La société française est-elle devenue matriarcale ?

Publié le 21/03/2022

Le matriarcat désigne notamment  « un régime juridique au sein duquel la parenté se transmet par les femmes, la seule filiation légale étant la filiation maternelle ». Or, pour le professeur Xavier Labbée l’adoption de la loi du 2 août 2021 instaurant la « PMA pour toutes » a posé les jalons d’une société matriarcale. Une révolution plus profonde qu’il n’y parait…

La société française est-elle devenue matriarcale ?
Photo : ©AdobeStock/Alex Smith

Si le matriarcat est habituellement défini comme « un régime social dans lequel la femme possède un rôle décisionnel prépondérant » (auquel cas on ne peut que constater la place majeure qu’occupe aujourd’hui la femme dans le monde juridique et judiciaire, habituellement synonyme de pouvoir V° Xavier Labbée La justice est-elle une femme ? La gazette du Palais 8 décembre 2020) le mot désigne également « un régime juridique au sein duquel la parenté se transmet par les femmes, la seule filiation légale étant la filiation maternelle ». C’est cette définition que nous allons retenir.

Notre société est-elle devenue matriarcale ?  Si les lois permettant la contraception et l’interruption volontaire de grossesse instaurent depuis longtemps au bénéfice de la femme (seule) une liberté grandissante lui permettant de maitriser (seule)  la vie, qu’en est-il de la transmission de la parenté ? Qu’en est-il du droit de la filiation ? L’article 310-1 du code civil dispose que « la filiation est légalement établie… par l’effet de la loi, par la reconnaissance volontaire ou par la possession d’état constatée par un acte de notoriété ». Arrêtons-nous au premier membre de l’article 310-1 et à la « filiation légale » qui est attribuée automatiquement par le législateur.

La filiation maternelle est-elle la seule filiation légale ?

Dans le système du code civil, la famille était fondée sur le mariage (et uniquement sur lui) ce qui emportait une conséquence sur le terrain de la filiation : la femme mariée qui accouchait était automatiquement déclarée mère de l’enfant, tout comme son mari était automatiquement déclaré père, du fait de la présomption de paternité qui était quasiment irréfragable.  Du fait de la loi, le mari devait assumer la paternité des enfants mis au monde par son épouse. C’était ainsi. En revanche, l’enfant naturel issu d’un couple non marié était défavorisé sur le terrain de l’établissement de sa filiation, qui n’était nullement automatique et ne pouvait résulter que d’une démarche volontaire bilatérale de la part de ses parents. Pour voir sa filiation établie, l’enfant devait être reconnu par son père et sa mère. Et la loi interdisait parfois la reconnaissance  bilatérale, en cas d’adultère ou d’inceste. On ne voulait pas voir le fruit du scandale.

Mais les choses ont changé depuis que le mariage  n’est plus l’élément fondateur de la famille. La filiation maternelle deviendrait-elle la seule filiation légale ?

De fait, la filiation maternelle est établie du seul fait de la loi : que la mère soit mariée, partenaire, concubine ou même célibataire, son accouchement établit ipso jure, son lien de filiation sur l’enfant. La  mère n’a aucune démarche à accomplir, elle n’a même plus à reconnaitre l’enfant lorsqu’elle n’est pas mariée. L’article 311-25 c. civ dispose de façon générale que « la filiation est établie à l’égard de la mère par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant ». Nous observons de surcroit que la mère peut décider (seule)  de priver l’enfant qu’elle met néanmoins au monde, de  filiation maternelle, en accouchant dans l’anonymat (art 326 c.civ). La décision n’appartient qu’à elle : elle maitrise donc l’attribution légale de la parenté maternelle

Qu’en est-il de la filiation paternelle ? La présomption légale de paternité qu’avait voulue le code civil, résonne aujourd’hui comme une incongruité, d’abord parce qu’il  n’en existe pas d’identique dans le pacs ou dans le concubinage. Son effet est donc singulièrement limité. Ensuite parce que dans le mariage, elle est si fragile qu’elle peut être écartée d’office, en particulier lorsque la mère déclare l’enfant « sous son nom de jeune fille » comme on disait autrefois. L’article 313 c. civ est clair : La présomption de paternité est écartée « lorsque l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari en qualité de père ». Nous comprenons qu’en fait  la femme mariée qui vient d’accoucher peut choisir de ne pas désigner son mari comme le père de l’enfant… pour permettre éventuellement à son amant d’effectuer une reconnaissance. Mais si celui-ci  ne se manifeste pas…  et que le mari s’occupe finalement de l’enfant et a « la possession d’état envers lui »… alors la présomption de paternité pourra éventuellement être rétablie au bénéfice de l’article 315 c. civ. Que d’incertitude ! Nous comprenons que l’application de la présomption de paternité dépend de l’arbitraire de la femme. D’ailleurs, le mari peut aussi « reconnaitre l’enfant dans les conditions prévues aux articles 316 et 320 ». Tout cela traduit un régime plus arbitraire que légal, et montre que la présomption de paternité ne veut plus dire grand-chose… Il nous semble qu’il serait judicieux de la supprimer. Et de généraliser le principe  selon lequel la filiation paternelle ne peut être établie que par la reconnaissance volontaire effectuée par le père. La loi ne désigne plus le père de l’enfant. Le père n’apparait que s’il le veut bien et s’il accomplit une démarche. Mais la loi désigne toujours la mère. Cette seule constatation stigmatiserait à elle seule le matriarcat.

Mais n’y a-t-il pas plus ? Il n’est plus certain aujourd’hui qu’une mère veuille systématiquement donner un père à l’enfant qu’elle a mis au monde : à l’heure où le taux de violences conjugales explose, où les féminicides se multiplient, et où chaque homme, désormais présumé harceleur ou violeur, ne peut plus aborder une femme sans prendre le risque de se voir médiatiquement accusé… on peut se demander pourquoi une femme voudrait-elle vivre encore avec l’auteur de ses enfants ? Le concept de « misandrie » apparait en littérature et le fait de détester l’homme devient parfois un message politique, exprimant dit-on, un noble combat (Pauline Hermange : « les hommes moi je les déteste » Le Seuil. Agathe Ranc « comment comprendre la vague misandre ? C’est de la légitime défense et cela ne va tuer personne » (Le nouvelobs 6 Décembre 2020) On parle même de « génie lesbien ». Alors ? Le père ne devient-il pas celui qu’il faut écarter à tout prix dans l’intérêt de l’enfant, intérêt dont la mère est désormais seule juge ? On ne peut s’empêcher de poser la question au lendemain de la loi du 2 aout 2021 instaurant la PMA « pour toutes ». Cette loi ne véhicule-t-elle pas en fait ce nouveau message ?

Toute filiation paternelle doit-elle être écartée dans l’intérêt de l’enfant ?

La loi du 2 aout 2021 permet désormais à la femme célibataire d’avoir recours à la PMA et de mettre au monde un enfant qu’elle élèvera seule avec l’aide éventuelle de la collectivité, à laquelle toute famille monoparentale peut prétendre. Pourquoi s’encombrer d’un homme ? Mais elle permet également à la femme qui vit en couple avec une autre femme de mettre au monde un enfant, et de désigner l’autre femme comme le second « parent »  de l’enfant. On s’est d’ailleurs demandé s’il n’était pas opportun, dans ce couple de femmes, de permettra à l’une, de porter l’ovocyte fécondé de l’autre, aux fins de bien rester en famille en donnant à l’enfant deux véritables mères. Pourquoi, quand on est femme, ne pas prendre une femme dans l’intérêt de l’enfant ? N’est-il pas préférable pour un enfant d’avoir deux parents plutôt qu’un ?

Dans cette nouvelle société formée d’amazones, nous observons que les hommes peuvent eux aussi se mettre en couple… mais on constate que le droit d’être, ne serait-ce qu’ en partie, parents biologiques leur est fermé : la GPA est toujours interdite car on ne veut pas « chosifier » la mère porteuse. Les lois de bioéthique font du couple d’hommes un couple d’eunuques et c’est aussi le message qu’elles apportent. Car nous comprenons que la transmission de la parenté ne semble plus l’affaire d’un couple formé d’un homme et d’une femme, mais qu’elle est devenue au contraire le monopole de la femme ou des femmes.  L’homme seul ne peut rien faire et devient socialement inutile. Au mieux, la loi l’abaisse au simple rang de tiers « donneur de gamètes anonymes » qui ne pourra en tout et pour tout fournir à l’enfant, devenu majeur, qu’une sorte de  « certificat d’appellation d’origine » à défaut de lui offrir un  lien de parenté et un nom. En attendant bien sûr que ne se développe le marché des gamètes artificiels…

Cette loi bouleversante a aussi transformé l’activité médicale en réifiant un peu plus l’embryon : le médecin n’est plus là pour assister la Nature défaillante, mais bel et bien pour la remplacer puisqu’on lui demande désormais de fabriquer un embryon à l’aide de gamètes. L’enfant n’est plus l’œuvre d’un homme et d’une femme qui se donnent au bénéfice d’une rencontre parfois organisée. Mais il devient l’œuvre d’un médecin qui favorise in vitro le contact de gamètes mâles et femelles (en une curieuse surprise-partie…), pour satisfaire le « projet » voulu par deux femmes : l’enfant n’est plus le produit de l’amour mais de la volonté. Est-il bien sûr que les mots « je t’aime » soient synonymes de « je te veux » ? L’embryon congelé  est abaissé dans sa définition au rang de « chose consomptible » susceptible d’entrer dans la catégorie des produit défectueux  si l’objet fourni ne correspond pas à la commande (Xavier Labbée « L’enfant conçu ex utero » Juris-Classeur Fascicule 52 Février 2022 Ed Lexis Nexis).

Ce nouveau monde, qui réifie la vie humaine et ne veut plus voir de différence entre les êtres humains, instaure-t-il le matriarcat ? On peut le penser dans l’immédiat. Que reste-t-il alors au vieux macho … sinon l’immense espérance de voir arriver un jour la femme robot autonome ! Elle est plus belle, plus intelligente et plus performante que la femme… et en plus elle est totalement soumise ! (Xavier Labbée Epouser une femme robot La gazette du Palais 17.12.2014 V° également « La confusion juridique des personnes et des choses : un péril mortel pour l’humanité ? » L’harmattan septembre 2021)  Il n’est pas impossible que par la grâce de son utérus artificiel puisse venir au monde l’enfant que tout homme est en droit de désirer…  Mais alors l’homme, fier de sa femme robot dont il est légitime propriétaire, sera-t-il bien propriétaire des enfants que celle-ci mettra au monde ?

Quelle sera la place de la femme robot dans la société matriarcale ?

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