Avner ou la passion des hommes

Publié le 30/09/2021

Grasset

Voilà un très beau livre, plein de poésie et de beauté. La beauté de la langue, la poésie de la nature, on vit, on ressent, on respire l’air avec le jeune Avner, héros de ce roman. Et pourtant, l’histoire de cet homme prend place en des temps reculés et dans des lieux bien loin de nous.

L’histoire commence en 1078 à Acre, en Terre sainte, dans le quartier juif. Avner est un jeune marin qui livre du poisson dans un monastère. Lors d’une de ses livraisons, il tombe en pâmoison devant une icône. Cette représentation le laisse sans voix mais l’interroge, lui qui est élevé dans l’interdiction de la représentation du divin. Il ne comprend pas comment on peut réaliser un objet aussi merveilleux.

Il veut en savoir plus sur cet art, le père supérieur du monastère lui délivre donc le secret de ces icônes : « Il ne s’agit pas d’un portrait mais d’un objet sacré. On ne peint pas une icône, on l’écrit, et on ne peut le faire qu’en ayant une foi profonde », lui assène-t-il. Toutefois, le père du monastère se trompe, Avner aura beau renier sa foi juive, se convertir, il ne parviendra jamais à croire aux textes sacrés, mais il réalisera les plus belles icônes de son temps.

Dépassant les préjugés, il voit l’Homme dans toute sa nature, aussi bien ses défauts que ses qualités, et c’est ce qu’il n’aura de cesse d’ « écrire ».

Ce récit, d’une intensité réelle, nous livre le portrait d’un homme, d’une société, mais constitue surtout une ode à l’art, à l’évocation d’une autre époque, dans un espace et un temps où la foi domine la pensée.

Avner se lance dans une entreprise hors du commun : apprendre à lire les Hommes.

À travers un voyage initiatique qui le mènera de monastères en monastères, dans tout le Proche-Orient, avec l’aide de Mansur, le marchand ambulant musulman, il va se faire une réputation, jusqu’à devenir le plus grand iconographe de Palestine, mais cette reconnaissance a un prix, si son talent est reconnu, il se fait également des ennemis ; car il ose reproduire les visages d’êtres humains, et non de saints…

Son message est évident : dans chaque homme, femme, être humain, peu importe sa religion, il y a du divin, car œuvre de dieu… Il n’y a rien de mystique dans ce récit, juste une évidence qui fait du bien…

Les êtres humains sont tous des êtres exceptionnels à qui veut lire leur âme, et Avner, grâce à son talent, sait peindre cette âme… Voilà pourquoi son œuvre est si forte.

Mais quel sort réserve les Hommes à cet artiste, qui ne répond à aucun dogme et qui pour certains défie les règles sacrées de l’Église, voire de Dieu ?

Il faut lire ce récit de Metin Arditi, écrivain francophone d’origine turque qui, avec un talent inouï, nous entraîne sur les routes de Palestine à la découverte du talent d’Avner, qui nous fascine encore presque mille ans plus tard. Un artiste à découvrir, un romancier qui dans une langue sensible, nous conte ce destin ; une réussite. Ce récit touchera toutes les âmes sensibles à l’art, à la passion d’un homme qui va au-delà des croyances pour assouvir sa passion, son destin, celui de donner vie et âme à ses semblables…

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