents se séparant hors procédure de divorce et concernant la fixation de la CEEE. Le dispositif censuré de l’article 7 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 aurait dû emporter une extension importante du champ d’intervention du « titre CAF ».

En premier lieu, le Conseil constitutionnel a relevé (pt 39) que « les caisses d’allocations familiales sont des personnes privées en charge d’une mission de service public. Or les dispositions contestées leur donnent compétence pour réviser le montant des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants qui ont fait l’objet d’une fixation par l’autorité judiciaire ou d’une convention homologuée par elle ». La « déjudiciarisation » est ainsi ciblée par le Conseil, alors qu’elle est une politique assumée par le législateur qui a considéré, dans son exposé des motifs, que « l’intervention du juge doit être limitée aux cas les plus litigieux qui imposent l’appréciation des circonstances particulières de la situation ». Cependant, comme le souligne le Conseil (point 39), le dispositif de l’article 7 aurait laissé également aux CAF un pouvoir d’appréciation des circonstances (particulières ?) qui commandent la révision. « Si cette révision doit respecter un barème national, les caisses d’allocations familiales doivent se livrer, à cette occasion, à une appréciation de l’évolution des ressources des parents et des modalités de résidence et d’exercice du droit de visite et d’hébergement. En outre, en l’absence de production par un parent de renseignements et documents requis, elles peuvent moduler forfaitairement le montant de la contribution ». Et cette appréciation aurait pu être tournée en leur faveur dans le cadre de leur mission d’aide au recouvrement des impayés de pensions (point 40). « De plus, en application de l’article L. 581-2 du Code de la sécurité sociale, les organismes débiteurs des prestations familiales sont tenus de verser l’allocation de soutien familial en cas de défaillance du parent débiteur de la contribution pour l’entretien et l’éducation des enfants et peuvent être ainsi intéressés à la détermination du montant des contributions ». Est clairement visé ici le mécanisme d’avance sur pension constitué par le versement par les CAF de l’allocation de soutien familial (ASF). Il ressort de l’ensemble de ces constatations (pt 41), qu’alors même que « les décisions de révision prises par les caisses pourraient faire l’objet d’un recours devant le juge aux affaires familiales, le législateur a autorisé une personne privée en charge d’un service public à modifier des décisions judiciaires sans assortir ce pouvoir de garanties suffisantes au regard des exigences d’impartialité découlant de l’article 16 de la déclaration de 1789 ». L’article 7 dans son intégralité a été déclaré par le Conseil constitutionnel (pt 42) « non conforme à la constitution ».

En se plaçant sur l’articulation des compétences entre l’autorité judiciaire et l’autorité d’une personne privée en charge d’un service public, le Conseil constitutionnel a entendu mettre une limite à la « déjudiciarisation ». Le pouvoir de modifier des décisions judiciaires reconnu au directeur CAF, en ce qu’il lui accorde une compétence concurrente à celle du juge (I), aurait dû être assorti de garanties suffisantes d’impartialité (II).

I. D’une compétence subsidiaire à une compétence concurrente ?

La loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 a complété le rôle de la CAF dans la prévention et le recouvrement des impayés de pension pour enfant par une mission nouvelle de délivrance d’un titre exécutoire.

Une nouvelle compétence

Le rattachement opéré par l’article L. 582-2 du Code de la sécurité sociale du « titre CAF » à l’article L. 111-3, 6° du Code des procédures civiles d’exécution accorde autorité au directeur de l’organisme débiteur de prestations familiales pour donner force exécutoire à un accord entre personnes privées. L’organisme social est ainsi assimilé par le législateur à une personne morale de droit public, pour la délivrance d’un titre qui ne tend pas à opérer le recouvrement d’une créance publique mais d’une créance « alimentaire » entre personnes privées. La décision du directeur CAF produira les effets d’un jugement67.

Dans le dispositif de 2016, la compétence de cette « autorité privée investie d’une mission de service public » reste toutefois subsidiaire au regard de celle de l’autorité judiciaire, traditionnellement compétente pour ce qui est d’apprécier une contribution parentale68, et cède en cas de saisine du JAF69. La procédure du « titre CAF » n’est qu’une voie alternative, conçue pour intervenir dans un contexte non conflictuel, même si l’on peut considérer qu’elle « empiète » sur la fonction gracieuse du juge. Elle ne s’applique qu’aux accords des parents se séparant en dehors d’une procédure de divorce (rupture de concubinage ou de PACS) et pour la fixation du montant de la pension pour enfant, à la condition qu’il n’existe aucun titre antérieur70. Avec l’intervention de l’organisme social, il s’agit, dans l’esprit du législateur71, de décharger le JAF d’une mission devenue chronophage et assez banale quand il s’agit d’homologuer un accord parental, pour recentrer ses interventions sur les « cas les plus litigieux ». L’objectif est ainsi d’éviter que « la judiciarisation n’envenime certaines situations » et apporte au créancier une réponse tardive. La procédure du « titre CAF » mise sur la rapidité d’intervention de l’organisme débiteur de prestations sociales qui est déjà un interlocuteur bien connu des familles.

Des objectifs également poursuivis par l’expérimentation de l’article 7 qui poussait toutefois plus loin la déjudiciarisation. Il ne s’agissait plus uniquement d’ouvrir à l’accord parental une voie alternative strictement encadrée pour lui donner force exécutoire, mais de placer l’autorité privée et l’autorité judiciaire dans une situation de concurrence.

Une concurrence directe

En autorisant le directeur CAF à modifier une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (CEEE) sur demande du créancier ou du débiteur, le dispositif de 2019 provoque un élargissement du champ d’application du « titre CAF » en le faisant passer de l’exécution à l’évaluation de la créance d’entretien. Mécaniquement, il amène le directeur CAF à revenir sur une décision initiale, et cette décision peut ressortir d’un accord parental mais aussi de l’autorité judiciaire72. L’extension du champ de compétence du directeur CAF est notable et vaut même pour l’accord parental de l’article L. 581-2 du Code de la sécurité sociale, car contrairement au dispositif de 2016 (où ce n’est pas au directeur CAF qu’il revient d’évaluer la CEEE mais à la convention parentale), ici c’est bien le directeur CAF lui-même qui se voit reconnaître un pouvoir de révision. Or le Conseil n’a pas condamné ce dispositif de révision quand il s’applique à une décision antérieure du directeur CAF, alors même qu’il l’autorise à revenir sur l’équilibre d’un accord parental73, et dans un contexte qui ne sera pas forcément amiable, puisqu’il pourra être saisi à la demande de l’un ou l’autre des parents (et non conjointement)74.

En revanche, le Conseil a censuré le dispositif de 2019 quand il porte sur une décision judiciaire (fixation ou homologation), ce qui cible la difficulté sur l’articulation entre l’autorité privée et l’autorité judiciaire75. Face à l’extension de compétence du directeur CAF, les mécanismes mis en place pour permettre de garantir la primauté de la décision judiciaire sur l’intervention sociale, pour une question rattachée au droit civil et à l’autorité parentale, semblent effectivement plus limités qu’en 201676. Certes, la demande modificative n’est recevable qu’après s’être assuré qu’« aucune instance portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale à l’égard des enfants concernés par la CEEE ne soit pendante devant le JAF ». Également, la décision du directeur CAF est susceptible de recours par une « contestation formée devant le JAF », et le président du TGI a la possibilité d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision « si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives ». Mais ces garanties sont apparues insuffisantes aux yeux du Conseil qui a estimé, « alors même que les décisions de révision prises par les caisses pourraient faire l’objet d’un recours devant le juge aux affaires familiales » que le législateur ne saurait « autoriser une personne privée en charge d’un service public à modifier des décisions judiciaires sans assortir ce pouvoir de garanties suffisantes au regard des exigences d’impartialité découlant de l’article 16 de la déclaration de 1789 ».

Ainsi, autoriser le directeur CAF à modifier des décisions judiciaires ne peut se concevoir sans se poser la question des garanties d’impartialité entourant un pouvoir qui devient « concurrent » de celui du juge.

II. Un pouvoir d’appréciation dépourvu de garanties suffisantes d’impartialité

L’expérimentation de 2019 portait « exclusivement sur la modification du montant d’une contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant, en application d’un barème national ».

L’impartialité du barème ?

La question du recours à un barème pour déterminer l’évolution d’une pension alimentaire peut être discutée. La première chambre civile de la Cour de cassation s’est montrée réticente et a affirmé que l’introduction d’une table de référence ne saurait à elle seule fonder l’appréciation du JAF qui, en application de l’article 371-2 du Code civil, a l’obligation de prendre en considération les facultés contributives des parents de l’enfant et les besoins de celui-ci77. Si le Conseil constitutionnel n’a pas émis de réserve sur l’obligation faite à l’organisme social de « respecter un barème national », on peut toutefois s’interroger sur la place réservée aux besoins de l’enfant dans ledit barème. Le dispositif de 2016 a certes déjà recours à un barème plancher, établi en fonction des ressources des parents78, pour contraindre leur évaluation conventionnelle de la CEEE79. Mais ici avec la révision de la contribution, en s’appliquant à une décision de justice, le domaine d’intervention du barème est élargi, alors que le juge n’est pas restreint dans son évaluation au seul paramètre des ressources des parents80. Cela n’a pas échappé au Conseil constitutionnel (point 39) : « Si cette révision doit respecter un barème national, les caisses d’allocations familiales doivent se livrer, à cette occasion, à une appréciation de l’évolution des ressources des parents et des modalités de résidence et d’exercice du droit de visite et d’hébergement. En outre, en l’absence de production par un parent de renseignements et documents requis, elles peuvent moduler forfaitairement le montant de la contribution ».

La révision des pensions ne revient pas simplement à appliquer mécaniquement un barème à un niveau de pension, mais à porter une « appréciation de l’évolution » des ressources et des modalités de résidence et d’exercice du droit de visite et d’hébergement81. En comparaison, le dispositif de 2016 portant sur l’accord parental n’a pas doté le directeur de la CAF d’un pouvoir d’appréciation. Il ne lui a donné ni la mission ni les moyens d’un contrôle des modalités de l’accord et l’oblige uniquement à vérifier deux points : le montant de la CEEE par rapport au seuil du barème de l’article L. 582-2 du Code de la sécurité sociale et la production des documents réclamés82.

Dans le dispositif expérimental de 2019, l’appréciation de l’évolution des ressources reste toutefois commandée par la production d’une déclaration fiscale, on peut alors se demander si cela ne suffit pas à l’établir objectivement. Par ailleurs, l’évolution des modalités de résidence et d’exercice du droit de visite ne peut se faire qu’à la suite d’un accord des parties. Plus que la marge d’appréciation, ne serait-ce pas davantage la possibilité de revenir sur l’équilibre initial déterminé lors de la fixation, entre les contributions de l’un et l’autre parent, qui paraît être condamné ? Le directeur CAF serait-il susceptible de saisir une variation des besoins de l’enfant ? Comment réévaluer sans connaître les considérations suivies par le juge dans son estimation initiale ? Pour correctement « réviser », il faut pouvoir apprécier pleinement ce qui a été « fait ». Une réévaluation à multiples paramètres est une opération beaucoup plus complexe que ne laisse suggérer la référence à un barème, et ceci, même si le législateur a pris la précaution de faire échapper à l’appréciation du directeur CAF les situations financières « complexes » pour lesquelles il doit rejeter la demande.

À l’opposé, « en l’absence de production par un parent de renseignements et documents requis », le directeur CAF est autorisé à « moduler forfaitairement le montant de la contribution ». Critiquée par le Conseil, cette modulation peut être une « côte mal taillée » et de là, aboutir à l’effet inverse de ce qui était recherché83.

Mais plus que de doter le directeur CAF d’un pouvoir d’appréciation « concurrent » de celui du juge, ne peut-on pas redouter que l’extension de compétence ne l’amène à être juge et partie ?

Un conflit d’intérêt ?

Depuis la loi n° 84-1171 du 22 décembre 1984, les CAF remplissent une mission d’aide au recouvrement des impayés de pensions pour enfant. Ce dispositif a été renforcé par la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 qui a généralisé la garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA) et créé une agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA). Le pivot du dispositif est constitué par l’allocation de soutien familial (ASF)84 qui est une prestation familiale présentant une double nature : à la fois une aide financière destinée à compenser l’absence de CEEE (débiteur « hors d’état ») ou sa faiblesse (ASF différentielle) et une aide au recouvrement des impayés (ASF recouvrable).

Le Conseil constitutionnel s’est référé au dispositif de l’article L. 581-2 du Code de la sécurité sociale (point 40), en estimant que « les organismes débiteurs des prestations familiales sont tenus de verser l’allocation de soutien familial en cas de défaillance du parent débiteur de la contribution pour l’entretien et l’éducation des enfants et peuvent être ainsi intéressés à la détermination du montant des contributions ». Dans l’hypothèse d’un versement d’ASF par défaut d’exécution totale ou partielle du parent débiteur, la CAF est subrogée dans les droits du créancier et peut récupérer sur le débiteur le montant versé pour sa totalité ou à hauteur de la créance alimentaire, si elle est inférieure à l’allocation85. Également, pour les faibles CEEE, l’ASF aura un caractère différentiel pour constituer un mécanisme de garantie de ressources. Dans un mécanisme de balancier, le taux d’effort de la collectivité se mesure ainsi en fonction de l’obligation parentale.

Et c’est justement pour éviter un transfert de charge des parents vers la solidarité nationale, que le dispositif de 2016 a soumis la contribution parentale au respect du seuil minimal du barème de l’article R. 582-1 du Code de la sécurité sociale, afin que les fixations amiables de CEEE n’aboutissent pas à des contributions volontairement sous-évaluées86. Ici, c’est le mécanisme inverse que craint le Conseil constitutionnel : la réévaluation de la contribution ne doit pas être l’occasion pour la CAF d’amoindrir la participation de la collectivité87. Si elle a intérêt à la révision, il devient effectivement difficile de parler d’impartialité.

La déjudiciarisation a ainsi ses limites et ne saurait accorder au directeur CAF un pouvoir de modification qui s’applique aux décisions judiciaires, sans l’encadrer de garanties suffisantes d’impartialité.

Dominique EVERAERT-DUMONT

Scolie sur l’ignorance par les juges du fond des règles du droit international privé de la famille

Cass. 1re civ., 24 mai 2018, n° 16-21163 ; CA Rennes, 28 mars 2018, n° 16/08901 et CA Aix-en-Provence, 16 oct. 2018, n° 18/02589. L’un des traits marquants du droit international privé en ce début de XXIe siècle est l’aggravation de sa complexité. La matière n’a certes jamais passé pour être simple, mais sa connaissance et sa mise en œuvre sont rendues de plus en plus difficiles. L’une des causes de cette évolution est, à n’en pas douter, la multiplication des instruments internationaux, conventions et règlements européens. On en prendra pour seul exemple l’entrée en application le 29 janvier dernier du règlement Régimes matrimoniaux du 24 juin 2016. « Grâce » à ce règlement, la détermination de la loi applicable au régime matrimonial obéit à trois corps de règles selon la date du mariage des époux : droit commun pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992 ; convention de La Haye du 14 mars 1978 pour ceux mariés à partir de cette date ; règlement pour les époux mariés depuis le 29 janvier 2019. Naturellement, chaque instrument nouveau se veut un progrès au regard de ceux qui l’ont précédé, ce dont il est fréquemment permis de douter, ne serait-ce qu’en raison de la complexité même de la rédaction des textes88 dont rien ne garantit qu’ils sont appliqués de la même façon dans les autres États contractants et même dans les autres États membres de l’Union européenne, en dépit d’une jurisprudence de la Cour de justice, toujours parcellaire, parfois tardive et délicate à analyser. Bien sûr, les promoteurs de tous ces instruments mettent en avant le fait que leur complexité n’est que le reflet de celle de la société contemporaine89 et qu’il serait imprudent, voire dangereux, de recourir à des règles simples (souvent synonymes de simplisme). Chacun aura son point de vue sur le sujet. Il n’en reste pas moins que l’on a souvent eu l’occasion dans cette chronique de se faire l’écho de décisions atypiques ou d’arrêts de la Cour de cassation qui rappellent avec fermeté des solutions pourtant anciennes et qui paraissent ne soulever aucune véritable difficulté de mise en œuvre. Ce constat ne manque pas de soulever la question suivante : si les juges peinent à appliquer les bases de la matière, qu’en est-il des règles extrêmement complexes que l’on trouve dans les conventions internationales et les règlements européens qui multiplient rattachements principaux, subsidiaires et autres clauses d’exception et dont le domaine matériel se chevauche parfois ? N’y a-t-il pas un décalage, pour ne pas dire un fossé, entre ceux qui « pensent » la matière et ceux qui sont en charge de sa mise en œuvre ?

En témoigne d’abord un arrêt de la Cour de cassation rendu le 24 mai 2018. Les faits à l’origine de cette décision étaient les suivants. L’enfant Myriam Y avait été inscrite à l’état civil comme étant née de Mme X et de M. Y, son époux. M. Z a assigné ces derniers en contestation de la paternité de M. Y et en établissement de sa paternité à l’égard de l’enfant. Les juges du fond ayant ordonné une expertise biologique, les époux Y refusèrent d’y déférer, alors que la Cour de cassation a décidé qu’en matière de filiation l’expertise biologique est de droit, sauf motif légitime de ne pas y procéder90. La jurisprudence relative à l’interprétation et à la portée du refus de se soumettre à l’expertise révèle que le plus souvent, au visa de l’article 11 du Code de procédure civile, les juges du fond considèrent le refus comme illégitime et en déduisent un aveu tacite au regard des circonstances de fait91. Tel était le cas dans cette affaire et l’arrêt n’aurait eu d’autre intérêt que d’être ajouté à la liste des décisions ayant statué en ce sens s’il avait été rendu dans un contexte purement interne. L’arrêt d’appel est cependant cassé, mais sur un tout autre terrain : celui du droit international privé. La cour d’appel avait en effet mentionné que la mère avait la nationalité algérienne, ce qui rendait applicable au litige le droit algérien. On sait en effet que l’article 311-14 du Code civil soumet l’établissement de la filiation biologique à la loi nationale de la mère au jour de la naissance de l’enfant et que le domaine de cette loi est étendu ; il couvre notamment tout le droit de la preuve92. Par ailleurs, il est acquis depuis une vingtaine d’années que, en matière de droits indisponibles, les juges du fond doivent relever d’office les éléments d’extranéité figurant au dossier, mettre en œuvre le système français de solution des conflits de lois et, en conséquence, procéder à la recherche du contenu du droit étranger applicable au fond93. Une telle méconnaissance de solutions aussi bien établies, et ne faisant pas l’objet de difficultés en tant que telles (la preuve concrète du contenu du droit étranger et sa conformité à l’ordre public international sont une autre affaire), ne manque pas de susciter l’étonnement et, comme cela a été suggéré plus haut, quelques inquiétudes sur la mise en œuvre d’instruments internationaux beaucoup plus complexes94.

Un deuxième exemple de méconnaissance des règles élémentaires du droit international privé est donné par un arrêt de la cour d’appel de Rennes en date du 28 mars 2018. Deux époux de nationalité britannique avaient procédé à l’adoption d’un enfant de nationalité russe. Le jugement d’adoption avait été prononcé par le tribunal régional de Perm (Russie). Les époux avaient ultérieurement saisi le tribunal de grande instance de Nantes afin d’obtenir l’exequatur du jugement russe. Le tribunal avait cependant débouté les époux de leur demande au motif que la décision n’avait pas été prononcée en application du droit anglais, désigné par l’article 370-3 du Code civil, dont l’alinéa 1er soumet, en effet, les conditions de fond de l’adoption à la loi nationale de l’adoptant et, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union (c’est-à-dire leur loi nationale commune). Le jugement ne pouvait qu’être infirmé car il méconnaissait à la fois les dispositions de l’article 370-5 du Code civil et la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de contrôle de régularité des décisions étrangères. La cour d’appel prend soin au préalable de relever l’absence de convention internationale applicable. On pense en effet immédiatement à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur l’adoption internationale dont les articles 23 et suivants sont relatifs à la reconnaissance et aux effets de l’adoption. Ces textes supposent cependant que l’adoption ait été prononcée par une autorité d’un État contractant, ce qui n’est pas le cas de la fédération de Russie. Il convenait en conséquence de mettre en œuvre l’article 370-5 du Code civil qui dispose : « L’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les effets de l’adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. À défaut, elle produit les effets de l’adoption simple… ». L’adverbe « régulièrement » invite à se référer au droit commun relatif aux conditions de régularité des décisions étrangères. Or si, à l’origine95, figurait effectivement parmi les critères de contrôle celui de la loi appliquée par le juge étranger (loi qui devait normalement être celle désignée par la règle française de conflit de lois), ce critère a été abandonné par la Cour de cassation96. Il est surprenant que cette jurisprudence, déjà ancienne, ait été ignorée par le tribunal de grande instance, surtout celui de Nantes, alors qu’elle est mentionnée dans tous les ouvrages consacrés à la matière et qu’elle est parfaitement claire.

Un dernier exemple récent de méconnaissance des mécanismes pourtant élémentaires du droit international privé peut être trouvé dans un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 16 octobre 2018. Il s’agissait à nouveau de la reconnaissance en France d’un jugement étranger d’adoption. Plus précisément, deux personnes mariées – sans doute de nationalité française, l’arrêt ne l’indique pas clairement – avaient obtenu une délégation d’autorité parentale sur un enfant de nationalité djiboutienne. Le jugement avait été rendu le 29 mars 2016 par le tribunal de première instance de Djibouti. Cette décision avait ensuite été revêtue de l’exequatur en France par une décision du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 10 janvier 2017. Ce même tribunal devait cependant refuser la reconnaissance d’un second jugement du tribunal de première instance de Djibouti, rendu le 21 juin 2016, ayant prononcé l’adoption plénière de l’enfant au profit de ces mêmes personnes. Le motif du rejet était purement procédural : l’absence de production aux débats de l’original de l’exploit de la signification de la décision étrangère (les époux devaient produire en cause d’appel la signification de cette décision). Les adoptants ont interjeté appel de cette décision, le procureur général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence concluant quant à lui à sa confirmation sur le fondement des dispositions de la convention franco-djiboutienne du 27 septembre 1986 qui détermine les conditions de la reconnaissance des décisions rendues par les autorités judiciaires des deux États. Plus précisément, le parquet considérait que deux conditions prévues à l’article 35, § 1 et § 6, n’étaient pas remplies. Le § 1 exige que : « La décision émane d’une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence dans l’État requis ». Or ces règles sont aujourd’hui synthétisées dans la jurisprudence Simitch97 qui se contente de l’existence d’un lien caractérisé entre le litige et la juridiction choisie ainsi que de l’absence de choix frauduleux de cette juridiction. La cour relève, à juste titre, que cette condition était remplie, les adoptants, l’enfant et la mère biologique résidant alors à Djibouti. Aucune fraude n’était par ailleurs apparente. Mais, en réalité, ce n’était pas sur ce terrain que se plaçait l’argumentation du parquet. Si, selon lui, le tribunal de première instance de Djibouti n’était pas compétent, c’est parce qu’une loi djiboutienne du 30 septembre 2014 exigeait, à compter de cette date, que la personne ou le couple souhaitant procéder à une « adoption-protection » soit de nationalité djiboutienne et de confession musulmane. En d’autres termes, c’était considérer que le juge djiboutien n’était pas compétent parce que son droit lui interdisait de prononcer une adoption plénière au profit des requérants. La confusion était évidente entre contrôle de la compétence internationale indirecte du juge étranger et contrôle de la loi appliquée par ce dernier, pour ne pas dire appréciation du bien-fondé de la décision étrangère. La cour d’appel était en somme invitée à se comporter comme si elle était une juridiction d’appel djiboutienne, ce qui l’aurait conduit à une révision du jugement prohibée par l’article 39 de la convention98. La cour rejette donc fort justement cette argumentation.

Quant à l’article 35, § 6, il invite à vérifier qu’« un litige entre les mêmes parties fondées sur les mêmes faits et ayant le même objet :

  • n’est pas pendant devant une juridiction de l’État requis, première saisie ;

  • n’a pas donné lieu à une décision rendue par une juridiction de l’État requis, réunissant les conditions nécessaires pour être reconnue ;

  • n’a pas donné lieu à une décision rendue dans un État tiers réunissant les conditions nécessaires à sa reconnaissance sur le territoire de l’État requis » .

Apparemment, le parquet voyait une contradiction entre la décision étrangère ayant délégué l’autorité parentale aux deux époux et celle ayant prononcé l’adoption plénière de l’enfant. Il n’y avait pourtant – à l’évidence – ni litispendance, ni inconciliabilité des décisions, ce que ne manque pas de relever la cour d’appel. Là encore, on ne peut que s’étonner d’une méconnaissance aussi patente des règles générales relatives à la reconnaissance des décisions étrangères, consacrées ici en particulier par la convention franco-djiboutienne.

Il est en revanche curieux que personne n’ait relevé le contenu du § 2 de l’article 35 de la convention selon lequel : « La décision a fait application de la loi applicable au litige en vertu des règles de solution des conflits de lois admis dans l’État où la décision a été reconnue ». Banni en droit commun par la jurisprudence Cornelissen99, le contrôle de la loi appliquée demeure prévu par la convention qui lui est antérieure. Fallait-il donc considérer l’article 35, § 2, comme étant caduc, du moins côté français, ou mettre en œuvre l’article 370-3 du Code civil qui désigne la loi personnelle du ou des adoptants, mais prévoit aussi que l’adoption ne peut être prononcée si la loi nationale de l’adopté la prohibe ? La question n’a pas été soulevée…

Éric KERCKHOVE

Notes de bas de pages

  • 1.
    Carbonnier J., 1960, Dalloz, p. 675, in Verdier P., La réforme de la protection de l’enfance, 2012, Berger-Levrault, p. 19
  • 2.
    Eschylle J-F. et Huyette M., JCl. Civil Code, art. 371 à 387, fasc. 21, Autorité parentale – Assistance éducative – Modalités. Effets, 2015, n° 118.
  • 3.
    Par cette ordonnance, le juge des enfants avait octroyé aux parents des deux enfants placés, un droit de visite deux fois par mois.
  • 4.
    V. CA Riom, 2 juill. 2002, n° 02/00040 : JurisData n° 2002-191240 – CA Riom, 10 déc. 2002, n° 02/00118 : JurisData n° 2002-224935 – CA Amiens, 28 févr. 2008, n° 07/00893 : JurisData n° 2008-358661 – CA Rennes, 22 mars 2013, n° 12/00339, D – CA Limoges, 7 oct. 2013, n° 13/00036, D.
  • 5.
    Les dispositions légales relatives à l’assistance éducatives sont prévues aux articles 375 et suivants du Code civil.
  • 6.
    V. Gouttenoire A., Répertoire de droit civil, Autorité parentale, 2017, Dalloz, n° 31.
  • 7.
    Malacket A., « Des contours de l’intérêt de l’enfant à son instrumentalisation : exemple d’une réforme annoncée en matière d’adoption », (2014) 44 (2-3) R.D.U.S, p. 575.
  • 8.
    V. Pascal J., Les perspectives d’évolution du droit de la filiation en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, Mémoire, 2013, Université de La Rochelle, p. 22.
  • 9.
    Dans cette optique, l’intérêt supérieur de l’enfant se réduit à un écran de fumée derrière lequel les juges, au prétexte de justifier leurs décisions sur un paradigme du droit familial, se prononcent en réalité selon leurs propres convictions et leur propre personnalité, v. not. en ce sens : Dekeuwer-Defossez F., « Réflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD civ. 1995, p. 249.
  • 10.
    V. en ce sens : Tetard S., « La notion d’intérêt de l’enfant : de l’imprécision à l’instrumentalisation », LPA 15 juill. 2015, p. 17 et s.
  • 11.
    Selon la formulation de la disposition du Code civil.
  • 12.
    On assiste donc ici à un détournement de l’objectif initial de la notion d’intérêt de l’enfant, v. à ce propos : Tetard S., « La notion d’intérêt de l’enfant : de l’imprécision à l’instrumentalisation », LPA 15 juill. 2015, p. 17 et s ; Rosenczveig J-P. et Youf D., « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui… dans l’intérêt même des adultes et de la démocratie (extraits du chapitre 1) », Rapport remis à sa demande à Mme Dominique Bertinotti, ministre de la Famille, 29 janv. 2014, p. 55.
  • 13.
    V. Verdier P., « Pour en finir avec l’intérêt de l’enfant », JDJ déc. 2008, n° 280, p. 38.
  • 14.
    V. en ce sens, Malacket A., L’intérêt de l’enfant : notion polymorphe susceptible d’instrumentalisation ou de détournement, L’exemple de l’avant-projet de loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière d’adoption et d’autorité parentale, Mémoire, 2010, Université de Montréal, p. 6.
  • 15.
    V. en ce sens, Lavallée C., L’enfant, ses familles et les institutions de l’adoption. Regards sur le droit français et québécois, 2005, Wilson & Lafleur, n° 334, p. 269.
  • 16.
    V. en ce sens, Tetard S., « La notion d’intérêt de l’enfant : de l’imprécision à l’instrumentalisation », LPA 15 juill. 2015, p. 17 et s.
  • 17.
    Or toute avancée du subjectivisme se traduit inéluctablement par un recul du droit. En ce sens, certains auteurs à l’instar de Jacqueline Rubellin-Devichi, n’hésitent pas à affirmer que « le recours à l’intérêt de l’enfant est parfois un moyen commode pour le juge de se dispenser d’appliquer la règle de droit », V. Verdier P., « Pour en finir avec l’intérêt de l’enfant », JDJ déc. 2008, n° 280, p. 40.
  • 18.
    En tant que notion fuyante, le concept d’intérêt de l’enfant laisse inéluctablement place à une subjectivité certaine du pouvoir décisionnel, v. en ce sens : Bernigaud S., Droit de la famille 2016-2017, Murat P. (dir.), 2016, Dalloz action, n° 242.172.
  • 19.
    Les juges indiquent à cet égard que l’un des enfants est victime d’insomnie et se montre plus violent à l’école qu’auparavant, tandis qu’un autre se consacre pleinement à ses études « au risque d’altérer sa santé ».
  • 20.
    Conformément à la lettre de l’article 375-6 du Code civil, les mesures d’assistances éducatives ont, par principe, un caractère évolutif et provisoire et sont donc adaptables. Dès lors, si le 14 mars 2018, date à laquelle cet arrêt de rejet a été rendu, les juges ont considéré que compte tenu des circonstances de fait propres à cette famille, la demande parentale d’élargissement du droit de visite avait un caractère prématuré, l’espoir des parents de recréer un lien fort avec leurs enfants n’est pas pour autant anéanti. En effet, il se pourrait que dans un avenir proche, une évolution sensible de la part des parents intervienne. Si bien qu’en considération de l’intérêt des enfants placés, conjugué à l’évolution favorable de la situation familiale, les juges pourraient faire droit à une nouvelle demande parentale d’élargissement de leur droit de visite.
  • 21.
    V. en ce sens, Mucchelli J., « Conflit conjugal et djihad : un père condamné à 10 ans de prison pour avoir enlevé sa fille en Syrie », Dalloz actualité, 7 mars 2018.
  • 22.
    COJ, art. L311-1 : « La cour d’appel statue souverainement sur le fond des affaires ». Autrement dit, c’est le pouvoir des juges du fond à apprécier les circonstances de fait. Cette appréciation échappe au contrôle de la Cour de cassation, qui ne s’intéresse qu’à l’application du droit.
  • 23.
    Cass. crim., 17 oct. 2001, n° 01-82591.
  • 24.
    C. civ., art. 203, « Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants ».
  • 25.
    C. civ., art. 371-1, « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ».
  • 26.
    Gouttenoire A. et Guérin M.-C., Rép. pén. Dalloz, v° Abandon d’enfant ou de personne hors d’état de se protéger, 2015, nos 52 et s.
  • 27.
    Véron M., Droit pénal spécial, 16e éd., 2017, Sirey, coll. Université, p. 280-281.
  • 28.
    Véron M., Droit pénal spécial, 16e éd., 2017, Sirey, coll. Université, p. 281.
  • 29.
    V. en ce sens, Mayaud Y., « Abandon moral d’enfant pour cause de terrorisme », RSC 2018, p. 678.
  • 30.
    Dreyer E., « Abandon moral d’enfants par fanatisme », Gaz. Pal. 6 nov. 2018, n° 334h3, p. 51.
  • 31.
    AJ fam. 2018, p. 675, note Kessler G.
  • 32.
    Art. 3.1 de la CIDE. Cf. D. n° 90-917, 12 oct. 1990 portant publication de la convention relative aux droits de l’enfant, signée à New-York le 26 janv. 1990 : JO, 12 oct. 1990, p. 12363.
  • 33.
    CEDH, 30 oct. 2018, n° 40938/16, S.S. c/ Slovénie : AJ fam. 2018, p. 675, note Kessler G.
  • 34.
    Les juges strasbourgeois avaient déjà indiqué que si la rupture des liens entre enfant et parents doit rester exceptionnelle, il faut se placer en priorité du côté de l’intérêt de l’enfant. Cf. CEDH, 10 avr. 2012, n° 19554, P. c/ Portugal : Dr. fam. 2012, comm. 97, p. 20, note Bruggeman M.
  • 35.
    Art. 9.1 de la CIDE. Cf. D. n° 90-917, 12 oct. 1990 portant publication de la convention relative aux droits de l’enfant, signée à New-York le 26 janv. 1990 : JO, 12 oct. 1990, p. 12363.
  • 36.
    Cass. 1re civ., 1er juin 2017, n° 15-29272, D : Dr. famille 2017, comm. 181, p. 41, note Fulchiron H. ; LPA 20 déc. 2018, n° 141n4, p. 13, « Droits de l’enfant : chronique d’actualité législative et jurisprudentielle n° 16 (4e partie) », note Niemiec A.
  • 37.
    C. civ., art. 350 anc.
  • 38.
    L. n° 2016-297, 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant : JO, 15 mars 2016.
  • 39.
    C. civ., art. 381-1 et C. civ., art. 381-2.
  • 40.
    CA Paris, 6 janv. 1977 : JCP G 1977, II 18762, obs. Fournié A.-M.
  • 41.
    Cass. 1re civ., 23 nov. 2011, n° 10-30714 : JCP G 2012, chron. 31, p. 53, obs. Favier Y. ; RTD civ. 2012, p. 109, obs. Hauser J. ; CA Douai, 7e ch., sect. 1, 2 avr. 2015, n° 14/00208 (dans cette affaire, les magistrats ont mis en avant, pour la mère de l’enfant placée sous curatelle, les dispositions de l’article 425 du Code civil qui évoquent l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté).
  • 42.
    CA Paris, 19 févr. 2015, n° 14/14890 (pour les juges, le caractère involontaire du désintérêt ne peut être déduit du seul placement de l’intéressée en curatelle renforcée) ou CA Paris, 7 mai 2015, n° 14/24133 ou encore CA Nancy, 24 juin 2016, n° 16/00225.
  • 43.
    CEDH, 23 juin 2013, n° 4962/11, Zambotto Perrin c/ France : Dr. famille 2014, comm. 6, p. 17, note Neirinck C. ; JCP G 2013, p. 1909, obs. Blay-Grabarczyk K. ; RLDC 2013/109, p. 50, obs. Pouliquen E. ; RTD civ. 2013, p. 829, note Hauser J.
  • 44.
    V. dans ce sens : Corpart I., « Le renforcement du dispositif de protection de l’enfant par la loi du 14 mars 2016 : de nouvelles perspectives dans la continuité », Dr. famille 2016, p. 30 ; Eudier F. et A. Gouttenoire, « La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance. Une réforme “impressionniste” », JCP G 2016, étude 479, p. 814 ; Le Boursicot M.-C., « Beaucoup d’efforts…pour seulement une toute “petite loi” relative à la protection de l’enfant », RJPF 2015/26, p. 35.
  • 45.
    CA Montpellier, 28 févr. 2018, n° 15/03452.
  • 46.
    En effet, depuis la loi du 14 mars 2016, ce sont aux services d’aide sociale à l’enfance d’apporter la preuve qu’ils ont tout mis en œuvre pour le rétablissement du lien parent-enfant. Cf. CA Paris, 6 oct. 2016, n° 16/04118 : « Droits de l’enfant : chronique d’actualité législative et jurisprudentielle n° 14 (3ème partie) », LPA 2 août 2017, n° 128r1, p. 14, note Niemiec A.
  • 47.
    CEDH, 30 nov. 2017, n° 37283/13, Strand Lobben et a. c/ Norvège : AJ fam. 2018, p. 40, obs. Saulier M. ; D. 2018, p. 1664, obs. Bonfils P. et Gouttenoire A.
  • 48.
    CEDH, 26 avr. 2018, n° 27496/15, Hasan c/ Norvège : D. 2018, p. 1664, obs. Bonfils P. et Gouttenoire A.
  • 49.
    Vesneski W., « State Law and the Termination of Parental Rights », Family Court Review 2011, vol. 49, n° 2, p. 364.
  • 50.
    Oned, Enquête sur la situation des pupilles de l’État au 31 décembre 2014, 2016, p. 122.
  • 51.
    C. civ., art. 363 et s.
  • 52.
    CA Paris, 20 avr. 2017, n° 16/08578 : « Droits de l’enfant : chronique d’actualité législative et jurisprudentielle n° 14 (3ème partie) », LPA 2 août 2017, n° 128r1, p. 12, note Niemiec A.
  • 53.
    Par exemple : Cass. 1re civ., 3 déc. 2014, n° 13-24268.
  • 54.
    CASF, art. L.224-4, 5° et CASF, art. L.224-4, 6°.
  • 55.
    CASF, art. L. 225-1.
  • 56.
    Pour reprendre l’expression utilisée lors d’un colloque sur l’adoption et les procréations médicalement assistées. Cf. Dekeuwer-Defossez F. et Cornu G., Les filiations par greffe : adoption et procréation médicalement assistée, Actes des journées d’études des 5 et 6 déc. 1996 organisées par le LERADP, 1997, LGDJ, 176 p.
  • 57.
    L. n° 2016-297, 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant : JO, 15 mars 2016.
  • 58.
    Conseil supérieur de l’adoption, rapport du conseil supérieur de l’adoption sur la pratique et l’avenir de la déclaration judiciaire d’abandon, 2005, p. 5.
  • 59.
    CASF, art. L. 224-4, 5°.
  • 60.
    C. civ., art. 379, al. 2 pour le retrait de l’autorité parentale et CASF, art. L.228-1 pour les pupilles de l’État.
  • 61.
    C. civ., art. 381.
  • 62.
    CASF, art. L. 224-6. Seul le placement en vue d’adoption y fait obstacle (C. civ., art. 352).
  • 63.
    Dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la constitution.
  • 64.
    Caisses d’allocation familiale ou de mutualité agricole.
  • 65.
    Une fixation judiciaire, une convention judiciairement homologuée, une convention de divorce de l’article 229-1 du Code civil ou un accord parental rendu exécutoire par le « titre CAF » de l’article L. 582-2 du Code de la sécurité sociale.
  • 66.
    CSS, art. L. 582-2.
  • 67.
    CSS, art. L. 582-2 ; CSS, art. R. 582-3. Les modalités pratiques de délivrance du titre ont été précisées par les décrets n° 2018-655 et 2018-656 du 24 juillet 2018 et par l’arrêté du 25 juin 2018.
  • 68.
    CE, sect.,1er déc. 1989, n° 103141 : Lebon 1989, p. 242.
  • 69.
    CSS, art. L. 582-2 ; CSS, art. R. 523-3-2 (D. n° 2018-655, 24 juill. 2018).
  • 70.
    Ni jugement ou demande en ce sens, ni acte dressé par notaire. CSS, art. L. 582-2, CSS, art. 523-3-2 (D. n° 2018-655, 24 juill. 2018).
  • 71.
    Exposé des motifs de la loi.
  • 72.
    L’article 7 vise à la fois la CEEE ayant « fait l’objet d’une fixation par l’autorité judiciaire, d’une convention homologuée par elle ou d’une convention de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire ou d’une décision d’un organisme débiteur des prestations familiales prise sur le fondement de l’article L. 582-2 du Code de la sécurité sociale ».
  • 73.
    L’accord parental initial, s’il a dû respecter le barème plancher de l’article L. 582-2 du Code de la sécurité sociale, a pu prendre en compte d’autres considérations que les ressources, par exemple un besoin particulier de l’enfant, pour fixer la pension à un certain niveau.
  • 74.
    Du moins quand la demande est fondée sur l’évolution des ressources, l’évolution des modalités de résidence et d’exercice du droit de visite et d’hébergement nécessitant en revanche l’accord des parties.
  • 75.
    Les sénateurs auteurs de la quatrième saisine ont invoqué la méconnaissance des droits de la défense, du principe du contradictoire et de la séparation des pouvoirs.
  • 76.
    On peut toutefois mettre en avant que la voie choisie de l’expérimentation est faite pour détecter les éventuelles failles de la construction juridique, et qu’une évaluation ultérieure du dispositif doit associer « l’ensemble des acteurs, notamment judiciaires ».
  • 77.
    Cass. 1re civ., 23 oct. 2013, n° 12-25301 : Defrénois 30 avr. 2016, n° 122z6, p. 418, Bardout J-C. ; JCP G 2013, 1269, Bazin E. ; D. 2014, p. 563, obs. Capitaine C. ; RTD civ. 2014, p. 77, obs. Deumier P. ; D. 2013, p. 2968, Leroyer A. ; AJ fam. 2013, p. 703, obs. Thouret S.
  • 78.
    Et 3 niveaux (taux simple, majoré et minoré) en fonction du mode d’hébergement de l’enfant.
  • 79.
    Barème impératif pour sa référence plancher (CSS, art. L 582-2 2°, CSS, art. R. 582-1 ; Arrêté 25 juin 2018).
  • 80.
    La table de référence n’a qu’une valeur indicative.
  • 81.
    Pour les députés auteurs de la première saisine, la trop grande marge d’appréciation laissée aux organismes débiteurs de prestations sociales serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et au principe d’égalité.
  • 82.
    D. n° 2018-655, 24 juill. 2018.
  • 83.
    Cette disposition vise à dissuader le débiteur de tenter de ralentir la procédure en ne fournissant pas les pièces réclamées.
  • 84.
    CSS, art. L. 523-1.
  • 85.
    CSS, art. L. 581-2 et CSS, art. L. 581-3.
  • 86.
    Risque écarté en cas de fixation ou homologation judiciaire (CSS, art. R. 523-3-2 ; D. n° 2018-655, 24 juill. 2018).
  • 87.
    La décision du Conseil constitutionnel ne devrait toutefois pas avoir d’incidence sur la fixation de la CEEE qui n’est pas « déterminée » par la CAF mais par l’accord amiable des parents soumis au barème plancher.
  • 88.
    Sans oublier les problèmes de traduction. V. sur la question Fenet A., « Diversité linguistique et construction européenne », RTD eur. 2001, p. 235 ; Lautissier G., « La législation de l’Union Européenne : une règle unique en vingt-trois langues », in Traduction du droit et droit de la traduction, 2011, Dalloz, p. 80.
  • 89.
    La convention de La Haye du 5 oct. 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs comporte 25 articles. La convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants en compte 63.
  • 90.
    Cass. 1re civ., 28 mars 2000, n° 98-12806 : D. 2000, p. 731, note Garé T. ; D. 2001, p. 2868, obs. Desnoyer C. ; JCP G 2000, II 10409, note Monsallier-Saint Mleux M.-C. ; LPA 5 sept. 2000, p. 8, note Nevejans-Bataille N.
  • 91.
    Murat P. (dir.), Droit de la famille, 7e éd., 2016, Dalloz, n° 211-55 et les réf. citées.
  • 92.
    V., par ex., Audit B. et d’Avout L., Droit international privé, 2018, LGDJ, nos 864 et s.
  • 93.
    Cass. 1re civ., 26 mai 1999, n° 96-16361, Mutuelles du Mans IARD : Ancel B. et Lequette Y., Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., 2006, Dalloz, n° 77 et Belaid A., n° 78.
  • 94.
    On rappellera, par ex., que la protection de l’enfant est susceptible de provoquer l’application du règlement Bruxelles II bis du 27 nov. 2003 (responsabilité parentale), des conventions de La Haye de 1961 ou 1996 (préc.), de la convention de La Haye du 25 oct. 1980 (aspects civils de l’enlèvement international), sans oublier le règlement Aliments du 18 déc. 2008.
  • 95.
    Cass. 1re civ., 7 janv. 1964, Munzer : Ancel B. et Lequette Y., Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., 2006, Dalloz, n° 41.
  • 96.
    Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 05-14082, Cornelissen : D. 2007, p. 1115, note d’Avout L. et Bollée S. ; Rev. crit. DIP 2007, p. 420, note Ancel B. et Muir-Watt H. ; AJDI 2007, p. 1195, note Train F.-X.
  • 97.
    Cass. 1re civ., 6 févr. 1985 : Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., 2006, Dalloz, n° 70.
  • 98.
    Et de manière plus générale en droit positif v., par ex., Audit B. et d’Avout L., Droit international privé, 2018, LGDJ, n° 556.
  • 99.
    Audit B. et d’Avout L., Droit international privé, 2018, LGDJ, n° 556.
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