Angles de vision à Marseille
Friche de l’escalette
Entre nature et ruines d’une usine, c’est un superbe écrin pour la présentation de sculptures et installation de Richard Baquié, Jean Amado et François Stahly. Les œuvres sont parfaitement mises en valeur dans cette vaste étendue en plein air d’où l’on découvre la mer.
Ces vestiges du patrimoine industriel de la Friche de l’Escalette, situés dans un paysage rocailleux proche de Marseille, s’associent pleinement à ces créations. Les bassins, colonnes, fours, et cheminées en pierre et brique disséminés dans la végétation du lieu lui confèrent une atmosphère particulière. Si les créations de ces artistes diffèrent, ils ont en commun le désir d’exprimer leur vision intérieure, personnelle de l’art.
Proche du concept plus que de la sculpture proprement dite, Richard Baquié a chanté sa ville en des installations où la violence de la vie côtoie la poésie. Il a souvent fréquenté cette friche à la recherche de pièces détachées d’épaves de voitures, de la R16 notamment, symbole du développement de l’auto dans les années 1960. Il l’évoque dans « Epsilon », réalisée à partir de l’une de ces épaves carbonisées, impressionnantes. En face d’elle s’impose « Zéro », écrit en tôle ondulée, témoin d’une analyse plutôt négative de la société de consommation. Et c’est encore un troisième élément en tôle ondulée sur lequel on peut lire « Rien, juste la mémoire de la lumière ». À découvrir également deux intéressants reliefs muraux « Tokyo » et « Alexandrie » reconstitués par des tiges de fer, photomontages, carte, verre et néon. L’œuvre de Baquié retient l’attention par sa présence et sa forte puissance à évoquer une sorte de désenchantement.
Jean Amado et François Stahly, sculpteurs, ont souvent travaillé avec des architectes ; ils apparaissent comme héritiers des anciens tout en créant des œuvres contemporaines pliant la forme à leur conception intime. Tout d’abord sculpteur-céramiste, Jean Amado a réalisé des créations se rapportant à la nature, tels des cactus en céramique vernissée pour la décoration d’immeubles créés par Fernand Pouillon. Il s’est ensuite tourné vers la sculpture, il a même inventé un matériau : le cérastone, mélange de ciment et de sable de basalte avec lequel il a exécuté des bas-reliefs émaillés. « Les Falaises » présentées ici s’imposent comme des murailles quelque peu en ruine, superbement travaillées et qui pourraient s’apparenter au site de Pétra. Ces masses imposantes ont été usées par le temps qui y a laissé des fissures intérieures. Monumentales, ces sculptures révèlent l’originalité créatrice de Jean Amado ; elles fascinent par leur présence, l’invention plastique dont elles témoignent tout en demeurant dans une conception figurative.
Rapidement attiré par l’abstraction après ses études, François Stahly varie ses moyens d’expression : la puissance de la pierre, la beauté du marbre, la solidité du bois, la flexibilité de l’acier. Il créé une œuvre oscillant entre formes massives et sculptures longilignes, inspirée de la nature : arbres, fleurs ou encore fontaines qu’il transfigure. Loin de tout naturalisme, les formes végétales deviennent des architectures dans lesquelles figurent des éléments mobiles. Sont présents sur le site « Le Labyrinthe », de petits menhirs de granit qui traduisent son désir d’harmoniser les éléments naturels et architecturaux. « Théâtre en plein air » se compose de plusieurs éléments posés à même le sol ; ils trouvent toute leur place dans ce lieu.
De tempéraments différents, ces artistes sont les témoins de la créativité artistique de la seconde partie du XXe siècle.
Référence : AJU010c1