Azor

Publié le 30/01/2019

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La comédie musicale et l’opérette sortent de leur réclusion et, mises au goût du jour, investissent de plus en plus les salles de théâtre. La compagnie « Quand on est trois » sort de l’oubli Azor, une « opérette en trois actes », créée en 1932 au théâtre des Bouffes-Parisiens.

C’est une réussite qui connaît déjà un franc succès et qui, c’en est sûr, devrait être souvent reprise.   Le choix d’Azor, parmi la floraison de ces comédies du Paris de l’entre-deux-guerres qui avait besoin de s’étourdir, est judicieux, tant livret et musique collent à notre époque !

Les personnages et les situations, campés par Albert Willemetz et Raoul Praxy échappent à la traditionnelle inspiration des vaudevilles : domination masculine, épouses idiotes trompées, petites femmes faciles… Quant à la musique signée Gaston Gabaroche, célèbre chansonnier entouré de Pierre Chagnon et Fred Pearly – l’œuvre est vraiment collective – elle s’était adaptée à l’irruption du jazz et à un rythme effréné d’avant-garde. 

Le héros est un commissaire de police du quartier d’Auteuil. Gentil garçon assez naïf, idéaliste et poète qui porte le nom de son chien, Azor. À cette époque, les fonctionnaires des ministères, pour renflouer un salaire médiocre, s’adonnaient souvent à la littérature et l’absentéisme des « ronds de cuir » étant toléré, écrivaient pour le théâtre. Assisté de policiers branquignolesques, Azor ne brille pas par ses performances en faveur de l’ordre public, trop occupé à régler le désordre de sa vie sentimentale…

Séducteur malgré lui, il est harcelé non seulement par une femme mariée hystérique – mais par « Cloclo la Panthère », une voleuse à la tire séduite par sa verve poétique – et obsédé par la conquête d’une jeune oiselle dont il est tombé amoureux. Le voici donc poursuivi par un mari jaloux, aux prises avec la bande du redoutable « Kiki-Le-Frisé », et perdu dans un bal costumé que donne le ministre de la Justice. Et qui mène cette cavalcade effrénée ? Trois femmes au caractère bien trempé, assumant tout naturellement leur liberté et menant par le bout du nez le « genre » masculin !

La compagnie « Quand on est trois », composée de Pierre Méchanik, Gilles Bugeaud et Emmanuelle Goizé, après une suite de spectacles de cabaret ou théâtre musical, créations originales ou répertoire relooké, toujours marqués par la fantaisie et l’humour, a trouvé ici une pépite à la mesure de sa créativité joyeuse. La mise en scène de Stéphan Duret, sous haute tension, reste bien maîtrisée. On court beaucoup, on s’invective, on s’amuse franchement sans verser dans le sentimentalisme ou l’attendrissement. L’autorité fait place à la complicité, flics et malfrats, poules et poulets – comme on disait alors – tous égaux devant le débandade. La dérision est élégante, la malice piquante.

Et puis il y a la musique, sous la direction du talentueux Emmanuel Bex, qui assure les arrangements du spectacle. Elle garde la ligne mélodique de la partition originale, mise au rythme et tempo du jazz ou du swing des années 1930, le tout assaisonné de pop rock psychédélique. L’orchestration, qui fait appel à la guitare électrique, la batterie, le piano et un orgue Hammond est remarquable.

Mistinguett, Maurice Chevallier, Mayol, Damia, Dranem… toutes les gloires de l’époque chantaient les compositions de Gabaroche et Praxy, comme pour oublier les guerres, les grandes, l’ancienne et celle à venir… Nos temps, moins dramatiques, sont cependant bien moroses, il faut alors se « ragaillardir » !

LPA 30 Jan. 2019, n° 142e9, p.15

Référence : LPA 30 Jan. 2019, n° 142e9, p.15

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