Au revoir Lambert

Publié le 10/10/2022

Ce vase dit « cuvette aux masques », sorti de la manufacture de Sèvres en 1762, est estimé 100/150 000 €

Sotheby’s / ArtDigital Studio

Comme à la proue d’un navire, l’hôtel Lambert fend les eaux de la Seine, laissant derrière lui l’île Saint-Louis. Cette maison, ce palais devrions-nous dire, fut construit de 1642 à 1644 par Louis Le Vau (1612-1670) et décoré par Charles Le Brun (1619-1690) et Eustache Le Sueur (1616-1655). Ceci pour le compte de Jean-Baptiste Lambert de Thorigny (1608-1644), commis de l’Épargne auprès du surintendant Claude de Bullion, puis contrôleur général au Conseil, conseiller secrétaire du Roi. Il ne profita que peu de temps de son hôtel. Il mourut en 1644, laissant sa propriété à son frère Nicolas Lambert de Thorigny dit Lambert le Riche (1613-1692), président à la Chambre des comptes. Ce sera son petit-fils qui vendra en 1732 l’hôtel, ainsi que 14 maisons dans l’île Saint-Louis au fermier général, Claude Dupin avec sa belle-mère, Madame de Fontaine. L’hôtel passera ensuite entre les mains d’une dizaine de nouveaux propriétaires, dont la famille polonaise Czartoryski qui le cédera à Guy et Marie-Hélène de Rothschild, avant de passer au baron Alexis de Rédé qui n’en était que locataire. Après la mort de ces trois derniers, l’hôtel fut acquis en 2007 par le frère de l’émir du Qatar, Abdallah ben Khalifa-Al-Thani. On aurait pu penser que l’hôtel, qui fut entièrement réaménagé et décoré, demeurerait assez longtemps dans son nouvel état. Or en février 2022, le milliardaire français Xavier Niel a acheté le bâtiment pour plus de 200 M€. N’ayant pas l’intention d’y habiter, il prévoit d’y installer une fondation culturelle. En conséquence, l’hôtel sera vidé de tous les objets historiques et de noble provenance accumulés par le prince Qatari. Ce dernier en a confié la vente à Sotheby’s, qui en attend plus de 100 millions d’euros et prévoit quatre vacations. Celles-ci se dérouleront Galerie Charpentier à Paris, les 11, 12, 13 et 14 octobre 2022.

Parmi les centaines d’objets proposés à la vente, nous avons remarqué une « cuvette aux masques » (h : 44 cm), sortie de la manufacture de Sèvres en 1762 et décorée par le peintre porcelainier Jean-Louis Morin. Estimée 100/150 000 €, cette pièce en pâte tendre à laquelle a été ajoutée un pied et un couvercle, fait partie d’une production commencée en 1755. Celle-ci a évolué : la base à volutes séparées a été par la suite fixée. Ce vase a été fabriqué en une seule taille et le modèle en plâtre est aujourd’hui conservé. On ne connait que trois autres cuvette à masques, subsistantes. La nôtre, qui est décrite comme « une cuvette à masque Rose », a été acquise 528 livres, le 30 mars 1763, comme l’indique les livres de comptes de la Manufacture, par un certain M. Lemaitre. Elle est entrée ensuite dans les collections d’Alphonse de Rothschild (1827-1905), qui lui a fait ajouter le pied à volutes et le mât gréé-couvercle de forme, pour lui donner celle de vaisseau à mât, à l’instar de celui qui fut livré le 30 mai 1760 à la marquise de Pompadour pour orner son Hôtel d’Évreux au faubourg Saint-Honoré, le palais de l’Élysée d’aujourd’hui.

• Sotheby’s, 76 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris

Plus d’informations sur https://www.sothebys.com/en/series/hotel-lambert-une-collection-princiere

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