Balade estivale sur la Riviera vaudoise

Publié le 10/08/2018

Assurément le terme de « riviera » ne s’applique pas uniquement à la Côte d’Azur ; preuve en est notre visite dans le canton de Vaud en Suisse où les communes entre Lausanne, Montreux et Vevey bénéficient d’un climat méditerranéen qui leur permet d’être appelées la « Riviera vaudoise ». Et les palmiers de Montreux n’ont rien à envier à ceux de la Croisette !

De romantiques promenades

Il est merveilleux de se promener le long du lac Léman, et par beau temps, le spectacle est vraiment grandiose : des bourgs historiques aux fontaines chantantes, des hôtels emblématiques de la Belle Époque aux allures majestueuses et grandioses, des sommets enneigés toute l’année qui se reflètent dans les eaux profondes du lac, des vignobles accrochés à flanc de collines et classés au patrimoine mondial de l’Unesco.

Pour vous transporter un siècle en arrière, n’hésitez pas à faire un tour du lac ou à rejoindre tel ou tel point d’accostage de la côte avec l’un des 8 bateaux de la flotte CGN. Vous les entendrez venir de loin avec leur corne de brume qui déchire le bleu du ciel.

Si vous aimez marcher (à défaut, il existe le « train des vignes » qui peut vous conduire sur les hauteurs), abandonnez le lac et remontez dans le proche vignoble. Posé sur des terrasses et entouré de petits murets en pierre datant du XIIe siècle, le vignoble de Lavaux est composé de très petites parcelles avec principalement du mono-cépage, le Chasselas. Classées en AOC, ces vignes du Lavaux donnent de bons vins blancs secs et minéraux et il est de coutume d’aller prendre au Domaine Bovy, par exemple, un petit verre en guise d’apéritif pour jouir du paysage à 360°.

Gros plan sur le monde de Chaplin

Proche de Vevey en Suisse, le Chaplin’s world est un musée où les adultes revivront avec nostalgie la vie du Vagabond et où les petits s’amuseront de la scénographie interactive.

Charlot ouvrier en bleu de travail, Charlot la moustache carrée vissée sous le nez pour singer Hitler, Charlot coiffeur en blouse blanche, Charlot funambule en redingote noire, chapeau melon et canne en bois ; mais toujours Charlot bouffon prompt aux pantomimes.

Comme pour Tintin, de 7 à 77 ans, vous ne pouvez être que séduit par les emblématiques farces et mimiques qui n’ont pas pris une ride et par le bonheur de retrouver des séquences de films qui ont bercé votre enfance. La machine des Temps Modernes, la cabane de La ruée vers l’or, le ballon mappemonde du Dictateur, la danse des petits pains : autant de scènes devenues mythiques et qui témoignent bien du fait que Charlie Chaplin est le père du cinéma hollywoodien.

Le musée Grévin comme fil conducteur de la scénographie

Aux côtés de la Compagnie des Alpes, leader européen des loisirs, c’est le musée Grévin qui a mis en scène toute la vie de Chaplin à Corsier-sur-Vevey, et son œuvre. Logique pourrait-on dire car seuls 7 ans séparent les naissances de Chaplin et du musée Grévin. C’est à Grévin qu’Émile Reynaud présente pour la première fois le film d’animation Les pantomimes lumineuses. Or quoi de plus cher au cœur de Charlot que les pantomimes et le bonhomme de prendre, toute sa vie durant, des gestes, des allures, une démarche exagérée pour faire rire ou émouvoir. En transgressant les ficelles du tragique et en déroulant celles du comique, le Vagabond a donné ses lettres de noblesse au muet et à l’art du comique.

À la découverte de l’homme dans son manoir

Aux côtés des studios reconstitués, le visiteur peut s’imprégner de la vie intime du cinéaste car « sa » maison se visite et de nombreux objets lui ayant appartenu sont exposés. Acheté alors que son épouse attendait son cinquième enfant, ce manoir retrace la vie simple d’un homme qui fut enfin heureux, ici, pendant 25 ans, après les importantes vicissitudes de son existence. De l’enfance d’errance à la vie de music hall en passant par des divorces pénibles et ultra-médiatisés, des accusations politiques erronées, un refus de vivre aux États-Unis, rien de tout cela ne transparaît. Seul demeure ici le bonheur d’une vie calme, la paix d’un homme « comme les autres » avec sa femme Oona et ses huit enfants autour de jeux facétieux dans la maison ou le parc.

La demeure de Chaplin.

Fondation Oskar Kokoschka / 2018 ProLitteris, Zurich. Photo Julien Gremaud

Néanmoins, malgré une vie familiale animée, l’artiste était resté le même qu’à l’époque hollywoodienne, à savoir un travailleur acharné. « Travailler c’est vivre et j’aime vivre », disait-il. 81 films écrits et produits, 26 récompenses et distinctions, un anoblissement par la reine Elisabeth II en 1975, la plus longue standing ovation (12 mn) de la cérémonie des Oscars : la vie du petit saltimbanque n’a été qu’une suite de rebondissements rocambolesques à l’image de ses films. Seule la vie à Corsier-sur-Vevey témoigne d’une certaine sérénité et c’est pour cela que comme 500 000 visiteurs déjà depuis l’ouverture en avril 2016, on se plaît à venir vivre quelques instants auprès du regretté Charlot.

LE fameux melon

Fondation Oskar Kokoschka / 2018 ProLitteris, Zurich. Photo Julien Gremaud

« En selle : Kokoschka et les équidés » : la nouvelle exposition du musée Jenisch de Vevey témoigne de la fascination qu’exerce sur lui les équidés.

Des chevaux, des ânes, des centaures, des amazones, des licornes, des pégases : tout un bestiaire équin est là, noirci sur les feuilles de dessin.

Oskar Kokoschka (1886–1980) était en effet un artiste autrichien fasciné par les équidés et en particulier les chevaux, qu’il a très souvent représentés. Ici, ils sont montés par des cavaliers, ils sont au cœur de batailles ou plus paisiblement dans des scènes rurales, ils tournent sur la piste d’un cirque…

D’origine tchèque, ce peintre a été l’emblème des Expressionnistes qui se sont formés autour du groupe « Der blaue Reiter » fondé à Munich en 1911. Avec beaucoup d’émotion, on peut voir des pièces ayant appartenu à l’artiste : chevalet, boîtes de peinture, godets, pinceaux, commode et table de travail ainsi que divers objets de curiosité comme ceux des cabinets d’antan, témoins de l’intérêt hétéroclite d’Oskar Kokoschka pour l’art.

Néanmoins, ce qui prime avant tout dans cette exposition temporaire, c’est le cheval incarné sous le crayon rapide et vif, l’équidé synonyme de vivacité et de mouvement ; autant de valeurs maîtresses que l’artiste a défendu pour son art.

C’est à l’instigation de la veuve de Kokoschka qu’a été créée à Vevey la fondation Oskar Kokoschka, collection qui recouvre plus de 2 300 œuvres (peintures, aquarelles, dessins, lithographies). La fondation dispose depuis 2012 d’un espace de présentation de certaines œuvres au musée Jenisch.

Le château de Chillon

Le château de Chillon.

Fondation Oskar Kokoschka / 2018 ProLitteris, Zurich. Photo Julien Gremaud

Avec plus de 405 000 visiteurs en 2017, Chillon, le château médiéval posé sur le Léman, est un monument historique, un petit bijou que la planète entière vient admirer.

Protection naturelle de par sa situation sur un îlot rocheux, emplacement stratégique entre le nord et le sud de l’Europe, Chillon intéressera autant les enfants (légendes et prisons à l’appui, même si les instruments de torture ont disparu !) que les adultes (l’ensemble couvre les 3 grandes périodes de l’histoire savoyarde, bernoise et vaudoise).

Entre l’histoire de la Suisse ou plutôt des Bernois qui conquirent le pays de Vaud au XIVe siècle et la prison de François Bonivard (1493-1570) rendue célèbre par le poète Lord Byron dans son poème Le prisonnier de Chillon ; vous ferez des sauts de siècles en siècles au gré des escaliers, du chemin de ronde, des entrepôts, des salles à coucher des Ducs de Savoie et des tours de garde.

Picasso : Lever de rideau, l’arène, l’atelier et l’alcôve au musée Jenisch

« L’art est fait pour réveiller les gens, les obliger à comprendre le monde dans lequel ils vivent, un monde pas comme ils croient », affirmait Picasso obsédé par une seule ambition : voir et faire voir.

L’exposition voulue ici est placée sous l’enseigne du théâtre et du désir du spectateur dans l’attente du rideau qui se lève.

Dès 1905, Picasso, par sa série des Saltimbanques, s’intéresse à l’univers du spectacle et en 1968, ses planches érotiques de la Suite des 347 prouvent encore que ce thème est cher au cœur de l’artiste.

Prêts extérieurs de collections prestigieuses, dépôts de la fondation Werner Coninx et de la fondation Jean et Suzanne Planque ; les estampes de Picasso témoignent de 60 ans de création.

De La piste aux étoiles au sable brûlant des Arènes il n’y a qu’un pas vite franchi par le crayon de l’artiste et les prouesses du cirque de se mêler aux ballets des taureaux, des chevaux et des toreros. Le cirque, la corrida sont omniprésents, spectacles où la mort rôde, où la mort a le rôle principal, où le spectateur s’identifie tantôt à la bête tantôt à l’homme.

On sent que l’artiste est fortement influencé par Les métamorphoses d’Ovide et bien sûr le Minotaure se retrouve au cœur de nombreuses compositions. La dualité entre Picasso et la bête dans toute sa monstruosité est sous-jacente : monstruosité de création, de passion, de violence, de tendresse…

Le thème du Minotaure, récurrent.

Fondation Oskar Kokoschka / 2018 ProLitteris, Zurich. Photo Julien Gremaud

Dans la troisième partie de l’exposition, l’alcôve, s’exhibent les jeux amoureux. L’amour est ici représenté de manière crue, voire bestiale : la sexualité vitale et débordante de Picasso embrasse celle obsessionnelle de la création picturale. Chez lui l’érotisme est susceptible d’engendrer l’œuvre, de générer la création ; même si les estampes ici présentées sont celles d’un homme de plus de 87 ans.

LPA 10 Août. 2018, n° 137s8, p.12

Référence : LPA 10 Août. 2018, n° 137s8, p.12

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