Règlement Bruxelles II ter : quels changements attendent les couples en matière de relations matrimoniales et parentales au 1er août 2022 ?

Publié le 02/06/2022
Enfant, divorce, famille
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Le 25 juin 2019, le Conseil de l’Union européenne (UE) a adopté le règlement n° 2019/1111, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfant, refonte du règlement n° 2201/2003 (Bruxelles II bis). Ce règlement que l’on nomme déjà Bruxelles II ter va remplacer l’actuel règlement dès le 1er août 2022. Outre qu’il contient désormais un chapitre entièrement dédié à l’enlèvement international d’enfants destiné à compléter la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, il introduit également quelques nouveautés en matière de circulation des décisions et dans le domaine matrimonial, une révolution notable concerne la reconnaissance des divorces conventionnels. Autant de changements qu’il convient de s’approprier dès à présent.

Cons. UE, règl. n° 2019/1111, 25 juin 2019, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants

Le règlement Bruxelles II bis avait été présenté comme la pierre angulaire de la coopération judiciaire instaurée dans l’Union européenne en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale1. Assurément, la mobilité toujours croissante des citoyens de l’UE est à l’origine de situations complexes lorsque des familles plurinationales se défont. Il était donc nécessaire de prévoir des règles uniformes de compétence et faciliter la circulation des décisions dans le domaine du divorce et de la responsabilité parentale. Parallèlement, le règlement se combinait avec la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants qu’il complétait. Néanmoins, le texte souffrait certaines critiques, qu’il s’agisse des règles de compétence, lesquelles ne sont pas hiérarchisées et peuvent favoriser la « course au juge », ou des règles de reconnaissance et d’exécution qui introduisaient une distinction entre les décisions bénéficiant d’une exécution immédiate et celles requérant une procédure de reconnaissance du caractère exécutoire. De nombreux points ne faisaient pas l’unanimité. La Commission avait également pointé certaines faiblesses de l’instrument en matière d’enlèvement international d’enfants.

Le règlement Bruxelles II ter est le résultat de cinq années de réflexion, avec une proposition de révision en 2016 qui était plus audacieuse que le texte définitif2.

Ce dernier appelle un constat mitigé. Il fait un effort louable de clarté et de pédagogie3 mais n’est pas allé aussi loin qu’on aurait pu le souhaiter, notamment en ce qui concerne les règles de compétence en matière matrimoniale et de responsabilité parentale. Néanmoins, il ne faudrait pas occulter certaines avancées indéniables, telles que l’adoption de règles permettant la reconnaissance d’un divorce conventionnel, négocié dans un État membre, dans les autres États membres.

Dès lors, à la veille de l’entrée en application du règlement Bruxelles II ter, il convient de mesurer les changements qui s’imposeront aux praticiens dès le 1er août 2022.

Certes, la circulation des divorces sans juge est une petite révolution (I) mais le domaine de la responsabilité parentale connaît lui aussi des avancées notables (II). Enfin, le texte comprend désormais un chapitre complet dédié à l’enlèvement international d’enfants, là où le règlement Bruxelles II bis ne contenait que deux ou trois articles épars (III). Autant de changements dont il faut envisager l’impact en pratique.

I – Un bouleversement en matière matrimoniale

À vrai dire, la matière matrimoniale suscitait des critiques qui, pour la plupart, n’ont pas été écoutées. Toutefois, face à l’augmentation du nombre d’États membres dont le droit national permet des divorces conventionnels, il devenait nécessaire de trancher la question de la circulation de tels accords de divorce au sein de l’Union. C’est là le seul véritable changement mais il s’agit d’une petite révolution (B). En revanche, les difficultés posées par certaines dispositions du règlement Bruxelles II bis, relatives à la compétence directe, perdureront sous l’empire du nouveau texte (A).

A – Absence d’évolution regrettable des règles de compétence directe

Dans son rapport sur le règlement Bruxelles II bis, en 2014, la Commission avait émis des critiques à propos des règles de compétence directe en matière de divorce et de séparation de corps.

En effet, le règlement Bruxelles II bis prévoit des chefs de compétence non hiérarchisés. Ainsi, conformément à son article 3, il suffit que soit la résidence habituelle des époux, soit la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore ou bien que la résidence habituelle du défendeur se situe sur un État membre pour que ce dernier se reconnaisse compétent. Il en est de même lorsque, en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux est située dans un État membre. La résidence habituelle du demandeur dans un État membre permet aussi de fonder la compétence des juridictions de celui-ci dans la mesure où le demandeur y réside depuis plus d’un an ou plus de six mois, s’il est ressortissant de cet État. Enfin, la nationalité commune des époux pourrait aussi justifier la compétence des tribunaux de leur État membre d’origine.

Dès lors, on peut se douter que lorsque les époux se séparent et qu’ils ne résident plus dans le même État, chacun d’eux se retrouve face à de multiples possibilités pour assigner son conjoint en divorce. De fait, on peut imaginer que chacun soit tenté de saisir en premier une juridiction qui appliquera les règles qui paraissent servir au mieux ses propres intérêts. En d’autres termes, le système non hiérarchisé des critères de compétence est un instrument de forum shopping. Certes, le règlement Rome III a introduit des règles de conflit de lois uniformisées mais il a été adopté dans le cadre de la coopération renforcée de quelques États membres seulement4 et les autres États membres continuent d’appliquer leurs propres règles de conflit de lois.

Évidemment, le règlement Bruxelles II bis prévoit des règles de litispendance. Ainsi, il résulte de l’article 19, paragraphes 1 et 3, que, lorsque des demandes en divorce, en séparation de corps ou en annulation du mariage, sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie. Et, dans ce cas, elle se dessaisit. Néanmoins, l’arrêt Liberato rendu par la Cour de justice en 2019 a montré que la violation des règles de litispendance ne peut être sanctionnée. En réalité, dans l’hypothèse où la juridiction saisie en second lieu ignore l’exception de litispendance soulevée par le défendeur, comme ce fut le cas dans l’affaire Liberato, et rend un jugement au fond, il est impossible par la suite que les juridictions de l’État membre dont relèvait la juridiction première saisie refusent, pour cette seule raison, de reconnaître cette décision5. Dès lors, on pouvait espérer que le règlement Bruxelles II ter prenne acte de ces difficultés et réforme les règles de compétence en introduisant une hiérarchie entre les différents critères6. Malheureusement, sous l’empire du nouveau règlement rien ne changera.

De même, on pouvait s’interroger sur la pertinence de l’article 6 du règlement Bruxelles II bis. Selon ce texte, l’époux défendeur qui est intégré à l’Union par sa résidence habituelle ou sa nationalité ne peut se voir assigné devant les juridictions d’un État membre qu’en vertu des règles de compétence établies par le règlement. Certains plaideurs en ont déduit qu’à défaut d’intégration du défendeur à l’UE, il convenait d’en revenir aux règles de compétence de droit commun de chaque État membre. Or, tel n’est pas le cas car il faut combiner l’article 6 avec l’article 7 en vertu duquel lorsque la compétence des juridictions d’un État membre ne peut pas être établie en application des critères posés par le règlement, alors la question est réglée dans chaque État en application du droit national. La question s’est posée devant la Cour de justice en 2007, à propos d’un couple qui résidait en France mais dont le mari était reparti vivre à Cuba après la séparation. La Cour avait alors répondu que ce n’est que dans l’hypothèse où aucune juridiction d’un État membre ne peut se reconnaître compétente en vertu du règlement que l’on peut envisager d’appliquer les règles de compétence nationales à l’égard d’un défendeur non-résident et non-ressortissant d’un État membre.

Cela conduit à penser que l’article 6 ne sert à rien7. En définitive, de deux choses l’une : soit une juridiction d’un État membre est compétente à raison des critères posés par le règlement et, auquel cas, peu importe que le défendeur soit intégré ou non à l’Union, soit aucune juridiction des États membres n’est compétente, ce qui suppose que le défendeur ne réside dans aucun État membre puisque la résidence du défendeur est un chef de compétence, et ce quelle que soit sa nationalité.

Pourtant, l’article 6 et l’article 7 ont fusionné au sein d’un unique article 6 dans le règlement Bruxelles II ter on ne peut plus ambigu.

Enfin, on notera que les époux n’auront toujours pas la possibilité de convenir par anticipation du for de leur divorce alors qu’en parallèle, le nouveau règlement élargit cette possibilité en matière de responsabilité parentale (v. infra II).

En revanche, le nouveau texte introduit une véritable révolution en matière de reconnaissance de divorce en envisageant la reconnaissance des divorces sans juge. Cela intéressera au premier plan les couples qui ont recours au divorce par consentement mutuel par acte sous seing privé contresigné par un avocat et déposé au rang des minutes d’un notaire en France et ne manquera pas de remédier, en partie, à l’insécurité juridique qui caractérise jusqu’à présent ce type de divorce dans un contexte international.

B – Reconnaissance du divorce sans juge : une révolution à venir ?

Il convient avant tout de souligner que, d’une manière générale, comme sous l’empire du règlement Bruxelles II bis, les décisions en matière matrimoniale sont reconnues de plein droit sans procédure particulière. Il reste possible d’engager une action afin que la reconnaissance soit exclue mais l’article 38 énumère limitativement les motifs de refus de reconnaissance qui restent inchangés.

La grande nouveauté tient à la reconnaissance des accords relatifs à la désunion qui intéresse au premier chef la circulation de notre divorce par consentement mutuel sans juge.

Lorsque le législateur a introduit en droit français le divorce conventionnel à la faveur de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle8, il ne s’est absolument pas soucié des aspects de droit international privé9. Pourtant, nombreux sont les couples mixtes, sans compter la mobilité croissante des familles en Europe et ailleurs.

À lire la circulaire du 27 janvier 201710, on comprend que le gouvernement français espérait pouvoir compter sur le système de reconnaissance simplifié du règlement Bruxelles II bis en mobilisant son article 46 en vertu duquel les actes authentiques reçus et exécutoires dans un État membre ainsi que les accords entre parties exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que des décisions. Dans une réponse à une question d’un sénateur à propos de la circulation des divorces par consentement mutuel sans juge au sein de l’UE, le 18 juin 202011, le ministre de la Justice avait assuré que l’article 46 du règlement Bruxelles II bis permettait d’envisager la circulation des divorces par acte sous seing privé contresigné par un avocat. Pourtant, on pouvait sérieusement en douter dans la mesure où la Cour de justice avait affirmé, dans son arrêt Sahyouni12, que la notion de divorce dans le règlement Rome III sur la loi applicable au divorce et à la séparation de corps et dans le règlement Bruxelles II bis ne couvre que les divorces prononcés par un juge ou une autorité publique ou sous son contrôle (pt 48).

Certes, le notaire enregistre l’acte de divorce mais il ne le prononce pas et il ne fait qu’un contrôle très léger. Dès lors, il semble difficile d’admettre que le divorce soit prononcé sous son contrôle.

Actuellement, la circulation des divorces par consentement mutuel au sein de l’UE est donc plutôt hasardeuse.

À l’avenir, cela pourrait changer. Effectivement, l’article 65 § 1 du règlement Bruxelles II ter prévoit la reconnaissance de plein droit dans tous les États membres des actes authentiques et des accords relatifs à la séparation de corps et au divorce qui ont un effet juridique contraignant dans l’État membre d’origine. Or, l’article 2 § 2, sous 3, donne une définition de l’accord susceptible de s’appliquer à la convention de divorce par consentement mutuel. Effectivement, aux termes de ce texte, un accord est un acte qui n’est pas un acte authentique, qui a été conclu par les parties dans les matières relevant du champ d’application du présent règlement et qui a été enregistré par une autorité publique notifiée à cet effet à la Commission par un État membre, conformément à l’article 103.

Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’en principe, une convention de divorce n’est soumise à la formalité de l’enregistrement que si elle contient des dispositions relatives à un partage de biens ou à l’octroi d’une prestation compensatoire. En outre, il revient au notaire de procéder aux formalités de l’enregistrement pour les actes authentiques mais la convention de divorce elle-même constitue un acte sous signature privée et donc tant les avocats que les notaires peuvent procéder aux formalités d’enregistrement.

Une mise au point sera donc nécessaire.

Et ce n’est pas la seule. À vrai dire, le système de libre circulation des actes authentiques et des accords repose sous l’empire du nouveau règlement, tout comme de son prédécesseur, sur un système de certificat délivré par l’autorité qui a enregistré l’acte de divorce. On sait que le décret du 28 décembre 201613 avait prévu que le notaire délivrerait le précieux certificat (CPC, art. 509-3). S’agissant de l’application du règlement Bruxelles II ter, le conseil national des barreaux, réuni en assemblée générale le 9 avril 2021, a adopté une motion qui souligne le rôle central tout au long de la négociation de l’acte des avocats rédacteurs de la convention de divorce et invite la Chancellerie à désigner comme autorité certificatrice le ou les avocats rédacteurs car ce sont eux qui exercent un contrôle approfondi de l’acte.

De fait, le nouveau règlement impose que le certificat émane de l’autorité d’un État membre dont les tribunaux auraient été compétents pour statuer sur le divorce. Il reviendra donc à l’autorité de certification de vérifier que les époux sont bien rattachés à la France par l’un des critères prévus à l’article 3.

Cette exigence est bienvenue. En vérité, jusqu’à présent on pouvait craindre que le divorce par consentement mutuel ne soit qu’une incitation au tourisme du divorce. Ce ne pourra plus être le cas.

Toutefois, tous les problèmes ne sont pas réglés. Tant s’en faut.

En premier lieu, il est courant que les époux règlent leurs intérêts patrimoniaux au moment de leur divorce. À cet égard, le règlement du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux14 prévoit en son article 59 que les actes authentiques exécutoires dans leur État membre d’origine seront exécutoires dans les autres États membres à condition de produire une attestation de force exécutoire ; laquelle est délivrée par le notaire conservant la minute de l’acte reçu lorsqu’il s’agit d’un acte authentique établi par un notaire Français en application de l’article 509-3 du Code de procédure civile.

Dès lors, dans le cadre d’un divorce conventionnel, il conviendra de solliciter du notaire un acte liquidatif authentique annexé à la convention de divorce. Néanmoins, cela ne permettra de sécuriser la situation que dans l’hypothèse d’un acte amené à circuler vers un État participant au règlement de 201615.

Parallèlement, il faudra également solliciter du notaire l’établissement d’un acte authentique pour régler, le cas échéant, la question de la prestation compensatoire et de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants en marge de la convention de divorce. En effet, l’article 48 du règlement n° 4/2009, relatif aux obligations alimentaires16, envisage seulement la reconnaissance et la force exécutoire des transactions judiciaires et des actes authentiques sans mentionner d’autres types d’accords.

En second lieu, il ne faut pas oublier que, dans l’hypothèse où les effets du divorce sont attendus dans un État tiers à l’Union, tout dépendra des règles de droit international privé de l’État en question.

En revanche, s’agissant des modalités d’exercice de la responsabilité parentale, le règlement Bruxelles II ter devrait permettre de résoudre un certain nombre de questions jusqu’alors incertaines.

II – Les avancées en matière de responsabilité parentale

Il convient de noter qu’à côté de la matière matrimoniale, tant le règlement Bruxelles II bis que son successeur s’appliquent à l’attribution, l’exercice, la délégation ou bien encore le retrait total ou partiel de la responsabilité parentale. Il n’est donc pas nécessaire que le différend qui concerne la responsabilité parentale s’élève dans le cadre d’une procédure de divorce, d’autant plus que les enfants ne sont pas nécessairement issus d’un mariage. À cet égard, des propositions avaient été faites pour que des instruments différents règlent d’une part, le contentieux de la désunion et d’autre part, celui concernant la responsabilité parentale17.

Ces propositions n’ont pas été suivies.

Quoi qu’il en soit, si certains progrès sont notables s’agissant des règles de compétence (A), le bilan est plus mitigé s’agissant de la circulation au sein de l’Union européenne des décisions statuant sur la responsabilité parentale (B).

A – Règles de compétence : quelques aménagements bienvenus

Le système du règlement Bruxelles II bis consacrait le principe de la compétence des juridictions de l’État de résidence habituelle de l’enfant au moment de la saisine de la juridiction tout en admettant quelques exceptions. Les règles sont reprises pour la plupart à l’identique.

Ainsi, l’article 8 du règlement Bruxelles II ter18 prévoit, par exception à la compétence des juridictions de la résidence habituelle, le maintien de la compétence des juridictions de l’ancienne résidence habituelle pendant trois mois après le déménagement en cas de déménagement régulier de l’enfant pour modifier une décision relative au droit de visite, à la condition que le titulaire du droit de visite continue d’y résider habituellement.

Sous l’empire du règlement Bruxelles II bis, on s’était interrogé sur le point départ de ce délai de trois mois. La nouvelle formulation n’est pas plus claire. On peut supposer qu’il court à compter de la saisine de la juridiction.

De même, si la résidence habituelle ne peut être déterminée, les juridictions de l’État membre où l’enfant est présent sont compétentes19.

Parallèlement, les deux instruments20 prévoient que, lorsque l’enfant réside habituellement dans un État tiers et qu’aucune prorogation de compétence n’a été envisagée, il faudra s’en remettre aux règles de compétence de chaque État membre.

Enfin, il pouvait être fait exception à la compétence de la juridiction de la résidence habituelle par le biais d’une prorogation de compétence. À cet égard, le règlement Bruxelles II ter introduit plusieurs nouveautés, non seulement quant à l’étendue du choix mais aussi quant à ses modalités.

Effectivement, auparavant, l’article 12 du règlement Bruxelles II bis prévoyait deux possibilités. Ainsi et à condition que cela soit dans l’intérêt supérieur de l’enfant, les parties s’entendaient pour choisir soit le juge de l’État membre statuant sur le divorce dès lors que l’un des parents avait la responsabilité parentale, soit le juge de l’État membre avec lequel l’enfant avait un lien étroit du fait de sa nationalité ou du fait de la résidence habituelle de l’un des titulaires de la responsabilité parentale (notons que ce titulaire n’est pas nécessairement un parent). Et, la prorogation de compétence ne pouvait se faire qu’au moment de la saisine de la juridiction.

À compter du 1er août 2022, l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours prévaloir. Cependant il sera possible de faire un choix par anticipation ou bien au moment de la saisine du juge, ce choix devant être validé par les parties au litige et, le cas échéant, par la personne ou l’institution qui a la responsabilité parentale. En outre, il n’est désormais fait référence qu’au juge de l’État membre qui entretient des liens étroits à raison de la nationalité de l’enfant, de la résidence habituelle de l’un des titulaires de l’autorité parentale ou de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant21.

On constate que toute référence au for du divorce a disparu. Cela ne veut pas dire qu’il soit exclu. En effet, la possibilité de rendre compétent le juge du divorce permet de regrouper le contentieux de la désunion et de la responsabilité parentale et, dans les situations normales où les deux parents ont l’autorité parentale, il y aura un lien de proximité entre l’enfant et la juridiction saisie, notamment à raison de la résidence habituelle de l’un des titulaires de la responsabilité parentale. Toutefois, il est douteux que les époux puissent décider à l’avance que toute difficulté liée à la responsabilité parentale sera tranchée par le juge du divorce puisque l’élection de for en matière de divorce n’est pas prévue par le règlement. Seul un accord au moment où la juridiction est saisie en vertu de l’un des chefs de compétence énumérés à l’article 3 semble possible.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que la juridiction choisie a compétence exclusive. Il ne sera pas possible qu’elle transfère sa compétence à une autre juridiction en application des règles qui instituent une forme de forum non conveniens.

À ce sujet, il faut souligner la reprise à l’article 12 du règlement Bruxelles II ter, des règles relatives au forum non conveniens déjà présentes à l’article 15 du règlement Bruxelles II bis, à deux nuances près. En effet, sous l’empire du texte antérieur, la juridiction compétente pouvait soit inviter les parties à saisir, dans un délai imparti, une autre juridiction mieux placée, soit solliciter directement cette autre juridiction pour qu’elle exerce sa compétence. La première juridiction maintenait sa compétence si les parties n’avaient pas saisi la juridiction mieux placée dans le délai qui leur était imparti. Par ailleurs, cette dernière devait se déclarer compétente ou incompétente dans un délai de six semaines. Selon le cas, la première juridiction se dessaisissait ou bien maintenait sa compétence.

Le nouveau texte prévoit que la juridiction saisie en premier lieu continue d’exercer sa compétence si elle n’a pas reçu d’acceptation de compétence de la part de la juridiction de l’autre État membre dans les sept semaines après qu’elle a été sollicitée ou après que le délai imparti pour que les parties saisissent une juridiction d’un autre État membre d’une demande a expiré. Cette nouveauté laisse perplexe. De fait, l’idée de considérer que le silence de la juridiction requise durant sept semaines équivaut à un refus et permet de poursuivre l’instance est une bonne chose. La version précédente ne prévoyait rien dans une telle hypothèse. Or, la célérité de la procédure est importante dans l’intérêt de l’enfant. En revanche, en cas d’inertie des parties qui s’abstiennent de saisir une autre juridiction, pourquoi attendre sept semaines de plus après expiration du délai qui leur était imparti ? Une déclaration de renonciation des parties à saisir une autre juridiction devrait suffire.

Quoi qu’il en soit, on peut s’interroger sur l’intérêt du maintien de ce forum non conveniens car la Cour de justice interprète très strictement les conditions pour mettre en œuvre un transfert de compétence à une juridiction mieux placée. Si bien que le recours à ce mécanisme risque de se raréfier22.

Pourtant, le règlement Bruxelles II ter persiste et innove en introduisant à son article 13 la possibilité d’une demande de transfert de compétence par une juridiction d’un État membre qui n’est pas compétente.

En parallèle, il prévoit dans un article 16 que si une juridiction incompétente est saisie d’une question incidente relative à la responsabilité parentale, elle pourra se prononcer mais cette décision ne produira d’effet que dans le cadre de la procédure au cours de laquelle elle a été prise. À n’en pas douter, cela poursuit l’objectif de bonne administration de la justice mais cela sera aussi sans doute source de contentieux.

Enfin, s’agissant des règles relatives à la litispendance, les deux instruments prévoient que lorsque des procédures relatives à la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant ayant le même objet et la même cause, sont introduites auprès de juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu suspend d’office sa procédure jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie23. Néanmoins, le règlement Bruxelles II ter tranche la question de saisines parallèles de deux juridictions lorsque la compétence de l’une a été établie du fait d’une prorogation de compétence résultant d’un accord exprès pendant la procédure. Dès lors que la juridiction désignée par l’accord (lequel doit donc répondre aux critères posés par l’article 10) a admis sa compétence, toute autre juridiction doit se dessaisir.

Par ailleurs, le nouveau texte a pris en compte la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’arrêt Purrucker24. En effet, la Cour de justice a jugé que les règles relatives à la litispendance ne s’appliquent pas lorsqu’il est simplement question pour la première juridiction saisie de prononcer des mesures provisoires urgentes tandis que la seconde est saisie des mêmes demandes mais qu’elle est compétente pour connaître du fond. Cette règle est donc consacrée à l’article 20, § 2, du règlement Bruxelles II ter.

B – Circulation des décisions : les progrès en demi-teinte

Le considérant 55 du règlement Bruxelles II ter précise qu’il poursuit ses objectifs : faciliter la reconnaissance et l’exécution et protéger efficacement l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour ce faire, le législateur européen a supprimé toute procédure de déclaration de force exécutoire.

Cette suppression de l’exequatur est à saluer d’un double point de vue.

D’abord, chaque État membre peut avoir sa propre conception de ce qui est une mesure d’exécution. Ainsi, lorsqu’une personne est désignée tuteur d’un enfant dans un État membre et sollicite un passeport pour celui-ci dans un autre État membre, a priori, la décision d’attribution de tutelle n’implique pas de mesure d’exécution et bénéficiait déjà, sous le règlement Bruxelles II bis, du principe de reconnaissance de plein droit, sauf à invoquer un des motifs de non-reconnaissance prévus par le texte. Mais qu’en est-il de la demande de délivrance d’un passeport ? Si on considère que c’est simplement une formalité qu’il revient au tuteur d’effectuer, il n’y a aucun problème mais, si l’on considère qu’il s’agit d’une mesure d’exécution, il faudrait alors que la décision nommant le tuteur passe par le filtre de l’exequatur avant que le passeport ne puisse être délivré.

Ensuite, on se souvient que le règlement Bruxelles II bis avait mis en place un régime privilégié pour certaines décisions. Celles relatives au droit de visite et au retour de l’enfant en cas d’enlèvement nonobstant le refus des autorités de l’État de refuge (v. infra III), étaient exécutoires sans procédure à la différence des autres décisions relatives à l’enfant. Cela pouvait donc donner lieu à des situations bancales dans lesquelles un État membre devait prendre acte d’un droit de visite mais pouvait refuser la reconnaissance d’un droit de garde alors que les deux mesures ressortaient d’une même décision25.

À première vue, de telles situations devraient être écartées à l’avenir. L’article 34 du règlement Bruxelles II ter généralise en effet le principe d’une exécution immédiate à toutes les décisions relatives à la responsabilité parentale.

Toutefois, cette exécution immédiate ne vide pas le contentieux. Il était évidemment souhaitable de prévoir des garde-fous et il est donc possible d’intenter une action en refus d’exécution en invoquant les motifs de non-reconnaissance26 qui n’ont pas changé même si, dans la forme, une place à part est réservée à la possibilité de l’enfant d’exprimer son opinion. À défaut d’une telle possibilité, la décision ne serait pas reconnue sauf si l’absence d’audition de l’enfant a été motivée par l’urgence27.

Malgré tout, le nouveau règlement maintient une différence de régime entre les décisions ordinaires et les décisions privilégiées, dont celles accordant un droit de visite. Et c’est là que le texte est à rebours. En effet, sous l’empire du règlement Bruxelles II bis, selon l’article 41, une décision rendue dans un État membre accordant un droit de visite était reconnue et bénéficiait de la force exécutoire dans un autre État membre sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise et sans qu’il soit possible de s’opposer à sa reconnaissance si la décision avait été certifiée dans l’État membre d’origine, ce qui imposait simplement certaines vérifications quant à la loyauté de la procédure et, notamment, que l’enfant avait eu la possibilité de s’exprimer. Dorénavant, l’exigence du certificat est reconduite mais en plus, il devient possible d’introduire un recours en refus d’exécution en invoquant le fait que la décision relative au droit de visite est inconciliable avec une autre décision ultérieure rendue dans l’État membre de l’exécution ou dans l’État où l’enfant réside habituellement, qu’il s’agisse d’un État membre ou d’un État tiers dès lors qu’une telle décision réunit les conditions pour être reconnue dans l’État membre d’exécution. On suppose que si la décision inconciliable avec le droit de visite provient d’un État membre, elle est reconnue de plein droit, ce qui éventuellement, obligera le titulaire du droit de visite à introduire un recours en refus de reconnaissance. Lorsque les relations entre parents sont très tendues, cela promet un contentieux inutilement long.

Enfin, une dernière question mérite d’être posée : celle de la circulation de l’accord des parents quant aux modalités d’exercice de la responsabilité parentale dans le cadre d’un divorce conventionnel. Jusqu’à présent, y compris dans l’hypothèse, très discutée, où le champ d’application du règlement aurait couvert les divorces sans juge, la question pouvait faire débat, notamment dans l’hypothèse où la convention prévoyait les modalités d’un droit de visite car le règlement Bruxelles II bis n’envisageait alors que la circulation d’une décision certifiée par le juge qui avait statué sur le droit de visite. On en déduisait, dans ce cas, qu’il n’était pas possible d’obtenir l’exécution directe du droit de visite et qu’il fallait passer par la procédure longue de déclaration de force exécutoire à laquelle renvoyait l’article 66 relatif aux accords exécutoires. La solution proposée par la circulaire de 2017, pour éviter cela, passait par une demande d’homologation de la convention portant sur l’exercice de l’autorité parentale au juge aux affaires familiales (JAF) sur le fondement de l’article 1143 du Code de procédure civile28.

Avec l’entrée en application du nouveau règlement, les actes authentiques et les accords pris en matière de responsabilité parentale dans un État membre deviennent directement exécutoires dans un autre État membre dès lors que l’autorité d’enregistrement a délivré le certificat visé à l’article 66. Lequel ne peut être délivré qu’après avoir vérifié que les juridictions de l’État auraient été compétentes en vertu des critères posés par le règlement, que l’accord est bien exécutoire et qu’il respecte l’intérêt supérieur de l’enfant. Bien sûr, les recours ouverts pour s’opposer à la reconnaissance et à l’exécution d’une décision sont possibles à l’égard des actes authentiques et des accords.

L’intérêt de l’enfant sera donc au cœur des débats. En revanche et on peine à comprendre pourquoi, il n’est pas nécessaire de vérifier, pour établir le certificat, que l’enfant a eu la possibilité de s’exprimer lorsque notamment un droit de visite a été acté alors qu’il s’agit d’un motif de refus de reconnaissance énoncé à l’article 68, § 3. Cela dit, s’agissant de notre divorce par consentement mutuel, il est prévu que l’enfant se voit remettre un formulaire d’information qu’il doit remplir en indiquant s’il souhaite être entendu29. Le problème ne devrait donc pas se poser.

Un troisième chapitre, relatif au déplacement illicite, est particulièrement soigné dans le règlement Bruxelles II ter, là où son prédécesseur ne prévoyait que quelques articles éparpillés. La complémentarité du règlement et de la convention de La Haye du 25 octobre 1980, sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, n’est pas remise en cause. Elle est même affirmée de manière plus explicite par l’article 1er dont le paragraphe 3 précise que le chapitre III du règlement s’applique en complément de la convention.

III – Un nouveau chapitre dédié aux déplacements illicites

En matière d’enlèvement et de décision de retour, le principal objectif est de dissuader un parent d’enlever ses enfants pour les emmener dans un autre État membre. En outre, en cas de déplacement illicite ou de refus de son retour à la suite d’un déplacement autorisé, au mépris des droits de l’autre parent, il convient de garantir un retour rapide30.

À cette fin, le règlement Bruxelles II bis avait mis l’accent sur un droit au retour quasi absolu avec un mécanisme permettant aux juridictions de l’État de la résidence habituelle de l’enfant avant l’enlèvement d’ordonner son retour malgré un refus des juridictions de l’État de refuge, le retour nonobstant31. Parallèlement, le texte posait en principe, l’exécution immédiate d’une telle décision de retour32.

Le règlement Bruxelles II ter a cherché à pallier les faiblesses du système existant en ayant toujours comme priorité l’intérêt de l’enfant. C’est ainsi que le principe du retour n’est quasiment plus automatique (A). En revanche, l’exécution des décisions ordonnant le retour de l’enfant ressort renforcée (B).

A – Remise en cause du principe de retour automatique

Tant la convention de La Haye de 1980 que le règlement Bruxelles II bis envisageaient le retour de l’enfant indépendamment de la question de la responsabilité parentale. Certes, le juge de l’État de refuge peut refuser le retour de l’enfant mais à condition de le justifier par l’un des motifs limitativement énumérés par les articles 12 et 13 de la convention de La Haye de 1980.

Pour mémoire, il résultait de la combinaison du règlement et de la convention que la décision des juridictions d’un État membre refusant le retour peut être motivée par l’acquiescement au déplacement ou au non-retour par l’autre parent, par un risque grave de danger physique ou psychique ou de situation intolérable pour l’enfant, par l’opposition de l’enfant à son retour, ou bien encore, conformément à l’article 12 de la convention, lorsque l’écoulement du temps (plus d’un an) a permis l’intégration de l’enfant dans son nouveau milieu ; étant précisé que le refus ne peut être formulé sans avoir au préalablement entendu le parent qui demande le retour de l’enfant33.

Le règlement Bruxelles II bis avait tenté de neutraliser autant que faire se peut l’excuse facile et très subjective de « risque de grave danger » pour en faire une exception. Effectivement, dans un tel cas, le retour ne peut être refusé « s’il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant après son retour »34. Néanmoins, outre que la notion de mesure adéquate est tout aussi subjective que celle de grave danger, le principal inconvénient tenait à ce qu’aucune règle ne clarifiait la question de savoir qui devait rapporter l’existence de telles mesures. Et cela entravait aussi la rapidité de la procédure de telle sorte que ce garde-fou introduit par le règlement Bruxelles II bis n’était pas efficace35.

Le règlement de refonte a considérablement réformé le système. D’abord, il résulte du nouvel article 27, § 3 et 4, que le parent qui sollicite le retour devra démontrer que des mesures pour protéger l’enfant ont été prises et que le juge de l’État de refuge peut également obtenir des informations en ce sens auprès des juridictions de l’État d’origine. Mieux encore, le juge de l’État de refuge peut lui-même prendre des mesures provisoires de protection avant d’ordonner le retour de l’enfant, à la condition toutefois que cela ne retarde indûment pas le processus de retour36. Cette disposition prête déjà à controverse. De fait, il s’agit de faire primer l’intérêt de l’enfant et il ne faudrait pas que, sous prétexte de ne pas retarder la procédure, le juge s’abstienne de rechercher et de prendre les mesures adéquates et refuse le retour. Or, il vaut peut-être mieux retarder le retour dans l’intérêt de l’enfant que le refuser d’une façon qui pourrait paraître plus ou moins arbitraire pour le parent qui demande le retour, lequel ne manquera pas d’introduire des recours ou de faire auprès des autorités de l’État de résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement, une demande de retour nonobstant le refus du juge de l’État de refuge.

On retiendra également que les éventuelles mesures prononcées par le juge de l’État de refuge ne sont que provisoires. Elles cesseront dès lors que les juridictions de l’État d’origine prennent les mesures qu’elles estiment appropriées.

Cela dit, l’arme du retour nonobstant n’est plus automatique, contrairement au système créé sous l’empire du règlement Bruxelles II bis qui donnait le dernier mot à la juridiction de l’État d’origine quel que soit le motif de refus avancé par l’État de refuge. Effectivement, conformément au nouvel article 29 du règlement Bruxelles II ter, le retour nonobstant n’est possible que dans deux hypothèses : lorsque le refus est fondé sur le risque de grave danger pour l’enfant et lorsque l’enfant s’est opposé à son retour. En outre, il est désormais inconcevable de séparer les questions du droit de garde et du retour. En d’autres termes, il faut que les juridictions de l’État de résidence habituelle de l’enfant avant son enlèvement prennent une décision relative à la responsabilité parentale qui implique le retour de l’enfant pour qu’il s’impose aux juridictions de l’État de refuge37. D’ailleurs, auparavant, le juge de l’État de refuge devait transmettre une copie de sa décision de refus aux autorités de l’État d’origine, lesquelles invitaient les parties à produire des observations devant les juridictions compétentes. Dorénavant, l’article 29 § 3, ne fait obligation au juge de l’État de refuge de transmettre sa décision que s’il a connaissance d’une procédure engagée dans l’État de la résidence d’origine pour statuer sur la garde de l’enfant. Sinon, il reviendra au parent qui s’est vu notifier la décision de non-retour qui aura un délai de trois mois pour transmettre celle-ci au juge de l’État d’origine pour qu’il statue sur la garde. Autant dire que le parent qui demande le retour de l’enfant a intérêt à introduire simultanément une demande visant les questions de la responsabilité parentale et de la résidence de l’enfant38.

Il est évident que ce nouvel équilibre place l’intérêt de l’enfant au centre du processus mais ce sera au détriment de la rapidité. À vrai dire, comme on le verra dans les développements qui suivent, la célérité n’est pas toujours dans l’intérêt de l’enfant et concilier ces deux objectifs se révèle délicat.

B – Circulation renforcée des décisions de retour : quel bilan ?

Comme on l’a vu, le règlement Bruxelles II ter a supprimé l’exequatur de sorte que les décisions rendues dans un État membre, en matière matrimoniale et de responsabilité parentale, soient exécutées dans n’importe quel État membre sans qu’il soit nécessaire de passer par une procédure de reconnaissance du caractère exécutoire. Il en va de même des décisions de retour d’un enfant à la suite de son déplacement illicite. Parallèlement, les décisions de retour nonobstant font l’objet d’un régime spécial.

Lorsque le juge de l’État de déplacement ordonne le retour de l’enfant, celui-ci doit être le plus rapide possible. Dès lors, même si ce retour est assorti de mesures provisoires de protection, il convient que l’exécution de la décision soit la plus rapide possible.

Dans le règlement Bruxelles II bis, l’article 11 § 3, alinéa 2, imposait à la juridiction saisie de la demande de retour un délai maximum de six semaines pour rendre sa décision. Toutefois, ce délai était appliqué de diverses façons selon les États membres. S’agissait-il d’un délai qui s’appliquait à l’ensemble de la procédure ou pour chacune de ses étapes ? La proposition de règlement du Conseil avait adopté une approche raisonnable en imposant ce délai à chaque stade de la procédure et en limitant le nombre de recours possible39.

L’article 24 § 2 et 3, du règlement Bruxelles II ter a repris partiellement cette proposition car il ne limite pas le nombre de recours. En revanche, le texte explore une autre piste. À vrai dire, sous l’empire du règlement Bruxelles II bis, s’était posée la question de savoir si une décision ordonnant le retour pouvait être exécutoire par provision. Rappelons-le, l’exécution d’une décision frappée d’appel est en principe suspendue pendant la durée de l’appel sauf exception. Or, dans le silence du règlement, la Cour de cassation française s’était prononcée dans un arrêt du 20 janvier 201040. La décision du JAF ordonnant le retour d’un enfant déplacé illicitement dans le pays de sa résidence en application de la convention de La Haye de 1980 n’était pas exécutoire de droit par provision.

Désormais, la question est tranchée par l’article 27 § 6, conforté par le considérant 66. La décision qui ordonne ou refuse le retour peut être exécutoire par provision. En dépit de l’avancée apparente que représente ce texte, on se demande si cela ne suscitera pas plus de problèmes. Est-il dans l’intérêt de l’enfant de rentrer dans son État de résidence d’origine puis d’être transféré à nouveau dans l’État de refuge car la décision de retour a été réformée en appel ? Il faudra concilier l’article 27, § 6, avec le considérant 47 qui prévoit certes la nécessité d’une exécution de la décision de retour par provision nonobstant un éventuel recours mais « lorsque le retour de l’enfant avant la décision sur le recours est requis dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».

S’agissant du retour nonobstant, le règlement Bruxelles II bis permettait déjà de rendre la décision du juge de l’État d’origine immédiatement exécutoire, même si elle fait l’objet d’un recours, sur présentation d’un certificat attestant de la force exécutoire de ladite décision. Il était ensuite impossible d’invoquer un motif de non-reconnaissance à l’encontre de cette décision même si elle était contraire à l’ordre public41. Toutefois, ce certificat ne pouvait être délivré que si l’enfant avait eu la possibilité de s’exprimer, de même que les deux parties et encore fallait-il que le juge ait bien pris en considération les arguments avancés par le juge de l’État de refuge pour motiver le non-retour42.

Le règlement Bruxelles II ter a repris le principe d’une exécution immédiate sur la délivrance du certificat mais en l’assortissant de garde-fous.

Dans la pratique antérieure, la condition de l’audition de l’enfant posait problème car une large marge de manœuvre était laissée aux États. L’affaire Aguirre Zarraga jugée par la CJUE en 201043, avait en effet montré les défaillances du système. Précisément, à la suite de l’enlèvement de l’enfant par sa mère en Allemagne et du refus de retour, le juge espagnol de l’État de la résidence d’origine de l’enfant avait convoqué le parent ravisseur et l’enfant pour une audition mais la mère avait proposé une audition en visioconférence, ce que le juge espagnol avait refusé. Malgré tout, le juge espagnol avait ordonné le retour nonobstant de l’enfant et le certificat destiné à obtenir l’exécution immédiate a été délivré. La Cour de justice avait estimé que l’audition de l’enfant n’est pas un droit absolu et varie en fonction de l’âge et du degré de maturité. Partant, c’est au juge de l’État d’origine qu’il revenait de décider si une audition était appropriée.

En définitive, le règlement Bruxelles II ter n’a pas bouleversé l’ordre des choses. Il a consacré cette jurisprudence44. Notamment, le considérant 39 précise que l’opinion de l’enfant doit être dûment prise en compte mais que l’audition de l’enfant n’est pas un droit absolu. En revanche, le certificat relatif à la décision de retour nonobstant doit vérifier que la juridiction a rendu sa décision en tenant compte des motifs et des faits sur la base desquels la décision antérieure de non-retour avait été prise45.

En réalité, les garde-fous tiennent davantage à la possible remise en cause du certificat, plus seulement pour une erreur matérielle. Cependant, l’effectivité du droit de l’enfant à s’exprimer risque d’être stigmatisée à l’occasion de la contestation du certificat. De fait, il est possible d’attaquer le certificat qui aurait été indûment délivré. Cela implique de vérifier le respect de toutes les conditions idoines (énoncées à l’article 47) parmi lesquelles la possibilité de l’enfant d’exprimer son opinion. Or, comme on l’a vu, le règlement Bruxelles II ter n’a pas pris la peine de poser des règles d’harmonisation en matière d’audition, laissant aux lois nationales le soin d’en préciser les modalités.

Parallèlement, l’exécution de la décision de retour nonobstant peut également être refusée. En effet, dans la mesure où la décision de retour nonobstant est liée à une décision sur la responsabilité parentale, le juge de l’État de refuge pourrait, conformément à l’article 50 du règlement Bruxelles II ter, refuser le retour si une décision contraire sur la responsabilité parentale était prise soit dans l’État de refuge, soit dans un autre État membre ou État tiers où l’enfant réside habituellement dès lors que cette décision réunit les conditions pour être reconnue dans l’État de refuge.

Certes, le nouveau règlement souhaite établir un certain équilibre mais le ravisseur ne manquera pas d’agir devant les juridictions de l’État de refuge ou dans l’État dont il est ressortissant (qui peut même être un État tiers) dans l’espoir d’obtenir une décision qui lui est favorable sur l’exercice de la responsabilité parentale. Néanmoins, hormis l’hypothèse d’une juridiction saisie dans un État tiers, on peine à envisager que les juridictions d’un autre État membre que celles de l’État membre de la résidence d’origine puissent se reconnaître compétentes d’autant que, conformément à l’article 18, une juridiction d’un État membre saisie d’une affaire pour laquelle elle n’est pas compétente au fond en vertu du présent règlement et pour laquelle une juridiction d’un autre État membre est compétente au fond, toujours en vertu du présent règlement, se déclare d’office incompétente. Toutefois, et on met à jour une faiblesse du règlement, l’absence de compétence de la juridiction qui a rendu une décision en matière de responsabilité parentale n’est pas une cause de refus de reconnaissance !

Entre confiance mutuelle, intérêt de l’enfant et célérité, l’application du règlement Bruxelles II ter ne conduira pas systématiquement à des résultats heureux.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Comm. UE, rapp. COM (2014) 225 final, au Conseil et au Comité économique et social Européen sur l’application du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité́ parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000.
  • 2.
    Notamment en ce qui concerne le volet enlèvement international d’enfants : à ce sujet, v. F. Monéger, « Les enlèvements d’enfants dans le projet de révision du règlement Bruxelles II bis », in dossier « Enlèvement international d’enfant », AJ fam. 2018, p. 538.
  • 3.
    En ce sens, E. Gallant, « Le nouveau Règlement Bruxelles II ter », AJ fam. 2019, p. 401.
  • 4.
    La Belgique, la Bulgarie, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, la Hongrie, Malte, l’Autriche, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie.
  • 5.
    CJUE, 16 janv. 2019, n° C-386/17 : v. G. Escudey, « Le nouveau visage de la litispendance européenne : de la course à la juridiction à la course à la décision ! », GPL 9 avr. 2019, n° GPL347a4.
  • 6.
    En ce sens, A. Bonomi, « La compétence internationale en matière de divorce. Quelques suggestions pour une improbable révision du Règlement Bruxelles II bis », Rev. crit. DIP 2017, p. 511.
  • 7.
    En ce sens, v. Comm. UE, rapp. COM (2014) 225 final, au Conseil et au Comité économique et social Européen sur l’application du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000.
  • 8.
    L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle : JO, 19 nov. 2016.
  • 9.
    Sur ce point, v. M.-L. Niboyet, I. Rein-Lescastereyres et L. Dimitrov, « La « désinternationalisation » du nouveau divorce par consentement mutuel », GPL 4 avr. 2017, n° GPL291u8.
  • 10.
    Circ., 26 janv. 2017, NOR : JUSC1638274C, n° CIV/02/17.
  • 11.
    Rép. min. Justice, n° 13688 : JO Sénat, 18 juin 2020, p. 2844.
  • 12.
    CJUE, 20 déc. 2017, n° C‑372/16, Soha Sahyouni c/ Raja Mamish : AJ fam. 2018, p. 119, obs. A. Boiché. V. égal. M.-L. Niboyet et I. Rein-Lescastereyres, « La CJUE remet en question le traitement du divorce par consentement mutuel déjudiciarisé en droit international privé de l’Union européenne », GPL 10 avr. 2018, n° GPL320c1.
  • 13.
    D. n° 2016-1907, 28 déc. 2016, relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du Code civil et à diverses dispositions en matière successorale.
  • 14.
    Cons. UE, règl. n° 2016/1103, 24 juin 2016, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux : JO UE, 8 juill. 2016, n° L.183/1. Entré en application le 19 janv. 2019.
  • 15.
    Il faudra donc vérifier que l’État dans lequel l’acte devra produire ses effets est l’un des États suivants : l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l’Espagne, la Finlande, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Slovénie et la Suède.
  • 16.
    Cons. UE, règl. n° 4/2009, 18 déc. 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires : JO UE, 10 janv. 2009, n° L.7/1.
  • 17.
    V. l’étude de l’Institut suisse de droit comparé à la demande de la Commission, « Responsabilité parentale, garde des enfants et droit de visite en cas de séparation transfrontalière », juill. 2010, p. 199 (document disponible à http://archive-ouverte.unige.ch).
  • 18.
    Comp. Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 9, 27 nov. 2003.
  • 19.
    Comp. Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 13 ; Cons. UE, règl. n° 2019/1111, art. 11.
  • 20.
    Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 14 ; Cons. UE, règl. n° 2019/1111, art. 14.
  • 21.
    Cons. UE, règl. n° 2019/1111, art. 10.
  • 22.
    CJUE, ord., 10 juill. 2019, n°  C-530/10, Epc c/ Fo : D. 2020, p. 951, note S. Clavel et F. Jault-Seseke.
  • 23.
    Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 19 ; Cons. UE, règl. n° 2019/1111, art. 20.
  • 24.
    CJUE, 9 nov. 2010, n° C-296/10, Purrucker II : Procédures 2011, comm. 11, C. Nourissat ; Europe 2011, comm. 35, L. Idot.
  • 25.
    Comm. UE, rapp. COM (2014) 225 final, au Conseil et au Comité économique et social Européen sur l’application du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000, p. 10.
  • 26.
    Motifs énoncés à l’article 39 du règlement Bruxelles II ter par renvoi de l’article 41.
  • 27.
    Comp. Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 23, b) ; Cons. UE, règl. n° 2019/1111, art. 39, § 2.
  • 28.
    Circ., 26 janv. 2017, NOR : JUSC1638274C, n° CIV/02/17, fiche 10, p. 2.
  • 29.
    A. 28 déc. 2016, NOR : JUSC16331188A, fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants mineurs capables de discernement dans le cadre d’une procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire : JO, 29 déc. 2016, n° 64.
  • 30.
    Comm. UE, rapp. COM (2014) 225 final, au Conseil et au Comité économique et social Européen sur l’application du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000, p. 13.
  • 31.
    Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 11, § 6 à 8.
  • 32.
    Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 40, § 1.
  • 33.
    Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 11, § 5.
  • 34.
    Cons. UE, n° 2201/2003, art. 11, § 4.
  • 35.
    V., en ce sens, P. Beaumont, L. Walker et J. Holliday, « Conflicts of EU courts on child abduction: the reality of Article 11(6)-(8) Brussels IIa proceedings across the EU », Journal of Private International Law, 2016, p. 218 à 224.
  • 36.
    Cons. UE, règl. n° 2019/1111, art. 27, § 5. Et cons. 44 à 46.
  • 37.
    Cons. UE, règl. UE n° 2019/1111, art. 29, § 6.
  • 38.
    En ce sens, v. E.Thomas, « Enlèvement international d’enfant – La procédure de retour de l’enfant à l’aune du règlement Bruxelles 2 ter », JDI 2020, doctr. n° 9.
  • 39.
    Cons. UE, proposition de règlement relatif à la compétence, la reconnaissance, et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfant (refonte), 30 juin 2016, COM (2016) 411 final, p. 14.
  • 40.
    Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, n° 08-19267, FS-PBI : Dalloz actualité, 28 janv. 2010, obs. L. Dargent.
  • 41.
    CJUE, 19 nov. 2015, n° C-455/15, P c/ Q. V.  aussi R. Nato-Kalfane, « Règlement Bruxelles II bis : nouvel encadrement de l’exception d’ordre public prévue par l’article 23 sous a) », GPL 19 avr. 2016, n° GPL262z0.
  • 42.
    Cons. UE, règl. n° 2201/2003, art. 42.
  • 43.
    CJUE, 22 déc. 2010, n° C-49/10, Aguirre Zarraga.
  • 44.
    Dans le même sens, E. Vignotti, « Règlement Bruxelles II ter : premières observations », GPL 10 sept. 2019, n° GPL358w9.
  • 45.
    Cons. UE, règl. n° 2019/1111, art. 47, § 4.
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