Albert Marquet et la Méditerranée

Publié le 24/09/2019

Venise. La voile jaune (1936), huile sur toile, 65 x 80,5 cm.

Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jacqueline Hyde

D’Albert Marquet, on retient le plus souvent les vues de Paris, les quais et la Seine vus de sa fenêtre ; mais il est autant et peut-être davantage le peintre de la Méditerranée découverte dans le Midi et retrouvée au cours de ses voyages en Afrique du Nord, en Égypte.

Discret, cet artiste a consacré sa vie à la peinture. Né à Bordeaux, c’est à Paris qu’il effectue ses études, à l’École des Arts décoratifs où il rencontre Matisse puis, avec lui, il suit les cours de Gustave Moreau à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts. Dès lors, les deux peintres se lient d’amitié. Pour survivre, ils exécutent les frises ornant le Grand Palais pour l’Exposition universelle de 1900. Si Marquet travaille avec les Fauves, il conserve une certaine discrétion dans l’effusion des couleurs. Il présente à la galerie Druet une série de compositions sur Paris ; à l’issue de l’exposition, il signe un contrat d’exclusivité avec Druet qui va lui permettre d’assouvir son goût des voyages, de la découverte. Outre l’Afrique du Nord, la Turquie, le Midi de la France, il sillonne l’Europe. Dès 1906-1907, des collectionneurs acquièrent ses œuvres.

L’exposition présentée au musée Paul Valéry à Sète rappelle les liens entre l’artiste et le bassin méditerranéen. On suit ses pérégrinations depuis le Midi, où il est ébloui par la lumière, la mer bleue, transparente. Durant plus de 40 ans, il contemplera admirera, scrutera ces paysages marins en divers lieux. De son séjour en Italie, on retient Naples, son port dominé par le Vésuve ; une composition paisible en bleu lumineux et ocre brun. Un an plus tard, il y revient et brosse des toiles où mer et lumière jouent le premier rôle. Avant la Méditerranée, Marquet a peint l’eau en Normandie, la Seine à Paris. La singularité de sa démarche picturale c’est que la mer est, chez lui, le plus souvent bordée par des architectures bouchant souvent l’horizon. Il travaille volontiers en surplomb. Avec talent, il traduit l’aspect atmosphérique en une exécution fluide, des ombres bleutées.

1920, c’est l’année de son premier voyage à Alger, où il est rapidement séduit par l’ambiance, la lumière presque voilée à force d’être éclatante sur la ville et le port. Il excelle dans la transparence, la fluidité de l’eau calme. Il en donne sa vision. Il reviendra souvent à Alger ; c’est là qu’il rencontre sa future femme et il y passera la guerre de 1940.

Paisibles sont les paysages de Sidi Bou-Saïd en Tunisie, avec une forte présence de maisons servant d’écrin à une mer au bleu intense ; une composition au chromatisme puissant et volontairement réduit aux ocres et au bleu. Le peintre est décidément très attiré par ces pays du Maghreb ; il apprécie la Tunisie découverte en 1923 et bientôt il expose chaque année au Salon des artistes tunisiens. On ne se lasse pas devant ces paysages de mer le plus souvent sereins, parfois animés des silhouettes de promeneurs. Marquet fait ressentir l’ardeur du soleil. « Je ne serai jamais orientaliste », écrit-il à Matisse. En effet, il n’est pas intéressé par le folklore, les costumes d’autochtones, mais il aime transmettre une atmosphère singulière où la nature, la mer en l’occurrence, occupe toute la place.

Venise, que Marquet admirait comme tout un chacun, est ici présente avec 5 œuvres peintes en 1936. Il exprime parfaitement le caractère si particulier de la Sérénissime. L’exposition se devait d’évoquer les vues de Sète où Marquet a séjourné quelques semaines en 1924. Peintures et dessins révèlent son intérêt pour les canaux qui, sur leur eau paisible, reflètent les habitations qui les bordent. Et toujours cette sérénité, cette invitation à contempler ces sites entre ciel et eau…

LPA 24 Sep. 2019, n° 147f5, p.16

Référence : LPA 24 Sep. 2019, n° 147f5, p.16

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