Au Sahara en chameau, en auto, en paquebot
Monelle Hayot
La baie d’Alger est aussi l’une des plus belles du monde. Les voyageurs descendant l’échelle de coupée des navires qui les y conduisaient s’émerveillaient devant une telle blancheur. Après en avoir contemplé le charme et l’harmonie, ils pouvaient se demander où étaient passés les Phéniciens, les Berbères, les Romains, les Ottomans, les Arabes et les Espagnols ? Dans les années 1920, les Français éraient là… Ils aimaient cette terre, bordée par une mer lumineuse, ornée – c’est le mot – de massifs et de djébels, tous gorgés de soleil. Cette succession d’images a attiré l’attention de ceux que l’on appelait déjà les touristes, en souvenir des jeunes Anglais qui accomplissaient leur initiation à la découverte de l’Europe. Parmi les artisans des croisières qui allaient peu à peu s’organiser en Afrique du Nord, il y eut celle de la Compagnie générale transatlantique. Dans son magnifique ouvrage, Au Sahara en chameau, en auto, en paquebot, Dominique Boudet, un ancien de la Transat, explique que la destination vers l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, « offrait une alternative tout à fait attractive à la destination Égypte, aux croisières sur le Nil, très prisées par les Anglo-Saxons, surtout depuis la découverte, en 1922, du tombeau quasi intact de Toutankhamon par Lord Carnarvon ». Avec la complicité de Sébastien Meer, historien d’art attaché à la Fondation Edouard et Maurice Sandoz, ils se sont réparti la tâche pour le premier de raconter, à l’aide de documents souvent inédits, l’épopée de ces voyages en Afrique du Nord et pour le second de retrouver la trace encore visible des séjours de l’artiste sur les routes de cette région. Il en est sorti deux tomes complémentaires et tout aussi indépendants, superbement édités par les éditions Monelle Hayot.
Avec l’enthousiasme du collectionneur et de l’historien, Dominique Boudet fait revivre les grands et petits instants de ces croisières sur terre. Il fait rugir les moteurs des automobiles Renault équipées de six roues, capable d’escalader les dunes, laissant les dromadaires aux pieds des collines. Il n’en oublie pas les Citroën munies de chenilles que l’on retrouvera lors des expéditions suivantes en Afrique et en Asie. À l’aide d’affiches, toutes plus colorées les unes que les autres, il fait à la fois rêver et apprendre les pays traversés. Le président de la Transat John Dal Piaz (1865-1928) fut à l’origine du développement de grand tourisme en Afrique du Nord ouvert à tous, développant une chaîne d’hôtel confortable, tant sur les côtes qu’à l’intérieur des terres. Il repérait lui-même les principaux sites et s’il n’y avait pas d’hôtel sur place, il les faisait construire. Les itinéraires des auto-circuits laissent pantois. Une carte datée de 1924 montre les routes de Ghardaïa et la transversale Touggourt-Tozeur. La couverture de la plaquette des Hôtels Transatlantiques est encore plus explicite. Dominique Boudet n’a rien laissé au hasard, photos, dépliants, menus, réclames, dialoguent avec ses commentaires riches en anecdotes. Il ne manque finalement que les vents venus du Hoggar pour revivre ces aventures disparues.
Référence : AJU016o1