À chacun son blason

Publié le 18/11/2022

Corbeille de mariage de Jacques des Nouhes et d’Anne de Mornay

RMN Grand Palais/Mathieu Rabeau

Dans la chapelle du château d’Écouen, l’un des murs est entièrement occupé par la copie de la Cène de Léonard de Vinci (1452-1519), par son élève Marco d’Oggiono (1506-1509). On connaît son commanditaire grâce à ses armoiries peintes sur les pieds de la table. Gabriel Gouffier était doyen du chapitre de la cathédrale de Sens et portait un blason d’argent aux cinq losanges de sable placés en diagonale de dextre à senestre. « Né au XIIsiècle sur les champs de bataille, [l’héraldique] reste omniprésente dans le quotidien de toutes les couches de la société française de cette époque [la Renaissance] », explique Thierry Crépin-Leblond, directeur du musée national de la Renaissance dans le château d’Écouen et commissaire de l’exposition « Le Blason des Temps nouveaux ». « Elle incarne l’expression visuelle de l’identité d’une personne, d’une famille, d’une profession, d’une ville », poursuit-il.

Il faut imaginer les Normands contre les Saxons à Hasting, qui se jetaient l’arme levée les uns sur les autres ne sachant pas s’ils combattaient un ami ou un ennemi. C’est à la suite de cette bataille (14 octobre 1066) que les preux commencèrent à peindre des figures sur leur bouclier afin d’éviter toute méprise dramatique. Ces nouveaux signes d’identité ont pris place à partir de cette époque et même encore aujourd’hui sous d’autres graphismes, sur d’innombrables objets, monuments et documents à qui elles ont ce faisant apporté une sorte d’état-civil : sceaux, monnaies, médailles, vitraux, tapisseries, meubles, vêtements, livres manuscrits et imprimés, sculptures, peintures murales, panneaux peints, tableaux, pierres tombales, monuments funéraires, pièces d’orfèvrerie et de céramique, objets d’art et objets de la vie quotidienne de toutes natures. Leur étude est bien souvent le seul moyen dont nous disposons aujourd’hui pour situer ces objets et ces monuments dans l’espace et dans le temps, pour en retrouver les commanditaires ou les possesseurs successifs, pour en retracer leur histoire. Il ne se passe de jour où, à Drouot, une ménagère aux armes, une reliure armoriée, un verre gravé ne soit proposés aux amateurs. Comme cette partie de ménagère en vermeil 950 millièmes aux armes des barons Bartholdi Walther vendue 1 288 €, à Drouot, le mercredi 8 juin 2022 par la maison Audap & Associés.

Si l’héraldique constitue un miroir de l’époque Renaissance et s’attache à cette exposition, les signes et les emblèmes qui ont, certes, évolué jusqu’à nos jours, sont toujours parmi nous. La présence des armoiries des Montmorency [D’or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d’azur] agrémentées d’une couronne, de supports et du collier de l’ordre de saint Michel, indique qu’Écouen a appartenu au connétable, celui-là même qui fit construire Chantilly. De quel côté que l’on se tourne, un blason est là pour nous rappeler que loin d’être uniquement royal ou nobiliaire, le blason est une marque de possession. C’est un jeu aujourd’hui de tenter de les identifier.

« Le Blason des Temps nouveaux », musée national de la Renaissance dans le château d’Écouen, rue Jean Bullant, 95440 Écouen

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