Alexandra David-Néel, une aventurière au musée
Alexandra David-Néel.
Céline Huet
Dans l’histoire de l’humanité, nous trouvons des femmes exemplaires, intrépides, n’ayant peur de rien : des femmes hors du commun. Alexandra David-Néel fut l’une d’entre elles. Exploratrice, orientaliste, tibétologue, philosophe, elle marqua l’histoire de la découverte du Tibet et du bouddhisme tibétain, le lamaïsme, par l’Occident. Bouddhisme qu’elle adopta en 1892.
À partir de 1911, elle entama, après son voyage en Inde de 1894, un grand périple de quatorze années en Asie. Le but de son voyage était Lhassa, capitale religieuse et politique du Tibet. Plusieurs tentatives lui furent nécessaires. Elle y entra en 1924. Visitant le Potala, elle ne trouva « rien de particulier », sinon une décoration intérieure « entièrement de style chinois ». Pour se faire passer pour une tibétaine, elle avait le visage barbouillé de suie, des nattes en poil de yak et une toque de fourrure traditionnelle. Malgré ce déguisement, elle fut démasquée pour cause de trop grande propreté. Elle allait en effet, chaque matin, faire sa toilette à la rivière.
Alexandra David-Néel construisit sa réputation de « dame lama » durant ses séjours dans l’Himalaya, par le biais de personnalités religieuses qu’elle rencontra, dont le Panchen Lama, le 13e Dalaï Lama ou son maître Lachen Gomchen Rinpoché.
Dans son livre, L’Inde où j’ai vécu, Alexandra David-Néel raconte sa première visite au musée Guimet, peu de temps après son ouverture, en 1889, ainsi que la naissance de sa vocation dans ce lieu qu’elle considérait comme un temple. Elle raconte les moments qu’elle passa parmi « les figures énigmatiques des déités qui trônaient dans les galeries ». Le musée Guimet fut donc la porte qui lui donna accès aux connaissances que la philosophie de l’Inde et le bouddhisme enseignent.
En 1873, ses parents s’installèrent en Belgique. Son père était un ami du géographe Élisée Reclus. Sur l’incitation de son père, elle entra au conservatoire royal de Bruxelles. Elle y étudia le piano et le chant. Elle fut ainsi cantatrice, et se produisit à l’opéra d’Hanoï durant les saisons 1895-1896 et 1896-1897. En 1904, elle épousa Philippe Néel à Tunis. Mais elle laissa son mari pour l’Orient, pour quelque temps, lui avait-elle dit. Ce « quelque temps » devint des années dans son cher Orient : des rencontres, des études, une longue initiation, puis des livres et des traductions.
Après son dernier périple, de 1937 à 1946 en Chine, et une retraite au Tibet, elle rentra en France avec son fils adoptif, le lama Aphur Yongden. Elle avait 78 ans. Elle s’installa à Digne-les-Bains, où elle poursuivit la rédaction d’ouvrages et des traductions dont l’Avadhuta Gita et l’Ashtavakra Gita.
Au cours de ses voyages, Alexandra David-Néel avait collecté livres, peintures et masques. Elle légua au musée un ensemble de ses pièces, expressions du bouddhisme tibétain, ainsi que sa bibliothèque. Ces pièces, complétées de notes manuscrites, d’objets personnels et de photographies, nous racontent aujourd’hui le parcours de cette passionnante chercheuse.