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Zen JAF : apaiser les tensions entre avocats aux affaires familiales

Publié le 27/01/2023
Avocates, conflit
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ZEN JAF est un service du barreau de Paris qui a pour mission de « faciliter le traitement des conflits entre avocats appelés à intervenir devant le juge aux affaires familiales dans le cadre de procédures orales ». Après une campagne de recrutement de nouveaux bénévoles en septembre 2022, la charte des bonnes conduites sur laquelle ils se basent pour rendre leur avis vient d’être actualisée.

C’est une difficulté à laquelle les avocats et avocates en droit de famille connaissent bien : l’absence de calendrier propre aux procédures orales devant le juge aux affaires familiales peut provoquer certains conflits. ZEN JAF a été créé pour pallier cette situation. Le service « permet aux avocats exerçants en droit de la famille de bénéficier d’un service de conciliation en cas de conflit avec l’un de leurs confrères lié au respect du contradictoire ou aux demandes de renvoi », peut-on lire sur le site du barreau de Paris.

Laure Tric est membre du conseil de l’Ordre du barreau de Paris et référente ZEN JAF de l’ordre. Avocate associée chez Tosca Avocats, elle exerce depuis plus de vingt-cinq ans à Paris en droit de la famille et en droit pénal. Laure Tric a rejoint ZEN JAF il y a quatre ans. Avant la période Covid, des permanences physiques étaient disponibles au tribunal, en plus de permanences numériques et téléphoniques. « Nous avions arrêté les permanences physiques durant les périodes de confinement. Nous sommes en train de les réinstaurer. Pour l’instant, nous avons uniquement des permanences numériques ».

Aide à la résolution de litiges

« Dans le cadre des procédures orales, de nombreux incidents peuvent se produire durant la procédure ou lors de l’audience, lorsqu’on reçoit des pièces ou des conclusions de l’adversaire en dernière minute, et donc bien souvent dans l’urgence. On s’écharpe un peu devant le juge. ZEN JAF a été créé pour essayer de mettre un peu de discipline là-dedans ».

En pratique, le ou la référente ZEN JAF rend un avis en tant que déléguée du bâtonnier. « Cet avis a du poids, insiste Laure Tric. C’est au juge de décider ce qu’il ou elle en fera. En général, l’avis est validé. Cela peut aider à la résolution des litiges. On peut être saisi de manière numérique, soit deux ou trois jours avant l’audience, soit le jour même. Par exemple, une fois que le défendeur a envoyé les pièces, le demandeur peut nous saisir. On tente alors une médiation. S’il n’est pas possible de trouver un accord sur un renvoi, on rend un avis ». Tout le but de cette procédure en amont de l’audience est de décharger les magistrats et d’apaiser les tensions entre confrères et consœurs, dans une matière « très conflictuelle ».

Une cinquantaine de référents ZEN JAF

ZEN JAF est propre aux affaires familiales et aux affaires sociales. Peu utilisé ces dernières années, Laure Tric espère que le recrutement d’une cinquantaine de référents relance ce service. L’objectif est de mieux communiquer auprès des avocats et avocates du barreau, mais aussi des juges. « Si des avocats se disputent, renvoyez-les auprès de ZEN JAF », dit-elle.

Être référent ZEN JAF est une mission bénévole. Les personnes volontaires reçoivent une formation et doivent suivre une charte signée entre le barreau et le tribunal, validée par le conseil de l’Ordre. Le principe de cette charte est de préciser les bonnes pratiques pour les défendeurs et les demandeurs.

Une charte des bonnes pratiques

L’article II de la charte rappelle « les principes tirés du droit au procès équitable, tel que fixés dans le CPC, ainsi que les règles de loyauté et de confraternité ». L’article 15 du CPC précise notamment que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent, et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ».

La charte détaille surtout les règles à respecter définies devant le service des affaires familiales devant le tribunal judiciaire de Paris, sous le contrôle du conseil de l’Ordre dans l’article III, « sauf circonstances exceptionnelles ou motif légitime (santé, maternité, empêchement grave…) soumises à l’appréciation du référent ordinal ZEN JAF ». Ainsi, sera un demandeur « bonus » à une procédure JAF saisi par voie de requête ou d’assignation (CPC, art. 1107 ou 1117), l’avocat qui « à compter de la communication par le greffe de la date de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires » adresse ses pièces « au confrère adverse dès sa constitution et au maximum dans un délai de 15 jours ou directement au confrère adverse s’il est connu à la date de délivrance de l’assignation, concomitamment à cette délivrance ». Un demandeur « vigilant » communique ses pièces « après le délai de 15 jours à compter de la convocation ou de la constitution de l’avocat en défense, mais plus d’un mois avant la date d’audience » ; tandis qu’un demandeur « malus » communique ses pièces « moins d’un mois avant la date de l’audience ».

Les délais sont également précisés pour les demandeurs à une procédure JAF saisi par voie d’assignation à bref délai (CPC, art. 1109 et CPC, art. 1137) ou par voie de requête en cas d’urgence (CPC, art. 1136-3 sur les violences intrafamiliales), et pour les défendeurs. L’article IV conclut : « Les avis et recommandations des référents ZEN JAF, écrits ou oraux, sont émis sous réserve de l’appréciation du juge aux affaires familiales. Ils ne sont pas confidentiels et peuvent être évoqués et/ou soumis au juge aux affaires familiales ».

Près de 200 avis en 2022

En 2021, une centaine d’avis ont été rendus par ZEN JAF. En 2022, ils étaient près de 200, soit le double. Laure Tric se souvient d’une procédure orale en matière de divorce avec ordonnance de non-conciliation. « C’était la première étape de divorce avec une tentative de conciliation. Le demandeur avait saisi le ZEN JAF parce que son adversaire lui avait envoyé les pièces deux jours avant l’audience. Il demandait le rejet de ces pièces et conclusions. Je lui demande : et vous, quand avez-vous communiqué vos pièces ? Lui aussi avait communiqué 25 ou 30 pièces quinze jours avant l’audience. Je lui ai répondu qu’il ne lui avait pas non plus laissé assez de temps. Mon avis était un renvoi de l’affaire. Finalement, le demandeur, comprenant qu’il avait lui aussi communiqué tardivement, a accepté le renvoi. Ça s’est conclu sans discussion devant le juge. Ils avaient déjà trouvé un accord commun »…

Ce service est disponible uniquement au sein du barreau de Paris, « si cela concerne deux avocats parisiens ou un avocat parisien et un avocat extérieur, si le litige se passe à Paris et que le mis en cause est Parisien ». Selon Laure Tric, qui n’a elle-même jamais eu recours au service dans une de ses affaires, la « menace de saisir ZEN JAF fonctionne assez bien » et parfois suffit à résoudre les conflits.

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