Albert Besnard, Modernités Belle Époque

Publié le 27/09/2016

Bénéficier d’une grande notoriété puis, au fil des années, tomber dans l’oubli : tel est le sort de certains artistes, Albert Besnard est de ceux-là. Honoré de son vivant, son nom est pratiquement inconnu aujourd’hui.

Cependant il fut un créateur remarquablement doué et reconnu à son époque : peintre, pastelliste, graveur, décorateur. Celui qu’Edgar Degas nommait assez méchamment « un pompier qui a pris feu » obtient le Prix de Rome en 1874, est nommé directeur de la Villa Médicis en 1913 puis directeur de l’École des Beaux-Arts de Paris en 1922. Il est le seul peintre à faire partie à la fois de l’Académie des Beaux-Arts et de l’Académie Française. Mais voilà, les temps évoluent, comme les goûts, et Albert Besnard a disparu. Cependant en 2008 le musée d’Honfleur lui consacrait une exposition et, cet été, le Palais Lumière à Évian organisait une vaste rétrospective de sa création si diverse où figurent 150 œuvres, lui rendant ainsi justice.

Albert Besnard, Madame Roger Jourdain, 1886, h/t, 199 x 150,5 cm.

Photo RMN – Grand Palais (Musée d’Orsay – Hervé Lewandowski)

Né dans une famille d’artistes – son père peintre d’histoire, sa mère pastelliste –, il réalisa brillamment son rêve en décorant des plafonds à la Sorbonne, à l’Hôtel de Ville de Paris, à la Comédie-Française, au Petit Palais, souvent dans la tradition de Puvis de Chavannes, y ajoutant sa marque personnelle.

On le reconnaît comme peintre de la femme, il a réalisé aussi bien des portraits officiels, de commandes que d’autres plus intimes d’où se dégage un charme certain et une vraie maîtrise picturale dans une ambiance discrète, pour nous désuète mais séduisante. Il excelle à faire rayonner la lumière sur les visages ou les robes souvent vaporeuses, comme dans Madame Roger Jourdain, l’un de ses chefs-d’œuvre, où se devine une influence impressionniste. Il crée dans cette composition un éclairage particulier (qui n’a pas toujours été compris de son temps) : utilisant celui de la lumière du jour finissant sur une partie de la robe et, de l’autre, le reflet de bougies allumées créant un effet jaune et bleu. Dans Une famille, la sienne, on est frappé par la vivacité des couleurs, plutôt rare à l’époque. Les portraits révèlent son talent à traduire les caractères et dans certains il témoigne d’une sensibilité réelle. Lorsqu’il aborde le nu, il en dévoile la beauté ou la sensualité en de délicates tonalités, transparentes ou plus fortes ; l’eau, souvent présente, enveloppe les formes.

Autre aspect de l’œuvre d’Albert Besnard : la décoration ; il a souvent intégré dans son œuvre les valeurs de la République, comme il se devait, mais il a su préserver sa personnalité à travers les allégories affirmant son originalité et parfois son audace.

Autre domaine : le pastel, dont il a utilisé tour à tour la douceur, le velouté ou l’éclat dans nus et portraits féminins sous de délicats jeux de lumière. Il démontre parfois une tendance symboliste (L’Éclipse), et une grande variété d’approche avec des femmes énigmatiques pour la plupart.

Mais il est une autre dimension de son art : la gravure, à travers laquelle il s’est livré plus intimement ; ses eaux-fortes révèlent un regard personnel sur différents thèmes, de la maternité à la prostitution ou la misère. Il n’hésite pas à évoquer les morphinomanes, la mort et toute la partie d’ombre de l’être dans des planches parfois puissantes et aux forts contrastes.

Albert Besnard un artiste à redécouvrir à Évian jusqu’à la fin de l’été puis au Petit Palais cet automne.

 

LPA 27 Sep. 2016, n° 120p5, p.16

Référence : LPA 27 Sep. 2016, n° 120p5, p.16

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