À bord pour la Grande pêche

Publié le 13/01/2023

La pêche dans les eaux de Terre-Neuve à l’aube du XXe siècle, vue par le peintre de la marine Jean-Yves Delitte

Glénat

Face à la mer, au plus haut de Lann Vras sur la commune de Ploubazlanec, se dresse une lourde statue en granit. Celle-ci, réalisée par Charly Sallé, a repris les formes et les cotes d’une statue sculptée en 1932 par Francis Renaud. Intitulée Les Veuves d’Islandais, elle est inspirée par Pêcheur d’Islande, l’œuvre de Pierre Loti. On voit une femme âgée, courbée, comme brisée par le chagrin, au côté d’une jeune femme, haute et forte, les regards fixés sur l’horizon. C’est qu’à Paimpol, Pierre Loti est vénéré comme un dieu lare. Ici, on se souvient encore des goélettes qui, chaque année, prenaient le cap de Terre-Neuve pour la grande pêche de la morue. La première goélette pour la pêche en Islande, baptisée L’Occasion, fut armée à Paimpol en 1852. La Belle Poule et L’Étoile, les goélettes de la Marine nationale, construites en 1932 par le chantier naval de Normandie à Fécamp, sont la réplique des goélettes du type « paimpolaise » qui, jusqu’en 1935, participaient à la pêche de la morue sur les bancs d’Islande.

Dans les ventes publiques, les goélettes sont aussi nombreuses que les membres d’une flottille. Mais surtout à l’état de maquette : l’une d’entre elles (81 x 130 cm), a été vendue 430 € à Drouot, le 23 mai 2022 par la maison Art Valorem. Des tableaux, comme cette œuvre d’André Beronneau (1886-1973) : Goélettes islandaises au port. Paimpol, exécutée en 1927, a été adjugée 447 € à Drouot le 23 février 2022 par la maison Boisgirard-Antonini.

À l’origine, au XVIe siècle, les « terre-neuvas » venus du Pays basque et de Bretagne pêchaient le cabillaud qu’ils rapportaient salé, dans leur port, au terme de plusieurs mois de campagne. Cette dernière était éprouvante, longue et périlleuse. Pour Xavier de la Gorce, ancien président de l’Académie de Marine, et Patrick Soisson, armateur, « La Grande pêche reste l’œuvre de grands marins, d’aventuriers et des seigneurs ». C’étaient des hommes d’une force de caractère exceptionnelle. Pierre Loti les a décrits, mais il fallait aujourd’hui les montrer autrement et raconter leur histoire depuis les origines jusqu’à aujourd’hui. Jean-Yves Delitte, peintre de la marine, et Jean-Benoît Héron (qui mériterait le titre d’écrivain de marine), se sont attelés à la tâche et nous offrent un superbe album aux Éditions Glénat, autant rempli d’embruns que de notes et de récits techniques. Les barques de l’âge de bronze naviguent de concert avec les chalutiers-usines et aussi les escorteurs d’escadres, comme le Commandant Bourdais, qui accompagnaient les chalutiers en haute mer. Dans ce reportage au parfum d’eau salée, nous croisons les thoniers, ainsi que les anciens baleiniers ; ce qui ne veut pas dire que toutes les nations ont renoncé à chasser ces extraordinaires cétacés. Il reste que Moby Dick, le roman d’Herman Melville, paru en 1851, fait encore rêver ceux que la mer appelle.

La Grande pêche, Jean-Yves Delitte et Jean-Benoît Héron, Éditions Glénat, 25 €, 96 p.

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