La loi du 18 mars 2024 permettra-t-elle réellement de mieux protéger les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales ?

Dans la continuité des lois récentes relatives aux violences au sein de la famille et afin de prendre en considération certaines des préconisations de la CIIVISE, la loi du 18 mars 2024 a été adoptée pour mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales. Cette loi apporte au sein du Code civil et du Code pénal des modifications relatives à l’autorité parentale et à son exercice ainsi qu’au droit de visite et d’hébergement du parent ayant commis des violences sur son enfant mineur ou sur l’autre parent. Les deux principaux apports de la loi tiennent à la systématisation des mesures portant atteinte à l’autorité parentale et au droit de visite et d’hébergement du parent auteur des violences les plus graves lorsqu’une procédure pénale est dirigée contre lui. En effet, ses prérogatives seront désormais automatiquement remises en cause en amont de la décision de la juridiction pénale de jugement, puis ses droits lui seront en principe retirés lors de sa condamnation par cette juridiction, le cas échéant. Si la loi du 18 mars 2024 marque une indéniable progression en faveur de la protection des enfants exposés aux violences dans la sphère familiale, elle n’est pas exempte de certaines critiques.
L. n° 2024-233, 8 mars 2024, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, NOR : JUSX2304333L
« Il n’est pas de violences sans lendemain ». Illustrant leurs constats par la pensée de Victor Hugo, les auteurs de la proposition de loi relative aux enfants victimes de violences intrafamiliales, déposée en décembre 20221, soulignaient que « les violences subies ou l’exposition à des violences dans l’enfance créent des souffrances physiques et psycho-traumatiques extrêmes et durables ». Particulièrement préoccupantes, ces répercussions graves et à long terme le sont d’autant plus au regard du nombre d’enfants concernés par les violences au sein de leur famille : comme les députés le rappelaient, « près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent », « dans 21,5 % des cas, ils en sont directement victimes », « dans tous les cas, ils en sont témoins ». Dès lors, ils insistaient sur la nécessité de mesures qui prendraient mieux en compte l’intérêt des enfants et les protégeraient plus efficacement de leur(s) parent(s) violent(s). Pour ce faire, ils préconisaient de renforcer les dispositifs existants en matière de suspension de l’exercice de l’autorité parentale et de retrait de cette autorité à l’encontre du parent poursuivi ou condamné pour les faits les plus graves. Quoique ces deux mesures soient restées au cœur de la réforme, les textes initialement proposés ont été entièrement réécrits et complétés au fil d’un long travail parlementaire. Ce dernier a finalement abouti à la loi du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales2.
La loi du 18 mars 2024 s’inscrit dans la continuité de plusieurs textes adoptés au cours des dernières années dans le cadre de la lutte contre les violences intrafamiliales, tels que la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille3, celle du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales4 ou celle du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste5. La mise en œuvre de ces lois a néanmoins été jugée, par des associations et professionnels, comme insuffisante pour assurer une réelle protection des enfants victimes de violences, en particulier lorsque celles-ci sont de nature sexuelle et présentent un caractère incestueux. Tel était d’ailleurs le leitmotiv de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) : estimant que les enfants victimes de ces faits n’étaient pas protégés, en raison notamment d’un « déni de réalité »6, elle n’a cessé d’affirmer qu’il fallait « renforcer la culture de la protection pour que les enfants puissent grandir en sécurité » et qu’ils soient « crus et protégés »7. Dans son rapport présenté le 20 novembre 2023 à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, elle a formulé 82 préconisations pour contribuer « à une politique publique de protection renforcée » des enfants8. Plusieurs de ces préconisations portent sur l’autorité parentale ou sur son exercice par le parent auteur des violences, ainsi que sur son droit de visite et d’hébergement. La loi du 18 mars 2024 est inspirée de certaines d’entre elles.
En outre, en visant dans l’intitulé de la loi du 18 mars 2024 les enfants « covictimes » de violences intrafamiliales, le législateur français a pour la première fois introduit cette notion au sein de notre droit et a ainsi expressément consacré l’idée que l’enfant exposé aux violences conjugales en est aussi la victime. Pendant très longtemps la conviction qui, en France, a gouverné nombre de politiques publiques, mais aussi de pratiques professionnelles, était qu’un conjoint violent pouvait cependant être un bon parent et qu’il fallait dès lors tout mettre en œuvre pour maintenir ses liens avec son enfant ainsi que la coparentalité, malgré les violences conjugales9. Cette idéologie a progressivement été remise en cause sous l’impulsion d’études réalisées dans les champs sociologique, psychologique et médical. La souffrance vécue par l’enfant « témoin oculaire et auditif de la violence de l’un de ses parents » a été reconnue, ce qui a permis qu’il passe « du statut de témoin à celui de victime »10. Ainsi, la Convention d’Istanbul a fermement affirmé que « les enfants sont des victimes de la violence domestique, y compris en tant que témoins de violence au sein de la famille »11. Parce qu’un enfant qui évolue dans un contexte de violences conjugales peut avoir « peur de grandir et parfois envie de fuguer, voire de se suicider », cet enfant a peu à peu été envisagé comme une victime « indirecte » ou « par ricochet »12 des violences et il en est même désormais considéré comme une « covictime », de telle sorte que sa protection doit aussi être garantie. De ce fait, il est aujourd’hui communément admis que, puisque l’exercice de ses droits par le parent auteur de violences conjugales est une source de mise en danger de l’enfant, ses prérogatives parentales doivent être limitées13. Comme le soulignait l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale, alors que l’autorité parentale devrait nécessairement être exercée dans l’intérêt de l’enfant14, tel n’est pas le cas lorsqu’un parent fait subir des violences aux membres de sa famille, voire se sert de l’autorité parentale pour les maintenir sous son emprise15 même après la séparation parentale16. Partant, la loi du 18 mars 2024 a également pris en compte la situation des enfants dont l’un des parents commet des violences sur l’autre parent, afin de mieux les protéger.
En définitive, la loi du 18 mars 2024 comprend neuf articles qui, pour l’essentiel17, ont modifié certaines dispositions du Code civil et du Code pénal portant sur les relations entre l’enfant et son parent violent, qu’il s’agisse de leurs relations juridiques, lesquelles se traduisent par l’autorité parentale que le parent exerce sur son enfant mineur, ou de leurs relations affectives, celles-ci se matérialisant juridiquement par le droit de visite et d’hébergement dont il bénéficie. La loi nouvelle adapte des mesures déjà existantes afin de rendre plus systématique la rupture des liens juridiques et personnels de l’enfant mineur avec son parent auteur de violences. À cette fin, les prérogatives du parent violent sont désormais remises en cause, d’une part lorsque ce dernier fait l’objet d’une procédure pénale, avant toute condamnation (I), et d’autre part lorsqu’il est condamné par la juridiction pénale pour les violences commises à l’encontre de son enfant ou de l’autre parent (II).
I – Les mesures relatives aux prérogatives parentales intervenant en amont de la condamnation pénale
La loi du 18 mars 2024 s’inscrit dans la lignée de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille. En effet, cette dernière a permis qu’il soit porté atteinte aux prérogatives d’un parent auteur de violences conjugales lorsqu’il fait l’objet d’une procédure pénale, bien qu’il n’ait pas encore été condamné pour ces faits. La loi de 2024 a opportunément étendu cette possibilité aux prérogatives du parent auteur de violences envers son enfant mineur. Pour ce faire, la loi du 18 mars 2024 a modifié les dispositions de l’article 378-2 du Code civil. Créé par la loi de 2019, ce texte prévoyait que l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent sont suspendus de plein droit. Participant de l’invalidation de la croyance selon laquelle l’auteur de violences conjugales peut demeurer un bon parent, ce dispositif pouvait être salué en ce qu’il devait contribuer à la protection de l’enfant dont l’un des parents avait commis un crime sur son autre parent18. Toutefois, il était pour le moins discutable que la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement n’intervienne qu’en cas de crime commis à l’encontre de l’autre parent et non lorsque c’était l’enfant qui avait été victime d’un crime perpétré par son parent. Ainsi, le parent mis en cause pour des violences conjugales graves perdait ses prérogatives parentales, alors que celui qui avait violenté son enfant conservait par principe tous ses droits. L’enfant victime de violences, notamment d’inceste, était donc moins bien protégé que l’enfant covictime de violences conjugales. La loi de 2024 a mis un terme à ce curieux paradoxe : elle a ajouté aux dispositions de l’article 378-2 du Code civil que l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement sont de surcroît suspendus de plein droit lorsque le parent est poursuivi par le ministère public ou mis en examen par le juge d’instruction « pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant ».
En visant de manière générale « un crime commis sur la personne de son enfant », la loi de 2024 est allée au-delà des préconisations de la CIIVISE, qui avait recommandé que le législateur prévoie la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi « pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant »19. Or il résulte des nouvelles dispositions de l’article 378-2 du Code civil que cette suspension s’opère pour tous les crimes commis par un parent sur son enfant, ce qui concerne évidemment le viol20 mais inclut aussi d’autres crimes tels que les violences de nature criminelle21, les tortures et actes de barbarie22, l’enlèvement et la séquestration23, le proxénétisme à l’égard d’un mineur de 15 ans24, l’empoisonnement25, la tentative de meurtre26, le délaissement aggravé27, etc. Cette extension est salutaire dans la mesure où il est très difficilement concevable qu’un parent mis en cause pour de tels faits commis à l’encontre de son propre enfant puisse exercer ses prérogatives parentales dans l’intérêt de sa progéniture. En revanche, il peut être déploré qu’en matière délictuelle la loi du 18 mars 2024 n’ait rendu automatique la suspension des prérogatives parentales qu’à l’égard du parent mis en cause pour agression sexuelle incestueuse28 et non pour tous les délits commis par un parent sur la personne de son enfant. Cela aurait permis la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent ayant commis des violences délictuelles de façon intentionnelle29 à l’égard de son enfant ou qui serait mis en cause pour corruption de mineur30 ou pour des faits de harcèlement moral31 ou sexuel32, ou encore pour des menaces33 envers lui. En visant uniquement les agressions sexuelles incestueuses, le législateur n’a envisagé la suspension des prérogatives parentales en matière délictuelle que sous le prisme de l’inceste, ce qui nous semble regrettable car un parent poursuivi ou mis en examen pour n’importe quel délit commis sur la personne de son enfant34, en particulier pour des faits de violences, ne nous paraît pas en mesure d’exercer l’autorité parentale dans le meilleur intérêt de celui-ci.
Par ailleurs, la loi du 28 décembre 2019 avait prévu que la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement s’appliquait jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales (JAF) et pour une durée maximale de six mois, à charge pour le procureur de la République de saisir ce juge dans un délai de huit jours. Or, en pratique, cette durée maximale de six mois est rapidement apparue comme insuffisante au vu de la longueur des procédures pénales, qui plus est dans les affaires d’inceste dont la complexité occasionne des délais pouvant s’étaler sur plusieurs années entre les poursuites ou la mise en examen d’un parent et son jugement par une juridiction pénale. Ce constat a été pris en compte par les parlementaires dans le cadre des travaux préparatoires à la loi du 18 mars 2024, laquelle modifie l’article 378-2 du Code civil également sur ce point : dorénavant, la suspension des prérogatives du parent mis en cause a lieu soit « jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi », soit « jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision de la juridiction pénale »35. À la lecture de ces nouvelles dispositions, l’on comprend que le parent dont les prérogatives ont été automatiquement suspendues – par l’effet des poursuites dirigées contre lui ou de sa mise en examen à raison des faits commis contre son enfant ou contre l’autre parent – peut immédiatement saisir le JAF afin de recouvrer l’exercice de l’autorité parentale et ses droits de visite et d’hébergement36. À défaut, il ne récupérera ses prérogatives qu’au terme de l’instruction si celle-ci se clôture par une ordonnance de non-lieu concernant les faits qui lui étaient reprochés, ou bien à l’issue de son procès devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises (ou cour criminelle) si la juridiction de jugement prononce à son égard une décision de relaxe ou d’acquittement. Dans le cas contraire, si ce parent est condamné, il fera alors, en principe, l’objet d’un retrait de l’autorité parentale puisque, aux termes du nouvel article 378, alinéa 1, du Code civil37, ce retrait présente désormais un caractère automatique en cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis par un parent sur son enfant ou en cas de crime commis contre l’autre parent38.
Lorsque, en application de l’article 378-2 du Code civil, l’exercice de l’autorité parentale du parent violent envers son enfant est suspendu pendant le temps de la procédure pénale, c’est en principe à l’autre parent qu’il revient dorénavant d’exercer l’autorité parentale et, partant, de prendre seul les décisions relatives à l’enfant39. Les choses sont plus complexes lorsque l’enfant n’a pas d’autre parent en mesure d’exercer l’autorité parentale (par exemple parce que l’autre parent est décédé). En pareille circonstance, l’autorité parentale n’est plus exercée par le parent violent, puisque ses prérogatives sont suspendues, mais elle ne peut pas non plus l’être par l’autre parent. Cette situation a été prise en compte par la loi du 18 mars 2024, qui a permis que, dans ce cas, l’exercice de l’autorité parentale soit délégué à un tiers. La loi du 28 décembre 2019 avait déjà prévu, à l’article 377, alinéa 2, du Code civil, que la délégation de l’exercice de l’autorité parentale peut être ordonnée lorsqu’un parent est mis en cause pour un crime ayant entraîné la mort de l’autre parent. Mais, de façon peu cohérente une nouvelle fois, la délégation n’était pas envisagée lorsqu’un parent avait commis des actes violents sur son propre enfant. Cette lacune a été comblée par la loi du 18 mars 2024. Outre qu’elle a réécrit les dispositions relatives à la délégation40 et a complété celles relatives à la situation où un parent a causé la mort de l’autre parent41, la loi de 2024 a prévu à l’article 377 du Code civil un nouveau cas de délégation de l’exercice de l’autorité parentale en cas de violences commises par un parent contre son enfant. Désormais, la délégation peut être ordonnée par le JAF lorsqu’« un parent est poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant alors qu’il est le seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale »42. La délégation de l’exercice de l’autorité parentale permettra au tiers délégataire d’accomplir les actes de l’autorité parentale et de prendre les décisions relatives à l’enfant sans avoir besoin du consentement du parent mis en cause pour les violences43.
Les dispositions introduites à l’article 377 du Code civil par la loi du 18 mars 2024 appellent au moins deux remarques sur le fond44. En premier lieu, de la même manière que pour la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement, l’on peut regretter que le législateur n’ait envisagé la délégation de l’exercice de l’autorité parentale consécutive à des violences infligées à l’enfant qu’en matière de crimes et d’agressions sexuelles, à l’exclusion des nombreux autres délits qu’un parent pourrait avoir commis sur la personne de son enfant. En second lieu, et c’est là le plus problématique, le fait que la délégation de l’exercice de l’autorité parentale ne soit envisagée que lorsque le parent violent vis-à-vis de son enfant « est le seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale » laisse perplexe. Ces termes induisent que la délégation n’est admise que si l’autre parent n’a pas ou n’a plus la titularité de l’autorité parentale. Il en sera ainsi lorsque cet autre parent n’a pas établi sa filiation à l’égard de l’enfant45, lorsqu’il a fait l’objet d’un retrait total de l’autorité parentale46 ou d’une déclaration judiciaire de délaissement parental47 ou encore s’il est décédé48. Dans ces quatre situations, il n’y a guère de doute : les nouvelles dispositions de l’article 377 du Code civil sont applicables, donc le JAF pourra être saisi aux fins de déléguer l’exercice de l’autorité parentale qui était préalablement détenue par le parent seul titulaire de l’autorité parentale, dont les prérogatives ont été suspendues de plein droit par application de l’article 378-249. En revanche, lorsqu’un parent n’exerce pas ou plus l’autorité parentale, il demeure néanmoins titulaire de cette autorité50. Il en va ainsi lorsqu’un parent a reconnu l’enfant tardivement51, mais également lorsqu’il est privé de l’exercice de l’autorité parentale soit du fait des circonstances parce qu’il est hors d’état d’exprimer sa volonté52, soit en application d’une décision du JAF ayant confié à l’autre parent l’exercice exclusif de l’autorité parentale53 ou d’une décision d’une juridiction pénale de jugement ayant ordonné le retrait du seul exercice de l’autorité parentale54.
Il faudrait donc en déduire que, dans ces quatre situations, le nouveau cas de délégation de l’exercice de l’autorité parentale prévu par l’article 377 du Code civil n’est pas applicable. En conséquence, si le parent exerçant seul cette autorité a commis des violences sur l’enfant et que l’exercice de son autorité parentale a été suspendu de plein droit sur le fondement de l’article 378-2 du Code civil, alors il n’y aurait plus de parent en mesure d’exercer ladite autorité ; pourtant le JAF ne pourrait pas être saisi par un tiers aux fins qu’il lui délègue cet exercice. La référence à la titularité de l’exercice de l’autorité parentale, plutôt qu’au seul exercice de cette autorité, réduit les possibilités de délégation, ce qui est vivement critiquable. En outre, reste intacte la question de savoir qui pourra exercer l’autorité parentale dans l’hypothèse où, alors que les deux parents en étaient titulaires mais qu’un seul l’exerçait, celui-ci fait l’objet d’une suspension de l’exercice de son autorité parentale en raison des poursuites dirigées contre lui ou de sa mise en examen pour les faits de violence commis contre son enfant ou même contre l’autre parent. Faudrait-il alors considérer qu’il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 373-3, alinéa 1, du Code civil ? Selon ce texte, le JAF « peut, à titre exceptionnel et si l’intérêt de l’enfant l’exige, notamment lorsqu’un des parents est privé de l’exercice de l’autorité parentale » (en l’occurrence ici du fait de la suspension de plein droit de ses prérogatives parentales fondée sur l’article 378-2 du Code civil) « décider de confier l’enfant à un tiers, choisi de préférence dans sa parenté ». Mais cela ne réglerait pas le problème car, en pareil cas, le tiers auquel l’enfant a été confié n’exerce pas l’autorité parentale : l’article 373-4 du Code civil affirme que « lorsque l’enfant a été confié à un tiers, l’autorité parentale continue d’être exercée par [les parents] », sauf la faculté pour ce tiers d’accomplir les actes usuels relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant. Ce texte ajoute que « le juge aux affaires familiales, en confiant l’enfant provisoirement à un tiers, peut décider qu’il devra requérir l’ouverture d’une tutelle ». Ou alors faudrait-il appliquer l’article 373-5 du Code civil, qui affirme que « s’il ne reste ni père ni mère en état d’exercer l’autorité parentale, il y aura lieu à ouverture d’une tutelle » ? Dans les deux cas, le palliatif aux défaillances des dispositions nouvelles se trouverait donc dans la tutelle, laquelle pourrait être ouverte dans l’hypothèse où le parent auteur de violences envers son enfant aurait été suspendu de ses prérogatives alors qu’il exerçait seul l’autorité parentale et que l’autre parent en était titulaire mais ne l’exerçait pas. Une admission dans des conditions moins restrictives de la délégation de l’exercice de l’autorité parentale aurait peut-être été une solution plus simple, plus rapide et plus efficace55…
II – Les mesures relatives à l’autorité parentale intervenant lors de la condamnation pénale
L’autre principal apport de la loi du 18 mars 2024 tient à l’automaticité de principe du retrait de son autorité parentale lorsqu’un parent est condamné pénalement pour avoir commis les violences intrafamiliales les plus graves. Le retrait de l’autorité parentale au moment de la condamnation d’un parent par une juridiction répressive est régi par l’article 378 du Code civil. Ce texte avait déjà fait l’objet de plusieurs modifications au cours des dernières années, qui avaient pour effet d’élargir les cas de retrait de l’autorité parentale. Initialement, le retrait de cette autorité pouvait être prononcé à l’égard du ou des parent(s) condamné(s) soit comme auteur(s), coauteur(s) ou complice(s) d’un crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme coauteur(s) ou complice(s) d’un crime ou délit commis par leur enfant56.
La loi du 9 juillet 201057, qui s’inscrivait dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales, avait ajouté à ces deux cas classiques une troisième hypothèse : le retrait de l’autorité parentale pourrait être prononcé à l’égard du parent condamné comme auteur, coauteur ou complice d’un crime commis sur la personne de l’autre parent. Puis la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales avait admis le retrait de l’autorité parentale lorsqu’un parent est condamné pour un délit commis sur l’autre parent. De surcroît, entre-temps, la loi du 28 décembre 2019 avait permis aux juridictions de prononcer le retrait uniquement de l’exercice de l’autorité parentale, et ce afin de faire face aux doutes rencontrés par les juges qui, en pratique, hésitaient à prononcer le retrait du droit d’autorité parentale du fait de ses lourdes conséquences et de la rupture des liens familiaux qu’il pouvait engendrer58.
Malgré ces modifications successives, les dispositions relatives au retrait de l’autorité parentale ou de son exercice par les juridictions pénales faisaient toujours l’objet de critiques, et de plus en plus de voix s’élevaient en faveur d’un retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour des violences graves commises envers son enfant. Cette systématisation était l’un des deux principaux objets de la proposition de loi déposée en décembre 2022, qui visait à ce qu’il soit ajouté à l’article 378 du Code civil que le retrait de l’autorité parentale « est automatique lorsque le parent est condamné, comme auteur ou coauteur, pour viol (…) ou agression sexuelle (…) contre la personne de son enfant, ou pour un crime (…) commis sur la personne de l’autre parent »59. Cependant, au cours des travaux parlementaires, a été mis en exergue le risque d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité de la systématisation sans exception du retrait de l’autorité parentale. D’une part, celle-ci aurait pu être censurée par le Conseil constitutionnel, lequel se montre hostile envers les mesures automatiques car elles se heurtent au principe d’individualisation des peines60 ; d’autre part, la Cour européenne des droits de l’Homme a déjà eu l’occasion d’exprimer sa désapprobation à l’égard de la « déchéance automatique des droits parentaux », en se fondant notamment sur le droit au respect de la vie privée et familiale61. C’est pourquoi les parlementaires ont finalement opté pour un retrait de principe de l’autorité parentale, tout en permettant à la juridiction de jugement d’y faire exception. Ainsi, le premier alinéa de l’article 378 du Code civil a été remanié et a fait place à trois alinéas qui envisagent trois hypothèses.
En premier lieu, dans sa version issue de la loi du 18 mars 2024, l’alinéa 1 du nouvel article 378 du Code civil prévoit que lorsqu’un parent est condamné soit pour avoir commis un crime ou une agression sexuelle incestueuse sur son enfant, soit pour avoir commis un crime à l’encontre de l’autre parent, « la juridiction pénale ordonne le retrait total de l’autorité parentale ». Ces dispositions nouvelles apportent une double modification. D’abord, alors qu’auparavant le retrait de l’autorité parentale présentait un caractère facultatif, puisqu’il nécessitait « une décision expresse du jugement pénal » – ce qui permettait à la cour d’assises ou au tribunal correctionnel d’apprécier l’opportunité de prononcer le retrait –, désormais la juridiction répressive n’a plus de pouvoir d’appréciation : elle est tenue par principe d’ordonner le retrait de l’autorité parentale dans les situations de faits visées par le texte. Ensuite, tandis qu’avant la réforme, depuis la loi du 28 décembre 2019, la juridiction pouvait privilégier un retrait ne portant que sur l’exercice de l’autorité parentale, cette possibilité a été écartée par la loi du 18 mars 2024, qui a posé le principe d’un retrait total du droit d’autorité parentale lorsqu’un parent a commis les violences les plus graves contre son enfant ou contre l’autre parent.
Le retrait total de l’autorité parentale a pour conséquence le fait que le parent non seulement ne l’exerce plus, mais il n’en est plus non plus titulaire, ce qui signifie qu’il perd de plein droit tous les attributs personnels et patrimoniaux se rattachant à l’autorité parentale62. Notamment, il perd le droit de consentir à l’adoption, au mariage ou à l’émancipation de son enfant mineur ainsi que le droit d’être informé de toute décision relative à la vie de celui-ci. En outre, le nom de l’enfant peut être changé63 et il peut faire l’objet d’un projet d’adoption64, ce qui fera obstacle à toute demande de restitution de l’autorité parentale65.
Soulignons qu’en affirmant le principe du retrait de l’autorité parentale dès lors qu’un parent est condamné comme auteur ou complice « d’un crime ou d’une agression sexuelle incestueuse » commis sur son enfant, ainsi que s’il est condamné pour « un crime commis sur la personne de l’autre parent », la loi du 18 mars 2024 est, là encore, allée au-delà des recommandations de la CIIVISE. Celle-ci n’avait préconisé le retrait systématique de l’autorité parentale qu’en cas de condamnation d’un parent « pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant »66 et n’avait englobé ni les crimes autres que les viols commis sur l’enfant, ni les crimes commis sur l’autre parent. La systématisation du retrait de l’autorité parentale pour tous les crimes qu’un parent commettrait sur son enfant ou sur l’autre parent nous paraît opportune dans le souci d’assurer une protection effective des enfants victimes ou covictimes de violences intrafamiliales.
Dans l’objectif de se conformer aux exigences constitutionnelles et conventionnelles, les parlementaires ont finalement permis qu’il soit fait exception au principe du retrait systématique de l’autorité parentale dans les cas visés par l’article 378, alinéa 1, du Code civil, en admettant que la juridiction pénale puisse écarter le retrait par « une décision contraire spécialement motivée ». Ainsi, les dispositions nouvelles permettent à la cour d’assises ou au tribunal correctionnel de ne pas ordonner le retrait de l’autorité parentale en cas de crime commis contre l’enfant ou contre l’autre parent et en cas d’agression sexuelle infligée à l’enfant, mais leur marge d’appréciation est nettement plus réduite qu’auparavant car, désormais, ils devront précisément expliquer pourquoi ils ont écarté le retrait67, faute de quoi leur décision pourra être censurée. De surcroît, dans l’hypothèse où la juridiction répressive déciderait de ne pas prononcer le retrait, elle ne pourrait pas, en principe, laisser intactes les prérogatives d’autorité parentale du parent condamné : dans ce cas, les nouvelles dispositions de l’article 378, alinéa 1, du Code civil lui commandent d’ordonner soit le retrait partiel de l’autorité parentale, soit le retrait de l’exercice de cette autorité, qui ont des conséquences moins lourdes68. Derechef, le texte permet à la juridiction pénale de ne prononcer aucune de ces mesures « par une décision contraire spécialement motivée ». Dans tous les cas, l’on peut d’ores et déjà se demander ce qui pourrait bien justifier qu’un parent, ayant par exemple violé son enfant ou tenté de tuer l’autre parent, conserve ses prérogatives d’autorité parentale. Il nous faudra être attentif à la jurisprudence dans les années à venir, en espérant vivement que, dans l’intérêt supérieur des enfants concernés, les juridictions fassent un usage très parcimonieux de ces exceptions.
En deuxième lieu, l’alinéa 2 du nouvel article 378 du Code civil envisage la situation dans laquelle un parent est condamné comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis sur la personne de son enfant : en pareil cas, le texte prévoit que « la juridiction pénale se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité ». Il faut déduire de cette formulation que, à la différence de ce que prévoit le premier alinéa notamment pour les crimes et les agressions sexuelles commis par un parent sur son enfant, le tribunal correctionnel n’est pas tenu d’ordonner le retrait de l’autorité parentale en matière de délits commis par un parent sur son enfant. En revanche, il est contraint de statuer sur ce retrait, c’est-à-dire qu’il doit à tout le moins s’interroger sur sa nécessité69. Ces dispositions nouvelles sont applicables à tous les délits commis sur la personne de l’enfant – autres que les agressions sexuelles qui relèvent de l’alinéa 1 de l’article 378 –, ce qui a pour effet que le tribunal correctionnel doit désormais se poser la question du retrait de l’autorité parentale ou de son exercice dès lors qu’il condamne un parent qui a commis n’importe quel fait de nature délictuelle sur son enfant70. Cette obligation pour la juridiction répressive de se questionner sur l’opportunité du retrait de l’autorité parentale, en fonction de ce qu’exige l’intérêt de l’enfant concerné, nous paraît la bienvenue afin que la protection de ce dernier puisse être véritablement assurée. L’on peut toutefois regretter que le législateur n’ait pas imposé aux juges, dans l’hypothèse où ils n’auraient finalement pas prononcé le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice, d’expliciter pourquoi ils ont fait le choix de ne pas porter atteinte aux prérogatives du parent pourtant condamné pour avoir commis un délit sur son enfant. Faute de précision en ce sens au sein des nouvelles dispositions, l’on peut se demander ce qui garantira que le tribunal correctionnel s’est effectivement prononcé sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de son exercice.
En troisième lieu, l’alinéa 3 de l’article 378 du Code civil, dans sa version issue de la loi du 18 mars 2024, maintient le dispositif antérieur dans les situations où un parent s’est rendu coupable d’un délit commis sur l’autre parent ou encore s’il est condamné comme coauteur ou complice d’un crime ou d’un délit commis par son enfant mineur : dans ces hypothèses, « la juridiction pénale peut ordonner le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de cette autorité ». Dès lors, en pareilles circonstances, les juridictions répressives ne sont tenues ni d’ordonner le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice, ni de statuer sur celui-ci. Si elles ne le font pas, il sera toujours possible de saisir71 le tribunal judiciaire aux fins qu’il ordonne le retrait de l’autorité parentale sur le fondement de l’article 378-1 du Code civil72.
Comme celles de l’ancien article 378 du Code civil, les dispositions nouvelles introduites en matière de retrait de l’autorité parentale ou de son exercice par la loi du 18 mars 2024 laissent dubitatif sur un point : celui de la formation des magistrats des juridictions répressives sur ces mesures d’ordre civil qui affectent l’autorité parentale et qui visent à garantir l’intérêt de l’enfant. Un juge siégeant au sein d’une cour d’assises ou d’un tribunal correctionnel maîtrise-t-il toutes les nuances qui distinguent le retrait total du retrait partiel de l’autorité parentale, ainsi que celles qui différencient le retrait du droit d’autorité parentale du seul retrait de son exercice ? A-t-il connaissance des subtilités quant aux conséquences qu’emportent ces différents types de retrait sur les prérogatives parentales du parent concerné et sur ses relations avec son enfant ? Saura-t-il manier le concept d’intérêt supérieur de l’enfant, qui est déjà complexe à appréhender et à appliquer pour les juridictions civiles73 ? Il nous est loisible d’en douter, si bien que l’on peine aujourd’hui à imaginer comment les magistrats des juridictions pénales pourront, dans le meilleur intérêt de l’enfant, opter entre tel ou tel dispositif de retrait selon les faits pour lesquels ils condamneront un parent.
En parallèle de la modification de l’article 378 du Code civil, la loi du 18 mars 2024 a opéré plusieurs suppressions et ajouts dans le Code pénal afin de tenir compte des nouvelles règles qu’elle a posées en matière de retrait de l’autorité parentale devant être ordonné ou pouvant être ordonné par la juridiction pénale de jugement.
D’une part, la loi de 2024 a créé dans le Code pénal un article 228-1, au sein d’un nouveau chapitre consacré au retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de son exercice en matière d’atteintes à la personne. Cet article reprend la nouvelle hiérarchie issue des alinéas 1 à 3 de l’article 378 du Code civil, à savoir :
• premièrement le principe selon lequel la juridiction pénale ordonne le retrait total de l’autorité parentale à l’égard du parent condamné soit pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse contre son enfant, soit pour un crime commis sur l’autre parent, sauf décision contraire spécialement motivée ;
• deuxièmement l’obligation pour le tribunal correctionnel de statuer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice en cas de condamnation d’un parent pour un autre délit commis contre son enfant ;
• troisièmement, la possibilité pour la juridiction répressive d’ordonner le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice en cas de condamnation d’un parent pour un délit commis contre l’autre parent74.
En outre, la loi nouvelle a apporté trois précisions au sein de cet article 228-1 du Code pénal. D’abord, lorsque les poursuites ont lieu devant la cour d’assises, celle-ci statue sur le retrait de l’autorité parentale sans l’assistance des jurés75, ce qui se justifie par la nature civile du retrait, qui n’est pas une mesure de sanction à l’égard du ou des parents, mais une mesure de protection de l’enfant76. Ensuite, la juridiction pénale peut aussi se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice à l’égard des autres enfants mineurs du parent condamné77, ce qui lui permet d’assurer une protection de l’ensemble de la fratrie, même lorsqu’un seul de ses membres a été victime des violences parentales78. Enfin, la décision de la juridiction de jugement est assortie de plein droit de l’exécution provisoire, elle produit donc ses effets immédiatement même lorsqu’un appel est interjeté.
D’autre part, la loi du 18 mars 2024 a supprimé certaines dispositions du Code pénal qui faisaient obligation à la juridiction de jugement, non pas d’ordonner le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice, mais de se prononcer sur celui-ci, c’est-à-dire de se poser la question de son opportunité. Les dispositions supprimées79 sont celles qui imposaient à la juridiction de statuer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice lorsqu’elle condamnait un parent soit pour un crime ou un délit d’atteinte volontaire à la vie commis sur la personne de son enfant ou de l’autre parent80, soit pour un viol, une agression sexuelle81 ou une atteinte sexuelle82 incestueux commis sur son enfant, soit pour des atteintes volontaires à l’intégrité de son enfant ou de l’autre parent (tortures et actes de barbarie, violences, menaces), pour harcèlement moral ou sexuel commis contre son enfant ou l’autre parent, ou pour viol ou agression sexuelle commis sur l’autre parent83, soit pour des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de son enfant84. De prime abord, ces suppressions peuvent paraître parfaitement logiques : quel intérêt y aurait-il eu à maintenir les dispositions spécifiques du Code pénal qui imposaient au juge répressif de statuer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice alors qu’il résulte des nouveaux articles 378 du Code civil et 228-1 du Code pénal que ce juge a l’obligation, selon les cas, soit d’ordonner le retrait de l’autorité parentale (ce qui aurait alors été contradictoire), soit de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice (ce qui aurait alors été redondant) ? Pourtant, à y regarder de plus près, en voulant réunir au sein d’un seul article du Code pénal les nouvelles règles applicables au retrait de l’autorité parentale ou de son exercice par la juridiction de jugement, les rédacteurs de la loi du 18 mars 2024 sont passés à côté de quelques points malheureusement loin d’être négligeables. En effet, il résultait des dispositions anciennes qu’en cas de délit d’atteinte volontaire à la vie commis par un parent contre l’autre parent, le tribunal correctionnel devait nécessairement statuer sur le retrait de l’autorité parentale85. Il en était de même en cas de délit d’atteinte volontaire à l’intégrité de l’autre parent86. Désormais, l’hypothèse d’un délit commis par un parent contre l’autre parent relève de l’alinéa 3 de l’article 378 du Code civil, qui prévoit uniquement que la juridiction peut ordonner le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice. Il en résulte que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18 mars 2024, le tribunal correctionnel n’est plus tenu de s’interroger sur la nécessité du retrait de l’autorité parentale ou de son exercice lorsqu’il condamne un parent pour atteinte volontaire à la vie de l’autre parent si cette atteinte est de nature délictuelle – ce qui est le cas de l’instigation non suivie d’effet à l’assassinat ou à l’empoisonnement87 – ou encore pour atteinte volontaire à l’intégrité de l’autre parent si elle est constitutive d’un délit – ce qui est le cas d’infractions aussi variées que certaines violences intentionnelles, les agressions sexuelles, le harcèlement moral ou sexuel, les menaces, etc. Ces délits commis contre l’autre parent, bien que trop courants en pratique, semblent avoir échappé à la vigilance des parlementaires, qui étaient pourtant animés d’une réelle volonté de rendre plus fréquent le prononcé du retrait de l’autorité parentale ou, du moins, de son exercice. Or, en n’obligeant plus le tribunal correctionnel à se poser la question du retrait dans ces diverses situations, la loi du 18 mars 2024 marque une indéniable et regrettable régression.
Pour le reste, reconnaissons que les dispositions nouvelles relatives au retrait de l’autorité parentale ou de son exercice opèrent effectivement une avancée en faveur de la protection des enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales. Celle-ci résulte notamment du fait que la loi du 18 mars 2024 a raisonné par nature d’infractions plutôt qu’infraction par infraction comme c’était le cas auparavant. En effet, les règles qu’elle a énoncées aux articles 378 du Code civil et 228-1 du Code pénal s’appliquent désormais par catégories d’infractions88, avec des régimes différenciés selon qu’il s’agit de crimes commis contre l’enfant ou l’autre parent, de délits commis contre l’enfant, ou de délits commis contre l’autre parent. Outre que le justiciable et le juriste y gagnent en lisibilité, les dispositions nouvelles devraient favoriser le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice dans des cas où, avant la loi du 18 mars 2024, le retrait n’était qu’optionnel, voire n’était même pas envisagé, alors que le parent avait pourtant porté gravement atteinte aux intérêts de son enfant. Ainsi, en systématisant le retrait de l’autorité parentale dans les cas les plus graves, les dispositions issues de la loi du 18 mars 2024 ont pour effet que le retrait total de l’autorité parentale sera à l’avenir de principe dès lors qu’un parent a tenté de tuer son enfant, l’a empoisonné, l’a violé, lui a infligé des violences criminelles ou des tortures et actes de barbarie, l’a enlevé et l’a séquestré, l’a prostitué, etc. Également, le tribunal correctionnel devra dorénavant nécessairement s’interroger sur l’opportunité du retrait quand il condamnera un parent pour des violences involontaires de nature délictuelle89, alors que jusqu’à présent il ne se posait pas la question. Par exemple, lorsqu’un parent aura causé des blessures à sa progéniture à l’occasion d’un accident de la circulation provoqué par sa consommation d’alcool ou de stupéfiants, le tribunal correctionnel sera à l’avenir dans l’obligation de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de l’exercice de cette autorité, un tel retrait étant justifié lorsque le comportement parental met gravement l’enfant en danger.
Conclusion
L’intitulé de la loi du 18 mars 2024 lui conférait deux objectifs : mieux protéger et mieux accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales. Ces deux objectifs sont-ils atteints ? Concernant le premier objectif, il est manifeste que les dispositions nouvelles devraient concourir à une meilleure protection des enfants en contexte de violences intrafamiliales. D’une part, désormais, tout au long de la procédure pénale dirigée contre lui, le parent auteur de violences graves, que ce soit contre son enfant ou contre l’autre parent, n’interviendra plus dans la vie de sa progéniture : il ne le verra plus dans le cadre d’un droit de visite et d’hébergement et ne participera plus à la prise des décisions le concernant ; d’autre part, si ce parent violent est condamné, le retrait de son autorité parentale sera favorisé, si bien qu’il sera durablement écarté de la vie de l’enfant. Cela étant, la loi du 18 mars 2024 aurait pu aller plus loin, en s’inspirant davantage des préconisations de la CIIVISE90, telles que celles relatives au repérage des violences91, à la création d’une ordonnance de sûreté de l’enfant92 ou encore à la protection des professionnels de santé qui signalent des situations de violences contre des enfants93. S’agissant du second objectif, tenant à un meilleur accompagnement des enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, il semble avoir été totalement oublié en cours de route par les parlementaires. En effet, la loi du 18 mars 2024 ne contient aucune disposition au sujet de l’accompagnement des victimes. Pourtant, il y avait encore beaucoup à accomplir pour mieux accompagner les enfants exposés aux violences dans la sphère familiale94 et pour leur permettre de faire face à leurs traumatismes psychiques et aux troubles graves que ces violences engendrent sur le long terme95.
Restons toutefois optimistes : d’autres propositions de loi sont en cours de discussion au Parlement96. En outre, la loi du 18 mars 2024 prévoit qu’un an après sa promulgation le gouvernement remettra au Parlement un rapport sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales ou intrafamiliales. Espérons que la rédaction de ce rapport permette une prise de conscience des besoins en ce domaine et donne lieu à de nouvelles réformes.
Notes de bas de pages
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1.
AN, prop. L n° 658, 15 déc. 2022, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales, exposé des motifs de la 2e rectification, I. Santiago et a.
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2.
L. n° 2024-233, 18 mars 2024, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales : JO n° 0066, 19 mars 2024.
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3.
L. n° 2019-1480, 28 déc. 2019, visant à agir contre les violences au sein de la famille : JO n° 0302, 29 déc. 2019.
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4.
L. n° 2020-936, 30 juill. 2020, visant à protéger les victimes de violences conjugales : JO n° 0187, 31 juill. 2020.
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5.
L. n° 2021-478, 21 avr. 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste : JO n° 0095, 22 avr. 2021.
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6.
CIIVISE, Inceste : protéger les enfants – À propos des mères en lutte, avis, 27 oct. 2021, p. 6.
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7.
CIIVISE, Violences sexuelles : protéger les enfants, concl. intermédiaires, 31 mars 2022, p. 3.
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8.
CIIVISE, rapp., nov. 2023, Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit », p. 13.
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9.
V. A. Gouttenoire, « La coparentalité à l’épreuve des violences conjugales », in A. Gogos-Gintrand et S. Zeidenberg (dir.), 2010-2020. Une décennie de mutations en droit de la famille, 2021, Dalloz, Thèmes et commentaires, p. 185.
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10.
C. Gatto, « L’intérêt de l’enfant exposé aux violences conjugales », RTD civ. 2014, p. 567, § 1.
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11.
Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, adoptée le 11 mai 2011 par le Conseil de l’Europe.
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12.
I. Corpart, « Enfants victimes de violences intrafamiliales : un nécessaire soutien », JCP G 2023, n° 42, doctr. 1215, § 6.
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13.
A. Gouttenoire, « L’amélioration du dispositif de limitation des droits parentaux de l’auteur de violences intra-familiales par la loi “Santiago” du 18 mars 2024 », Lexbase, 27 mars 2024.
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14.
Conformément à C. civ., art. 371-1, al. 1.
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15.
AN, prop. L n° 658, 15 dée. 2022, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales, exposé des motifs, 2e rectification.
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16.
V. not. A. Gruev-Vintila, Le contrôle coercitif, 2023, Dunod.
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17.
Pour le reste, la loi du 18 mars 2024 a apporté deux modifications sur lesquelles nous ne nous attarderons pas. Premièrement, elle a complété l’alinéa 4 de l’article 373-2 du Code civil, selon lequel tout changement de résidence de l’un des parents doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. La loi nouvelle a très opportunément et logiquement ajouté à ce principe une exception, en précisant que l’obligation d’information « ne s’applique pas au parent bénéficiaire d’une autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence [si une] ordonnance de protection a été requise à l’encontre de l’autre parent ». Deuxièmement, la loi du 18 mars 2024 a modifié l’article 138, 17°, du CPP, relatif aux obligations du contrôle judiciaire, qui envisage qu’en cas d’infraction commise contre le conjoint, le partenaire ou le concubin ou contre les enfants, il soit imposé au mis en examen de résider hors du domicile du couple et de s’abstenir d’y paraître. Auparavant, ce texte prévoyait que le juge « se prononce, par une décision motivée, sur la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur dont la personne mise en examen est titulaire ». Ces dispositions ont été remplacées par la règle selon laquelle « la décision de ne pas ordonner la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur dont la personne mise en examen est titulaire est spécialement motivée ». Il est possible de déduire que, désormais, la suspension du droit de visite et d’hébergement du parent mis en examen est de principe, et que ce n’est que par exception, par une décision spécialement motivée, que les juges pourront décider de ne pas suspendre ce droit de visite et d’hébergement.
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18.
Bien que la suspension de plein droit des prérogatives du parent concerné ait pu paraître critiquable au regard du principe de la présomption d’innocence : v. B. Mallevaey, « Loi du 28 décembre 2019 et exercice de l’autorité parentale : quand la protection des victimes de violences intrafamiliales devient source d’insécurité juridique », LPA 19 avr. 2021, n° LPA156e4.
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19.
CIIVISE, rapp., nov. 2023, Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit », préconisation n° 52.
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20.
Le viol est un crime réprimé par les articles 222-23 et suivants du Code pénal.
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21.
Constituent notamment des violences de nature criminelle les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente lorsqu’elles ont été commises sur un mineur de 15 ans, selon l’article 222-10 du Code pénal.
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22.
Les tortures et actes de barbarie sont punis par les articles 222-1 et suivants du Code pénal.
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23.
L’enlèvement et la séquestration sont sanctionnés par les articles 224-1 et suivants du Code pénal.
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24.
Le proxénétisme commis à l’égard d’un mineur de 15 ans est puni de peines criminelles par l’article 225-7-1 du Code pénal.
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25.
L’empoisonnement, qui est punissable même s’il n’a pas causé la mort de la victime, est défini par l’article 221-5 du Code pénal.
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26.
Le meurtre est réprimé par les articles 221-1 et suivants du Code pénal.
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27.
Il résulte de l’article 227-2, alinéa 1, du Code pénal que le délaissement d’un mineur de 15 ans est un crime lorsqu’il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.
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28.
Les agressions sexuelles sont réprimées par les articles 222-27 et suivants du Code pénal. Elles sont qualifiées d’incestueuses, en vertu de l’article 222-22-3 du Code pénal, notamment lorsqu’elles sont commises par un ascendant.
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29.
Constituent par ex. des violences relevant de la catégorie des délits les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, qui sont réprimées par les articles 222-11 et suivants du Code pénal. Bien que graves, de telles violences commises par un parent à l’égard de son enfant n’entraîneront pas la suspension automatique de l’exercice de son autorité parentale et de ses droits de visite et d’hébergement, parce qu’elles sont de nature délictuelle.
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30.
La corruption de mineur est un délit prévu par l’article 227-22 du Code pénal.
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31.
Le harcèlement moral commis à l’égard d’un mineur est visé par l’article 222-33-2-2 du Code pénal.
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32.
Le harcèlement sexuel est un délit puni par l’article 222-33 du Code pénal.
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33.
Les menaces sont constitutives d’un délit selon les articles 222-17 et suivants du Code pénal.
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34.
L’on aurait d’ailleurs pu envisager que la suspension des prérogatives parentales s’applique aussi en cas d’infraction commise contre les biens de l’enfant. En effet, lorsqu’un parent qui, en tant que titulaire de l’exercice de l’autorité parentale, a la charge d’administrer le patrimoine de son enfant mineur (en application de C. civ., art. 382 et s.), s’approprie frauduleusement les biens de ce dernier, par exemple en commettant un abus de confiance (délit puni par C. pén., art. 314-1), l’on peut douter qu’il soit en capacité d’exercer l’autorité parentale dans l’intérêt de son enfant.
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35.
Le point de départ de la suspension des prérogatives du parent violent a aussi été précisé : auparavant l’article 378-2 du Code civil visait notamment le parent « poursuivi », désormais il vise le parent « poursuivi par le ministère public ou mis en examen par le juge d’instruction ». Si le choix de ne pas suspendre les prérogatives parentales dès l’enquête de police a dû être fait afin de respecter la présomption d’innocence et le droit au respect de la vie privée et familiale, le moment à partir duquel l’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement sont suspendus a pu paraître tardif : M. Lamarche, « Les droits parentaux de l’auteur de violences intrafamiliales », Dr. famille 2024, alerte 57.
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36.
Le JAF ne fera droit à sa demande que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, comme l’exige l’article 373-2-6, alinéa 1, du Code civil.
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37.
Dont les modalités d’application seront détaillées dans la deuxième partie du présent article.
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38.
C’est d’ailleurs en raison de cette automaticité du retrait de l’autorité parentale que le parent « condamné, même non définitivement », qui était visé sous l’empire des dispositions issues de la loi du 28 décembre 2019, n’est plus mentionné par l’article 378-2 du Code civil depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18 mars 2024 : la suspension des prérogatives du parent lors sa condamnation n’a plus lieu d’être dès lors que son autorité parentale lui sera en principe retirée.
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39.
Dans ce cas, il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 373-2-1, alinéa 5, du Code civil en vertu desquelles « le parent qui n’a pas l’exercice de l’autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et l’éducation de l’enfant » et « doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier ». Le même texte lui impose par ailleurs de respecter l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions de l’article 371-2 du Code civil.
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40.
Pour plus de clarté, l’alinéa 2 de l’article 377 du Code civil a été remplacé par quatre paragraphes qui énumèrent les différentes situations dans lesquelles le JAF peut être saisi par le candidat à la délégation aux fins de lui transférer l’exercice de l’autorité parentale. Elles s’ajoutent à la possibilité pour le juge de déléguer l’exercice du droit à l’image de l’enfant, introduite par la loi n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (JO n° 0042, 20 févr. 2024), sur laquelle v. B. Mallevaey, « Loi du 19 février 2024 sur le droit des enfants au respect de leur image : l’illustration parfaite d’un texte incohérent, inutile et incomplet ? », Actu-juridique.fr, 23 avr. 2024, n° AJU013d3.
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41.
La loi du 18 mars 2024 a précisé à l’article 377 du Code civil qu’étaient visées les hypothèses dans lesquelles un parent, mis en cause pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci, « est poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement ».
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42.
Comme auparavant, l’article 377 du Code civil prévoit que le JAF peut être saisi par un particulier ou par l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui a recueilli l’enfant, ou encore par un membre de la famille, qui demande à se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale. Le juge peut aussi être saisi par le ministère public s’il a préalablement obtenu l’accord du tiers potentiellement délégataire.
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43.
Ce dernier conserve cependant le droit et le devoir de surveiller l’éducation de l’enfant et d’être informé des choix importants le concernant, conformément à l’article 373-2-1, alinéa 5, du Code civil.
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44.
Sur un plan purement formel, l’on pourrait s’étonner que les nouvelles dispositions relatives à la délégation de l’exercice de l’autorité parentale visent les poursuites mises en œuvre contre le parent violent « par le procureur de la République » alors que, pour la suspension des prérogatives parentales prévue par l’article 378-2 du Code civil, la loi du 18 mars 2024 a visé les poursuites exercées « par le ministère public ». Cela étant, l’absence d’harmonisation des dispositions législatives et réglementaires est aujourd’hui si courante que l’on ne s’émouvra pas davantage de cette incohérence.
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45.
Seul un parent ayant établi sa filiation à l’égard de son enfant est titulaire de l’autorité parentale. Dans le même sens, si l’enfant a été adopté par un seul adoptant, ce dernier est seul investi de l’autorité parentale. Dans les deux cas, un seul parent étant titulaire de l’autorité parentale, les nouvelles dispositions de l’article 377 du Code civil sont applicables, ce qui permet d’envisager la délégation de l’exercice de son autorité parentale s’il a été violent envers l’enfant.
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46.
En application soit de l’article 378 du Code civil (qui vise le retrait de l’autorité parentale par une juridiction pénale), soit de l’article 378-1 du Code civil (qui envisage le retrait de l’autorité parentale par le tribunal judiciaire).
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47.
Selon l’article 381-2, alinéa 4, du Code civil, le délaissement parental peut être déclaré à l’égard des deux parents ou bien d’un seul.
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48.
En cas de décès de l’un des parents, en principe le parent survivant exerce dorénavant seul l’autorité parentale : C. civ., art. 373-1.
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49.
En ce sens également, E. Gallardo, « Protection des enfants contre les violences intrafamiliales : la loi est publiée », JCP G 2024, n° 12, act. 363.
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50.
Sur la distinction entre titularité du droit d’autorité parentale et exercice de cette autorité parentale, V. Larribau-Terneyre et M. Azavant, Rép. proc. civ. Dalloz, v° Autorité parentale, 2021, n° 6.
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51.
Aux termes de l’article 372, alinéa 2, du Code civil, « lorsque la filiation est établie à l’égard de l’un [des parents] plus d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre », le principe est que « celui-ci reste seul investi de l’exercice de l’autorité parentale ».
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52.
Selon l’article 373 du Code civil, « est privé de l’exercice de l’autorité parentale le [parent] qui est hors d’état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause ».
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53.
L’article 373-2-1 du Code civil permet à titre exceptionnel au JAF, « si l’intérêt de l’enfant le commande », de « confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents ».
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54.
En application de C. civ., art. 378.
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55.
Même si la tutelle apparaît comme la « mesure de substitution par excellence » : C. Siffrein-Blanc et P. Bonfils, « Une nouvelle loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales », Dr. famille 2024, comm. 66.
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56.
C. civ., art. 378 anc., al. 1, issu de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996, relative à l’adoption : JO n° 156, 6 juill. 1996.
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57.
L. n° 2010-769, 9 juill. 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants : JO n° 0158, 10 juill. 2010.
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58.
B. Mallevaey, « La protection judiciaire de l’enfant face au comportement sexuel de ses parents », in B. Mallevaey et A. Fretin (dir.) L’enfant et le sexe, 2021, Dalloz, Thèmes et commentaires, p. 189.
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59.
AN, prop. L n° 658, 15 dée. 2022, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales, exposé des motifs, 2e rectification.
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60.
T. Scherer, « Nouvelle loi relative aux violences intrafamiliales : l’union du droit civil et du droit pénal », Dalloz actualité, 28 mars 2024.
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61.
CEDH, 17 juill. 2012, n° 64791/10, D. et a. c/Malte : AJ fam. 2012, p. 549, obs. M. Rouillard.
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62.
C. civ., art. 379, al. 1.
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63.
C. civ., art. 380-1, qui prévoit qu’en prononçant le retrait total de l’autorité parentale, la juridiction peut statuer sur le changement de nom de l’enfant sous réserve de son consentement personnel s’il est âgé de plus de 13 ans.
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64.
Si le retrait de l’autorité parentale a été ordonné à l’égard de l’un des deux parents, alors l’enfant peut être adopté par le conjoint, le partenaire ou le concubin de son autre parent : C. civ., art. 370-1-3, 3°. Si le retrait de l’autorité parentale a été prononcé à l’égard des deux parents, alors l’alinéa 1 de l’article 380 du Code civil commande au juge soit de désigner un tiers auquel l’enfant sera provisoirement confié, à charge pour lui de requérir l’organisation d’une mesure de tutelle, soit de confier l’enfant au service de l’ASE. Dans ce dernier cas, l’enfant est admis en qualité de pupille de l’État et peut faire l’objet d’un projet d’adoption (CASF, art. L. 224-4, 5° et CASF, art. L. 225-1).
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65.
C. civ., art. 381, qui envisage l’action en restitution de l’autorité parentale, prévoit qu’aucune demande en restitution n’est recevable si, avant le dépôt de la requête, l’enfant a été placé en vue de son adoption.
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66.
CIIVISE, rapp., nov. 2023, Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit », préconisation n° 56.
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67.
Or il sera plus complexe pour la juridiction « de montrer en quoi le retrait ne s’impose pas, que d’expliquer en quoi il s’impose » : E. Gallardo, « Protection des enfants victimes et co-victimes de violences conjugales, quelles avancées ? », JCP G 2024, n° 17, doctr. 542, § 11.
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68.
Notamment, en cas de retrait partiel de leur autorité parentale, les parents conservent certaines prérogatives, telles que le droit de consentir à l’adoption, au mariage et à l’émancipation de leur enfant (pour de plus amples développements, v. A. Gouttenoire, Rép. civ. Dalloz, v° Autorité parentale, 2024, n° 430). En cas de retrait ne portant que sur l’exercice de l’autorité parentale, les parents demeurent titulaires de cette autorité ; ils conservent notamment le droit et le devoir de surveiller l’éducation de leur enfant et d’être informés des choix importants relatifs à la vie de ce dernier : C. civ., art. 373-2-1, al. 5. Les parents pourront en outre saisir le JAF aux fins de recouvrer l’exercice de leur autorité parentale. La loi du 18 mars 2024 a d’ailleurs prévu à l’article 381, II, du Code civil que désormais cette demande ne pourrait être formée avant l’expiration d’un délai de six mois. Il résulte en outre des nouvelles dispositions que la demande en restitution de l’exercice de l’autorité parentale est adressée au JAF (alors que celle en restitution de l’autorité parentale relève du tribunal judiciaire).
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69.
Pour ce faire, le tribunal peut se fonder sur les éléments versés au dossier de la procédure pénale par le ministère public, en application de CPP, art. D. 1-11-1, al. 3, tels que des pièces émanant de procédures antérieures devant le tribunal judiciaire, le JAF ou le juge des enfants.
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70.
Alors qu’avant la loi du 18 mars 2024, le Code pénal n’envisageait l’obligation pour la juridiction de jugement de statuer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice que pour certains délits, tels que les violences intentionnelles, comme nous le détaillerons infra.
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71.
L’action en retrait de l’autorité parentale est portée devant le tribunal soit par le ministère public, soit par un membre de la famille – donc y compris par l’autre parent en cas de violences commises contre l’enfant ou contre lui – ou le tuteur de l’enfant, soit par le service de l’ASE auquel l’enfant est confié : C. civ., art. 378-1, al. 1.
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72.
Ce texte permet au tribunal judiciaire de retirer l’autorité parentale aux parents en particulier lorsqu’ils ont mis manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de leur enfant par des mauvais traitements ou encore par des comportements délictueux, notamment lorsque l’enfant a été témoin de pressions ou de violences physiques ou psychologiques exercées par l’un de ses parents sur son autre parent.
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73.
En ce sens également, J. Léonhard, « La dualité des mesures et civiles dans la lutte contre les violences intrafamiliales : entre symphonie et dissonances », AJ pénal 2024, p. 68.
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74.
Le texte vise aussi la possibilité pour la juridiction d’ordonner le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice en cas de condamnation d’un parent comme auteur ou complice d’un crime ou d’un délit commis par son enfant, mais nous ne reviendrons pas sur ces dispositions ici, car elles ne sont pas concernées par nos observations à venir.
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75.
Cette règle figurait déjà auparavant dans les dispositions du Code pénal qui envisageaient le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice et qui ont été abrogées par la loi du 18 mars 2024, telles que l’ancien article 221-5-5 (ce texte était applicable en cas de condamnation d’un parent pour un crime ou un délit d’atteinte volontaire à la vie de son enfant ou de l’autre parent) ou encore l’ancien alinéa 9 de l’article 225-4-13 (qui visait le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice à l’égard du parent condamné pour des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de son enfant).
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76.
Cass. 1re civ., 14 avr. 1982, n° 80-80014 et 80-80015 : Bull. civ. I, n° 125 – Cass. 1re civ., 16 févr. 2005, n° 04-82394.
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77.
Cette possibilité était déjà prévue auparavant par des articles du Code pénal relatifs au retrait de l’autorité parentale ou de son exercice qui ont été supprimés par la loi du 18 mars 2024, tels que l’ancien article 222-31-2 (qui envisageait le retrait en cas de condamnation d’un parent pour viol ou agression sexuelle incestueux commis sur son enfant) ou encore l’ancien article 227-27-3 (qui visait le retrait en cas d’atteinte sexuelle incestueuse commise par un parent sur son enfant).
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78.
Si ces dispositions nouvelles ont été approuvées, des auteurs se sont néanmoins interrogés, à juste titre, sur le risque de contradiction avec les dispositions de l’article 379, alinéa 1, du Code civil qui prévoient qu’« à défaut d’autre détermination, [le retrait de l’autorité parentale] s’étend à tous les enfants mineurs déjà nés au moment du jugement » : C. Siffrein-Blanc et P. Bonfils, « Une nouvelle loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales », Dr. famille 2024, comm. 66.
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79.
Les seules dispositions qui n’ont pas été abrogées par la loi du 18 mars 2024 sont celles de l’article 421-2-4-1, alinéa 2, du Code pénal, qui envisagent le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice à l’égard du parent condamné pour avoir fait participer son enfant mineur à une association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste.
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80.
C. pén., art. 221-5-5 anc.
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81.
C. pén., art. 222-31-2 anc.
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82.
C. pén., art. 227-27-3 anc.
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83.
C. pén., art. 222-48-2 anc
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84.
C. pén., art. 225-4-13, al. 9 anc.
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85.
En application de C. pén., art. 221-5-5 anc.
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86.
En vertu de C. pén., art. 222-48-2 anc.
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87.
Ce délit est réprimé par C. pén., art. 221-5-1.
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88.
Hormis le cas des agressions sexuelles incestueuses commises sur l’enfant, qui constituent un délit mais auxquelles la loi de 2024 a appliqué le régime des crimes pour ce qui concerne le retrait de l’autorité parentale.
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89.
Constitue par exemple un délit, puni par les articles 222-19 et suivants du Code pénal, l’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne ayant causé une incapacité totale de travail de plus de trois mois.
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90.
En ce sens également, M. Mesnil, « Violences intrafamiliales et autorité parentale : la loi du 18 mars 2024 », AJ fam. 2024, p. 177.
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91.
Lequel avait fait l’objet de 19 préconisations au sein du rapport de la CIIVISE de novembre 2023 : Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit », p. 611-631.
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92.
CIIVISE, rapp., nov. 2023, Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit », préconisation n° 26.
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93.
À cette fin, la CIIVISE recommandait de garantir l’immunité disciplinaire des médecins et de tous les professionnels auteurs d’un signalement pour suspicion de violences sexuelles contre un enfant : CIIVISE, rapp., nov. 2023, Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit », préconisation n° 17.
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94.
Pour de multiples propositions, v. I. Corpart, « Enfants victimes de violences intrafamiliales : un nécessaire soutien », JCP G 2023, n° 42, doctr. 1215, § 6.
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95.
Sur lesquels, v. C. Ménabé, « Impacts des violences subies dans l’enfance et l’adolescence », in B. Mallevaey et A. Fretin (dir.) L’enfant et le sexe, 2021, Dalloz, Thèmes et commentaires, p. 153.
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96.
Par exemple, une proposition de loi a été déposée au Sénat le 10 avril dernier aux fins d’instituer une ordonnance de sûreté de l’enfant, qui permettrait au JAF de statuer en urgence sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale en cas de violences incestueuses vraisemblablement commises par un parent sur son enfant mineur (Prop. L. n° 530, 10 avr. 2024, M. Carrère).
Référence : AJU013p4
